Rose Bertin

Marie Jeanne Bertin dite Rose Bertin ou Mademoiselle Bertin[note 1], née à Abbeville le et morte à Épinay-sur-Seine le , est une marchande de modes.

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Rose Bertin
Portrait de Mademoiselle Bertin dite Rose Bertin gravé par Jean-François Janinet d'après Louis-Roland Trinquesse.
Nom de naissance Marie-Jeanne Bertin
Naissance
Abbeville
Décès
Épinay-sur-Seine
Nationalité Française
Profession
Portrait présumé de Mademoiselle Bertin par Élisabeth Vigée Le Brun.
Portrait présumé de Mademoiselle Bertin par Louis-Amadée Van Loo (1789)[1].

Biographie

Fille de Nicolas Bertin, cavalier de la maréchaussée d'origine picarde, et de Marie-Marguerite Méquignon, garde-malade[2],[3], la future Mademoiselle Bertin, qui aurait débuté comme « fileuse » à la manufacture de drap fin des van Robais - fondée à Abbeville en 1665 - part pour Paris dès seize ans pour travailler comme modiste au « Trait Galant » sous les ordres de Mlle Pagelle[3], maison qui fournissait Marguerite de Rancurel de la Saune, maîtresse d'un prince du sang, le comte de Charolais et mère de ses deux filles. Comme cette dernière passa commande au « Trait Galant » de leurs robes de mariage, Mademoiselle Bertin, chargée de la livraison, rencontra à cette occasion la princesse douairière de Conti, elle aussi princesse du sang, qui devint sa première protectrice[4].

Le magasin Le Grand Mogol

En 1770, elle ouvre son propre magasin de modes à l'enseigne Le Grand Mogol, dans la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris (ultérieurement transféré au no 26 de la rue de Richelieu — rue de la Loi de 1793 à 1806 — à Paris, immeuble dont elle se porte acquéreur le et qu'elle conservera jusqu'à sa mort).

Sa créativité et son sens des affaires font que son activité se développe rapidement et emploie bientôt trente salariées et cent-vingt fournisseurs. Elle allège les silhouettes, avec des paniers plus légers et moins encombrants, lance la mode champêtre, les robes de mousseline et les robes de grossesse[5],[6] ; sa clientèle est essentiellement aristocratique.

La ministre des modes

Portrait de Mademoiselle Bertin par Pierre-Adolphe Hall.

Louise Marie Adélaïde de Bourbon, duchesse de Chartres, la présente à celle qui est depuis un jour reine, le , à Marly, alors que Louis XV vient d'expirer[7]. Elle jouit de la faveur de la reine de France Marie-Antoinette qui trouve en elle sa « ministre des modes » ; elle est d'ailleurs jalousée de sa proximité avec la souveraine. Cette jeune femme qui vient du peuple peut être considérée comme une entrepreneuse avant l'heure, ne devant sa réussite qu'à son talent ; en outre, les métiers de conception de mode sont surtout à l'époque une affaire d'hommes : Mademoiselle Bertin inaugure avant l'heure ainsi l'ère des créatrices de mode, qui prendra son essor le siècle suivant[8],[9],[note 2].

Elle achève la révolution opérée dans les modes par Madame de Pompadour et Madame du Barry. Elle se voit bientôt réclamée dans toutes les cours d’Europe[note 3]. Les modes explosent de diversité et d’invention (coiffure « à la Belle Poule », pouf « aux Sentiments », chapeau « feu l’Opéra », « à la Montgolfier » ou « à la Philadelphie »…)[note 4].

De conseillère vestimentaire, elle devient une proche de la reine Marie-Antoinette à qui elle conseille notamment, quand celle-ci ne parvient pas à concevoir d'enfant, d'effectuer le pèlerinage de Notre-Dame de Monflières, petit hameau dépendant du village de Bellancourt, près de sa ville natale d'Abbeville[10].

La Révolution et l'Empire

Boutique de Rose Bertin en 1807 (n° 26 de la rue de la Loi, à Paris).

Pendant la Révolution française, le destin de Mademoiselle Bertin et de Marie-Antoinette suivent des routes parallèles, se rejoignent à Versailles et se séparent sur la place de la Révolution, en octobre 1793.

Elle est accusée d'entretenir les passions dispendieuses de l'ancienne souveraine; pendant la Terreur, Bertin détruit probablement par prudence, tous ses livres de caisse et ses factures, mais continue à travailler et n'émigre qu'au dernier moment en Angleterre.

De retour en 1794, elle vient à Paris et récupère ses biens, dont ses ateliers du 26 rue de Richelieu (renommée rue de la Loi) ainsi que sa maison d'Épinay-sur-Seine (qu'elle surnomme le « pavillon Béatus »[note 5]) où elle décide de rester un an plus tard, mais le Premier Empire ne lui permet pas de retrouver son succès d'antan. Située au bord du fleuve à Épinay-sur-Seine, la maison peut être aperçue depuis l'île Saint-Denis, à la droite de la mairie d'Épinay[11].

Un an plus tard, elle décide de rester en France, à Épinay-sur-Seine, mais ne rencontre plus le même succès. Elle meurt en 1813, restée célibataire[3].

Œuvres

Filmographie

Postérité

Le Dictionnaire Bouillet indique qu’elle substitua, au « grand dommage des industries françaises, un luxe fantasque et léger à la magnificence des vieilles étoffes ».

