Terre-neuvas

Les terre-neuvas sont les pêcheurs qui, du XVIe siècle au XXe siècle, partaient chaque année des côtes européennes pour pêcher la morue sur les grands Bancs de Terre-Neuve, au large du Canada. Ces pêcheurs étaient majoritairement français mais également basques espagnols, portugais et anglais. Cette pêche a pris fin à cause de la raréfaction du poisson à la fin du XXe siècle due à la surpêche.

Pour les navires utilisés par les terre-neuvas et quelquefois aussi appelé terre-neuvas, voir Terre-neuvier.

Terre-neuvas dans le port de Saint-Servan (1916)
La pêche de la morue à Terre-Neuve en 1858
Station de pêche française, Conche, Terre-Neuve, 1859.

Par extension, le nom de terre-neuvas est aussi donné aux pêcheurs qui ont pratiqué une pêche similaire sur les bancs d'Islande (en Bretagne, ces derniers sont appelés « islandais »).

Cette pêche représenta une activité économique importante pour les populations du littoral français. Saint-Malo et Fécamp, ainsi que Granville devinrent d'importants ports de terre-neuvas.

Cette pêche entraîna la colonisation et le développement de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, situé à proximité immédiate des bancs, dont le port de Saint-Pierre servait de port de relâche et d'approvisionnement aux navires de pêche.

Historique

Lancée dès le milieu du XVIe siècle[1],[2], elle connut son apogée entre 1820 et 1840, avec plus de 10 000 pêcheurs français partant chaque année sur les bancs de Terre-Neuve et le long de la côte française de Terre-Neuve, ce chiffre descendant à 10 000 à la fin du XIXe siècle[pas clair][3]. La pêche intensive avec des moyens modernes conduisit à une quasi-disparition de la ressource en morue et à une interdiction de pêche par les autorités canadiennes. A Fécamp, premier port morutier français d'après-guerre, la pêche dans les eaux de Terre-Neuve prend fin en 1987[2].

Type de pêche

Vaisseau de pêche sur la côte française de Terre-Neuve en 1820.
La pêche de la morue à Terre-Neuve en 1858 : habitations et ateliers

On distinguait deux types de pêche à la morue de Terre-Neuve :

  • La pêche à la morue sèche[3]. Elle se pratiquait le long des côtes de Terre-Neuve à l'abri des vents et des courants. Les navires partaient d'Europe avec une centaine d'hommes, et mouillaient dans un havre de la côte de Terre-Neuve. Les marins construisaient à terre des installations sommaires pour stocker et préparer le poisson mais également y vivre. Ils partaient ensuite à la pêche en chaloupe et au filet, le poisson ramené à terre chaque soir était préparé, salé et laissé sécher à l'air sur les grèves (appelées graves) d'où son nom. Séché ainsi, le poisson pouvait se conserver beaucoup plus longtemps et donc une fois de retour en France, être exporté, principalement vers le bassin méditerranéen. Cette pêche était également moins éprouvante pour les hommes qui vivaient à terre entre les journées de pêche. Le travail à terre était réalisé par les « peltas » ou « graviers » recrutés dans l’arrière-pays des ports morutiers. Leur vie était dure. Les Français, principalement les Bretons et Normands, occupaient la côte nord-est de Terre-Neuve, la côte française de Terre-Neuve les Basques, les Anglais et les Portugais se partageant le reste du littoral. Les droits de pêche français sur la côte de Terre-Neuve cessèrent en 1904.
  • La pêche à la morue verte dite aussi « pêche errante »[3] : elle se pratiquait au large sur les bancs. Les navires partaient pour une saison de pêche de 6 à 7 mois avec des équipages de 20 à 30 hommes. La technique de pêche évolua au fil du temps. Au début, les pécheurs tiraient des lignes le long du pont du navire, puis au début du XVIIIe siècle, ils tendirent des lignes à partir de chaloupes, remplacées vers 1873 par des doris, bateaux à fond plat plus manœuvrables et plus facilement empilables sur le pont. Une fois le bateau arrivé sur les bancs, les doris étaient mis à la mer avec deux hommes d'équipage et pêchaient toute la journée à la ligne dérivante ; les hameçons étaient la plupart du temps amorcés avec des bulots, qui étaient pêchés et décoquillés à l'arrivée sur les bancs. Une fois le produit de la pêche remonté à bord du terre-neuvier, le traitement de la morue était organisé et rapide, chaque tâche étant répartie : les « piqueurs » vidaient, « les décolleurs » lui coupaient la tête et les tripes, et les « trancheurs » fendaient la morue en deux et lui enlevaient l'arête dorsale. Le poisson était ensuite envoyés en cale où les « saleurs » le salaient et l'empilaient. Le métier de terre-neuvas était un métier très éprouvant pour les hommes, travaillant à découvert sur le pont dans des conditions météo très difficiles, dans le froid et l'humidité. La mortalité et les pertes de navires étaient importantes en raison d'accidents à bord, des pertes de doris dans la brume, de tempêtes ou de rencontres avec des icebergs... Après la guerre, la pêche évolua vers la pêche au chalut avec le remplacement des voiliers par des chalutiers à moteur. Le dernier voilier terre-neuvier, le René Guillon, s'arrêta en 1951. La fin des années 1960 vit l'arrivée des bateaux-usines avec une mécanisation de la préparation du poisson en cale.

