Sédévacantisme

Le sédévacantisme (de l'expression latine sede vacante signifiant « le siège[note 1] [étant] vacant », utilisée entre la mort ou la renonciation d'un pape et l'élection de son successeur[1]) est une position religieuse défendue par une minorité de catholiques issue du courant traditionaliste. Ils affirment que, depuis 1958 (mort de Pie XII) ou 1963 (mort de Jean XXIII), le siège de Pierre est vacant et que les papes suivants sont des usurpateurs.

L’emblème du Saint-Siège quand celui-ci est vacant.

Genèse du sédévacantisme

En , Joaquín Sáenz y Arriaga publie La Nouvelle Église montinienne (adjectif forgé d'après le patronyme de Giovanni Battista Montini, le pape Paul VI), dans lequel il conclut que Paul VI a fondé une nouvelle religion.

En , il est excommunié par les évêques de son pays pour ses idées. En 1973, il publie Sede Vacante, argumentant les « hérésies » de Paul VI. Il lie sa thèse au droit canon par la bulle de Paul IV Cum ex apostolatus. Il justifie ainsi la perte d'autorité papale.

Doctrine

L'argumentation sédévacantiste repose sur le syllogisme suivant :

  • en vertu de l'assistance du Saint Esprit, un pape ne peut, dans l'exercice de sa charge, enseigner ou promulguer des erreurs contre la foi (dogme de l'infaillibilité pontificale) ;
  • les papes, depuis Jean XXIII ou Paul VI, enseigneraient de multiples hérésies ;
  • conclusion : ceux-ci ne seraient donc pas des papes légitimes[2].

Les sédévacantistes ne reconnaissent ainsi ni la légitimité, ni l'autorité des pontifes régnant actuellement à Rome.

Pour eux, la ratification des décrets du IIe concile du Vatican et en particulier celui sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ serait incompatible avec la possession légitime du souverain pontificat, car cette doctrine aurait été précédemment explicitement condamnée par Pie IX dans son encyclique Quanta Cura. Nostra Ætate, le nouveau code de droit canon — qui aurait procédé à l'inversion des fins du mariage — et également certains actes (réunions œcuméniques et inter-religieuses notamment à Assise) sont considérés par les sédévacantistes comme scandaleux et relevant du schisme, de l'hérésie, de l'apostasie pour Paul VI, Jean-Paul Ier, Jean-Paul II, Benoît XVI et François[réf. souhaitée].

Certains s'appuient sur la bulle Cum ex apostolatus officio du pape Paul IV, qui énonce en 1559 : « S'il apparaissait […] qu'un souverain pontife lui-même, avant sa promotion et élévation au cardinalat ou au souverain pontificat, déviant de la foi catholique est tombé en quelque hérésie, sa promotion ou élévation, même si elle a eu lieu dans la concorde et avec l'assentiment unanime de tous les cardinaux, est nulle, sans valeur, non avenue ».

Également pour justifier leur position, certains d'entre eux se réfèrent à un passage de la version du Secret de la Salette publiée en 1879 : « Rome perdra la foi… elle deviendra le siège de l’antéchrist… Il y aura une éclipse de l’Église ». Outre que l’Église proscrivit cette version imprimée (mise à l'Index le ), en 1999 le passage en question est absent d'un manuscrit exhibé en tant qu'original par les archives de l’ex Saint-Office[3].

Selon les sédévacantistes[réf. nécessaire] et Raoul Naz, un pape perd son office par décès, abdication, folie ou hérésie publique[4]. La Catholic Encyclopedia considère que "Le pape lui-même, si notoirement coupable d'hérésie, cesserait d'être le pape parce qu'il cesserait d'être membre de l'Église."[5] La même Catholic Encyclopedia dit aussi : "Bien sûr, l'élection [papale] d'un hérétique, d'un schismatique ou d'une femme serait nulle et non avenue."[6]

Établissement d'une succession apostolique

Plusieurs personnes adhérant aux thèses sédévacantistes se sont vu conférer l'ordination épiscopale par l'archevêque de Hué, Mgr Pierre-Martin Ngô Dinh Thuc. Il sacra notamment Clemente Domínguez en 1976, Guérard des Lauriers en 1981. Du fait de cette attitude, ce fut le seul évêque de l'Église catholique romaine auquel on attribua, avec persistance, des sentiments sédévacantistes[7], même si la réalité de ces sentiments reste discutée[8].

