Sobriété énergétique

La sobriété énergétique est un concept politique visant à la diminution des consommations d'énergie par des changements de modes de vie et des transformations sociétales. Elle s'exprime notamment par la limitation des biens et services produits et consommés à un niveau suffisant[1]. Centrée sur les comportements, l'organisation et la structure de la société, la sobriété énergétique se distingue des autres démarches de transition énergétique par son approche non techniciste. Toutefois, sa confusion avec l'efficacité énergétique demeure fréquente[1].

La sobriété énergétique se fait au regard d'un cadre constitué par les limites environnementales. Ces dernières se définissent en fonction de stocks épuisables (ressources disponibles, notamment en énergies fossiles) et de seuils à ne pas dépasser (émissions de gaz à effet de serre, pollution, etc.).

Considérée comme « un parent pauvre mais pourtant incontournable de la transition énergétique », elle s'oppose à la notion d'ébriété énergétique[2].

Étymologie

La sobriété, du latin « sobrietas », se rapporte à la tempérance, la mesure, la modération, notamment dans la consommation alimentaire : « fait de manger, de boire avec modération »[3]. L'adjectif sobre réfère quant à lui également aux notions de frugalité, de simplicité, voire d'austérité[3],[4].

La sobriété énergétique se ramène donc à l'idée de modération dans la consommation d'énergie.

Caractéristiques

Champs d'application

La sobriété énergétique peut s'appliquer par différents moyens, en partie conceptualisés par l'association négaWatt [5],[6],[7] :

  • La sobriété dimensionnelle : en privilégiant un équipement adapté au besoin, lors du choix d'achat ou d'investissement (ex. : préférer une faible surface de son logement, utiliser un véhicule adapté à la charge et au nombre de passagers).
  • La sobriété coopérative : en mutualisant les usages des espaces, des biens, etc. (ex. : covoiturage, autopartage, colocation, prêt de matériel entre voisins).
  • La sobriété d'usage : en gérant raisonnablement l'utilisation des appareils et des biens (ex. : écoconduite, précautions d'emploi pour limiter la casse et l'usure prématurée des biens, régulation du chauffage).
  • La sobriété organisationnelle : en structurant différemment dans l'espace et le temps les activités (ex. : promotion du télétravail, aménagement du territoire, mise à disposition de transports en commun).
  • La sobriété matérielle : en diminuant la consommation de biens et de produits matériels (ex. : réduction du taux d’équipements, limitation des emballages). Ces mêmes biens nécessitent en effet indirectement de l'énergie pour être conçus, assemblés, transportés, etc. On parle alors d'énergie indirecte, ou d'énergie grise.

Axes stratégiques

L'association Virage énergie propose quant à elle une approche par axes stratégiques, impliquant plusieurs passages[5],[8] :

  1. De la surabondance à la suffisance matérielle ;
  2. De la centralisation à la relocalisation ;
  3. De l'omniprésence du travail salarié à la valorisation des activités autonomes ;
  4. De la propriété au service partagé ;
  5. Du culte de la vitesse à la mobilité économe ;
  6. De l'artificialité anthropocentrée à la transversalité nature-culture.

Ces deux visions se recoupent en partie.

Choix et imposition de la sobriété

La sobriété s'exprimant en partie par une limitation des consommations de biens et de services, elle est souvent associée à une démarche volontaire. A contrario, la sobriété peut être subie et dès lors assimilée comme étant une sobriété involontaire, imposée. Elle peut alors être assimilée à la pauvreté[9], notamment dans les cas de précarité énergétique.

Selon Luc Semal et Bruno Villalba, le caractère volontaire ou imposé de la sobriété est plus ambigu. L'étude de différents acteurs (AMAP, Forum Permanent de l'insertion...) met en avant une « adaptation choisie à un faisceau de contraintes subies »[5]. Les contraintes sont en effet de diverses natures économiques (prix de l'énergie, des biens de consommation, ...), matérielles (pénuries, ...) et sociales (tensions, ...). En d'autres termes, la sobriété consiste à choisir la manière dont la limite est subie, notamment en faisant évoluer cette limite.

Dominique Bourg et Christian Arnsperger proposent quant à eux trois types de scénarios de réduction des consommations. Si une sobriété choisie est selon eux plus désirable, une sobriété involontaire pourrait être imposée par les pouvoirs publics si le processus démocratique ne suffit pas à tenir les impératifs climatiques et d'épuisement des ressources. Si aucune de ces deux solutions n'est retenue, c'est la finitude du monde et les contraintes naturelles qui feront advenir le troisième scénario : un effondrement subi[5],[10],[11].

Évaluation des besoins

La sobriété énergétique est intimement reliée à la notion subjective de besoin. L'association négaWatt les classe sur une échelle, allant des besoins vitaux » aux besoins « nuisibles », qu'elle invite à comparer, dans son manifeste, à « la mesure de l'impact de ces pratiques »[6]. La connaissance des impacts devient donc nécessaire pour évaluer la nécessité des besoins.