À partir des années 1780 une nouvelle technique se développa et devint prédominante : la pêche au moyen de lignes dormantes nommées harouelles.

Déroulement des campagnes de pêche

Les équipages sont recrutés de fin novembre jusqu'à début janvier[4] pour un appareillage à partir de la fin février[5] jusqu'à la mi-mars[6]. Le moment de l'appareillage est l'occasion de fêtes et de processions, comme à Saint-Malo à partir de 1926[7].

Conditions de vie

Équipage de Terre-Neuvas : le "Marcella", en 1938, à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Différents rôles étaient attribués au sein de l'équipage : lieutenant, maître de pêche, pêcheurs, radio, cuisinier. Les rôles de capitaine et maître saleur étaient occupés par des personnes expérimentées[8].

Des enfants et adolescents étaient employés comme graviers pour assurer le séchage des morues sur les graves, les terrains caillouteux du rivage[9] et exploités de manière éhontée[10].

Les "chasseurs de morue"

Les "chasseurs de morue" étaient des goélettes commandées par des capitaines au cabotage ou au long cours, qui partaient prendre des cargaisons de sel, souvent au Portugal, arrivaient fin mai en mer d'Islande ou dans les parages de Terre-Neuve, apportant aux goélette de pêche un supplément de sel et ramenant en échange le produit des premières pêches, le plus souvent dans les ports de Bordeaux, La Rochelle, Nantes ou Saint-Malo[11].

Cartes

Notes et références

  1. L'association Mémoire et Patrimoine des Terre-Neuvas possède un rôle d'équipage datant de 1554 de Plouër-sur-Rance pour la pêche à Terre-Neuve.
  2. Musée des pêcheries, « Les pêcheries-Musée de Fécamp »,
  3. "L'épopée des Terre-Neuvas", Le Pays malouin, .
  4. (Josse et al. 2010, p. 120)
  5. (Querré et al. 1998, p. 95)
  6. (Josse et al. 2010, p. 143)
  7. (Josse et al. 2010, p. 141)
  8. (Josse et al. 2010, p. 207)
  9. Il y a un siècle, les petits métiers de la mer de Georges Berteau, éd. Ouest France, 2011, page 63 à 66.
  10. Alexis Gloaguen, Le calvaire des graviers de la Grande Pêche, revue "ArMen 227, novembre-décembre 2018
  11. Description des "chasseurs de morue" parue en 1919 dans "Rapport sur le développement économique du département des Côtes-du-Nord", cité par André Le Pape et Jacques Roignant, "1850-1950. Un siècle de navigation au cabotage en Bretagne", Nature et Bretagne, Spézet, 1995, (ISBN 2-8525708-1-5)

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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