Sydney Warburg

Sidney Warburg est le nom de plume d'un auteur supposé. Son essai a été publié en néerlandais sous le titre De Geldbronnen van het nationaal-socialisme : drie gesprekken met Hitler (littéralement en français Les Origines financières du national-socialisme : trois conversations avec Hitler), qui évoque trois conversations entre l'auteur et Adolf Hitler. Il s'agit d'un faux avéré, publié à des fins antisémites.

Pour les articles homonymes, voir Warburg (homonymie).

Les soutiens financiers secrets de Hitler
Auteur Sidney Warburg
Pays Pays-Bas
Genre Essai
Version originale
Langue néerlandais, allemand
Titre De Geldbronnen van het nationaal-socialisme: drie gesprekken met Hitler
Éditeur Van Holkema & Warendorf's Uitg.-Mij. NV
Date de parution 1933 [?] - 1947

Description

Cet essai serait paru une première fois aux Pays-Bas en 1933 sous le titre De Geldbronnen van het nationaal-socialisme: drie gesprekken met Hitler Les origines financières du national-socialisme : trois conversations avec Hitler »), chez l'éditeur Van Holkema & Warendorf's Uitg.-Mij. NV. Il est signé Sydney Warburg, traduit par J.G. Schoup [Jean Gustave Schoup] et est rédigé en langue néerlandaise. Il n'existe aucune preuve formelle de l'existence d'une telle édition.

Le livre, en revanche, a été publié en allemand en 1947 chez un éditeur suisse, un prétendu épilogue ayant été ajouté daté .

Éditions et auteurs

Pierre de Villemarest, entre autres, a évoqué en 1984 la parution aux Pays-Bas de cet opuscule, dont l'édition aurait presque aussitôt disparu des librairies car acheté en masse dès sa sortie et traitant des ressources financières du nazisme en 1929, 1931 et 1933, apparemment rédigé par un infiltré[1] qui pourrait être d'après lui Georg Bell, agent de liaison de Henri Deterding avec les SA, ou les frères Otto Strasser et Gregor Strasser, victimes de l'épuration au sein du NSDAP un an après la sortie de l’opuscule[2].

Franz von Papen évoque le livre dans ses mémoires en recommandant sa lecture[3]. Pour Henry Coston, Otto Strasser seul en est l'auteur[4]. Henry Makow désigne James (Paul) Warburg comme le véritable auteur[5]. Selon le journaliste Louis Kilzer, James Paul Warburg serait la personne désignée dans le livre servant d'intermédiaire, qu'il en soit l'auteur ou pas[6].

Antony Sutton a recherché les rares exemplaires échappé aux mystérieux rachat de l’opuscule dès sa parution. Le British Museum lui a refusé l’accès du sien ; mais il a retrouvé un des originaux en Suisse. Sur la base duquel deux auteurs René Sonderegger et Werner Zimmernan, en rééditèrent une version en 1947. Sutton décrit le livre d'avant-guerre et un autre d'après guerre avec des commentaires ajoutés à connotations antisémites[7]. Dans sa deuxième version, avec les ajouts de fins, le livre désigne désormais parmi les financiers ayant financé ou contribué à financer le nazisme, des banquiers juifs, dont la famille Warburg. L'éditeur de la version anglophone Hitler's Secret Backers présente au contraire le livre comme un avertissement d'un membre de la famille Warburg voulant prévenir d'un déclenchement futur d'une guerre, les comploteurs étant tous non-juifs[8]. Pour l'auteur E. R. Carmin[9], le livre est un témoignage factuel de même que pour Des Griffin[10]. L'auteur Ben Peri évoque le thème dans un pamphlet[6].

Ce livre a été republié en 1983 sous le titre anglais Hitler's Secret Backers, il l'était précédemment sous le titre Financial Origins of National Socialism. Il s'agit d'une traduction en anglais faite depuis la traduction faite en Suisse du néerlandais vers l'allemand à Zurich, le , par Rene Sonderegger[11]. D'après lui, dans un écrit joint à l'édition anglaise actuelle, l'original aurait été traduit de l'anglais au néerlandais par un certain Jan Gustaaf Schoup, avec une lettre originale de Warburg l'accompagnant, mais l'éditeur néerlandais, après l'avoir imprimé et mis en vente, aurait été prévenu de l'inexistence d'un dénommé « Sydney Warburg » et l'aurait retiré de la vente pour le mettre au pilon[12].

