Stéphane Audran

Colette Dacheville, dite Stéphane Audran, est une actrice française, née le [1] à Versailles et morte le à Neuilly-sur-Seine[2].

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Après avoir commencé sa carrière au théâtre dans les années 1950, Stéphane Audran obtient quelques rôles secondaires dans des films de la Nouvelle Vague. Sa rencontre avec Claude Chabrol en 1958 est décisive : elle devient à la fois son épouse et son actrice fétiche. Elle joue dans certains des plus grands films du réalisateur, comme Le Boucher, Poulet au vinaigre et Les Noces rouges. En outre, elle participe à l'un des chefs-d'œuvre de Luis Buñuel, Le Charme discret de la bourgeoisie, qui reçoit l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1973. Stéphane Audran a été une figure emblématique du cinéma français des années 1970.

Après 1980, sa carrière s'essouffle, mais elle retrouve le succès avec le film danois Le Festin de Babette en 1987, qui reçoit lui aussi l'Oscar du meilleur film étranger. Par la suite, elle se fait plus rare à l'écran.

Elle est immédiatement reconnaissable à sa voix traînante et elle est indissociable de ses rôles de femmes élégantes, calmes et complexes. Stéphane Audran a reçu plusieurs récompenses au fil de sa carrière, dont un Ours d'argent de la meilleure actrice, un BAFTA de la meilleure actrice et un César de la meilleure actrice dans un second rôle.

Biographie

Origines et débuts

Stéphane est la fille de Corneille Dacheville[3], médecin, mort alors qu'elle a six ans[4]. Son enfance est difficile, car elle est de santé fragile entre six et quinze ans[5]. Sa mère, Jeanne Rossi[3], qui a perdu sa première fille en bas âge, est obsédée par la santé de sa fille cadette[5]. Stéphane Audran montre très tôt un goût pour le déguisement et la comédie, mais sa mère n'approuve pas son rêve de devenir actrice[4]. Après ses études secondaires au lycée Lamartine de Paris[3], Stéphane Audran suit les cours d'art dramatique de Charles Dullin, Tania Balachova, Michel Vitold et René Simon[3],[6].

Stéphane Audran rencontre Jean-Louis Trintignant au cours Dullin[7] et ils se marient le [6]. Elle commence sa carrière au théâtre dans La Tragédie des Albigeois de Maurice Clavel et Jacques Panijel en 1955, pièce dans laquelle joue aussi son mari[4]. Elle poursuit la même année sa carrière dans La Maison carrée, puis obtient un rôle dans La Nuit romaine en 1957. Contrairement à plusieurs de ses anciens camarades de cours de théâtre, comme Delphine Seyrig, Michael Lonsdale, Laurent Terzieff ou Jean-Louis Trintignant, Stéphane Audran n'obtient pas un grand succès sur scène[4]. Daniel Costelle lui offre son premier rôle au cinéma en 1957[6], dans son court-métrage Le Jeu de la nuit, puis elle enchaîne avec des petits rôles dans des longs métrages, sous la direction d'Éric Rohmer, Jacques Becker et Hervé Bromberger[4].

Rencontre avec Claude Chabrol

Désireuse de tourner avec Claude Chabrol, qui vient de tourner son premier film, Le Beau Serge en 1958, elle demande à Gérard Blain de le lui présenter[6],[4]. Chabrol lui donne un petit rôle dans Les Cousins tourné à l'été 1958 et ils entament une relation amoureuse peu après le tournage[4]. Les deux films sortent à quelques semaines d'intervalle au début de 1959 et remportent un énorme succès, couronné par un Ours d'Or au Festival de Berlin pour Les Cousins. Stéphane Audran obtient un rôle plus important dans Les Bonnes Femmes, également réalisé par Chabrol mais mal accueilli par le public[4]. Elle y interprète aux côtés de Bernadette Lafont une vendeuse qui occupe ses nuits à chanter dans un cabaret. Mécontente de sa vie, elle aspire à un avenir meilleur mais ne parvient pas à changer de situation. France Roche note « la douceur lasse de Stéphane Audran » dans un article qu'elle signe sur le film pour France-Soir[8].

