Système calendaire des Ballons

Le système calendaire des Ballons est une théorie de plus en plus étayée de manière empirique et scientifique sur l'existence à l'époque celtique de sites d'observation des mouvements du soleil sur des sommets cultuels pour déterminer les jours d'équinoxe et de solstice dans le calendrier tropique des Celtes autrefois établis dans la zone transfrontalière entre la France, la Suisse et l'Allemagne. Le système comprend cinq sommets portant tous le terme toponymique roman « ballon » ou germanique « Belchen ». À la suite de la découverte récente du disque de Nebra et des recherches effectuées sur les calendriers celtiques continentaux et insulaires, les études se multiplient malgré le manque de sources écrites préjudiciable. Dans ce courant de pensée, le système calendaire des Ballons est associé au système calendaire des Kapf[N 1] et au système calendaire des Plauen[N 2] également transfrontaliers autour du tripoint de Bâle-Mulhouse.

Triangle et système calendaire des Ballons : Dans les Vosges, Ballon d'Alsace (Elsässer Belchen sur le croquis), Grand Ballon (Großer Belchen) et Petit Ballon (Kleiner Belchen)

Délimitation géographique du système calendaire

Le centre de ce système calendaire se situe sur le sommet du Ballon d'Alsace (1 247 m) dans le massif des Vosges. De là, sur 73 km de distance, on trace une ligne droite vers le Schwarzwald Belchen (1 414 m) sur lequel se lève le soleil les jours d'équinoxe, marquant le début du printemps et de l'automne. Inversement, quand on se place sur le Schwarzwald Belchen en Forêt-Noire, on remarque logiquement que, les jours d'équinoxe, le soleil se couche derrière le Ballon d'Alsace. En restant sur le Ballon d'Alsace et en observant cette fois le soleil pendant le solstice d'hiver, on remarque que le soleil se lève sur la Belchenflue en Suisse. Pour connaître le jour du solstice d'été, il faut se tenir sur le Ballon d'Alsace et regarder le Petit Ballon (1 272 m) car c'est sur son sommet que se lève le soleil en hiver le 21 décembre.

En résumé, le site d'observation du Ballon d'Alsace permet de déterminer le début des 4 saisons astronomiques, mais en plus celui de la fête cultuelle Beltaine et les célébrations de la nuit du 1er mai car ce jour-là, le soleil se lève sur le Grand Ballon (1 424 m) dans les Vosges à quelques kilomètres de distance du Ballon d'Alsace. Cela dit, les experts s'accordent pour dire qu'il n'y avait à l'origine chez les Celtes que deux saisons : la saison sombre qui va de Samain à Beltaine et à l'inverse la saison claire. Un chercheur a travaillé sur les remparts d'une ancienne cité celtique à Rothenfluh qui selon lui servaient également de mire pour observer le soleil. Il a découvert que le jour de la fête de Samain, le soleil se levait sur le Ballon d'Alsace, passait par une ancienne cité celtique à Bâle (Gasfabrik), par Rothenfluh et se dirigeait vers un ancien oppidum sur le mont Kienberg.

Géographiquement, l'aire définie par les points d'observation du système calendaire se situe dans la région transfrontalière RegioTriRhena qui réunit les populations du Haut-Rhin en France, des cantons de Bâle en Suisse et de la région badoise autour de Lörrach en Allemagne.

Genèse de la théorie et interprétation

Ce sont des historiens régionaux suisses (W. EIchein et A. Bohnert) qui ont établi le lien entre les 5 ballons des massifs entourant la région transfrontalière du Rhin supérieur en se fondant sur la recherche des auteurs de référence comme, entre autres, Julius Pokorny[1] ou Françoise Le Roux[2] qui ont longtemps travaillé sur l'origine étymologique des ballons en mettant en évidence le lien étroit qui unit ces sommets au culte du dieu du soleil gallo-romain Bélénos. À partir du milieu des années 1980, ils publient les résultats de leurs travaux dans les revues, les cahiers de société d'histoire et d'archéologie[3] ou la presse régionale[4] ; plus tard, les travaux de l'archéologue cantonal, Rolf d'Aujourd'hui, sont relayés par la presse écrite et télévisuelle[5]. En combinant le système calendaire des Ballons basé sur le calendrier solaire avec le calendrier lunaire du système des Blauen (Hochblauen et Zellerblauen en Allemagne, Schweizer Blauen en Suisse), il pense arriver à démontrer les méthodes de cadastration préhistorique et de calendrier astronomique selon un système géodésique[6].

Ces chercheurs suisses sont en fait partis du principe simple que la dénomination « ballon » ne peut pas être le seul fruit du hasard, notamment dans un secteur géographiquement plutôt restreint. Ils reprennent l'idée communément admise que le terme toponymique Belchen est directement associé à Bélénos ou Bellicus[7], dieu du soleil, assimilé à Apollon ou Grannus par les Romains, leur dieu de la lumière et du printemps[8]. Divinité de lumière, du paisible et de l'harmonie[9], Bélénos est présenté dans la littérature spécialisée dans de nombreux pays européens par son qualificatif « le brillant »[8], basé sur la racine indo-européenne /*bhel/ signifiant « blanc brillant » ou le verbe *bheleg pour dire « briller »[10]. Ainsi, le Belchen serait un *belen suffixé en -akon passé en germanique, un lieu de Bel ou un lieu de lumière brillante[11]. Présenté ainsi, tout converge vers l'idée fédératrice du sommet dédié au culte de Bellicus, coordonnée dans un système calendaire pour déterminer les principales dates du calendrier tropique[12].

