Organisme saproxylophage

Les organismes saproxylophages, par opposition aux organismes xylophages sont des organismes saproxyliques qui ne consomment que le bois mort en décomposition. Ils se distinguent des organismes saproxyliques qui réalisent tout ou partie de leur cycle de vie dans le bois en décomposition.

Coeur d'un arbre endommagé par une tempête, laissant voir de nombreuses galeries creusées par des larves d'insectes saproxylophages (coléoptères) se nourrissant de bois mort en cours de décomposition par des bactéries et champignons

Les organismes saproxylophages vivent en communautés composées de champignons, bactéries, protozoaires et invertébrés (dont de nombreux coléoptères).
Des communautés différentes se succèdent au fur et à mesure que le bois est finement décomposé. Ils jouent dans les écosystèmes forestiers un rôle majeur[1] en contribuant au cycle du carbone et au recyclage de la nécromasse végétale ligneuse qu'ils transforment en un humus forestier particulièrement riche et apte à absorber l'eau. Ils dépendent totalement de la phase hétérotrophe (bois mort) du cycle sylvigénétique[2], phase qui tend à disparaître avec le recul des arbres morts et du gros bois mort dans le paysage forestier, bocager et des bords de cours d'eau[3].

Ils vivent sur ou dans le bois des arbres sénescentes ou morts[4], et sur le bois mort tombé au sol ou dans l'eau.

Enjeux de conservation

Les communautés saproxylophages constituent une part très importante de la biodiversité forestière, et elles jouent un rôle très important car :

  • Elles pilotent le processus écologique qu'est la décomposition de l'arbre en humus[5]
  • Elles forment une base et une part importante du réseau trophique des écosystèmes forestiers.
  • Elles contribuent à la résilience écologique des forêts en accélérant le recyclage du bois mort dans les sols et dans l'écosystème forestier.

À titre d’exemple, les scientifiques anglais estimaient au début du XXIe siècle que le bois mort ou sénescent était un habitat vital pour 1 700 espèces d’invertébrés rien qu'en Grande-Bretagne (soit 6 % de l'ensemble de la faune connue de Grande-Bretagne). Mais 40 % de ces invertébrés étaient déjà classés rares ou sur la liste rouge des espèces menacées dans ce pays.

Spécificités

  • Ce sont généralement des espèces terrestres dont les larves fuient la lumière (lucifuges).
  • Certaines vivent dans l'eau où elles décomposent le bois immergé ou les racines situées sous le niveau de la nappe.
  • Certains insectes saproxylophages colportent avec eux les spores de champignons ou des morceaux de mycélium fixés sur des poils ou des organes dites « mycangia ». Ces champignons et parfois des bactéries associées les aident à décomposer la lignine et à se nourrir. Les adultes de ces espèces peuvent parfois ensemencer un arbre vivant mais affaibli en pondant leurs œufs. Il peut arriver qu'un champignon exotique ou muté soit particulièrement pathogène, c'est ainsi que le scolyte semble avoir transporté et diffusé un champignon qui a décimé en quelques décennies les ormes en Europe dans les années 1970-2000.

Menaces

Les invertébrés saproxylophages sont considérés comme faisant partie des espèces les plus menacées en Europe et de l'hémisphère nord, en raison de la raréfaction du bois sénescent et mort dans les contextes d'intensification de la sylviculture[6],[7] et de l'agriculture (recul du bocage).

Dans une forêt primaire tempérée, environ 1/3 du bois présent est mort et en cours de décomposition[8],[9],[10]. Dans la plupart des forêts exploitées, hormis localement (et parfois temporairement) après le passage des tempêtes, il ne reste plus assez de gros et vieux bois mort (qui ne gèle pas à cœur), dur, tendre et moyen, debout ou couché, sec à immergé… et il est rare de trouver plus de 1 à 3 arbres morts par ha de diamètre supérieur à 40 cm.

Selon les travaux qui ont servi à préparer la liste rouge européenne d'espèces de coléoptères saproxylophages menacés[11], les principales menaces identifiées à long terme sont notamment :

  • la perte d'habitat d'espèces, à cause d'une sylviculture qui laisse peu de place aux arbres sénescent et au bois mort, et d'une récolte intense des bois[11] ;
  • le recul des grands et vieux arbres ou d'arbres sénescents dans le paysage, soit parce qu'on considère à tort qu'ils sont malsains, soit pour des contraintes de sécurité dans les endroits fréquentés[11] ;
  • si de nombreuses espèces de coléoptères saproxyliques sont encore largement distribuées en Europe, leur nombre a souvent subi un très important déclin sur tout ou partie de leur aire naturelle de répartition[11] (ce qui peut poser des problèmes génétiques et de reproduction).
  • les lacunes de connaissances sont encore importantes, notamment sur la biologie de ces espèces, et donc sur leur état de conservation[11] ;
  • peu de pays européens - si ce n'est aucun - ne disposent (en 2010) d'un processus organisé et systématique de suivi de ce groupe taxonomique, même si quelques espèces sont mieux suivies et font l'objet de plans d'action de conservation[11] ;
  • il est urgent de sensibiliser les professionnels de la conservation et les gestionnaires sur les besoins des communautés saproxyliques, car elles sont entièrement dépendantes de la dynamique de vieillissement des arbres et des processus de dégradation du bois, ce qui devrait être pris en compte dans les processus de gestion[11] ;
  • la présence de vieux arbres appropriés (dont sous forme de chandelle[12]) dans une continuité historique est également importante, ce qui n'est pas encore abordé dans le processus de la directive européenne Habitats, et qui nécessite une attention urgente[11] ;
  • cette nouvelle analyse de l'état des menaces sur les coléoptères saproxyliques d'Europe pourra servir à la révision et la mise à jour des listes annexées à la directive habitat et à la Convention de Berne[11] ;
  • la couverture taxonomique de cette Liste rouge nécessite d'être élargie, car seulement une faible proportion des coléoptères saproxyliques ont été évalués en Europe[11].

