Suède pendant la guerre d'Hiver

La guerre d'Hiver, qui a duré quatre mois, a démarré après l'invasion par l'Union soviétique de la Finlande le , soit trois mois après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne qui a déclenché le début de la Seconde Guerre mondiale. La Suède ne s'est pas impliquée directement dans le conflit, mais a soutenu de façon indirecte la Finlande.

Le général Ernst Linder, commandant du Corps des Volontaires suédois, et son chef d'état-major, Carl August Ehrensvärd, à Tornio durant la guerre d'Hiver.

Les relations finno-suédoises avant la guerre d'Hiver

Un appui franco-britannique a été offert à la condition que soit accordé un libre passage au travers de la Norvège neutre et la Suède au lieu de prendre la route depuis la région de Petsamo occupée par les Soviétiques.

Selon l'opinion dominante au ministère suédois des Affaires étrangères, la politique étrangère de la Finlande avait, depuis son indépendance et lors de la guerre civile en 1918, été «instable et aventureuse ». En outre, la politique intérieure de la Finlande était regardée avec grande méfiance par les sociaux-démocrates suédois. Après la défaite des socialistes lors de la guerre civile, la politique finlandaise était perçue en Suède comme antiparlementariste et antisocialiste. La coopération avec la Finlande avait, dans les années 1920 et 1930, surtout été préconisée par des politiciens de droite et des officiers. À la fois à droite et à gauche de l’échiquier politique, une coopération plus étroite avec la Finlande était considérée comme un moyen de contrer la position hégémonique des sociaux-démocrates en Suède.

Après la crise en Abyssinie, la Finlande et la Suède ont été contraintes de revoir leurs politiques étrangères, car la Société des Nations semblait n’offrir qu’une protection théorique contre des agressions étrangères[1]. Dans la région de la Baltique, l'Allemagne nazie et l'Union soviétique étaient considérées comme des agresseurs probables, impatients de retrouver les territoires perdus à la suite de la Première Guerre mondiale, et susceptibles de vouloir étendre leur influence, si possible. La Finlande a donc réorienté sa politique étrangère vers la Scandinavie et vers une politique de neutralité à la suédoise. Les plans détaillés de coopération militaire ont été complétés par des contacts intensifiés entre les diplomates et les politiciens. Les sociaux-démocrates dirigés par Väinö Tanner ont été réhabilités et incorporés au cabinet. L'ambassade de Finlande à Stockholm était considérée par Helsinki comme la plus importante, et Paasikivi, homme politique conservateur modéré, est devenu ambassadeur.

Même si les politiciens de premier plan et les officiels avaient été convertis et convaincus de la nécessité d'une coopération suédo-finlandais plus étroite, des parlementaires et des personnalités éminentes n'ont pas modifié leurs attitudes anti-suédois ou anti-finlandaise aussi facilement. L’impression laissée (dans les deux pays) par l'indépendance de la Finlande, la guerre civile, la crise des îles Åland, les querelles linguistiques, et le mouvement de Lapua subsistait. Ces impressions, à leur tour, ont été aggravées par la tendance en Suède à s'alarmer face au danger représenté par l'expansionnisme nazi et considérer l'Union soviétique, avec bienveillance  : en Finlande, cependant, le point de vue inverse était dominant.

La tradition de neutralité scandinave n'a pas permis la participation officielle suédoise à l’administration de sécurité du golfe de Finlande, avec la Finlande. Cependant, en coulisse, les états-majors suédois et finlandais avait négocié secrètement un plan de blocus du golfe en Finlande en 1929. Initialement, en 1930, la Suède était d’accord pour proposer le plan aux Estoniens dans le cas d'un blocus du golfe. Officiellement, la Suède ne participerait pas à la coopération, mais apporterait des troupes auxiliaires et du matériel, si l'Union soviétique attaquait[2].

La disparition de Litvinov comme ministre des Affaires étrangères soviétique en était le signe d’une tension croissante et de danger pour la Finlande et les pays baltes, et indirectement pour la Suède. Litvinov était connu pour ses positions pro-occidentales, tandis que le nouveau ministre, Molotov, avait une attitude plus agressive. Les demi promesses de Litvinov d'accepter et de soutenir une initiative commune finno-suédoise pour la défense des îles d'Åland contre une potentielle menace allemande n'ont pas été confirmées par son successeur. En conséquence, les ministres pro-soviétiques en Suède, comme Ernst Wigforss et Östen Undén, proposèrent alors le retrait de Suède de ces plans. Le Parlement accepta, désireux de poursuivre une politique de non-confrontation avec la Russie, établie avec succès depuis 1812.