Chabrol et Audran vivent ensemble depuis fin 1959, et les années 1960 marquent le début d'une longue collaboration. L'échec commercial de plusieurs de ses films de l'époque place Chabrol dans une position financière difficile. Le jeu de Stéphane Audran n'est pas acclamé par la critique dans un premier temps[4]. Le coproducteur italien de Landru (1963) se plaint même auprès de Chabrol de la prestation de la « petite actrice » qui joue le rôle de la dernière maîtresse du personnage principal, ignorant qu’il s’agissait de sa compagne[4]. Chabrol divorce d'avec Agnès Goute, sa première épouse qui a financé ses deux premiers films[9], et ils se marient en . Roger Hanin, avec qui Stéphane Audran joue Macbeth au théâtre, et sa femme la productrice Christine Gouze-Reynal sont leur témoins.

Il faut attendre Les Biches en 1968 pour que le talent d'actrice de Stéphane Audran soit distingué par l'Ours d'Argent au Festival de Berlin et pour que Chabrol renoue avec le succès de ses premiers films. Dans Les Biches, qui réunit d'ailleurs Audran et son ancien mari Jean-Louis Trintignant, l'actrice brille par son interprétation d'une bourgeoise belle mais froide, égoïste et possessive. Le jeu d'Audran est alors très éloigné de celui qu'elle présente dans Les Bonnes Femmes, elle a délaissé la spontanéité caractéristique des actrices de la Nouvelle Vague pour la froideur et le détachement. Le succès du film auprès de la critique encourage Chabrol à réaliser d'autres films avec des rôles similaires, parfaitement adaptés au jeu de son épouse[4]. Plus tard, il dit d'elle qu'« elle a eu de la veine, à l'époque pompidolienne, de correspondre assez bien à ce que je voulais montrer de la classe dominante. [...] Elle en représente une idéalisation »[10].

À cinq reprises, à partir de L’Œil du malin (1962), Chabrol lui fait jouer un personnage portant le même prénom : Hélène, bien que dans chaque film la personnalité du personnage diffère d'une manière ou d'une autre[11]. Ces films ayant de nombreux points communs et s'appuyant tous sur le personnage joué par Stéphane Audran, ils sont souvent réunis dans ce qui est appelé le « cycle Hélène[12] » ou le « cycle pompidolien. » Ces films sont La Femme infidèle (1969), Le Boucher (1970), La Rupture (1970) et Juste avant la nuit (1971). Ils ont en commun une femme intelligente, Hélène, douée d'un tempérament calme, qui se sacrifie pour sauver l'ordre bourgeois dans lequel elle vit[12]. Ces films marquent un tournant dans la définition des personnages féminins chez Chabrol. Auparavant, Chabrol les cantonnait à des rôles de fautives, héritières du péché originel[13]. Ensuite, ses personnages deviennent plus justes et montrent de la solidité et de l'indépendance. Ils correspondent davantage à une image de femme contemporaine. Ainsi, l'institutrice jouée par Audran dans Le Boucher est une femme calme et digne malgré son angoisse. Elle refuse les avances du boucher joué par Jean Yanne non pas par frigidité mais tout simplement parce qu'elle n'est pas attirée par lui[14].

Stéphane Audran a déclaré à plusieurs reprises qu'elle devait sa carrière à sa rencontre avec Chabrol. De leur côté, les critiques ont souvent pensé que le réalisateur avait été énormément inspiré par l'actrice, ce qu'il a minimisé dans son autobiographie Par lui-même et par les siens. Il indique qu'elle est à l'origine du film Le Boucher, puisqu'elle a incité son mari à la faire tourner avec Jean Yanne, mais qu'il s'agit là de l'influence la plus directe qu'elle ait eue sur son œuvre[15].

