Svarabhakti

La svarabhakti est une modification phonétique qui désigne l'apparition d'une voyelle d'appui dans un groupe de consonnes, visant à en faciliter la prononciation. C'est un cas d'anaptyxe. Suivant les langues, il peut s'agir d'un phénomène régulier ou d'un événement phonétique transitoire. On parle de voyelle svarabhaktique, plus rarement d'apparition svarabhaktique d'une voyelle. La voyelle svarabhaktique est en général un /ə/ ; il s'agit d'un /ə/ svarabhaktique (de même qu'il y a le /ə/ muet, le /ə/ de soutien, etc.).

Origine du mot

Svarabhakti[1],[2] vient du nom sanskrit svarabhaj désignant une voyelle qui divise un mot en deux (svara = « voyelle » et bhaj = « diviser »). Il vient de cette langue sans doute parce que le phénomène a été observé pour la première fois en sanskrit (la grammaire sanskrite est l'une des plus anciennes réflexions du monde sur la langue[précision nécessaire]).

Description du phénomène

Une voyelle svarabhaktique est une voyelle créée à cause du contexte linguistique d'un mot et qui s'interpose entre deux syllabes. Ce phénomène est dû soit à un relâchement populaire ou enfantin de la langue, soit à un contexte phonétique qui rend nécessaire l'apparition de cette voyelle. Il peut être aussi dû à l'accent du locuteur.

Ainsi, dans Si je jouais, je perdrais beaucoup d'argent, le mot perdrais sera prononcé /pɛrdərɛ/ (comme s'il était écrit perderais)[3]. L'apparition de ce /ə/ entre le /d/ et le /r/ est dû à la difficulté de prononcer trois consonnes de suite ; en outre la présence de deux phonèmes /ɛ/ qui lui ressemblent, ainsi surtout que l'analogie avec les autres formes de conditionnel en -erai (je mangerais), peuvent empêcher les locuteurs de considérer cette apparition fautive comme choquante (au contraire de perdrix, /pɛrdəri/, qui est plus facilement choquant). La raison et le repérage de cette apparition varient bien sûr en fonction des habitudes linguistiques du locuteur (voir accent).

Un tel /ə/ apparaît en général dans un contexte comprenant un /r/, et plus encore un /r/ précédent une explosive : barbant pourra en effet être prononcé par un locuteur de langue maternelle française /barəbɑ̃/ sans même que ce dernier s'en rende compte, alors que Brabant sera plus facilement prononcé correctement /brabɑ̃/, sans /ə/ svarabhaktique, le /r/ n'entrant en conflit avec aucune autre consonne.

Un autre exemple de svarabhakti se trouve dans le français de Suisse romande et de Provence, où l’on prononce volontiers /pənø/ (au lieu de /pnø/ pour pneu). Ce phénomène est d’ailleurs assez conscientisé, puisqu'il est à l’origine d’une boutade : « Pourquoi les Vaudois disent « V’vey » (et non pas /vəvɛ/, nom de la ville Vevey) ? Parce qu’ils ont gardé le « e » pour « peneu » ! »

Historiquement, c'est ce phénomène qui explique en français le remplacement, en deux étapes, de nombreux initiaux préconsonantiques par des é. (Cette évolution s'est arrêtée à la première étape en espagnol et n'a pas eu lieu en italien.) Par exemple:

  • Lat. schola → esc(h)ole → école;
    scri(be)re → escrire → écrire (et de même écriture, écritoire, écrivain, etc.)
  • Lat.pop. *stabula → estable → étable
  • Frq. *sparanjan → esparnier → épargner (cf. néerlandais et allemand sparen)

On trouve également ce phénomène dans la langue turque avec des mots d’importation comme « ski » qui, en turc, se prononce /səki/, ou même İstanbul, issu du grec (Kon)stan(tino)pol(is) (dont les habitants s'appellent en français "stambouliotes", sans svrarabhakti à l'initiale)

Le /ə/ svarabhaktique change rarement le sens du mot.

Voir aussi

Notes et références

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