L'Église catholique, par une notification du , a rappelé que les évêques ainsi ordonnés encouraient « l'excommunication ipso facto très spécialement réservée au Siège apostolique » ; de même, « les prêtres ainsi ordonnés illégitimement sont suspendus ipso facto de l’Ordre qu’ils ont reçu ». La question de leur validité, en revanche, n'est pas tranchée ; c'est pourquoi, « pour tous les effets juridiques, l’Église considère que chacun d’eux est resté dans l’état qui était le sien auparavant »[9].

Les groupes et personnalités

La plupart des évêques sacrés par Ngô Dinh Thuc ont donné naissance à des communautés qui forment les groupes les plus visibles de ce courant.

Il existe aussi des communautés isolées dans la lignée de Ngô Dinh Thuc, comme celles, de Bryan Clayton[15], de Neal Webster[16], de Robert Neville[17], de John Hesson, de M. Bruno[18].

La plupart des prêtres sont indépendants de toutes structures.

Différences avec la Fraternité Saint-Pie-X

Quoique réfractaires au concile Vatican II, les sédévacantistes ne sont pas pour autant favorables à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). En effet, si les origines de ces mouvements sont communes, la FSSPX refuse d'admettre l'idée selon laquelle le Saint-Siège serait vacant, et fait de l'adhésion formelle aux thèses sédévacantistes un motif d'exclusion. Pour elle, il faut reconnaître l’autorité du pape régnant[19].

Pour les sédévacantistes, cette attitude porterait en elle une contradiction interne que traduit ainsi l'évêque sédévacantiste Dolan, « la FSSPX s'est opposée à l’apostasie conciliaire non pas avec une réponse vraiment catholique mais plutôt avec la réponse du jugement privé par lequel les doctrines, les décrets et les disciplines universelles de ce qu’ils pensent être l’Église sont sujets à leurs avis privés », position qu'il estime condamnée par l'Église, notamment par la bulle Unam sanctam : « En conséquence nous déclarons, disons et définissons qu'il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d'être soumise au pontife romain ».[20]

Dans la première prière du canon de la messe tridentine le nom du pape régnant est mentionné. C'est une prière qui demande au Christ de gouverner son Église en union avec (una cum) le Pape, les évêques et tous ceux qui professent la foi catholique. Cette prière signifie donc que le pape régnant fait l'unité de l'Église en tant qu'instrument de Jésus-Christ qui gouverne l'Église. Contrairement aux autres traditionalistes, les sédévacantistes refusent d'être en communion avec la hiérarchie de l'Église qui pour eux serait une fausse hiérarchie. Ils omettent donc de prononcer le passage « una cum » au cours de leurs célébrations.

Présence sur Internet

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L'une des caractéristiques visuelles de certain de ces sites est la mise en avant de photographies apparemment problématiques. On trouve notamment une photo de Jean-Paul II embrassant le Coran[21] ou des photos du pape Benoît XVI allumant un chandelier à sept branches (la menorah des Juifs)[22].

Les sédévacantistes expriment également une critique très virulente contre les autres courants traditionalistes et certaines de leurs personnalités, les cibles les plus classiques étant l'abbé Franz Schmidberger, ancien supérieur de la FSSPX, considéré comme un infiltré, et l'évêque Richard Williamson, accusé par certains d'être rosicrucien[23].