La réponse politique à l'invasion soviétique

Face au pacte Molotov-Ribbentrop et aux agressions soviétiques, qui en découlèrent, contre la Pologne et les pays baltes, la situation de la Finlande devenait de plus en plus dangereuse. Le , le gouvernement finlandais a demandé si la Suède était prête à contribuer à la défense d'Åland avec des moyens militaires. Le lendemain, Molotov invita une délégation finlandaise à Moscou, le parlement de Suède en fut informé le lendemain. Le , il s'avéra que le soutien politique n'était pas suffisant en vue d'un engagement militaire sur Åland  : le parti de droite était pour, les sociaux-démocrates étaient divisés, et une majorité des agrariens et tous les libéraux étaient contre. L'opposition à une éventuelle assistance militaire suédoise sur Åland avait été renforcée par la crainte que l'intervention s’étendît à la Finlande continentale, ce que peu de parlementaires auraient alors soutenu.

Publiquement, la Finlande était soutenue, mais le ministre finlandais des Affaires étrangères Eljas Erkko avait été informé qu’il ne fallait pas compter sur les troupes suédoises. Il subsiste toujours une controverse pour savoir si le ministre a fait part ou non de cette information à ses collègues et au président Kyösti Kallio.

Le message perçu par l'opinion publique en Finlande, ainsi qu'en Suède, diffère grandement des intentions du gouvernement suédois. Pendant deux mois, la Finlande a combattu littéralement pour sa survie nationale, mais à la fin , l'Union soviétique a renoncé à ses plans de conquête de l'ensemble de la Finlande. Staline considérait alors comme suffisant que la Finlande cède son cœur industriel, y compris la deuxième ville du pays, Viipuri (aujourd’hui Vyborg). Cela signifierait que l'Union soviétique pourrait s'emparer de territoires beaucoup plus vastes que ce dont l'Armée Rouge avait pu faire la conquête jusqu'alors. Grâce au « Statsrådsdiktamen », le roi de Suède fit entrer l'opinion publique suédoise dans les vues du gouvernement, c'est-à-dire pousser la Finlande à accepter les propositions russes.

Message du roi

Dans le « Statsrådsdiktamen » du , le roi de Suède Gustave V a publiquement rejeté les demandes du gouvernement finlandais d'une intervention militaire dans la guerre d'Hiver pour aider la Finlande à contrer l'invasion soviétique. Cette déclaration du roi était destinée à faire pression sur la Finlande pour qu'elle accepte les sévères conditions de paix soviétique et à tempérer au sein de l'opinion publique les tenants de l'activisme nationaliste (en) qui pressaient le gouvernement de s'engager au côté du voisin finlandais. La déclaration royale eut l'effet escompté mais généra une importante amertume en Finlande[3].

Pendant la guerre, le gouvernement suédois a rejeté, au total, trois demandes officielles du gouvernement finlandais d'engagement militaire pour défendre la Finlande contre l'Union soviétique. Des plans détaillés pour le déploiement de forces suédoises le long de la frontière finlandaise avait été réalisés dix ans auparavant, et avaient été régulièrement remis à jour lors de contacts secrets entre les états-majors des deux pays. Cependant, aucune alliance formelle n'avait été conclue, et une reconnaissance officielle d'une défense commune des îles Åland démilitarisées avait été rejetée par le parlement suédois en .

Position des militaires suédois

Volontaires suédois durant la guerre d'Hiver.

L'une des principales raisons qui a conduit le gouvernement suédois à la non-intervention était la crainte de perdre de contrôle de la situation interne en Suède. Les revendications soviétiques sur la Finlande dans les mois qui ont précédé le déclenchement de la guerre avaient réveillé l'opinion publique. Il y eut alors de grandes manifestations pour soutenir la Finlande, la Russie étant vue comme un ennemi traditionnel. La peur des Russes faisait partie de la mentalité suédoise depuis 1719, quand les galères russes brûlèrent des communautés côtières suédoises pendant la grande guerre du Nord. Pour éviter une atteinte du sol national, il était admis qu'il valait mieux défendre la Suède sur le sol finlandais.

