Taupe d'Europe

Talpa europaea  Taupe, Taupe commune

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La Taupe ou Taupe d'Europe (Talpa europaea) est un petit mammifère fouisseur de la famille des Talpidés (Talpidae), qui vit sous terre dans les sols humides et meubles, en se signalant par des monticules de terre, les taupinières. Comme les autres espèces des taupes, elle est considérée comme un ravageur des cultures bien qu'elle contribue à l'aération du sol et à éliminer les larves d'insectes ou les limaces. Mais elle se nourrit principalement de vers de terre qui, eux, sont très utiles.

Dénominations

Description

Patte antérieure polydactyle - MHNT
Vue détaillée de l'articulation d'une patte antérieure - UPMC
Taupinières
Portrait - MHNT
Forme albinos

La taupe d'Europe est un animal de 15 à 20 cm de long pour une masse de 60 à 140 g. Son corps est cylindrique. Il est couvert d'une fourrure faite de poils sombres (gris à noir), très souples et très denses, dont l'implantation est perpendiculaire à la peau, ce qui permet à la taupe d'avancer ou de reculer facilement (un mètre par seconde) dans la galerie, ses poils se couchant selon le sens de progression[6],[7].

La tête porte des yeux minuscules qui perçoivent mal les formes, mais assez bien les mouvements, ce qui contredit l'expression « myope comme une taupe » (expression qui correspond mieux à la Taupe aveugle[8]). Ses oreilles sont dépourvues de pavillon auditif externe et lui assurent une ouïe développée. Le museau pointu, terminé par un boutoir soutenu par un os spécial, est un organe tactile et fragile qui n'est pas utilisé pour creuser.

Les pattes antérieures polydactyles, recouvertes de corne, sont adaptées au creusement : munies de 6 doigts, elles ont un faux pouce, caractère évolutif utile qui n'est pas un doigt supplémentaire, mais provient du développement d'un os du poignet[9]. À la différence des doigts véritables, composés de plusieurs segments, le faux pouce est d'un seul tenant, comme une lame. Une nouvelle étude[Laquelle ?] a révélé qu'il se développe plus tard que les autres doigts mais tient son origine du même marqueur génétique. Les doigts, munis de griffes puissantes, sont réunis par une membrane, presque jusqu'aux ongles, formant une sorte de pelle, renforcée par un os particulier, l'os falciforme, ce qui permet à la taupe de creuser 20 mètres de galerie en une seule journée[10]. Les membres postérieurs sont munis d'une sorte de protubérance aidant également au fouissement.

Biologie

Elle voit mal les formes mais discerne assez bien les mouvements, ce qui la rend vulnérable en surface mais pas en sous-sol. Elle entend parfaitement. Elle est dotée d'un odorat très puissant capable de repérer un ver de terre ou une cochenille dans plusieurs centimètres de terre. Son sens tactile (frotteuse) est très développé par les vibrisses, poils tactiles présents sur le museau, les pattes antérieures et la queue, ainsi que par l'organe d'Eimer situé à l'extrémité du museau, ainsi nommé car Theodor Gustav Heinrich Eimer avait isolé ce système sensoriel pour la première fois en 1871 sur le nez de la taupe[11].

La taupe possède dans ses globules rouges un type particulier d'hémoglobine, capable de transporter des quantités de dioxyde de carbone bien plus importantes que chez la plupart des animaux, ce qui lui permet non seulement de supporter un milieu confiné pauvre en oxygène et riche en CO2, mais également de respirer à nouveau l'air qu'elle a elle-même expiré, lui conférant une grande autonomie respiratoire (avec en plus des poumons très importants proportionnellement aux autres mammifères) lors de ses séjours souterrains.

Habitat et répartition

La taupe est présente dans les zones tempérées d'Europe et d'Asie. Son aire de répartition s'étend à l'ouest de la Grande-Bretagne et l'Espagne, et vers l'est à travers l'Europe continentale, jusqu'aux cours d'eau Ob et Irtych, en Russie asiatique. Et du sud de la Finlande, au nord de la Grèce et jusqu'à Istamboul, en Turquie. On trouve aussi la Taupe européenne sur de nombreuses îles de la Baltique et autour de la côte britannique, mais elle est absente d'Irlande, d'Islande, des îles de la mer du Nord et des îles méditerranéennes (à l'exception de Cres dans le nord de l'Adriatique). Elle fréquente les altitudes comprises entre le niveau de la mer et 2 400 m[12].