Derniers papes reconnus par les sédévacantistes

Les sédévacantistes reconnaissent tous en Pie XII un pape légitime, quoique certains rejettent ses livres liturgiques de la semaine sainte. Certains émettent des doutes sur la légitimité de Jean XXIII. Leurs critiques s'appuient sur l'ambiguïté qu'ils estiment trouver à l'encyclique Pacem in Terris et sur certains témoignages évoquant l'hétérodoxie supposée de ce pape. Certains sédévacantistes le rejettent donc tout à fait et estiment que son élection en 1958 est douteuse.

D'autres sédévacantistes considèrent que Jean XXIII n'a jamais proclamé publiquement une hérésie et a donc toujours été pape, d'autant plus que l’Église entière l'a, de son vivant à partir du conclave de 1958, et durant des années après son décès, toujours reconnu et accepté comme pape. L’Église étant infaillible quand elle est unanime dans l'acceptation d'un fait dogmatique (ici, le fait qu'une personne soit pape), ils considèrent que c'est impossible de considérer Jean XXIII comme antipape. Ensuite l'Église entière (de rite latin) a reçu et utilisé pendant des années le missel de Jean XXIII. L'Église étant indéfectible dans sa prière officielle, ce serait impossible que tous utiliseraient pendant des années un missel qui déplairait à Dieu. Le même raisonnement vaudrait pour Paul VI jusqu'à sa prétendue hérésie publique du 21 novembre 1964 ("Lumen Gentium").[réf. nécessaire]

Le critère permettant de distinguer ceux qui admettent la légitimité de Jean XXIII est donc leur acceptation du Missel de 1962.

Sédévacantistes complets et catholiques Semper Idem

On distingue habituellement les sédévacantistes complets qui considèrent celui qui est sur le trône de Pierre comme un imposteur. Ils se réfèrent aux écrits de saint Robert Bellarmin qui fut un grand défenseur de la papauté et qui écrivit différents traités, dont l'un est particulièrement célèbre et apprécié des sédévacantistes complets : De Romano Pontifice[24].

D'autres acceptent, référant à la Commission qui a répondu à Mgr Purcell pendant le Concile Vatican I, qu'un pape peut devenir hérétique[25] et que seulement à partir de Paul VI le siège papal est devenu vacant, à partir de sa proclamation du document, selon eux hérétique, Lumen Gentium le 21 novembre 1964. Puisque tous les papes suivants ont accepté Vatican II, même avant leur éléction, ils considèrent qu'aucun d'eux n'a jamais été vraiment pape.

Cette appellation de "sédévacantiste" est contestée par une partie d'entre eux qui se revendiquent catholiques Semper Idem (CSI). Pour les catholiques Semper Idem ce n'est pas seulement le problème du pape qui serait un usurpateur, mais l'Église conciliaire qui éclipse l'Église catholique. Ils s'appuient sur les prophéties de Notre Dame à La Salette en 1846 qui aurait prédit l'éclipse de l'Église catholique.

Sédéprivationnistes (Thèse de Cassiciacum)

Les sédéprivationnistes, s'appuyant sur la thèse élaborée principalement par Mgr Guérard des Lauriers, pensent que les successeurs de Jean XXIII sont papes matériellement, mais non formellement (materialiter sed non formaliter).

Point de vue de l'Église catholique

Pour l'Église catholique, le sédévacantisme est un schisme. En effet, le canon 751 du Code de droit canon 1983 déclare : « On appelle [...] schisme, le refus de soumission au Pontife suprême ou de communion avec les membres de l’Église qui lui sont soumis »[26].

