Suppiluliuma Ier

Suppiluliuma ier (écrit aussi Šuppiluliuma ou Shuppiluliuma) est un roi hittite du Nouvel Empire qui régna environ de 1344 à (en chronologie courte[1]).

En , à la mort de Tudhaliya ii, l’héritier du trône, Tudhaliya III « le Jeune », est assassiné et remplacé par un prince énergique, Suppiluliuma, fils de Tudhaliya ii et frère cadet de Thudhaliya iii. Il réussit à redresser une situation militaire difficile et à sauver l’empire hittite menacé par les invasions. Son règne est notamment connu par une série de traités et par des annales, les Actes de Suppiluliuma (CTH 40), mises par écrit au temps de son fils, et deuxième successeur, Mursili II.

Vie

Localisation des régions et principales villes de l'Anatolie hittite.

Pendant les douze premières années de son règne, Suppiluliuma impose son autorité au roi d’Arzawa, soumet le pays d’Azzi (Anatolie orientale) et tient en échec les Gasgas, barbares des montagnes du Pont.

Fragment 13 de CTH 40 sur la campagne contre les gagas :

" Et tandis que mon grand-père était au pays de Kammala, mon père aussi était avec lui. Mais, sur ses arrières, l'ennemi gasga prit encore une seconde fois les armes. Et les villes dévastées, derrière lesquelles mon père avait bâti des fortifications, l'ennemi les détruisit encore une seconde fois. Mais, lorsque mon grand-père revint du pays de Masa, le pays de Kathariya et Gazzapa qui ne cessaient de détruire […] avec les biens constitant en argent, or et instruments de bronze et tout, les troupes gasgas les emportèrent. Alors mon grand-père alla vers ces villes pour les attaquer. Et les dieux marchèrent devant mon grand-père et il détruisit Kathariya et Gazzapa, et il les incendia. Et les troupes gasgas qui étaient venues toutes ensemble à la rescousse de Kathariya, les dieux marchèrent devant mon grand-père, et il vainqit les troupes gasgas. Et les troupes gasgas […] moururent en masse." (traduction J.P. Grélois d'après la transcription de Guterbock) [2]

Épisode ultérieur mentionné dans la 7e tablette de CTH 40 :

"Or, comme le Gasga tout entier était en paix, des Hittites, certains tenaient des auberges derrière les villes gasgas, tandis que d'autres (étaient) retournés au marché. Mais comme la peste (était) dans les rangs de l'armée, lorsque le Gasga (le) vit (et) les gens qui étaient retournés dans leurs villes, il les captura. Et ils tuèrent certains, tandis qu'ils (en) capturèrent d'autres. Puis l'ennemi s'avança de nuit, et ensuite il se sépara. Et les officiers qui tenaient les camps fortifiés, ils (les Gasgas) vont au combat contre tous les camps fortifiés ; et contre n'importe que1 camp fortifié, ils allèrent au combat. Et les dieux de mon père marchèrent devant les officiers, et ils les vainquirent tous. Et l'ennemi mourut en masse. Et contre les camps fortifiés de mon père, aucun ne tint. Lorsque mon père eut tué l'ennemi, l'ennemi gasga tout entier en eut peur." (traduction J.P. Grélois d'après la transcription de Guterbock)[2]

Il conduit des actions dans la région du Murad-Su, l’une des branches de l’Euphrate supérieur, afin de s’assurer la domination des mines de cuivre. Il signe un accord avec le roi du Kizzuwatna qui accepte, contre certains avantages, une sorte de suzeraineté hittite et permet l’accès direct en Syrie aux armées impériales. Maître de l’Asie Mineure et renforcé par les contingents de ses vassaux, Suppiluliuma se tourne alors vers la Syrie.

En , Suppiluliuma pénètre en Syrie du Nord, prend Alep, vassalise de nombreux États syriens et porte la frontière hittite au Liban. Suppiluliuma n’établit pas une administration directe, se contentant d’une reconnaissance de la primauté hittite.

Le roi du Mitanni, Tushratta, organise à son départ une vaste coalition réunissant Alep, Alalakh, Qatna, Qadesh et Damas. Ougarit se tient à l’écart du mouvement.