Comportement et reproduction

La taupe est un animal peu sociable qui vit seul, en général dans des galeries souterraines qu'elle creuse et où elle trouve sa nourriture constituée d'animaux divers du sous-sol : lombrics (90 % de son régime alimentaire), cochenilles (5 % en hiver), larves et insectes fouisseurs (ver blanc...), limaces, etc. Elle mange près de la moitié de son poids en une journée et meurt d'inanition en moins de douze heures de jeûne[13]. Lorsqu'il fait très sec, elle fait des réserves de vers de terre (plusieurs centaines stockées dans une galerie) qu'elle paralyse en les mordant au niveau d'un anneau derrière la tête, pouvant les stocker ainsi l'hiver (au printemps suivant, les tissus non consommés des lombrics se regénèrent et les lombrics sortent de leur léthargie)[14].

La taupe vit dans son réseau de galeries complexe, qui comprend des galeries profondes (à 15-25 cm de la surface) plus permanentes, et un réseau de galeries temporaires (en ramification aléatoire ou en étoile), superficielles (dans les premiers centimètres du sol) qui sont les galeries de chasse, ainsi que des galeries dites de surface, non réutilisées, plutôt utilisées par les mâles à la recherche de femelles. Les taupinières correspondent à des points d'évacuation de la terre (contrairement au campagnol terrestre qui débouche en biais celui de la taupe est bien vertical). Les galeries périphériques aux extrémités des territoires sont généralement communes à plusieurs animaux, ce qui explique la recolonisation par de nouvelles bêtes (taupes, rongeurs) en cas d’abandon par son occupant. Le nid est généralement le simple élargissement d'une galerie profonde en un lieu qui assure le maintien de la température dans des limites acceptables. La taupe creuse en moyenne 200 m de galeries. Sa zone de chasse varie de 600 à 900 m2.

Une fois que la taupe a fini son réseau de galeries, elle devient plus discrète et les taupinières sont plus occasionnelles (à l'entrée de l'hiver à cause du froid notamment).

La reproduction donne lieu en général à une seule portée par an (plus rarement deux), de quatre à six petits. La gestation dure quatre semaines et l'allaitement environ six semaines. Au bout de deux mois, les jeunes quittent le nid, souvent en surface, et sont alors une proie facile pour leurs prédateurs (serpents, rapaces, mammifères de type fouine, putois, rat, renard). La saison des amours (l'activité sexuelle des mâles débute en décembre, l'accouplement a lieu de février à mars) et l'éducation des petits est la seule période où la taupe côtoie ses congénères.

Sa longévité théorique est de l'ordre de 10 à 20 ans, mais dans la nature l'usure prématurée de ses dents, due à la terre et au sable contenus dans les lombrics qu'elle mange, limite en général cette espérance de vie à moins de 5 ans[15],[16].

Interaction écologique

Le travail des taupes contribue à aérer le sol et à brasser la terre. En outre, c'est l'un des rares prédateurs de certains vers et larves nuisibles pour le jardin (vers blancs de hanneton, limaces, etc.).

Classification

Cette espèce a été décrite pour la première fois en 1758 par le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778).

Classification plus détaillée selon le Système d'information taxonomique intégré (SITI ou ITIS en anglais) :
Règne : Animalia ; sous-règne : Bilateria ; infra-règne : Deuterostomia ; Embranchement : Chordata ; Sous-embranchement : Vertebrata ; infra-embranchement : Gnathostomata ; super-classe : Tetrapoda ; Classe : Mammalia ; Sous-classe : Theria ; infra-classe : Eutheria ; ordre : Soricomorpha ; famille des Talpidae ; sous-famille des Talpinae ; tribu des Talpini ; genre Talpa[17].

Traditionnellement, les espèces de la famille des Talpidae sont classées dans l'ordre des Insectivores (Insectivora), un regroupement qui est progressivement abandonné au XXIe siècle[18].

Liste des sous-espèces

Selon Mammal Species of the World (version 3, 2005) (22 octobre 2015)[18] et Catalogue of Life (22 octobre 2015)[19] :

  • sous-espèce Talpa europaea cinerea Gmelin, 1788
  • sous-espèce Talpa europaea europaea Linnaeus, 1758
  • sous-espèce Talpa europaea velessiensis Petrov, 1941

La taupe et l'homme

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Agriculture, Jardins

Taupe et taupinière

La taupe est souvent considérée comme un animal nuisible par les jardiniers et les agriculteurs à cause des monticules de terre rejetés en surface ou les dégâts causés aux cultures. Ce qui n'est pas tout à fait vrai, comme indiqué plus haut, ses taupinières rendant plus fertile le sol. Traditionnellement la taupe était donc un hôte à éliminer, cependant il est possible de coexister avec des taupes surtout dans des jardins.