Une rue porte son nom dans sa ville natale, ainsi qu'une station de la ligne T8 du tramway à Épinay-sur-Seine, où elle est morte.

Notes et références

Notes

  1. De son temps, elle est connue comme Mademoiselle Bertin. Le prénom de Rose est une invention posthume. Voir Sapori, 2003, pp. 159-168.
  2. Dans une conférence à l'Institut français de la mode, Michelle Sapori regrette le choix du terme de couturière et non de modiste par son éditeur.
  3. Elle faisait alors envoyer tous les mois à Saint-Pétersbourg un mannequin revêtu de ses dernières créations afin que la Cour russe soit constamment au fait de la dernière mode versaillaise. Ce fait est d'ailleurs rapporté par Delille dans les vers qu'il consacre à Rose Bertin dans son poème l'Imagination (chant III):

    ... Ainsi, de la parure aimable souveraine,
    Par la Mode, du moins, la France est encor reine;
    Et, jusqu'au fond du Nord portant nos goûts divers,,
    Le mannequin despote asservit l'univers.

    (Le mot Nord rappelle ici le titre de comte du Nord, porté par le futur empereur Paul Ier, lors de son voyage en France, en 1782, et fait donc référence à Saint-Pétersbourg).
  4. Cet engouement pour les créations les plus excentriques de Mlle Bertin est rapporté et critiqué par Madame Campan dans ses mémoires, qui en fait une des raisons de la détestation du peuple à l'égard de Marie-Antoinette : « On peut dire que l'admission d'une marchande de modes fut suivie de résultats fâcheux pour Sa Majesté. » (in Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, chapitre IV).
  5. Il est classé aux monuments historiques en 1933
  6. Le réel rédacteur serait l'avocat parisien Jacques Peuchet (1758-1830).

Références

  1. Christine Rolland, Autour des Van Loo: Peinture, commerce des tissus et espionnage en Europe (1250-1830), Université Rouen Havre, (lire en ligne), p. 307
  2. Acte de baptême,registres de la paroisse Saint-Gilles d'Abbeville : « l'an 1747 sur les neuf heures du soir est née du légitime mariage une fille de Nicolas Bertin cavalier de la maréchaussée et marié à Marguerite Méquignon son épouse, le lendemain a été baptisée, par moi curé soussigné sous le nom de Marie Jeanne » - Archives départementales de la Somme, Registre des Baptêmes de Saint-Gilles d'Abbeville.
  3. Catherine Örmen, « Bertin Rose - (1747-1813) », sur Encyclopædia Universalis
  4. Mémoires de Mlle Bertin, où elle raconte cette rencontre en détail.
  5. Peyret 2015, Libération, p. VIII.
  6. (en) « Original court dress by Rose Bertin », sur tiarasandtrianon.com
  7. Madame la duchesse de Chartres... introduisit dans l'intérieur de la reine mademoiselle Bertin, marchande de modes, devenue fameuse à cette époque par le changement total qu'elle introduisit dans la parure des dames françaises (in Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, chapitre IV).
  8. Bernet 2005, Annales historiques de la Révolution française, p. 181-182.
  9. Tétart-Vittu et al. 2013, Le dictionnaire universel des créatrices, p. 507.
  10. Hervé 2014, Le Courrier picard.
  11. « La maison de Rose Bertin », sur le site d'Épinay-sur-Seine.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jacques Delille, L'Imagination, chants premier et troisième, t. 1, (lire en ligne).
  • Henriette Campan, Mémoires sur la vie de Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre : suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI, Abbeville, Devérité, (lire en ligne), chap. IV.
  • Clare H. Crowston, « La Reine et sa "ministre des modes". Genre, crédit et politique dans la France pré-révolutionnaire », Travail, genre et sociétés, n°13, Paris, La Découverte, 2005, pp. 75-94 [lire en ligne].
  • Émile Langlade, La Marchande de mode de Marie-Antoinette. Rose Bertin, Albin Michel éditeur, (lire en ligne).
  • Pierre de Nouvion et Émile Liez (ill. Georges Ripart), Un ministère des modes sous Louis XVI. Mademoiselle Bertin, marchande de mode de la reine 1747-1813, Paris, Chez Henri Leclerc, (lire en ligne).
  • Catherine Guennec, La Modiste de la reine, Paris, Jean-Claude Lattès, .
  • Michelle Sapori :
    • Rose Bertin : Ministre des modes de Marie-Antoinette, Paris, Institut français de la mode et Éditions du Regard (distribution Seuil), , 318 pages (ISBN 2-914863-04-7)
    • Rose Bertin, la couturière de Marie Antoinette, Paris, Perrin, 2010 (ISBN 9782262032487).
  • Jacques Bernet, « Rose Bertin, ministre des modes de Marie-Antoinette », Annales historiques de la Révolution française, no 340, , p. 180-181 (lire en ligne).
  • Françoise Tétart-Vittu, Béatrice Didier (dir.), Antoinette Fouque (dir.) et Mireille Calle-Gruber (dir.), Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, , « Bertin, Rose (Marie-Jeanne bertin, dite) [Abbeville 1747 - Épinay-sur-Seine 1813] », p. 506-507.
  • Emmanuèle Peyret, « Rose Bertin, reine du bon goût », Libération, (lire en ligne).
  • Vincent Hervé, « Abbeville : Rose Bertin, la Coco Chanel du XVIIIe siècle», habillerait Lady Gaga (compte-rendu d'une conférence de Michèle Sapori) », Le Courrier picard, (lire en ligne).

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