Sebastiano Ricci

Sebastiano Ricci (né le à Belluno, en Vénétie et mort le à Venise) est un peintre italien baroque de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle, formé à Venise.

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Il travailla dans de nombreuses villes d’Italie, mais aussi à Londres, aux Pays-Bas et à Paris.

Il est reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris en 1718.

Son voyage à Londres entre 1712 et 1716 permit l'importation du baroque en Angleterre.

Biographie

Bethsabée au bain

Fils de Livio et d’Andreana, Sebastiano Ricci est baptisé à Belluno le . En 1671, il serait apprenti à Venise de Federico Cervelli. Selon Tommaso Temanza (1705 - 1789), par contre, il aurait eu comme premier maître Sebastiano Mazzoni. Il est tout à fait probable qu’il fut, en premier, l’élève de Cervelli et ensuite de Mazzoni.

Sebastiano Ricci, qui travaillait en 1678 dans un petit atelier du Rialto, aurait mis enceinte une jeune fille et, pour éviter de l’épouser, aurait cherché, sans y réussir, à l’empoisonner. Emprisonné et par la suite libéré grâce à une « noble personne », probablement appartenant à la puissante famille Pisani, il s’installe à Bologne.

Là, domicilié dans la paroisse Saint-Michel du Mercato di Mezzo, il reçoit la commande, le , d’une « Décapitation de Saint Jean Baptiste », venant de la confraternité de Saint Jean des Florentins pour leur chapelle.

Le , il passe contrat avec le comte de San Secondo, à côté de Parme, pour le décor de la chapelle de la Vierge de Serraglio qu’il complète, avec la collaboration de Ferdinando Bibiena en octobre 1687 pour une rétribution de 4 482 lires.

En 1686, il peint une « Pietà » commandée par le duc Ranuccio Farnèse pour le couvent des Nouveaux Capucins à Parme. Entre-temps, grâce aux bons offices du cardinal Antonio Pignatelli, le futur pape Innocent XII, le peintre épouse la jeune Vénitienne qu’il avait séduite et qui lui a donné une fille.

De 1687 à 1688, il décore les appartements de la duchesse Farnese dans le palais Farnese de Piacenza avec une série de peintures à l’huile représentant « Histoires de Paul III ».

Hercule luttant avec un centaure, 1706 - 1707, Florence, Palazzo Marucelli

Les faits divers rapportent que Sebastiano Ricci avait abandonné sa femme et sa fille en 1688 à Bologne, pour s’enfuir à Turin avec Madeleine, la fille du peintre Giovanni Peruzzini (en). Là, dénoncé, il est arrêté et condamné à mort. Gracié par l’intervention du duc de Parme, il est libéré et banni de Turin. Il profite évidemment des faveurs du duc Ranuccio Farnese, car, le , il lui accorde une « patente de familiarité », une sorte de lettre de recommandation, et lui alloue une pension mensuelle de 25 couronnes : en avril de cette année-là, avec ces moyens, il est logé au Palais Farnèse à Rome.

Les documents romains ne rapportent que les vicissitudes de la commande, donnée en 1692 à Sebastiano Ricci, de copier le « Couronnement de Charlemagne » de Raphaël au Vatican, pour le compte de Louis XIV, terminé seulement en 1694, à cause de la difficulté pour reproduire le dessin de Raphaël, et ensuite disparu. Les circonstances de la mort de son protecteur Ranuccio Farnese en décembre 1694 auraient poussé Sebastiano Ricci à quitter Rome pour Milan où, du reste, il avait déjà obtenu la commande pour réaliser des fresques dans la chapelle de l’église San Bernardino alle Ossa, œuvre terminée en novembre 1695.

Le , le comte Giacomo Durini charge Sebastiano Ricci, désigné dans le contrat comme « célèbre peintre » de peindre le retable « Théodolinde fonde la basilique » du Dôme de Monza. À partir de 1698, Sebastiano Ricci se trouve à Venise mais travaille aussi à Padoue, où, dans l’église Sainte Justine, il inaugure le son « Retable de saint Grégoire » et commence à peindre les fresques de la chapelle du Saint-Sacrement.

En 1701, il reçoit commande du géographe vénitien Vincenzo Maria Coronelli du retable l'« Ascension » à insérer au plafond de la sacristie de la basilique des SS Apostoli à Rome. L’année suivante, il est à Vienne au château de Schönbrunn où il peint une fresque au plafond du salon Bleu, l'« Allégorie des Vertus cardinales » qui illustre l’éducation du futur empereur Joseph Ier et qui représente une figure allégorique l'« Amour de la Vertu » qui détourne le prince des plaisirs de Vénus avant de parvenir au trône où l’attendent la « Gloire » et l’« Éternité ». À Vienne il reçoit également la commande d’une « Ascension » de l’électeur de Saxe, Frédérique Auguste II, converti au catholicisme pour garantir la succession à la couronne de Pologne.