Après la parution de l'édition suisse, l’ouvrage fit l’objet d’un démenti indigné en , sous forme de déclaration signée (un affidavit) par James Paul Warburg, puisque la banque Warburg est mise en cause dans l'ouvrage[13]. James Warburg reconnaît que « les buts de cette contrefaçon [forgery] restent obscurs, même aujourd'hui ».

Pour Jacques Attali, le Sydney Warburg en question, se faisant passer pour le fils de Felix Warburg, est un Warburg imaginaire, dont aucun membre n'a porté ce prénom de Sydney. Il vaudra à la famille de nombreux démentis et ce faux pamphlétaire paru à Amsterdam sera attribué à un journaliste néerlandais à scandale[14].

Résumé du livre

« Sidney Warburg » est d'abord présenté par le traducteur de 1933 comme étant le fils d'un grand banquier américain de la Kuhn, Loeb & Co[15]. Il décrit une réunion s'étant produite en avec un certain « Carter » (John Ridgley Carter, ayant épousé Alice Morgan) le président de J.P. Morgan's Guarantee Trust, les dirigeants de la Réserve fédérale, « le jeune Rockefeller » (John Davison Rockefeller Junior) et « Glean de la Royal Dutch » (Henri Deterding). Il fut décidé que Warburg, qui parlait allemand, devait voyager en Allemagne et demander à Hitler de combien d'argent il avait besoin pour devenir chef d'État. La seule condition était qu'Hitler devait adopter une « politique étrangère agressive ». L'intention des commanditaires de Warburg n'est pas de causer une guerre entre la France et l'Allemagne, mais bien de causer une menace de guerre sur la France afin qu'elle coopère le plus possible afin de soutenir les affaires financières des États-Unis et de la Grande-Bretagne : au total 32 millions de dollars auraient été transférés dans les caisses du NSDAP[16].

« Sydney Warburg » détaille trois réunions avec Hitler entre 1929 et 1933.

1929

La première réunion eut lieu dans une brasserie et Hitler calcula ses besoins sur une feuille de papier avec l'aide d'un certain Von Heydt. Il ressort du livre qu'Hitler aurait reçu près de 10 millions de dollars en 1929. Il s'agissait d'un montant extrêmement important en cette époque de dépression économique car les nazis donnaient de la nourriture et un abri à de nombreux sympathisants. Hitler ne fut pas prévenu de la raison de leur aide et ne le demanda pas. En une occasion il aurait demandé à haute voix si « Warburg » était lui-même juif, mais aurait rejeté l'idée avant qu'il ne puisse répondre[17].

1931

En , Warburg reçut une missive d'Hitler lui annonçant que l'intégralité des 10 millions étaient dépensés et qu'il avait besoin d'un nouveau financement[18]. De retour en Allemagne, il rencontre à nouveau Hitler à son domicile où celui-ci lui demande « 500 millions de marks pour faire une révolution ou 200 millions de marks pour faire une prise de pouvoir légale »[19]. Warburg, après avoir télégraphié à ses banquiers le message, reçoit un refus qu'il transmet. Il reçoit alors la visite de Hermann Göring et Julius Streicher et, littéralement, se fait prendre à partie par Göring qui lui reproche son avarice[20]. Après en avoir reporté à Hitler en se plaignant du comportement de son lieutenant, il reçoit une lettre d'excuse de Göring, puis la visite de Von Heydt et Gregor Strasser[20]. Il finit par leur transmettre la réponse définitive de ses commanditaires : 15 millions de dollars au maximum[21]. Le montant est divisé en trois virements: l'un chez Mendelsohn & Co., Amsterdam, où il y voyage avec Von Heydt, l'autre chez la Rotterdamsche Bankvereniging, Rotterdam, où il se rend avec Gregor Strasser, et le troisième à la Banca Italiana à Rome avec Göring[22]. À Rome, Italo Balbo et Cesare Rossi les reçoivent, lui et Göring[23].