Il faut aussi noter que le campagnol terrestre fabrique des taupinières comparables à celles de la taupe. Avant de lutter, il faut donc d'abord identifier l'inclinaison du conduit de la taupinière (vertical pour la taupe, incliné pour le rongeur)[20]. La Taupe commune peut aussi être confondue avec une musaraigne-taupe, le Desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus) ou la Taupe dorée.

Lutte préventive

  • Protection mécanique, par construction de murs ou la pose de grillage à une profondeur d'au moins 60 cm.
  • Protection par répulsifs :
    • chimique, par l'introduction dans les galeries de substances répulsives pour les taupes, comme du goudron, des boules de naphtaline (cancérigène) ou le paradichlorobenzène ;
    • végétal : plantation d'euphorbe épurge (Euphorbia lathyris), appelée aussi herbe-à-la-taupe, d'Incarvillée, de tourteau de Ricin, de purin de sureau, de bulbes à odeur forte tels qu'ail, oignon, jonquille ou fritillaire ;
    • animal : éloignement de la taupe par introduction de babeurre, d'une touffe de poils de chien dans le conduit vertical de la taupinière (peine perdue s'il s'agit d'un campagnol !).
  • Protection avec des appareils à vibrations (bouteille plastique ou boîte de conserve fichée sur un tube enfoncé dans la galerie d'une taupinière) ou ultrasons (anti-taupe électronique à piles, à énergie solaire).

Méthodes destructives

Plusieurs méthodes sont pratiquées :

  • destruction directe, par déterrage à la bêche, méthode assez aléatoire ;
  • piégeage : il existe plusieurs modèles de pièges qu'il faut poser convenablement dans les galeries, notamment les pièges métalliques, pièges tubes, les dispositifs pyrotechniques (pétard, cartouche de chasse, cartouche à blanc...) déclenchés par l'animal lorsqu'il vient reboucher la galerie ouverte ;
  • gazage qui consiste à allumer dans les galeries des cartouches destinées à saturer l'atmosphère de gaz toxiques, anhydride sulfureux (SO2) ou hydrogène phosphoré (PH3) ;
  • empoisonnement aux moyens d'appâts empoisonnés à l'aide de produit taupicides, anticoagulants par exemple, les poisons violents type strychnine étant interdits[réf. souhaitée].
  • mettre des objets coupants (ronces, tessons de bouteilles) dans les galeries des taupes, à cause de la supposée hémophilie de la taupe, dont parlent souvent les jardiniers. Cette fameuse « hémophilie » est due au fait que l’on trouve parfois des taupes mortes, le plus souvent à la suite de combats entre mâles, avec tout l’espace entre la peau et le corps rempli de sang, ou encore au fait que certains produits taupicides sont des antivitamine K inhibant la coagulation lors de saignements.

La plupart de ces méthodes sont inefficaces : entre les astuces naturelles et les produits anti-taupes (vendus dans le commerce, ils n'ont un taux de réussite que de 7 %) qui représentent en France un marché de 10 millions d’euros, les seules méthodes efficaces sont le piégeage ou le recours à un taupier professionnel[21].

Tolérance

Il est possible dans bien des cas de laisser évoluer la taupe sous la surface d'une pelouse et ailleurs dans le jardin voire dans certains champs, en enlevant très soigneusement les monticules de terre sans endommager les tunnels — et donc sans inciter la taupe à réparer, ce qui produirait de nouveaux monticules. Cette terre sera utilisée ailleurs dans le terrain.

Utilisation des peaux

La peau des taupes a autrefois en France été utilisée tannée pour la douceur de sa fourrure, mais également non tannée pour faire des bonnets serrant la tête des enfants.

La fourrure des taupes, très fine, a été utilisée, surtout dans les années 1920, pour réaliser des manteaux et des vêtements divers, mais cette mode semble passée. Il fallait de l'ordre de 800 peaux de taupe pour confectionner un seul manteau.