En 1704, il exécute à Venise les retables des saints Procole, Fermo et Rustico pour le Dôme de Bergame et de la « Crucifixion » pour l’église florentine San Francesco de Macci, aujourd’hui aux Offices.

L’expérience à Florence

Rencontre de Vénus et d’Adonis, 1707, Firenze, Palazzo Pitti

Entre l’été 1706 et le , il est à Florence où il développe un vaste ensemble décoratif, le plus grand de ceux qui nous sont restés du peintre, dans le Palazzo Marucelli-Fenzi. Les fresques se situent dans cinq salles au rez-de-chaussée du palais : dans les deux premières, elles célèbrent la victoire de la « Paix » sur la « Guerre » et du « Vice » sur la « Vertu », dans les deux suivantes, le triomphe de la « Chasteté » sur la « Passion » et de la « Sagesse » sur l’« Ignorance », et dans la cinquième, la salle d’« Hercule », il célèbre les « Travaux » du héros, présentés comme un exemple de vertu morale et civique.

Peu de temps après, il décore une petite salle du Palais Pitti, à l’époque antichambre de l’appartement du prince Ferdinand II de Médicis et aujourd’hui le bureau du surintendant des Monuments. Son collaborateur Giuseppe Tonelli peint les murs en trompe-l’œil. Le plafond, d’une grande légèreté de touche, représente la « Rencontre de Vénus et d’Adonis ».

« Son séjour toscan aiguisa certainement chez Sebastiano Ricci le sens des formes ressenties avec un grand équilibre entre les parties, une grande clarté : ombre et lumière divisent désormais équitablement, dans une harmonie suprême, la peinture qui gagne en évidence sculpturale dans une couleur nullement mortifiée, mais au contraire merveilleusement lumineuse. C'est cela qui semble être le sens profond du tournant qui sépare les œuvres créées vers 1700, exclusivement dominées par quelques vastes zones de couleurs, définies par une touche large, modelante, toute d'ombre ou de lumière, des nouvelles créations articulées dans une lumière solaire... traitées formellement par l'alternance continuelle de facettes d'ombre et de lumière, avec une touche variée, qui s'adapte continuellement à l'objet décrit. »

 Arslan


En 1708, on retrouve sa trace à Venise, où il signe le retable de la Madonna col Bambino e santi dans l'église Saint-Georges-Majeur ; on y trouve des références à Véronèse, au Corrège et à Annibal Carrache : « C'est le chef-d'œuvre de cette manière néo-XVIe siècle, enrichie cependant par un coup de pinceau rapide et nerveux, typique du XVIIIe siècle » (Wittkower). « Ce vif intérêt pour la grande tradition du XVIe siècle constitue la base pour une relance dans le style du XVIIIe siècle d'un goût désormais totalement renouvelé » (Zampetti).


En Angleterre

Diane et Endymion, 1714, Londres, Chiswick House

Peut-être parti en 1711 de Rome où il avait peint durant l’hiver au palais Taverna les deux tableaux « Esther devant Assuérus » et « Moïse faisant surgir l’eau du rocher » , il arrive en Angleterre avec son neveu Marc, un bon paysagiste. Il exécute, pour 700 sterlings, dans la résidence londonienne de lord Burlington, aujourd’hui le siège de l’Académie Royale, huit toiles ayant des sujets mythologiques :

Ces quatre derniers tableaux furent transférés quinze ans plus tard à Chiswick House, aujourd’hui le siège du ministère des travaux publics. Un autre « Bacchus et Ariane » est conservé à la National Gallery à Londres.

Triomphe de la Sagesse sur l’Ignorance, musée du Louvre, Paris

Il quitte l’Angleterre à la fin de 1716 avec son neveu Marc et s’arrête à Paris. Là, il rencontre Watteau, et demande l’année suivante, en présentant son « Triomphe de la Sagesse sur l’Ignorance » son admission à l’Académie royale de peinture et de sculpture, ce qui lui sera accordé le . Ce tableau, exposé au Louvre, qui porte le titre donné par le peintre lui-même, représente plus précisément Minerve, déesse de la « Sagesse » – en laquelle à son tour s’identifie la France – qui incarne la « Vertu », laquelle écrase avec son pied l’« Ignorance », un homme aux oreilles d'animal.