En , Suppiluliuma mène une campagne contre le Mitanni : surprenant les coalisés qui l’attendent en Syrie, il attaque d’abord l’Ishuwa ; il pille Washshukanni, la capitale d’où le roi Tushratta s’est enfui ; puis il poursuit son offensive en Syrie pour aider Ougarit ; il reprend Alep et les villes coalisées (sauf Damas). Le Mitanni ne conserve que Karkemish sur l’Euphrate. Cette dernière est prise par les Hittites en et devient la seconde ville de l'empire.

Récit de la prise de Kargamish dans la 7e tablette des Actes de Suppiluliuma :

"Mais au pays de Kargamish, Kargamish même, la ville seule, ne fit pas la paix avec lui. Et le Prêtre, mon frère, laissa alors au pays de Murmuriga 6000 hommes (et) des chars, et Lupakki, le Dizenier de l'armée, tandis que le Prêtre vint à Hattusa auprès de mon père. Mais mon père était à Uda, et il célébrait des fêtes. Et il le rencontra là-bas.

Mais lorsque les Hourrites virent le Prêtre parti, l'infanterie (et) les chars du pays hourrite viennent, et Takugli, l'amumikuni, (est) parmi eux. Et ils assiègent Murmuriga. Et à l'infanterie et aux chars de Hattusa qui (sont là), ) ils leur sont supérieurs.

Au pays de Qadesh, que mon père avait vaincu, l'infanterie (et) les chars du pays d'Egypte viennent, et ils attaquèrent le pays de Qadesh. Et on apporta la nouvelle à mon père : « L'infanterie (et) les chars qui sont dans la citadelle de Murmuriga, les Hourrites les ont encerclés ! ». Et mon père mobilisa de l'infanterie (et) des chars, et il marcha contre les Hourrites. Et Lorsqu'il fut arrivé au pays de Tegarama, il fit une revue de l'infanterie (et) des chars à Talpa.

Puis il envoya en avant-garde Arnuwanda, son fils et Zida, Chef de la garde du pays de Tegarama au pays hourrite. Et lorsqu'Arnuwanda et Zida descendent dans le pays, l'ennemi vient au combat à leur rencontre. Et les dieux de mon père marchent devant eux, et ils vainquent l'ennemi. Mais l'ennemi […] sous la ville et de la ville il descend pour s'enfuir […]. […] les montagnes du pays de Tegarama […] et lorsque mon père apprend : « il s'en va déjà, et il s'enfuit en descendant de la ville ». Mais lorsque mon père eut fait sa descente dans le pays, l'ennemi du pays hourrite, il ne le rencontra pas. Et vers Karkamish, il descendit et, de nouveau il l'encercla. (...) Mon père vainquit enfin Kargamish, la ville. Et il l'avait assiégée 7 jours, et le 8ème jour, durant (toute) une journée, il alla la combattre, et par une bataille terrible, le 8ème jour, durant toute [une] journée, il la prit. Et lorsqu' il eut vaincu la ville, comme mon père avait la crainte des dieux, dans la citadelle haute, il ne laissa personne approcher de Kubaba et du dieu KAL. Et d'aucuns des temples il ne s'approcha. Et il s'inclina même (devant eux), puis il donna […]. Mais à la ville basse, avec des prisonniers, il enleva de l'argent, de l'or et des instruments de bronze, et il les transporta à Hattusa. Et les prisonniers qu'il amena au palais, ils étaient 3300, [mais] ceux qu'à Hattusa il amena, ils étaient innombrables ! Ensuite, il […] Sarri-Kusuh, son fils, et il lui donna le pays de Kargamish et Kargamish, la ville, à gouverner. Et il en fit un roi particulier." (traduction J.P. Grélois d'après la transcription de Guterbock)[2]

Le règne de Suppiluliuma est aussi connu pour l'épisode du mariage avorté entre la reine d'Égypte, veuve, et un fils du roi :

Extraits de la 7e tablette se rapportant au mariage hittite :

"Mais lorsque les Egyptiens apprennent l'attaque du pays d'Amka, ils prennent peur. Et comme leur seigneur Nibhururiya de plus était mort, la reine d'Egypte, qui était Dahamunzu, envoya à mon père un ambassadeur, et elle lui manda ainsi : « Mon homme est mort! De fils, je n'ai pas. Mais toi, dit-on, tu as des fils nombreux. Et si tu me donnes l'un (de tes) fils, il deviendra mon époux. Jamais je ne choisirai un (de mes) sujets , ni n'en ferai mon époux ! J'ai peur ! ».