Les forces armées suédoises étaient réduites en 1939. Un programme de réarmement avait été décidé en 1936 mais il n'avait pas encore eu d'effet conséquent. L'armée de terre n'avait que 16 chars et un petit nombre de chenillettes armées de mitrailleuses. Les canons de défense antiaérienne étaient peu nombreux et l'Armée de l'air n'avait que 36 chasseurs Gloster Gladiator. L'artillerie moderne était très limitée, les canons à courte portée de l'époque de la Grande Guerre ou plus anciens encore, étaient la norme. En outre, la formation avait été très réduite, à la suite de la décision prise en 1925 de réduire les forces armées, la plupart des unités n'avaient pas de formation hivernale et devaient être formées après la mobilisation.

Au sein de l'armée suédoise, les officiers qui avaient été volontaires dans la guerre civile finlandaise étaient maintenant des officiers supérieurs. Le plus notable d'entre eux étaient Axel Rappe, un membre de l'état-major général, et Archibald Douglas, commandant du Corps d'Armée du Nord, corps comprenant environ 26 600 hommes, qui avaient été mobilisés pour garder la frontière suédoise avec la Finlande dans le cas d’une invasion russe[4],[5]. Douglas était un ardent partisan d'une aide militaire appuyée au voisin finlandais. Il estimait en effet que la meilleure façon dont il pouvait défendre la Suède était de passer en Finlande et de rencontrer les Russes là-bas. Quand les Russes auraient atteint un certain point à l'intérieur de la Finlande, l'ensemble du Corps d'Armée du Nord traverserait la frontière et prendrait position le long du Kemijoki, le tout sans l'approbation du gouvernement suédois.

Le fait que le gouvernement suédois n'a pas été d'emblée au courant du plan de Douglas rend tout à fait possible son éventuelle exécution. Cependant, quand le gouvernement l'apprit, le plan fut définitivement abandonné, mais Douglas fut autorisé à conserver son commandement et devint plus tard chef de l'Armée de terre.

Le corps d'Armée du Nord, empêché d'entrer en Finlande, n'a cependant pas mis fin à ses tentatives d'aide. Les unités suédoises de première ligne « perdaient » parfois de l'équipement et du matériel qui étaient nécessaires de l'autre côté de la frontière. La volonté d'aider peut être également mise en évidence par les propos d’officiers chargés de l'approvisionnement des unités suédoises qui comparaient les magasins de l'armée suédoise à Boden à une base d'approvisionnement finlandaise.

On pense que jusqu'à 10 000 volontaires suédois se sont rendus en Finlande et ont combattu aux côtés des soldats finlandais pendant le conflit avec la Russie afin d'aider à sa défense[6]. Plusieurs livres écrits sur la guerre d'Hiver font référence aux volontaires suédois et de nombreux Finlandais âgés, aujourd'hui, reconnaissent la contribution de ces personnes.

Conséquences

La guerre d'Hiver a contribué à réaffirmer la position de la Suède. L'aide à la Finlande avait été destinée autant à aider un voisin, que de neutraliser l'opinion publique appelant à une intervention active et directe dans la guerre. Elle a également permis d'établir les priorités politiques avant les évènements du , lorsque l'Allemagne envahit le Danemark et la Norvège. L'objectif était maintenant le maintien de la Suède hors du conflit européen, alors en pleine expansion. De plus, si la Suède n'avait pas déclarer la guerre pour défendre la Finlande, il n'y avait aucune chance qu'elle le fasse pour la Norvège.

Annexes

Articles connexes

Notes et références

  1. René Albrecht, « La Suède et le conflit finlando-soviétique (1939-1940) », Jstor, (lire en ligne)
  2. (fi) Jari Leskinen, Talvisodan pikkujättiläinen, Werner Söderström Osakeyhtiö, , 1re éd., 127–140 p. (ISBN 951-0-23536-9), « Suomen ja Viron salainen sotilaallinen yhteistyö Neuvostoliiton hyökkäyksen varalta 1930-luvulla »
  3. René Albrecht, « La Suède et le conflit finlando-soviétique (1939-1940) », Jstor, , Page 4 (lire en ligne)
  4. « Swedish Army Order of Battle: 1939-1940 » (consulté le )
  5. « Swedish Army Infantry Regiment: 1937 » (consulté le )
  6. Boris Egorov, « Comment les Suédois se sont battus pour et contre l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale », sur Russia Beyond, (consulté le )
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