Années 1970

Les Biches, La Femme infidèle ou encore Le Boucher assoient son image d'actrice froide, élégante et sophistiquée, qui est exploitée dans de nombreux films des années 1970, notamment Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel, chronique mondaine teintée d'humour noir et pince-sans-rire. Claude Chabrol salue ce film qui fait selon lui la synthèse de ses propres films dans lesquels joue Stéphane Audran[15]. Le Charme discret de la bourgeoisie et Juste avant la nuit lui permettent de remporter le BAFTA de la meilleure actrice en 1973. Elle est la seule actrice française avec Marion Cotillard et Emmanuelle Riva à avoir remporté cette récompense depuis que le BAFTA de la meilleure actrice et celui de la meilleure actrice étrangère ont été réunis en un seul[4]. Et la seule à l’avoir obtenu pour deux films une même année.

Au cours des années 1970, Stéphane Audran est très sollicitée, même si elle privilégie Chabrol. Les autres réalisateurs la cantonnent généralement à des rôles secondaires et n'exploitent pas totalement son jeu d'actrice[11]. Elle tourne par exemple sous la direction de Claude Sautet dans Vincent, François, Paul... et les autres, de Philippe Labro dans Sans mobile apparent, et de Michel Audiard dans Comment réussir quand on est con et pleurnichard, film qui marque ses débuts dans la comédie.

L'actrice démarre également une carrière internationale. Elle tourne avec des réalisateurs américains, comme Orson Welles, dans De l'autre côté du vent (achevé par Peter Bogdanovich en 2018), Anatole Litvak pour l'adaptation du roman de Sébastien Japrisot La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil, Peter Collinson dans Dix petits nègres, et Samuel Fuller dans Au-delà de la gloire qui lui permet d'élargir son répertoire avec un film de guerre[10]. Néanmoins, Stéphane Audran n'est jamais parvenue à devenir populaire aux États-Unis, le public américain trouvant son jeu trop froid[4]. Elle n'obtient que des rôles secondaires, excepté dans The Black Bird de David Giler (1975), qui est une suite du Faucon maltais (1941). Cependant, ce film est un échec commercial[11].

En 1978, Violette Nozière de Chabrol marque une étape importante dans la carrière de l'actrice et du réalisateur[4]. C'est la fin du cycle Audran, le premier rôle étant tenu par Isabelle Huppert, nouvelle égérie de Chabrol. Stéphane Audran joue symboliquement le rôle de la mère de Violette, dont la position sociale est très éloignée de celle des bourgeoises qu'elle est habituée à jouer. L'actrice était d'ailleurs réticente pour accepter le rôle, sentant qu'il ne lui allait pas. Finalement, sa prestation a été acclamée et lui a notamment permis d'obtenir le premier rôle dans Le Festin de Babette une dizaine d'années plus tard[4]. Stéphane Audran a témoigné à plusieurs reprises de son admiration pour le jeu d'Isabelle Huppert, reconnaissant qu'elle n'aurait pas été capable de jouer les mêmes personnages qu'elle[16],[17].

Années 1980

Séparés depuis 1978, Stéphane Audran et Claude Chabrol divorcent en 1982. La carrière de l'actrice décline peu à peu, bien qu'elle continue à jouer avec le réalisateur jusqu'au début des années 1990[4]. Ainsi, elle retrouve Chabrol en 1983 dans Le Sang des autres, en 1985 dans Poulet au vinaigre puis dans Jours tranquilles à Clichy en 1990 et Betty en 1992. Les rôles que Chabrol propose à Audran sont cependant assez anecdotiques[11]. À partir des années 1980, elle obtient des seconds rôles dans plusieurs comédies françaises, comme Les Saisons du plaisir de Jean-Pierre Mocky, Arlette de Claude Zidi et La Fille de Monaco d'Anne Fontaine, jouant le plus souvent des bourgeoises décalées. Elle joue aussi dans des films plus graves, comme Coup de torchon de Bertrand Tavernier et Mortelle randonnée de Claude Miller, dans lesquels elle interprète des femmes méchantes et hystériques. À partir des années 1980, Stéphane Audran apparaît régulièrement à la télévision, autant dans des téléfilms que des feuilletons. Elle est par exemple au générique de la série britannique Brideshead Revisited (1981) auprès de Laurence Olivier, et de la série américaine L'Amour en héritage en 1984.