Notes

  1. sous-entendu le trône de l'apôtre Pierre

Références

  1. (la) État du Saint- Siège, Vatican, « Siège Vacant 2013 - Vatican », sur www.vatican.va (consulté le )
  2. http://jesusmarie.free.fr/apparitions_salette_secret.html
  3. Raoul Naz, "Traité de droit canonique" Tome I, Nr 512
  4. « CATHOLIC ENCYCLOPEDIA: Heresy », sur www.newadvent.org (consulté le )
  5. « CATHOLIC ENCYCLOPEDIA: Papal Elections », sur www.newadvent.org (consulté le )
  6. Voir sa déclaration du 25/02/1982
  7. « Notification par laquelle sont de nouveau déclarées les peines canoniques encourues par Mgr. Pierre-Martin Ngô-dińh-Thuc et ses complices pour les ordinations illicites de prêtres et d'évêques, 12 mars 1983 », sur www.vatican.va (consulté le )
  8. (en-US) « Bishop Clarence Kelly | Congregation of St. Pius V » (consulté le )
  9. « Third Order of Penance of St. Dominic: Traditional Catholic Community », sur www.willingshepherds.org (consulté le )
  10. La position de la FSSPX à l'égard des thèses sédévacantistes est détaillée dans cet article : Ce siège est-il vacant ?
  11. Conférence de Mgr Dolan
  12. Par exemple sur le site Church Revolution in Pictures.
  13. Par exemple sur ce site
  14. Voir ce site.
  15. Il existe aussi sur fisheaters.com/bellarmine.html une traduction en anglais de l'important chapitre 30 du livre II. On peut en lire ici le début de la traduction française :
    « La quatrième opinion est celle de Cajetan, pour qui le pape manifestement hérétique n'est pas ipso facto destitué, mais peut et doit être déposé par l'Église. À mon avis, une telle opinion est indéfendable. En premier lieu, en effet, il est prouvé par des arguments d'autorité et de raison que l'hérétique manifeste est ipso facto destitué. L'argument d'autorité se fonde sur saint Paul (Tite, c. 3), qui stipule que l'hérétique doit être évité après avoir été deux fois averti, donc après s'être montré manifestement obstiné, et ainsi avant toute excommunication ou sentence judiciaire. Et c'est ce que saint Jérôme écrit quand il ajoute que les autres pécheurs sont exclus de l'Église par une sentence d'excommunication, mais que c'est de leur propre fait que les hérétiques s'exilent et se séparent eux-mêmes du corps du Christ. Or, un Pape qui reste Pape ne peut pas être évité, car comment pourrait-on nous demander d'éviter notre propre tête ? Comment pouvons-nous nous séparer d'un membre qui nous est uni ? Ce principe est le plus sûr. Le non-chrétien ne peut en aucun cas être pape, comme Cajetan l'admet lui-même (ib. c. 26). La raison en est qu'il ne peut pas être la tête puisqu'il n'est pas membre, or celui qui n'est pas chrétien n'est pas membre de l'Église, et un hérétique manifeste n'est pas un chrétien, comme l'enseignent clairement saint Cyprien (lib. 4, Epist. 2), saint Athanase (Scr. 2 cont. Arian.), saint Augustin (Lib. De Grat. Christ. cap. 20), saint Jérôme (contra Lucifer) et d'autres ; l'hérétique manifeste ne peut pas donc être pape. »
  16. Julien Laurent, « Infaillibilité du Pape - est-ce qu'un pape peut devenir hérétique? », sur Scaturrex, (consulté le )
  17. « Code du Droit Canon », sur Faculté de Droit Canonique (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Maxence Hecquard, « La crise de l'autorité dans l'Église : Les papes de Vatican II sont-ils légitimes? », Paris, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2019, 318 p. , (ISBN 9782363712820) .
  • Maxence Hecquard, « Controverses : La crise de l'autorité dans l'Église », Paris, XB Éditeur, 2020, 180 p. , (EAN 9782492083051).
  • Frédéric Luz, Le Soufre et l'Encens : enquête sur les Églises parallèles et les évêques dissidents, Paris, Claire Vigne, coll. « La Place royale », 1995, 335 p.  (ISBN 2-84193-021-1)
  • Cyrille Dounot (dir.), Nicolas Warembourg (dir.) et Boris Bernabé (dir.), La déposition du pape hérétique : lieux théologiques, modèles canoniques, enjeux constitutionnels, Mare & Martin/Presses universitaires de Sceaux, (ISBN 978-2-84934-426-2 et 2-84934-426-5, OCLC 1127387716), « Paul VI hérétique ? La déposition du pape dans le discours traditionaliste »

Articles connexes

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