Seiche commune

Sepia officinalis

La Seiche commune (Sepia officinalis) est une espèce de céphalopode.

Longue de 20 à 30 cm (tentacules compris), elle possède un flotteur interne (appelé "l'os de seiche" qui est doué "d'un rostre" c'est une coquille qui est devenu interne au fil de l'évolution et qui n'a rien d'un os) qui joue aussi un rôle d'endosquelette et peut-être de réserve minérale. Sa tête porte des bras courts munis de ventouses, ainsi que deux grands tentacules et deux très gros yeux.

Les jeunes sont appelés seichons (il n'y a pas de stade larvaire comme chez le poulpe, les seichons sont des modèles réduits de l'adulte au sortir de l'œuf). Ils grandissent et se nourrissent dans l'œuf qui est alors recouvert d'une « peau » transparente. La seiche est dotée comme tous les céphalopodes d'un œil inhabituellement grand et complexe chez les invertébrés, qui lui offre une vision sophistiquée. Elle est de plus dotée d'une ligne latérale, qui comme chez le poisson, lui apporte des informations complémentaires sur son environnement, en tant que prédatrice, mais aussi en tant que proie. Douée de mimétisme, elle peut changer de couleur grâce aux chromatophores de sa peau, qui sont gouvernés par le cerveau. Comme le poulpe, grâce à ses tentacules elle peut saisir et manipuler des objets.

Elle projette un liquide noir, appelé sépia par un organe spécifique : l'entonnoir (débouchant dans la cavité palléale). Ce liquide, aussi appelé « encre » ou « noir de seiche » lui permet de se dissimuler pour prendre la fuite.

Son cerveau est − par rapport à celui d'autres invertébrés − très développé. La seiche fait partie des espèces qui comme les mammifères et les oiseaux, ont développé d'importantes capacités d'apprentissage par observation et de mémorisation (certains parlent même d'intelligence tant elle est capable de trouver des solutions à des problèmes).

Morphologie

Seiche commune.

D'une longueur du corps de 15 cm (mâle) à 30 cm (femelle) en moyenne, la seiche commune peut atteindre 45 cm environ avec les tentacules (DORIS (11 avril 2016)[1]). Elles ont une silhouette très aplatie et allongée (ce qui les différencie notamment des poulpes), de forme ovale quand les tentacules sont allongés et parallèles. Ces tentacules sont au nombre de 10, dont 2 sont plus longs que les autres, et dissimulés au repos. Le ventre est toujours blanc, mais le dos est marbré de plusieurs couleurs qui imitent le substrat, et peuvent changer (ainsi que de texture). Les yeux sont situés sur les flancs, avec une pupille complexe en forme de W. Tout le pourtour du manteau est bordé d'une nageoire continue et ondulante (DORIS (11 avril 2016)[1]).

  • gestation : 1,5 à 3 mois
  • nombre de jeunes / portée : 3 000 œufs par an
  • nombre de portées / an : 200 à 300 œufs par femelle
  • longévité : 1 an à 2 ans
    • libre  : 21 mois.

Alimentation

La seiche est un prédateur qui ne mange que des proies vivantes (dont des juvéniles de ses propres prédateurs, ce qui est très rare chez les invertébrés). Elle chasse et mange des crustacés (crabes et crevettes surtout) et de petits poissons. Un cannibalisme est parfois observé, surtout en aquarium.

C'est une espèce chromatophore, atout qui lui permet de passer souvent inaperçu au vu des prédateurs. Ses puissants muscles lui permettent de se déplacer très rapidement. De plus, son système de siphon (qui projette de l'eau) lui permet de se déplacer en arrière très rapidement (souvent observé en plongée lors de l'approche d'un plongeur vers une seiche). Ses grands tentacules lui permettent d'attraper ses proies très rapidement.

Vision

La seiche utilise aussi la polarisation de la lumière pour des tâches impliquant la détection d'objets en mouvement ; et peut être pour la communication[2].

Dimorphisme sexuel

Les mâles possèdent un bras transformé, dépourvu de ventouses, contrairement à celui de la femelle. Par ailleurs, il est observé que les mâles ont des rayures aux tentacules les plus latéraux de la partie antérieure du manteau.

Reproduction

Reproduction.

Les seiches s'éloignent des côtes durant l'hiver et s'en rapprochent à partir du printemps, pour s'y reproduire. La seiche pond entre 150 et 4000 œufs[3] entre juin et juillet. Après la reproduction, les adultes meurent.

Durant la phase de reproduction, la seiche a recours à des danses nuptiales durant lesquelles elle change rapidement de couleurs (passant par exemple de noir à vert fluo en quelques millisecondes). La femelle, après l'accouplement, gardera les œufs quelques jours puis les pondra sur une surface abritée.
Il n'y a pas de stade larvaire chez les Seiches : dès leur naissance les nouveaux-né sont des copies conformes, miniatures, des adultes.

