Séisme du Kantō de 1923

Le séisme du Kantō de 1923 ou séisme de Kantō (関東大震災, Kantō daishinsai) a dévasté la plaine du Kantō, qui se situe à Honshū, l'île principale du Japon, le à 11 h 58. Ce séisme a été estimé en 1977[2] à une magnitude de moment de 7,9. Il provoqua de graves dommages aux villes de Yokohama, dans la préfecture de Kanagawa, de Shizuoka, dans la préfecture du même nom, et de Tokyo.

Séisme de 1923 de Kantō

Date à 11h58
Magnitude 7,9[1] à 8,4[réf. nécessaire]
Épicentre 35° 06′ nord, 139° 30′ est
Régions affectées plaine du Kantō, Japon
Victimes 105 385 morts et disparus
Géolocalisation sur la carte : Japon

Le séisme

Destruction du Ryōunkaku par le séisme.
Changement de la topographie du terrain à la suite du séisme. En rouge, les zones qui sont surélevées ; en bleu, celles qui se sont affaissées.

La tectonique de cette région est complexe avec quatre plaques tectoniques distinctes (la plaque pacifique, la plaque philippine, la plaque eurasienne et la plaque nord-américaine) et deux jonctions triples à moins de 200 km de distance l'une de l'autre. Le séisme a eu lieu sur la subduction qui relie ces deux points triples. La fosse engendrée par cette subduction de la plaque philippine sous la plaque nord-américaine est appelée la fosse de Sagami (en).

La géométrie exacte du plan de faille n'est pas définie avec certitude. Différentes études ont proposé des modèles plus ou moins complexes, comprenant un, deux, voire trois segments de faille pour expliquer les mouvements du sol observés durant le séisme (observations géodésiques). La faille plonge vers le nord-nord-est avec un pendage autour de 27° par rapport à l'horizontale. La segmentation de la faille à son extrémité ouest provient d'une éventuelle courbure du plan de faille. Le mouvement sur le plan de faille est inverse avec une composante décrochante dextre.

Les dommages

Le rapport officiel publié le 30 août 1926 fait état de 580 397 bâtiments détruits et de 141 720 morts[réf. souhaitée]. Cependant, Thomas Jaggar, dans un article publié en 1924, évoque le chiffre de 400 000 morts[3]. Plusieurs sources parlent de la mort d'une foule de 32 000 personnes dans le district de Honjo. Le feu à Tokyo n'a pas été contrôlé et de nombreuses victimes ont été tuées en raison de la panique générale.

D'après une étude du centre de recherche Kajima Kobori de 2004, 105 385 personnes auraient été tuées ou portées disparues[4]. La plupart des morts auraient été dues aux 88 feux qui se sont allumés séparément et se sont rapidement propagés du fait des vents forts venant d'un typhon près de la péninsule de Noto. Le météorologue japonais Sakuhei Fujiwhara a d'ailleurs fait une étude sur les conditions menant à sa propagation[5]. Comme le tremblement de terre avait détruit les accès à l'eau, il fallut deux jours pour éteindre tous les feux. Plus de 570 000 maisons furent détruites, laissant environ 1,9 million de sans-abris. Les dommages ont été estimés à plus d'un milliard de dollars américains aux valeurs contemporaines, Thomas Jaggar estimant pour sa part les dommages à 4,5 milliards de dollars de l'époque.

Vue panoramique de Nihonbashi et Kanda le 15 septembre.

Violences liées au séisme

L'impératrice Teimei visite les survivants après le tremblement de terre de Kantō de 1923.

Le chaos et la panique créés par le tremblement de terre amenèrent au développement de nombreuses fausses rumeurs. Des articles de journaux japonais diffusèrent des informations extravagantes ou exagérées, rapportant par exemple l'annihilation de Tokyo, l'enfoncement dans la mer de la totalité de la plaine du Kantō, la destruction de l'archipel d'Izu à cause d'éruptions volcaniques, ou l'apparition d'un immense tsunami jusqu'au mont Akagi (situé au centre du pays).

Une rumeur se développa accusant les Coréens résidant au Japon de tirer parti de la catastrophe pour piller et rançonner, d'empoisonner les puits et d'allumer des incendies. Les nombreux feux présents un peu partout renforcèrent les rumeurs, et des milices populaires commencèrent alors à tuer les résidents coréens, en particulier dans les villes de Tokyo et Yokohama. Certains Coréens prononçant le son « G » ou « J » avec un accent, il a été rapporté l'existence de barrages dans les villes, où les mots jū-go-en, go-jus-sen (15円 50銭) et gagigugego (がぎぐげご) étaient utilisés comme shibboleths. Ceux qui ne prononçaient pas correctement ces mots étaient battus voire tués, et de nombreux Chinois, Okinawais, ou Japonais d'autres régions ont été identifiés à tort comme Coréens.

Le ministère de l'intérieur avait déjà déclaré la loi martiale pour maintenir l'ordre et la sécurité, et l'armée impériale conduisit une action simultanée avec les forces de police pour protéger les Coréens. L'armée distribua des tracts niant les rumeurs et ordonnant aux civils d'arrêter les attaques contre les Coréens, mais celles-ci persistèrent souvent jusqu'à l'intervention de l'armée. Plus de 2 000 Coréens furent protégés de la foule, mais des études récentes ont montré que dans certains cas l'armée et la police avaient peut-être au contraire participé aux exactions. Dans certains quartiers, même les postes de police où étaient réfugiés les Coréens furent attaqués. On rapporte aussi des cas de protection par les habitants eux-mêmes.[réf. souhaitée]

Le nombre total de morts liés à ces violences est incertain. Le chiffre officiel du ministère de l'intérieur japonais est de 231 Coréens, 3 Chinois et 56 Japonais tués (en incluant les Okinawais). D'autres estimations prétendent qu'il y aurait eu 2 500 et 6 000 victimes coréennes ou originaires d'Okinawa, suivant les sources. 362 civils japonais furent arrêtés et condamnés. Une minorité fut condamnée à des peines sévères. La plupart eurent des peines légères, ou sortirent ensuite de prison lors des grâces liées au mariage du Prince Hirohito.