En 1987, le Danois Gabriel Axel lui offre l'un de ses plus grands rôles dans Le Festin de Babette, film opposant l'austérité de la société danoise du XIXe siècle à la fantaisie parisienne. Axel avait initialement fait une liste de cinquante actrices pour le rôle de Babette, parmi lesquelles Stéphane Audran et Catherine Deneuve. Il choisit finalement Audran, lui trouvant une manière très parisienne de faire la moindre chose, comme entrer dans une pièce. Il avait initialement remarqué l'actrice dans Violette Nozière[4].

Au cours des années 1980, alors qu'elle est divorcée et que sa carrière s'essouffle, Stéphane Audran souffre de troubles psychosomatiques tels qu'une fatigue chronique, des évanouissements et des pertes de mémoire[18]. Elle s'intéresse alors à divers modes de guérison, notamment la médecine chinoise. En 2009, elle publie Une autre façon de vivre, un livre dans lequel elle compile le résultat de ses recherches sur la médecine, la cuisine et la culture en général et ses alternatives[4].

Décès

Le , après avoir été hospitalisée une dizaine de jours à l’hôpital américain de Paris, elle meurt à son domicile vers 2 h du matin, des suites d'une maladie[19],[20]. Ses obsèques ont lieu le en l'église Saint-Roch à Paris, connue comme la « paroisse des artistes ». Stéphane Audran sera ensuite inhumée le mercredi à Tolla, une petite ville située dans le sud de la Corse[20]. Tolla est le lieu d'origine de la famille maternelle de l'actrice.

Vie personnelle

Stéphane Audran a épousé en premières noces l'acteur Jean-Louis Trintignant en 1954[6]. Leur mariage n'a duré que quelques années, car lui est tombé amoureux de Brigitte Bardot en 1956 sur le tournage de Et Dieu... créa la femme[4]. Audran et Trintignant se sont toutefois retrouvés à trois reprises au cinéma, en 1968 dans Les Biches, en 1971 dans Sans mobile apparent, et en 1982 dans Boulevard des assassins[4].

Stéphane Audran a ensuite vécu avec le réalisateur Claude Chabrol, à partir de 1959[4]. Chabrol était alors marié à Agnès Goute. Audran et Chabrol ont eu un fils, Thomas Chabrol, en 1963, puis se sont mariés l'année suivante, juste après le divorce de Chabrol d'avec sa première épouse[4]. Ils divorcent en 1982, alors que le réalisateur avait entamé une relation avec sa scripte Aurore Pajot. Chabrol aimait raconter que c'était Stéphane Audran qui était à l'origine de sa relation avec Aurore Pajot : n'ayant pu se rendre à son anniversaire sur le tournage de La décade prodigieuse, elle aurait dit à Chabrol qu'il pourrait se consoler avec sa scripte. Au fil du temps et des tournages, l'amitié entre la scripte et le réalisateur se serait muée en histoire d'amour. Stéphane Audran a toujours réfuté l'anecdote[6]...

Stéphane Audran était amie avec Bernadette Lafont, autre actrice fétiche de Chabrol. Elle a d'ailleurs permis à la fille de cette dernière, Pauline Lafont, d'obtenir un rôle dans Poulet au vinaigre. Elle a été également amie avec Karl Lagerfeld qui a souvent dessiné ses costumes, notamment pour Le Charme discret de la bourgeoisie[4].