Comme dans le disque de Nebra où on a, dans un premier essai d'interprétation, tourné le disque vers le sommet du Brocken le jour où le soleil se lève sur ce massif du Harz qui, coïncidence ou non, tombe sur le solstice d'été, les différents observateurs des ballons font également le lien avec une autre fonction des sommets dont Bélénos est le dieu tutélaire : les cérémonies de Beltaine. Beltaine marque chez les Celtes le début de l'année que l'on fêtait par des célébrations rituelles et populaires afin de fêter le retour des journées plus longues et la renaissance de la nature. Certaines régions de France et d'Europe fêtent encore le cycle de mai comme en Belgique (Meyboom), en Bavière (Maibaum), en Normandie ou en Lorraine mosellane[13],[N 3]

Étant entendu que les Celtes n'ont légué quasiment aucune trace écrite de leur vie cultuelle, il est difficile de fonder ces théories sur des bases historiques ou archéologiques incontestables. Ceci ramène le système calendaire des Ballons au statut de supposition. Néanmoins, les différents travaux des dernières années montrent de manière empirique qu'il est possible de vérifier sur le terrain ce que les populations autochtones il y a deux millénaires ont réussi à découvrir par le seul sens de l'observation. De fait, les observations astronomiques étaient déjà courantes dans l'Antiquité ; le disque de Nebra date de l'âge du bronze, le calendrier de Coligny et les calendriers traditionnels irlandais montrent que l'observation des astres à partir de sites géographiquement favorables faisait partie intégrante de la culture celtique.

Notes et références

Références

  1. (de) Julius Pokorny, Indogermanisches etymologisches Wörterbuch, Berne, Munich, Bern Francke, (lire en ligne), p. 119
  2. André Guyonvarc’h et Françoise Le Roux, Les Druides, Rennes, Ouest-France Université, coll. « De mémoire d’hommes : histoire », , 448 p. (ISBN 2-85882-920-9), p. 237
  3. ">Walther Eichin et Andreas Bohnert, « Le système de localisation astronomique et calendaire » [« Astronomisch-kalendarisches Ortungssystem »], Jurablätter, no 2,
  4. (de) Walther Eichin et Andreas Bohnert, « Le système des ballons » Belchensystem »], Das Markgräfler Land, no 2, , p. 176
  5. (de) Télévision SRF, « Le triangle magique » Das magische Dreieck »], SRF,
  6. Rolf d'Aujourd'hui, « Ballons », Historisches Lexikon der Schweiz, (lire en ligne)
  7. Karl K. Schäfer et al., Un fleuve, trois pays, passé commun, avenir commun, Région Alsace, Publication du Congrès tripartite jeunesse-emploi-, , « Les Celtes et le triangle des ballons », p. 9
  8. CNDP, « Les Dieux gaulois », Publications du CNDP, Paris, (lire en ligne, consulté le )
  9. Henri Duquesne, L’origine philosophique du druidisme, Paris, Publibook, , 626 p. (ISBN 978-2-7483-6624-2 et 2-7483-6624-7, lire en ligne), p. 409-410
  10. (de) Günther Drosdowski, Etymologie : Herkunftswörterbuch : Etymologie der deutschen Sprache, t. 7, Mannheim, Duden, coll. « DUDEN 1-12 », , 960 p. (ISBN 3-411-04073-4 et 978-3411040735), p. 73
  11. Pierre Boyé, Les hautes-chaumes des Vosges : Étude de géographie et d’économie historiques, Berger-Levrault, , 431 p., p. 50
  12. Birte Wassenberg, « Vers une eurorégion ? : la collaboration transfrontalière franco-germanique suisse dans l’espace rhénan de 1975 à 2000 », Euroclio – Études et Documents, Bâle, Peter Lang, no 38, , p. 34 (ISBN 9052013403 et 9789052013404, ISSN 0944-2294)
  13. Philippe Martin et al. (préf. Philippe Claus, Inspecteur d'Académie en histoire-géographie), En Pays de Moselle, Nancy, CRDP de Lorraine, coll. « La Moselle, l'Essentiel », , 3e éd. (1re éd. 1994), 87 p. (ISBN 2-86627-335-4), « Les traditions d'une saison à l'autre », p. 36

Notes

  1. Le terme « Kapf » est fréquemment utilisé dans la sphère alémanique pour désigner une montagne, une colline ou une éminence à partir de laquelle on a une vue panoramique sur tous les environs. Inversement, elle est visible comme un point de repère depuis les parties qui l'entourent. La parenté avec « Kopf » est probable. En Suisse, on préfère la variante phonétique « Gupf »
  2. Les Plauen sont des sommets très proches des Ballons à partir desquels on peut tracer un triangle comme pour le système des Ballons : le centre est le Ballon d'Alsace dans les Vosges. En observant le lever et le coucher du soleil sur le « Badischer Plauen » on peut déterminer les équinoxes et avec le « Schweizer Plauen » , on obtient le solstice d'hiver. À quelques différences près, il y a donc concordance entre Ballon d'Alsace - Schweizer Belchen et Ballon d'Alsace - Schweizer Plauen, de même que le Belchen et le Plauen de Bade qui renvoient la même information à l'observateur sur le Ballon d'Alsace.
  3. Parmi ces fêtes, on a le « grand may » de Metz, le « Kronenheischen » de Sierck-les-Bains, le Maibootsche de Sarrebourg, le « Eierheischen » de Bitche ou le « trimazo » d'une grande partie de la Lorraine mosellane.
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