Ainsi à la fin des années 1880, lors d'une réunion médicale de discussion sur les déformations crâniennes, le Dr Bonnemere signale au Dr Delisle qu'en Maine-et-Loire, on met sur la tête des enfants des sortes de calottes en peau de taupe non tannée, pour maintenir les os du crâne et faciliter la pousse des dents[22].

Statut de protection

La taupe d'Europe est protégée dans certains pays, comme en Allemagne.

Langage

La mauvaise vue de la taupe a donné naissance à l'expression (impropre) « myope comme une taupe ».

Par analogie, une taupe désigne un espion du fait de son discret travail, on ne découvre la taupe que lorsque la taupinière apparait, c'est-à-dire lorsqu'une information secrète est éventée.

En argot scolaire, la « taupe » et l'« hypotaupe » désignent les classes de mathématiques spéciales et de mathématiques supérieures (voir l'article Taupin). On peut estimer que les élèves, « taupins » et « taupines », doivent travailler avec acharnement, aveuglément, comme le font les taupes sous terre. Mais le terme de taupin préexistait, désignant un soldat du génie militaire, ainsi qu'un insecte coléoptère (voir l'article Taupin).

Notes et références

  1. Meyer C., ed. sc., 2015, Dictionnaire des Sciences Animales. [lire en ligne]. Montpellier, France, Cirad. [12/05/2015].
  2. (en) Murray Wrobel, Elsevier's Dictionary of Mammals : in Latin, English, German, French and Italian, Amsterdam, Elsevier, , 857 p. (ISBN 978-0-444-51877-4, lire en ligne)
  3. Nom en français d'après l'Inventaire National du Patrimoine Naturel, sur le site Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN)
  4. Nom en français d'après l'UICN sur le site de la liste rouge de l'UICN
  5. Nom en français d'après Dictionary of Common (Vernacular) Names sur Nomen. [lire en ligne]
  6. « La taupe », sur entrenous.free.fr, (consulté le )
  7. « La taupe », sur taupiers.fr (consulté le )
  8. Philippe Blondel, S'taupons les taupes !, Larousse, , p. 9
  9. (en) C. Mitgutsch et coll, « Circumventing the polydactyly 'constraint': the mole's 'thumb' », Biology Letters, (DOI 10.1098/rsbl.2011.0494)
  10. Camilla De la Bédoyère, Claudine Azoulay, Rapide et lent, Scholastic, , p. 15
  11. (en) Joseph F. Merritt, The Biology of Small Mammals, JHU Press, , p. 36
  12. UICN, consulté le 30 janvier 2020
  13. (en) K. Mellanby, « Food and activity in the mole Talpa Europaea », Nature, vol. 215, no 5106, , p. 1128–1130 (DOI 10.1038/2151128a0)
  14. Patrick Haffner et Audrey Savouré-Soubelet, Sur la piste des mammifères sauvages, Dunod, , p. 158
  15. (en) O. Funmilayo, « Age determination, age distribution. and sex ratio in mole », Acta Theriologica, vol. XI, no 26, , p. 207-215
  16. « La Taupe », La Hulotte, vol. 7, nos 68/69, , p. 92
  17. ITIS, consulté le 22 octobre 2015
  18. Mammal Species of the World (version 3, 2005), consulté le 22 octobre 2015
  19. Roskov Y., Ower G., Orrell T., Nicolson D., Bailly N., Kirk P.M., Bourgoin T., DeWalt R.E., Decock W., van Nieukerken E.J., Penev L. (eds.) (2020). Species 2000 & ITIS Catalogue of Life, 2020-12-01. Digital resource at www.catalogueoflife.org. Species 2000: Naturalis, Leiden, the Netherlands. ISSN 2405-8858, consulté le 22 octobre 2015
  20. David Bärtschi, Sébastien Boder, Marc Di Emilio, Simon Moulinier, Alexis Pochalon, Jérôme Porchet, et Ismaël Zouaoui, « Notre dossier Taupe là! », Le bulletin de la libellule, , p. 4-9 (www.lalibellule.ch/document.php?id=105)
  21. Jérôme Dormion, Le piégeage traditionnel des taupes, Les Editions Eugen Ulmer, , 64 p.
  22. Dr Fernand Delisle, « Sur les déformations artificielles du crâne dans les Deux-Sèvres et la Haute-Garonne »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) ; Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, 1889, Vol.12 N°12 pp. 649-669 (voir page 661 de la « version PDF »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?))

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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