Cycle de vie

Œufs sur une branche d'arbre.

La maturité sexuelle est acquise à un an environ (légèrement plus précocement chez le mâle). L'accouplement se fait « tête à tête et ventouses entremêlées ». Le mâle dépose des spermatophores au moyen d'un bras dit « hectocotyle » (sans ventouses et contenant un canal, qui par contraction propulse les spermatophores dans les organes génitaux de la femelle). C'est l'un des bras ventraux, modifié chez le mâle.

Comme les pieuvres, les seiches vivent et meurent par cohortes (tous les individus de 2 ans meurent à la même période, avant la naissance de leurs petits), ce qui explique les apparitions épisodiques d'os de seiche sur les plages.

Habitat et distribution

Cette espèce est largement répartie dans tout l'océan Atlantique, de la Baltique à l'Afrique du Sud (DORIS (11 avril 2016)[1]).

On trouve la seiche commune dans différents milieux sur le plateau continental, souvent à profondeur moyenne, principalement sur les fonds sableux (où sa forme aplatie et sa coloration lui permettent de passer inaperçue) et dans les herbiers, souvent près de la surface mais aussi jusqu'à 200 m de profondeur (DORIS (11 avril 2016)[1]). La femelle dépose ses œufs sur les côtes.

Migrations

Elle migre (s'éloigne du littoral en hiver pour revenir y pondre en été). On ne connaît pas encore comment ses migrations s'effectuent (revient-elle à l'endroit où elle est née pour y mourir après avoir pondu ?).

Capacité mémorielle et plasticité cérébrale

Des expériences sont conduites depuis les années 1990 aux États-Unis, en Italie, en Israël, en France, au Japon pour notamment étudier ses compétences mémorielles et ses compétences spatiales (stratégie dans un labyrinthe) exceptionnelles. Il a été montré que la mémoire de la seiche se développe précocement dans son ontogenèse[4]. Son cerveau est encore plus gros proportionnellement que celui du poulpe. On a noté qu'il y a un dimorphisme sexuel cognitif, une différence entre mâles et femelles dans le choix des stratégies de réponse pour l'orientation dans un labyrinthe, comme chez l'humain, les primates, le rat ou l'oiseau.

La mémoire de la seiche et sa plasticité sont étudiées y compris in ovo (dans l'œuf).

Son adolescence est longue, ce qui est fréquent chez les espèces dotées de capacités importantes d'apprentissage. Elle dispose d'une mémoire de court terme les premiers jours, et d'une mémoire à long terme qui se développe au cours de ses premiers mois de vie. Elle dispose d'une structure particulière du cerveau (dite lobe vertical ou complexe vertical), associative, qui joue un rôle dans la mémorisation.

Elle a une préférence alimentaire, qu'on peut modifier, par l'"éducation" en laboratoire en fonction des proies disponibles ou accessibles dans son milieu. Le neurone géant découvert chez le calmar, a également été trouvé dans le cerveau de la seiche.

Une étude publiée en 2021 démontre que cette espèce réussit avec succès des tests d'intelligence destinés aux enfants, notamment sur la capacité de patienter plus longtemps pour une meilleure récompense, ou contrôle de soi[5].

Capacité mimétique

Comme la pieuvre la seiche est dotée d'une vue sophistiquée et elle change de couleur pour se fondre dans son environnement ou pour exprimer des « sentiments ». Elle peut aussi en quelques millisecondes modifier la texture de sa peau et imiter la granularité de leur environnement. La peau des céphalopodes est en effet entièrement dotée d’une triple couche de leucophores (réfléchissant uniformément la lumière), d’iridophores (source de couleurs iridescentes par diffraction différentiée de la lumière) puis de chromatophores (qui, sous l'action du cerveau permettent à la peau de changer brusquement de couleur, en arborant des motifs colorés parfois très complexes)[6]. Les chromatophores « contractiles », permettent à la peau de l’animal de générer de petites cornes et d’autres pustules mimétiques imitant des algues, du sable, du gravier, une roche ou une croûte d'organismes marins... La seiche peut aussi « coder » ses motifs cutanés dans des longueurs d’onde que nous ne voyons pas, ce qui lui permet probablement aussi de communiquer entre individus via la couleur de leur peau. La peau de certaines seiches peut même générer des motifs en mouvement imitant les reflets de vagues en mouvement[6].