Des révisionnistes japonais tentent d'atténuer, voire d'effacer la mémoire de ces lynchages[6],[7],[8].

À la suite de ces fausses rumeurs, le Japon a mis en avant l'importance d'avoir accès à des informations fiables lors des catastrophes naturelles. Les instructions à suivre lors d'un tremblement de terre recommandent notamment de se procurer des informations fiables grâce à la radio, et de ne pas écouter les rumeurs. En 1960, le premier septembre fut désigné jour de la prévention des désastres pour commémorer le tremblement de terre et rappeler aux personnes l'importance de se préparer, septembre et octobre étant situés au milieu de la saison des typhons.

Profitant du climat de panique qui suivit le séisme, la police militaire japonaise (Kenpeitai) et la police politique (Tokkō) commirent des assassinats politiques visant les socialistes, les anarchistes et les syndicalistes[9],[10]. Ainsi, Noe Itō, Osugi Sakae et le neveu de celui-ci furent assassinés, épisode connu sous le nom d'incident d'Amakasu[11], tandis que dans le quartier ouvrier de Kameido, dix syndicalistes dont Hirasawa Keishichi, furent expéditivement exécutés dans l'incident de Kameido[12].

Après le tremblement de terre, Gotō Shinpei organisa un plan de reconstruction de Tokyo.

Références culturelles

L'écrivain Akira Yoshimura (1927–2006) a écrit sur cet événement un « récit-document » replaçant ce séisme dans son contexte et relatant les événements qui en découlèrent (présentés ci-dessus), en s'attachant particulièrement aux réactions divergentes, mêlées de rivalité, des deux grands sismologues japonais de l'époque, Akitsune Imamura et Fusakichi Ōmori.

Ce séisme est mis en images dans une séquence du film d’animation japonais Le vent se lève (風立ちぬ, Kaze tachinu), réalisé par Hayao Miyazaki et sorti au Japon en 2013.

Le tome 13 de Billy Bat (Naoki Urasawa) se déroule, en partie, lors de ce séisme.

Oswald Wynd évoque ce séisme dans son roman Une odeur de gingembre.

Le film Eros + Massacre de Yoshishige Yoshida évoque le tremblement de terre.

Haruki Murakami fait mention du séisme dans son roman La Ballade de l'impossible.

Le tremblement de terre est aussi représenté dans le film Haikara-san ga Tooru Movie 2 : Tokyo Dai Roman tout comme dans l'animé du même nom.

L’écrivaine canadienne Aki Shimazaki situe le troisième volet de la pentalogie « Le poids des secrets », Tsubame, en partie lors du séisme de 1923.

Notes et références

  1. M. Nyst, T. Nishimura, F. F. Pollitz, W. Thatcher, « The 1923 Kanto Earthquake Re-evaluated Using a Newly Augmented Geodetic Data Set » dans Journal of Geophysical Research, 2005 [lire en ligne]
  2. H. Kanamori, « The energy release in great earthquakes », J. Geophys. Res., 82, 1977, 2981-2987
  3. Thmos Jaggar, « The Yokohama-Tokyo earthquake of September 1, 1923 », Bull Seism. Soc. Am., 1924, 124–146
  4. Takafumi Moroi (諸井 孝文), Masayuki Takemura (武村 雅之), 関東地震 (1923年9月1日) による被害要因別死者数の推定, 日本地震工学会論文集 Vol.4 (2004) No.4 p. 21-45
  5. (ja) « Biographie de Sakuhei Fujiwhara », Ninohe city civic center (consulté le ).
  6. Jeong Nam-ku, Collection of 1923 Japan earthquake massacre testimonies released, the hankyoreh 3/9/2013.
  7. Narusawa Muneo, Behind Tokyo Governor Koike’s Refusal to Send a Eulogy to the ‘Memorial Service for Korean Victims of the Great Kanto Earthquake’: a Rightist Women’s Group and Nippon Kaigi], Shukan Kinyobi (1er septembre 2017) p. 16-17, tr. par Satoko Oka Norimatsu, in Two Faces of the Hate Korean Campaign in Japan, Japan Focus 15.24.5 (14 décembre 2017).
  8. Tokyo governor again skips tribute to Koreans killed after 1923 quake, The Mainichi (1er septembre 2018).
  9. Evelyne Lesigne-Audoly, postface du livre Le Bateau-usine de Takiji Kobayashi, Éditions Yago, Paris, 2009 (ISBN 978-2-916209-64-7).
  10. Iwao Seiichi, Iyanaga Teizō, Ishii Susumu, Yoshida Shōichirō, Fujimura Jun'ichirō, Fujimura Michio, Yoshikawa Itsuji, Akiyama Terukazu, Iyanaga Shōkichi, Matsubara Hideichi. 191. « Kantō daishinsai », in Dictionnaire historique du Japon, volume 11, 1985. Lettre K (1) pp. 112-113. consulter.
  11. Seiichi Iwao, Tarō Sakamato, Keigo Hōgetsu et Itsuji Yoshikawa, « 88. Amakasu taii jiken », Dictionnaire historique du Japon, vol. 1, no 1, , p. 28–28 (lire en ligne, consulté le )
  12. Seiichi Iwao, Teizō Iyanaga, Susumu Ishii et Shōichirō Yoshida, « 111. Kameido jiken », Dictionnaire historique du Japon, vol. 11, no 1, , p. 73–73 (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes

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