Signataire du manifeste des 343, elle déclare en 2009 qu'elle ne pourrait plus le refaire car « c'est terrible de se faire avorter ». En effet, elle s'est intéressée de très près aux médecines et philosophies orientales à partir des années 1980, et cela a changé sa perception de la vie. Elle ajoute toutefois qu'elle n'est pas devenue hostile à l'avortement mais qu'elle souhaiterait notamment un meilleur accompagnement des femmes souhaitant se faire avorter[6].

Tout comme Claude Chabrol, Stéphane Audran avait un intérêt particulier pour la gastronomie. Par exemple, lors du tournage du Charme discret de la bourgeoisie de Buñuel, elle avait l'habitude d'apporter des plats à l'équipe du film[4]. En outre, la gastronomie est un thème qu'elle a largement abordé au cinéma, notamment dans Le Festin de Babette, mais aussi dans son livre Une autre façon de vivre (2009).

Jeu d'actrice

Dans ses performances les plus remarquées, Stéphane Audran joue surtout des femmes élégantes, distantes et réservées, mais aussi souvent pleines de compassion. Ces femmes se retrouvent généralement impliquées dans une affaire de meurtre. Dans ces rôles, Stéphane Audran a été aidée par sa beauté particulière : yeux clairs, pommettes hautes, gros grain de beauté sur la joue droite, silhouette élancée, jolies jambes fines et élancées. Bien que ses personnages récurrents de femmes élégantes et détachées évoquent Greta Garbo et Marlene Dietrich, elle se distingue d'elles parce que les films dans lesquels elle joue un rôle clé ne sont pas construits pour être un véhicule à son talent. Sa prestation, bien que centrale, est subordonnée à la conception globale du film[11].

Claude Chabrol a parfaitement su exploiter le jeu de Stéphane Audran dans les films du « cycle Hélène », notamment dans La Femme infidèle, Le Boucher et La Rupture, puis plus tard dans Violette Nozière. Dans La Femme infidèle, le jeu de l'actrice est marqué par la subtilité et la sobriété, le conflit émotionnel entre Stéphane Audran et Michel Bouquet est dans le sous-texte et ne ressort pas dans le dialogue, il passe par la nuance et la délicatesse du jeu d'acteur[11]. Aucune scène d'adultère n'est montrée avant que le mari n'apprenne la vérité grâce à un détective privé. Seule l'attitude légère et séductrice de la femme dans son univers quotidien suggère son infidélité aux yeux du mari comme à ceux du spectateur[21]. De même, dans Le Boucher, la prestation d'Audran s'intègre parfaitement au tissu du film et il est difficile de noter la limite entre le jeu de l'actrice et la direction de Chabrol. Dans La Rupture, Stéphane Audran montre un jeu généreux et innocent qui devient poignant au fil du film. Violette Nozière est différent de ses autres films tournés par Chabrol puisqu'elle incarne une femme de classe nettement inférieure par rapport à ses rôles habituels. Néanmoins, son interprétation d'une femme un peu négligée et victime de sa propre fille a été aussi remarquable aux yeux des critiques que la prestation d'Isabelle Huppert dans le rôle principal[11].

Chez Chabrol, le passage de la Nouvelle Vague au « cycle Hélène » correspond à l'apparition de l'influence d'Alfred Hitchcock dans son œuvre, lorsqu'il commence à s'intéresser à la bourgeoisie française. Stéphane Audran peut être considérée comme l'équivalent chez Chabrol des « blondes hitchcockiennes ». On retrouve d'ailleurs chez elle la sophistication de Grace Kelly, la neurasthénie de Tippi Hedren et la démarche presque fantomatique de Kim Novak dans Sueurs froides. Plusieurs de ses personnages font également écho à ces actrices. Ainsi dans Le Boucher et La Femme infidèle, elle combine la sensualité agile de Kelly avec la rétractation glacée de Hedren. Dans le premier, elle incarne une célibataire traumatisée, dans le second une femme mariée infidèle. Ses rôles dans ces deux films évoquent aussi l'habileté de Hedren pour passer d'une classe sociale à l'autre, avec Les Oiseaux et Pas de printemps pour Marnie[21].