Conservation

Il a été proposé de conserver volontairement du bois mort (consigne au sein de l'ONF en France), y compris en ville et dans les jardins pour tenter de freiner l'érosion de la biodiversité chez ces espèces, avec par exemple les Chronoxyles qui visent à y associer une action pédagogique.

Dans certains pays des corridors biologiques spécifiques ont été conservés ou restaurés (ex : Pologne) ou des réintroduction sont faites[réf. nécessaire].

Les écolabels forestiers tels que le FSC imposent au sylviculteur de veiller à conserver une quantité suffisante de bois mort pour préserver les communautés saproxylophages et leurs fonctions écologiques.

Notes et références

  1. Dajoz, R. 1974. Les insectes xylophages et leur rôle dans la dégradation du bois mort. In Pesson, P. 1974. Écologie forestière. Gauthier-Villars, Paris, pp. 257-287.
  2. André, J. 1997. La phase hétérotrophe du cycle sylvigénétique. Les dossiers de l'environnement de l'INRA, 15 (spécial Forêts) : 87-99.
  3. André, J. 1997. La protection des systèmes forestiers, de leurs espèces structurantes aux processus hétérotrophes. Écologie, 28(1) : 85-89.
  4. Arpin, P. (coord.) 2001. Les insectes saproxylophages liés aux arbres sénescents ou morts. MNHN/ONF, Les dossiers forestiers, n°9 : 145-159
  5. Franklin, J.F., Shugart, H.H., Harmon,M.E. 1987. Tree death as an ecologicalprocess. Bioscience 37(8) : 550-556.
  6. Green, P., Peterken, G.F. 1997. Variation in the amount of dead wood in woodlands of the Lower Wye Valley, UK, in relation to the intensity of management. Forest ecology and management, 98(3) : 229-238.
  7. Kirby, K.J., Webster, S.D., Antczack, A. 1991. Effects of forest management on stand structure and quantity of fallen dead wood : some British and Polish examples. Forest ecology and management, 43 : 167-174.
  8. Dobbertin, M., Baltensweiler, A., Rigling, D. 2001. Tree mortality in an unmanaged mountain pine (Pinus mugo var. uncinata) stand in the Swiss National Park impacted by root rot fungi. Forest ecology and management, 145 : 79-89.
  9. Fridman, J., Walheim, M. 2000. Amount, structure and dynamics of dead wood on managed forestland in Sweden. Forest ecology and management, 131 : 23-26.
  10. Goodburn, J.M., Lorimer, C.G. 1998. Cavity trees and coarse woody debris in oldgrowth and managed northern hardwood forests in Wisconsin and Michigan. Canadian Journal of Forest Research, 3 : 427-438.
  11. Nieto, A. and Alexander, K.N.A. (2010), European Red List of Saproxylic Beetles. Luxembourg: Publications Office of the European Union
  12. Ganey, J.L. 1999. Snag density and composition of snag populations on two national forests in the northern Arizona. Forest ecology and management, 117 (1-3) : 169-178.

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

  • IF/IGN/IFN (2012) Le bois mort en forêt, Numéro
  • Davies, Z. G., C. Tyler, G. B. Stewart, et A. S. Pullin. 2008. Are current management recommendations for saproxylic invertebrates effective? A systematic review. Biodiversity and Conservation 17: 209-234.
  • Dubois, G. et V. Vignon 2008. First results of radio-tracking of Osmoderma eremita (Coleoptera: Cetoniidae) in French chestnut orchards. In: Vignon, V., Asmodé, J.-F. (Eds.), Proceedings of the 4th Symposium and workshop on the conservation of saproxylic beetles, Vivoin, Sarthe Department, France, June 27–29, 2006. Revue d'Écologie.–Terre Vie, suppl. 10, pp. 131–138
  • European Red List. 2009. The European Red List assessment of saproxylic beetles, 20/05/2009.
  • Nieto, A. and Alexander, K.N.A. (2010), European Red List of Saproxylic Beetles. Luxembourg: Publications Office of the European Union
  • Lynne Boddy, E.M. Owens, I.H. Chapela (1989), Small scale variation in decay rate within logs one year after felling: Effect of fungal community structure and moisture content ; FEMS Microbiology Letters ; Volume 62, Issue 3, , Pages 173–183 (résumé)
  • Barry R. Taylor, Dennis Parkinso (1988), Does repeated wetting and drying accelerate decay of leaf litter? ; Soil Biology and Biochemistry ; Volume 20, Issue 5, 1988, Pages 647–656 (résumé)

Liens externes

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