Statu quo (lieux saints)

Le Statu quo, ou par anglicisme Status quo, désigne la situation dans laquelle se trouvent les communautés chrétiennes de la Terre sainte dans leurs relations avec les gouvernements de la région, notamment dans le contrôle des sanctuaires des principaux lieux saints chrétiens (église du Saint-Sépulcre, basilique de la Nativité, sépulcre de Marie, église de l'Ascension).

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L'« échelle inamovible » à l'entrée principale de l'église du Saint-Sépulcre, symbole du statu quo.

Historique

À partir du IIIe siècle, sous l’influence des chrétiens qui sont devenus de plus en plus puissants, surtout après l'adoption du christianisme par l’empereur Constantin Ier au IVe siècle, la Palestine prend un statut moral particulier en étant considérée comme Terre sainte. Après la conquête musulmane et les Croisades, la région est sous domination ottomane de 1244 jusqu'au XIXe siècle. Le sultan de l'Empire ottoman confie alternativement les principaux lieux saints chrétiens aux Catholiques (notamment l'Ordre franciscain qui envoie des missions en terre sainte dès le XIIIe siècle) et aux Orthodoxes , ces communautés chrétienne (réunies sous le vocable de al-ṭawā’if al-masīḥiyya) étant organisées sur le modèle des millet et dotées de droits de propriété et d’usage de chaque sanctuaire (communautés gardiennes, propriétaires, ayant droit, usagères). Chaque communauté religieuse obtient, sur fond de pression politique et de corruption, des capitulations et firmans accordés par la « Sublime Porte », ce qui cause régulièrement des affrontements violents quant à l'administration et l'utilisation des sanctuaires. À partir du XVe siècle, le clergé grec orthodoxe étend son influence en Palestine avec le sultan Mehmed II qui proclame le Patriarche grec de Constantinople autorité religieuse et civile pour l’ensemble des chrétiens résidant dans son empire[1].

À la faveur de la défaite des Ottomans à la bataille de Vienne en 1683, un firman de 1690 oblige les Grecs à restituer aux catholiques le contrôle principal des sanctuaires. Les conflits de cohabitation atteignent leur apogée le , date à laquelle, la nuit des Rameaux, un soulèvement populaire évince les Franciscains du Saint-Sépulcre. Le nouveau rapport de force favorable aux Grecs orthodoxes est confirmé par le firman de 1757 qui leur remet une grande partie de la basilique de la Nativité, la tombe de la Très Sainte Vierge Marie et la presque totalité de la Basilique du Saint Sépulcre.

En 1847, le vol de l'étoile incrustée sous l'autel de la Nativité, vol que les catholiques attribuent aux grecs orthodoxes (ces derniers n'auraient pas accepté que l'inscription gravée soit rédigée en latin) est une des causes directes de la participation française à la guerre de Crimée contre la Russie[2]. Un peu avant cette guerre, le , l'empereur ottoman, sous la pression du tsar Nicolas, promulgue un firman qui confirme le Statu Quo (c’est-à-dire la situation de 1757) tel qu'il existe encore aujourd'hui. Confirmé par le traité de Paris de 1856 et déclaré inviolable dans l'article 62 du traité de Berlin de 1878[3], le Statu Quo jouit en effet d’une garantie continue dans le droit international[4].

Un résumé du Status Quo rédigé par Archer Cust (en), un fonctionnaire britannique, The Status Quo in the Holy Places, est devenu le texte de référence sur le sujet[5],[6].

Évocation dans la littérature

Dans son roman La tour d'Ezra, Arthur Koestler évoque une partie de la mise en place concrète du Statu quo au sein de la basilique de la Nativité[7]:

« Sous le titre "Nettoyage de la basilique de la Nativité" on pouvait lire ce qui suit :

  1. Que la communauté grecque orthodoxe a le droit d'ouvrir les fenêtres de la basilique donnant au sud seulement pendant le temps du nettoyage.
  2. Que la communauté grecque orthodoxe a le droit de placer une échelle sur le sol de la chapelle arménienne pour pouvoir nettoyer la partie supérieure de cette chapelle, au-dessus de la corniche.
  3. Que les Arméniens ont le droit de nettoyer la face nord du pilier contre lequel s'appuie la chaire des Grecs orthodoxes, et cela seulement jusqu'à la corniche.
  4. Que, par suite d'un accord, il a, en outre, été convenu :
    1. Que les Grecs doivent attacher leur rideau au clou numéro 2, au pied du pilier placé au sud-est de l'escalier de gauche conduisant à la Crèche. […]
    2. Que les Latins doivent laisser leur rideau tomber naturellement le long de ce même pilier, à une distance de seize centimètres du rideau des Grecs orthodoxes.
    3. Que le clou numéro 1 ne doit être utilisé par aucune communauté. […]
  5. Que chaque fois que le gouvernement entreprend de nettoyer cette basilique, il doit le faire au moyen de ses propres instruments.
  6. Que l'accord ci-dessus peut être modifié au cas où il serait produit des documents officiels quelconques en faveur de l'une quelconque des communautés ci-dessus mentionnées, avant le nettoyage de l'année suivante. »

Notes et références

  1. Lina Murr Nehmé, 1453, Mahomet II impose le schisme orthodoxe, François-Xavier de Guibert, , 269 p.
  2. Yves Teyssier d'Orfeuil, Bethléem : 2000 ans d'histoire, Desclée de Brouwer, , p. 135
  3. « Les droits acqus à la France sont expressément réservés, et il est bien entendu qu'aucune atteinte ne saurait être portée au statu quo dans les Lieux Saints » (Pierre Albin, Les grands traités politiques, Librairie Félix Alcan, (lire en ligne), p. 228.
  4. Joëlle Le Morzellec, La Question de Jérusalem, La Pensée universelle, , p. 27
  5. (en) Marshall J. Breger, Yitzhak Reiter et Leonard Hammer, Holy Places in the Israeli-Palestinian Conflict : Confrontation and Co-existence, Routledge, , 308 p. (ISBN 978-1-135-26812-1, lire en ligne), p. 24
  6. (en) Rût Lapîdôt et Moshe Hirsch, The Jerusalem Question and Its Resolution : Selected Documents, Martinus Nijhoff Publishers, , 542 p. (ISBN 0-7923-2893-0, lire en ligne), p. 20
  7. Arthur Koestler (trad. de l'anglais par Hélène Claireau), La Tour d'Ezra [« Thieves in the Night »], Paris, Presses pocket, , 379 p. (ISBN 2-266-01665-2), partie III, chap. 3.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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