Histoire

Depuis le début de l'ère industrielle, la société a vu ses consommations d'énergie croître quasi constamment. En permettant un développement économique sans précédent, cette croissance fait face à de nombreuses critiques à partir des années 1970, du fait des impacts environnementaux associés (changements climatiques, pollution atmosphérique, dégradation des écosystèmes, impacts sanitaires...), ainsi que des dépendances s'instaurant et de la finitude des ressources.

Chocs pétroliers

En premier lieu, ce sont les chocs pétroliers de 1973 et 1979 qui provoquent les premières mesures de sobriété énergétique, connues notamment en France sous le nom de « chasse au gaspi ». Les incitations et appels à la modération vont de pair avec les contraintes réglementaires, tels que la réduction des vitesses sur les routes dans plusieurs pays.

Ces crises d'approvisionnement amènent une prise de conscience, qui entraîne alors une première transition énergétique : lancement du programme nucléaire en France, développement des pompes à chaleur et des énergies renouvelables, arrivée de la réglementation thermique des bâtiments, etc. Temporaires cependant, les chocs pétroliers sont rattrapés par des contre-chocs, permettant la reprise de la croissance dans la consommation d'énergie.

Changement climatique et transition énergétique

Dans les années 2000, la prise de conscience des impacts environnementaux dus à l'utilisation massive d'énergie amène la nécessité d'un changement de modèle énergétique. Des scénarios prospectifs se développent alors notamment dans le cadre du Facteur 4 (en France), visant à diviser les émissions de gaz à effet de serre par 4 entre 1990 et 2050. Les scénarios proposent diverses trajectoires d'évolution des productions et des consommations d'énergie à échelle nationale. L'association négaWatt popularise une approche en trois dimensions de la transition énergétique[1],[12],[5], basée sur :

  • La sobriété énergétique : « prioriser les besoins énergétiques essentiels dans les usages individuels et collectifs de l'énergie » (ex. : mettre un pull au lieu d'augmenter le chauffage, prendre le vélo plutôt que la voiture).
  • L'efficacité énergétique : « réduire la quantité d'énergie nécessaire à la satisfaction d'un même besoin » (ex. : isoler son logement, améliorer les rendements des appareils et des véhicules).
  • Le développement des énergies renouvelables venant se substituer aux énergies fossiles et nucléaires (ex. : bois-énergie, éolien, photovoltaïque).

La notion de sobriété est par la suite reprise dans les politiques locales (PCAET[13], TEPCV...) et nationales (LTECV[14]) autour de la transition énergétique. Elle est également abordée sous d'autres aspects, tels que la sobriété numérique[15].

Références

  1. Florian Cézard (AGATTE), Marie Mourad, Panorama sur la notion de sobriété – définitions, mises en œuvre, enjeux, 2019, 10 pages.
  2. Transition énergétique et citoyenne, Sobriété énergétique, 2018, le labo de l'économie sociale et solidaire (consulté le 27 février 2020).0
  3. « SOBRIÉTÉ : Etymologie de SOBRIÉTÉ », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  4. ADEME, Valérie GUILLARD, Nathan BEN KEMOUN, Penser la sobriété matérielle. Synthèse, novembre 2019, consulté le 27/03/2020,
  5. Bruno VILLALBA, Luc SEMAL (coord.), Sobriété énergétique : contraintes matérielles, équité sociale et perspectives institutionnelles, Versailles, Editions Quae, , 201 p. (ISBN 978-2-7592-2882-9, lire en ligne)
  6. Association Négawatt, Manifeste négawatt : en route pour la transition énergétique !, Arles, Babel, , 384 p. (ISBN 978-2-330-05631-5), p. 66-69
  7. Stéphane Chatelin, Directeur de Négawatt, « Qu'est-ce que la sobriété ? », Fil d'argent, , p. 11-13 (lire en ligne)
  8. Barbara NICOLOSO, Association Virage-énergie, La sobriété énergétique, un levier pour la transition énergétique, visioconférence du 17/01/2020, 0h23min à 0h28min (lien support)
  9. Jean-Marc JANCOVICI, Les économies d'énergies , Cours à l'école des Mines 2019, 40-41 min
  10. Christian ARNSPERGER & Dominique BOURG, « Sobriété volontaire et involontaire », Futuribles n°403, , p. 43-57 (lire en ligne)
  11. Christian ARNSPERGER & Dominique BOURG, Ecologie intégrale : Pour une société permacirculaire., Paris, PUF,
  12. « La démarche négaWatt », sur Association négaWatt (consulté le )
  13. ADEME, « Elus : l'essentiel à connaître sur les PCAET », Clés pour agir, , p. 4 (lire en ligne)
  14. LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, (lire en ligne), Article L-100-2-1°
  15. « « Pour une sobriété numérique » : le nouveau rapport du Shift publié », sur The Shift Project, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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