Et lorsque mon père eut appris ceci, il convoqua les Grands pour l'affaire : «  une telle chose ne m'est jamais arrivée depuis toujours ! ». Et [(il advint) que (mon) père envoya en Egypte Hattusaziti, (le Chambellan) : « Va me rapporter, toi, la vérité ! Peut-être me décevront-ils ? Peut-être ont-ils un fils de leur seigneur ? Alors, toi, rapporte-moi la vérité ! » (...)

Mais quand vint le printemps, Hattusaziti revint du pays d'Egypte, et l'ambassadeur d'Egypte, le seigneur Hani, vint avec lui. Et alors que mon père a mandé Hattusaziti au pays d'Egypte, comme il lui a donné les instructions suivantes: « Peut-être ont-ils un fils de leur seigneur ? Peut-être me tromperont-ils et peut-être ne réclament-ils pas mon fils pour la royauté ? ». Alors, à mon père,la reine d'Égypte répond ainsi par une tablette : « Pourquoi as-tu parlé ainsi : « Ils me tromperont » ? Si jamais j'avais un fils, aurais-je fait part de l'humiliation de ma persnne et de mon pays à un pays étranger ? Et tu ne m'as pas fait confiance, et tu m'as même parlé d'une façon ! Celui qui était mon époux, il est mort ! De fils, je n'en ai pas ! Jamais je ne prendrai un de mes sujets ni n'en ferai mon époux ! Et à aucun autre pays je n'ai mandé quoi que ce soit. À toi seul j'ai mandé : « tes fils, dis-on, sont nombreux. Donne-moi alors un tien fils ! Et pour moi il sera un époux, mais au pays d'Égypte il sera roi ! » Et comme mon père était bienveillant, il fit grâce à la demande de la femme, et il s'occupa de l'affaire du fils." (traduction J.P. Grélois d'après la transcription de Guterbock)

Le fragment 31 de CTH 40 rapporte ensuite :

" (...) Et lorsqu'ils apportèrent cette tablette, ils parlèrent ainsi : « Le prince, les Égyptiens l'ont tué ». Et ils apportèrent la nouvelle : « Zannanza est mort ». Et lorsque mon père apprit l'assassinat de Zannanza, il se mit à pleurer Zannanza (...)" (traduction J.P. Grélois d'après la transcription de Guterbock)[2]

Finalement, Suppiluliuma meurt de la peste provoquée par les déportations qu’il avait ordonnées de prisonniers égyptiens en Arnuwanda lui succède.

Lignage

L'arbre généalogique ci-dessous est une reconstruction possible, parmi d'autres, du lignage de la famille royale de l'empire hittite. La nomenclature des souverains, les liens de parenté demeurent obscurs par de nombreux aspects[3],[4],[5].

Notes et références

  1. Voir : Chronologie du Moyen-Orient ancien
  2. Hans Gustav Güterbock, « The Deeds of Suppiluliuma as Told by His Son, Mursili II », Journal of Cuneiform Studies, vol. 10, no 2, , p. 41–68 (ISSN 0022-0256, DOI 10.2307/1359041, lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) Trevor Bryce, The Kingdom of the Hittites, Oxford (Grande-Bretagne), Clarendon Press, .
  4. (en) Trevor Bryce, The World of the Neo-Hittite Kingdoms, Oxford (Grande-Bretagne), Oxford University Press, .
  5. Étant donné l'incertitude des connaissances actuelles, on ne s'étonnera pas des désaccords entre cet arbre généalogique et les notices détaillées des rois.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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