De retour à Venise en 1718 avec les sommes considérables gagnées à Londres, il achète une vaste demeure aux Procuraties anciennes (Procuratie vecchie) de la Place Saint-Marc. La même année, l’oncle et le neveu vont à Bevedere, à côté de Belluno, pour décorer la villa de l’évêque Giovanni Francesco Bembo. Endommagées par le temps, ces peintures furent détruites par le nouveau propriétaire à la fin du XIXe siècle. Il reste un fragment de la « Tête de Femme » conservé au musée de Belluno.

Les dernières années

De 1724 à 1729, il travaille intensément pour la Maison de Savoie. En 1724 il peint la « Répudiation d’Agar » et « Salomon adorant les idoles », en 1725 la « Vierge en Gloire ». En 1726, il envoie à Turin « Susanne devant Daniel » et « Moïse faisant surgir l’eau du rocher ». Admis en octobre 1727 à l’Accademia Clementina de Venise, il remercie le peintre Giovanni Battista Piazzetta d’une lettre dans laquelle il rappelle son apprentissage dans les écoles de peinture « savantes » de Bologne.

Le il dicte son deuxième testament – un premier testament date du – et le 21 meurt son neveu Marco Ricci. Il rédige un autre testament le . Il termine le « Festin de Baldassarre » et « Esther devant Assuérus » pour le palais royal de Turin. Aujourd’hui, ces deux œuvres sont, toutes deux, au palais du Quirinal.

Il finit en 1734 sa dernière œuvre importante, l’« Ascension » de l’église Saint-Charles à Vienne, commande de la cour de Vienne : « la toile rapidement installée, il y mit la main, ne la leva plus jamais jusqu'à ce qu'il la voit finie, une fois achevée, il recueillit la pleine satisfaction, non seulement de Sa Majesté Christianissime, mais aussi de toute la noblesse, de tous les professeurs et intendants ».

Il n’aura pas le temps de recevoir ses honoraires : le , dans une annotation à son testament, il confirme son épouse comme unique héritière « puisqu’il n’avait pas de fils ». Malade, il survit à une opération chirurgicale, mais meurt le .

Points de vue

« Il eut en commun avec Giordano l'habileté d'imiter n'importe quel style... lorsqu'il avait à représenter quelque sujet que ce soit, il lui revenait en mémoire comment l'aurait traité tel ou tel maître et il en profitait sans malice... même s'il ne s'était pas appuyé sur la technique du dessin dans ses premières années, il en apprit assez plus tard, se perfectionnant inlassablement dans les académies qu'il fréquentait encore à l'âge adulte. Les formes de ses personnages ont la beauté, la noblesse, la grâce à la manière de Paolo (Véronèse) ; leurs attitudes sont naturelles au-delà du mode commun, vives, d'une très grande variété ; les compositions sont régies par la vérité et le bon sens. Bien qu'il fût très bon dans le maniement du pinceau, il n'en abusa pas, comme beaucoup l'ont fait, à la va-vite ; ses personnages sont dessinés avec précision, et détachés des fonds, qu'il peint souvent d'un bleu magnifique, sur lesquels ils triomphent »

 Lanzi

« Ricci, s'appuyant avant tout sur l'art splendide de Véronèse, fit prévaloir un nouvel idéal, celui de la claire et riche beauté des couleurs : en cela il ouvrit la voie à Tiepolo. Cela est beaucoup plus important que la question de savoir si le jeune Tiepolo, dans certaines compositions, se soit inspiré de Ricci. Sans Ricci, la peinture de personnages du rococo à Venise reste incompréhensible dans son évolution ...Tiepolo a porté les germes semés par Ricci à un niveau de richesse et de splendeur qui éclipse tout autour de lui... On doit reconnaître à Sebastiano Ricci le rôle du précurseur combatif. »

 Derschau

Suzanne devant Daniel, 1726, Turin, Galleria Sabauda

« On perçoit chez lui cette synthèse du décorativisme le plus baroque et de la peinture la plus identifiée et la plus substantielle, que nous reverrons chez Tiepolo. D'un côté le « cortonisme », direct et indirect, de l'autre la peinture très pointue du solitaire Magnasco ; le premier rendu plus intense, substantiel et libéré de toute académie, la seconde devenue aérée, brillante, en plein air hors des grottes magiques et des ténèbres. Une synthèse nouvelle qui ouvrait grand de nouveaux horizons de peinture pure, même si la scène n'est qu'un ballet, mais comme ressenti dans les merveilles de la couleur, dans ses accents les plus vibrants, aigus, agiles »