Dans ses premiers films dirigés par Chabrol, Stéphane Audran a toutefois joué des rôles différents. Cantonnée à des personnages secondaires, elle a incarné des rôles plus légers et populaires, comme une petite vendeuse aspirant à une carrière sur scène dans Les Bonnes Femmes (1960) ou une secrétaire jouant un double jeu dans Le Scandale (1967). Son personnage dans L'Œil du Malin (1962) se rapproche toutefois de ses rôles ultérieurs : elle y joue une épouse bourgeoise prise dans un triangle amoureux. C'est d'ailleurs la première fois que Chabrol lui fait jouer un personnage portant le nom d'Hélène[11]. La Rupture montre parfaitement le changement qui s'est opéré dans le jeu de l'actrice après Les Biches. Alors qu'elle doit jouer une serveuse et ancienne strip-teaseuse, elle ne retourne pas au jeu léger qu'elle avait employé dans ses films précédents[21].

En dehors de Chabrol, peu de réalisateurs ont réussi à exploiter pleinement le jeu de Stéphane Audran. Luis Buñuel fait exception, avec Le Charme discret de la bourgeoisie, dans lequel l'actrice campe l'archétype de la maîtresse de maison bourgeoise qui reste imperturbable quel que soit le cours des événements. Gabriel Axel et son Festin de Babette a lui aussi su tirer profit de son jeu d'actrice. Ce film représente d'ailleurs un défi pour Stéphane Audran, car elle y joue un personnage éloigné de ses rôles habituels. Le film réemploie toutefois de grandes caractéristiques du jeu de l'actrice, comme la sincérité et discrétion, pour rendre une atmosphère lumineuse et sensuelle[11].

Le jeu tout en subtilité de Stéphane Audran l'a sans doute pénalisée dans sa carrière internationale, notamment aux États-Unis. En effet, cette subtilité toute française ressort mal lorsqu'elle joue en anglais, sa diction étant trop phonétique et rigide. D'autres actrices françaises, comme Catherine Deneuve et Jeanne Moreau, ont aussi connu l'échec à Hollywood[11].

Filmographie

Cinéma

Années 1950

Années 1960

Années 1970

Années 1980

Années 1990

Années 2000

Années 2010

Télévision

Théâtre

  • 1951 : Lysistrata d'Aristophane, mise en scène Raymond Hermantier, Théâtre de l'Humour (Paris).
  • 1952 : Urbain Grandier d'Alexandre Dumas, Théâtre de l'Œuvre (Paris).
  • 1954 : La Maison carrée d'Évelyne Paulet, mise en scène Pierre Valde, Théâtre des Noctambules (Paris).
  • 1955 : Les Albigeois de Maurice Clavel et Jacques Panijel, mise en scène Raymond Hermantier, Festival de Nîmes
  • 1955 : La Fille à la fontaine de Jean Mogin, mise en scène de Raymond Hermantier, Temple de Diane, Festival de Nîmes.
  • 1955 : Jules César de William Shakespeare, mise en scène de Raymond Hermantier, Arènes de Nîmes, Festival de Nîmes.
  • 1956 : La Nuit romaine d'Albert Vidalie, mise en scène Marcelle Tassencourt, Théâtre Hébertot (Paris)
  • (date ?) : Andromaque de Racine, mise en scène de Jean Lamandé, Tournée Société des classiques français.
  • 1964 : Macbeth de William Shakespeare, mise en scène Claude Chabrol, Théâtre Montansier (Versailles) : Lady Macbeth

Discographie

  • Le Dîner de Babette, lu par Stéphane Audran, éditions des femmes, coll. « Bibliothèque des voix » ;
  • La Java de la Masochiste, 1981, extrait de la bande originale du film Coup de torchon[22].
  • Dansez avec Les Bonnes Femmes : bande originale du film de Claude Chabrol, musique de Paul Misraki. Versailles medium, coll. cinéma.