1933

Warburg se trouve à Berlin le jour de l'Incendie du Reichstag. Le soir même, il rencontre Göring et Goebbels[23], il finit par rencontrer Hitler. En cette autre occasion Hitler lui demande s'il est juif, mais y répond lui-même encore en disant qu'il porte un nom allemand[24]. Finalement, les commanditaires de Warburg promettent à Hitler 7 millions de dollars, dont deux payables directement à Warburg via la Rhenania Joint Stock Co., la branche allemande de la Royal Dutch à Dusseldorf[11]. Le livre s'achève sur des considérations de Warburg ne prédisant rien de bon sur les conséquences de ces virements d'argent au NSDAP et sur l'accession d'Hitler au pouvoir.

Épilogue du livre

Le live se conclut par un épilogue non signé, daté «  », qui n'est pas de Sydney Warburg. Selon l'auteur de cet épilogue, 10 millions de dollars en 1929 furent virés au NSDAP depuis la banque Kuhn, Loeb & Co[25], alors que l'auteur du livre ne la cite pas nommément. L'épilogue évoque également Joseph Goebbels, qui, dans son livre-journal Von Kaiserhof zur Reichskanzlei, notait au  : « Nous sommes en train de lever des fonds importants qui résoudront tous nos problèmes financiers d'un coup ». On ignore si cette exclamation jubilatoire de Goebbels se réfère à cette hypothétique transaction évoquée ici[26].

Annexes

Notes et références

  1. Pierre de Villemarest, Les sources financières du nazisme (L'histoire telle quón ne l'enseigne pas ...), Cierrey, Ed. CEI, , 93 p. (OCLC 159805419), p. 27
  2. Pierre de Villemarest 1984, p. 28.
  3. Franz von Papen, Memoirs, New York: E.P. Dutton & Co. Inc., 1953, p. 229
  4. Henry Coston, Les causes cachées de la deuxième guerre mondiale, Lectures françaises, , 222 p. (OCLC 901918991)
  5. (en) Henry Makow, « Hitler Didn't Want World War : Illuminati Created and Manipulated Hitler », sur www.rense.com (consulté le )
  6. Ben Peri, Le grand procès des banques, Berck, B. Peri, coll. « Voir le monde tel qu'il est », , 204 p. (ISBN 979-10-90360-06-8, OCLC 762802995), p. 88-89
  7. Antony C. Sutton (trad. de l'anglais par Jean-François Goulon), Wall Street et l'ascension de Hitler [« Wall Street and the rise of Hitler. »], Aube Paris, Le Retour aux sources, , 320 p. (ISBN 978-2-35512-043-5, OCLC 810669590)
  8. Sydney Warburg, Hitler's Secret Backers, p.vi
  9. E. R. Carmin, Das schwarze Reich, Bad Münstereifel : Ed. Magus, c 1994
  10. "Sidney Warburg"/James P. Warburg Der Warburg-Bericht
  11. Sidney Warburg 2015, p. 40
  12. (en) Sidney Warburg, Hitler's secret backers : the financial sources of National Socialism, Dublin, Omnia Veritas, , 121 p. (ISBN 978-1-910220-19-1, OCLC 931002170), p. 41.
  13. (en) Lire les 9 points de réfutations, fin du chapitre 10 de Wall Street and the rise of Hitler de Antony C. Sutton, Studies in Reformed Theology, 2000 — traduit en français et publié en 2010 chez Le retour aux sources, (ISBN 978-2-355-12043-5).
  14. Jacques Attali, Un homme d'influence : Sir Siegmund Warburg, 1902-1982, Paris, Fayard, (ISBN 978-2-213-01623-8, OCLC 901645636), p. 235.
  15. Sidney Warburg 2015, p. 1.
  16. Sidney Warburg 2015, p. 31.
  17. Sidney Warburg 2015, p. 10.
  18. Sidney Warburg 2015, p. 16.
  19. Sidney Warburg 2015, p. 23.
  20. Sidney Warburg 2015, p. 25
  21. Sidney Warburg 2015, p. 27.
  22. Sidney Warburg 2015, p. 29.
  23. Sidney Warburg 2015, p. 30
  24. Sidney Warburg 2015, p. 37.
  25. (en) « U.S. bankers aided Hitler », San Jose Mercury News, 25 septembre 1982.
  26. Sidney Warburg et 2015 44.

Liens externes

Articles liés

Sur le financement du NSDAP :

Sur le complotisme :

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