 Moschini

« Vers la fin du siècle, les Vénitiens se rendent compte qu'ils ont été exclus, pendant plus de cent ans, des grandes idées de la peinture baroque, désormais non plus romaine mais européenne, et ils commencent à voyager. Le premier des peintres vénitiens voyageurs, Sebastiano Ricci, a encore, comme tous les Vénitiens du XVIIe siècle, le goût du plagiat, de l'imitation... de ses prédécesseurs les plus divers ; mais d'abord il développe sa culture jusqu'à se faire européen, comprenant bien que depuis un siècle toute nouvelle idée figurative avait pris une valeur européenne. Ricci est le premier à s'apercevoir que les plafonds les plus réussis de la fin du siècle sont ceux de Luca Giordano à Florence. Suivant cet exemple, il réussit à inaugurer le prétendu rococo dans la petite salle du palais Pitti ou sous les voûtes du palais Marucelli. Plus tard, son incroyable rapacité culturelle qui donne à tant de ses peintures ce goût d'habile reportage de tous les leitmotivs européens, lui portera tort. »

 Longhi

Le Christ au mont des Oliviers, vers 1730, Vienne, Kunsthistorisches Museum

« ... Il sut imposer, à Venise et ailleurs, un goût nouveau, empreint de méditation, mais traduit avec hardiesse sur un plan ouvertement rococo, c'est-à-dire fait d'effets vifs, scintillants, vibrants de lumière et de couleur. Éclaircissant sa palette, il rapporta dans la tradition vénitienne une richesse d'expression chromatique traduite en une luminosité nouvelle et vibrante : il sut se défaire, par une interprétation intelligente du chromatisme véronésien et de la touche du pinceau à la manière de Magnasco, des freins du XVIIe siècle, prenant position aussi bien contre la mode des « ténébreux », que contre le nouveau courant Piazzetta - Federico Bencovich. Il fournit donc un langage nouveau et pertinent, précieux pour le développement de la peinture italienne du XVIIIe siècle, y compris pour Tiepolo lui-même, après son abandon du "piazzettisme" »

 Pallucchini

« Venise, encore plus que Naples, recueille l'héritage du prodigieux métier de Luca Giordano... Sebastiano Ricci le reprend, l'amplifie, le raffine à l'école de Sebastiano Mazzoni et ensuite du milieu savant bolonais, maîtrisant les propriétés d'une touche toujours plus légère et brillante ; il le renforce en réétudiant directement Véronèse, enrichissant ainsi de nouvelles notes les registres élevés de sa palette ; il y ajoute même des expériences étrangères acquises en travaillant à Vienne et à Londres. Il est le premier d'une équipe d'exécutants virtuoses de grande classe toujours en voyage à travers l'Europe. »

 Argan

Œuvres

Intercession du pape Grégoire Ier pour la fin de la peste 1700 basilique Sainte-Justine

On lui doit la Résurrection du dôme de la chapelle de l'hôpital de Chelsea à Londres.

Notes et références

  1. St Antoine, Louvre
  2. Propriété de Richard Neumann, saisi après 1938 par les Nazis, conservé par le Louvre et restitué aux descendants Neumann en 2013. Source: quotidien "De Morgen", 16 février 2013

Annexes

Bibliographie

  • Abbé de Fontenai, « Ricci (Sébastien) », dans Dictionnaire des artistes : ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs & danseurs, imprimeurs, horlogers & méchaniciens, t. 2, Paris, chez Vincent, (lire en ligne), p. 448-449
  • Luigi Lanzi, « Storia pittorica dell'Italia », Bassano, 1789
  • Joachim von Derschau, « Sebastiano Ricci », Heidelberg, 1922
  • Vittorio Moschini, « La pittura italiana del Settecento », Milano, 1931. (ISBN 88-87478-33-3)
  • Roberto Longhi, « Viatico per cinque secoli di pittura veneta », Firenze, 1946
  • Giuseppe Delogu, « La pittura veneziana dal XIV al XVIII secolo », Venezia, 1958
  • Ettore Arslan, « Contributo a Sebastiano Ricci e ad Antonio Francesco Peruzzini », Torino, 1959
  • Rodolfo Pallucchini, « La pittura veneziana del Settecento », Venezia - Roma, 1960.
  • Rudolf Wittkower, « Arte e architettura in Italia, 1600 - 1750 », Torino, 1965. (ISBN 88-06-13241-5)
  • Giulio Carlo Argan, « Storia dell'arte italiana », Firenze, 1968
  • Jeffery Daniels, « L'opera completa di Sebastiano Ricci », Milano, 1976. (ISBN 88-04-29091-9)

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