Ceci fait de cet animal une source d'inspiration pour le biomimétisme et pour la robotique molle, qui pourrait « bientôt » peu à peu intégrer une « cape d'invisibilité » avec une peau se colorant à la manière d’un écran LCD souple et modifiant sa forme, comme le montrent Pikul et al. en oct 2017 dans la revue Science : ils ont en effet obtenu des textures complexes au relief modifiable sur une « peau » artificielle à base de silicone. En 2017, les possibilités de transformation bi- ou tri-dimensionnelles programmables de surfaces élastiques et colorées sont encore très rudimentaires, mais, par exemple associées à un réseau de neurones artificiels, elles laissent entrevoir un nouveau champ du possible. Dans ce cas ce sont des membranes élastomères enrobées de mailles textiles inextensibles et peuvent être plus ou moins « gonflées » pour prendre des formes pré-programmées[7],[8].

Éthologie

Les seiches n'offrent pas de soins parentaux à leur progéniture. Les chercheurs se sont demandé si elles naissaient avec un instinct ou si elles apprenaient à la naissance, en matière de préférences alimentaires notamment. Les expérimentations ont montré que les jeunes seiches sont capables d'un apprentissage très précoce, y compris dans l'œuf. Elles ont des préférences alimentaires acquises dans la prime jeunesse, voire dans l'œuf, car la familiarisation à ces proies commence chez l'embryon qui perçoit déjà son environnement au travers de la membrane transparente de l'œuf[9]. On pensait que l'embryon n'avait pas de mémoire à court terme mais il a montré des capacités à retenir certaines informations, au moins une semaine durant. En laboratoire, la seiche peut inhiber son comportement prédateur quand il n'est pas le plus efficace.

Sous-espèces

Selon World Register of Marine Species (11 avril 2016)[10] :

  • sous-espèce Sepia officinalis officinalis Linnaeus, 1758
  • sous-espèce Sepia officinalis vermiculata Quoy & Gaimard, 1832

Pêche

Ce mollusque, relativement abondant fait l'objet d'une pêche intensive (de 2 000 à 10 000 tonnes par an en Manche). Il est présenté dans le commerce ou dans les assiettes des restaurateurs sous le nom de seiche bien sûr, mais aussi et abusivement sous le nom d'encornet.

La pêche de la seiche se pratique traditionnellement avec un hameçon spécial, la turlutte dite aussi calamarette. En Bretagne, la seiche est connue sous le nom de morgate ou margatte.

État des populations, menaces, pressions

On ne dispose pas d'étude exhaustive évaluant ses populations, mais c'est une des espèces qui peuvent localement être victimes d'une surpêche, ainsi que de la pollution des littoraux et des ports. Le recul des herbiers marins et les perturbateurs endocriniens l'affectent probablement également.

Notes et références

  1. DORIS, consulté le 11 avril 2016
  2. L. Cartron, N. Josef, A. Lerner, S. D. McCusker, A.-S. Darmaillacq, L. Dickel, N. Shashar (2013) Polarization vision can improve object detection in turbid waters by cuttlefish. J. Exp. Mar. Biol. Ecol. 447, 80–85
  3. Animal Diversity Web, consulté lors d'une mise à jour du lien externe
  4. Ludovic Dickels, thèse concernant Sepia officinalis, Université de Caen
  5. Marcus Dupont-Besnard, « Des seiches ont passé avec succès un test d’intelligence destiné aux enfants », Numerama, (lire en ligne, consulté le ).
  6. Octo camouflage (sweetrandomscience) : http://sweetrandomscience.blogspot.fr/2012/05/octo-camouflage-les-super-pouvoirs-de.html
  7. Cecilia Laschi (2017) Helping robots blend into the background ; Science13 Oct 2017
  8. Pikul J.H & al. (2017) “Stretchable surfaces with programmable 3D texture morphing for synthetic camouflaging skins “| Science 13 Oct 2017|Vol. 358, Issue 6360, pp. 210-214 | DOI: 10.1126/science.aan5627|[ http://science.sciencemag.org/content/358/6360/210 résumé]
  9. Anne-Sophie Darmaillacq, Embryonic visual learning in the cuttlefish, Sepia officinalis Lien/résumé (Science-Direct), 2007, consulté 2008 12 23
  10. World Register of Marine Species, consulté le 11 avril 2016

Annexes

Bibliographie

  • Dickel Ludovic (sous la direction de Raymond Chichery)  ; Thèse de doctorat : Comportement prédateur et mémoire chez la seiche (Sepia officinalis) : Approches développementale et neuro-éthologique, Université de Caen, Caen, 1997 Fiche Inist/CNRS;
  • (en) Anne-Sophie Darmaillacq & al., « Food imprinting, new evidence from the cuttlefish Sepia officinalis » ; Biol Lett. 22 septembre 2006, 22 ; 2(3) : p. 345–347. Voir (Pubmed)

Articles connexes

Références taxinomiques

Liens externes

  • Portail des mollusques et de la malacologie
  • Portail de la biologie marine
  • Portail du monde maritime
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.