Publication

  • Une autre façon de voir la vie, Paris, Le Cherche midi, , 408 p. (ISBN 978-2-7491-1431-6)

Distinctions

Décorations

Récompenses

Nominations

Notes et références

  1. Extrait de naissance no 1149/1932, .
  2. « Acte de décès », sur CinéArtistes (consulté le ).
  3. The International Who's Who 2004, vol. 67, Europa Publications, (ISBN 978-1-85743-217-6), p. 383.
  4. (en) « Stéphane Audran, Biography », Internet Movie Database.
  5. Stéphane Audran, Une autre façon de vivre, Le Cherche midi, , 409 p. (ISBN 978-2-7491-1903-8, lire en ligne), p. 11.
  6. Interview de Stéphane Audran, On n'est pas couché du 25 avril 2009, France 2.
  7. Jean-Louis Trintignant, Du côté d'Uzès, Le Cherche midi, , 140 p. (ISBN 978-2-7491-2526-8, lire en ligne).
  8. France Roche, « Les Bonnes Femmes, de quoi fouetter un Chabrol », France-Soir, .
  9. (en) Richard Neupert, A History of the French New Wave Cinema, University of Wisconsin Press, , 440 p. (ISBN 978-0-299-21703-7, lire en ligne).
  10. Vincent Ostria, « Ex-madame Chabrol, Le charme discret de la bourgeoise », L'Humanité, .
  11. Charles Derry, « Audran, Stéphane », Film Reference
  12. Haden Guest, « The Murderous Art of Claude Chabrol », Harvard Film Institute.
  13. Françoise Audé, Ciné-modèles, cinéma d'elles : situations de femmes dans le cinéma français, 1956-1979, Éditions L'Âge d'Homme, coll. « Cinéma vivant, Histoire et théorie du cinéma », , 233 p. (ISBN 978-2-8251-3334-7, lire en ligne), p. 48.
  14. Françoise Audé, Ciné-modèles, cinéma d'elles : situations de femmes dans le cinéma français, 1956-1979, L'Âge d'Homme, coll. « Cinéma vivant, Histoire et théorie du cinéma », , 233 p. (ISBN 978-2-8251-3334-7, lire en ligne), p. 81.
  15. Claude Chabrol et Michel Pascal, Par lui-même et par les siens, Stock, , 240 p. (ISBN 978-2-234-06993-0).
  16. « En direct de Cannes », Ina.fr, .
  17. « Chabrol le bon vivant, "ça suffit" », Europe 1, .
  18. Stéphane Audran, Une autre façon de vivre, Le Cherche-Midi, , 409 p. (ISBN 978-2-7491-1903-8, lire en ligne), p. 12
  19. « L’actrice Stéphane Audran est morte », sur Le Monde.fr (consulté le ).
  20. Closermag.fr, « Mort de Stéphane Audran: les obsèques se dérouleront mardi à Paris », Closermag.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  21. John Orr, Hitchcock and Twentieth-century Cinema, Wallflower Press, , 207 p. (ISBN 978-1-904764-55-7, lire en ligne), p. 141.
  22. « La Java de la Masochiste (par Stephane Audran) - fiche chanson - B&M », sur www.bide-et-musique.com (consulté le ).
  23. « Stéphane Audran et Claude Chabrol de nouveau réunis », sur JOURNAL IMPACT EUROPEAN, (consulté le )
  24. « Stéphane Audran », Talent Box.
  25. Archives des nominations et promotions dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Bibliographie

Articles

Annexes

Liens externes

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