Rosalind Franklin

Rosalind Franklin est une physicochimiste britannique, née le à Notting Hill et morte le à Chelsea. Pionnière de la biologie moléculaire, elle formule la première dans un rapport non publié la structure hélicoïdale de l'acide désoxyribonucléique (ADN), découverte spoliée par Watson et Crick qui accèdent à son travail. Elle a également joué un rôle majeur dans la découverte du virus de la mosaïque du tabac.

Pour les articles homonymes, voir Franklin.

Biographie

Rosalind Elsie Franklin est née dans une famille juive britannique établie[1]. Son père est Arthur Ellis Franklin, un marchand londonien et sa mère Muriel Frances Waley. Rosalind est la fille aînée et le deuxième enfant d'une fratrie de cinq enfants[2].

Elle fait ses études secondaires à la St Paul's Girls' School, puis s'inscrit au Newnham College. où elle passe la deuxième partie des tripos de chimie en 1941[2]. Durant la Seconde Guerre, elle poursuit des recherches sur le charbon auprès de la British Coal Utilisation Research Association (BCURA) à partir de 1942, tout en exerçant les fonctions de garde ARP à Londres[2]. Elle obtient son doctorat en physique-chimie à Cambridge en 1945 en étudiant la porosité de structures de carbones. En 1947, elle obtient un poste de chercheuse au CNRS et poursuit ses recherches au Laboratoire central des services chimiques de l'État, où elle utilise les techniques de diffractométrie de rayons X[3],[1],[4] pour déterminer les structures amorphes du carbone[5].

King's College

En 1950, John Randall lui propose de créer un laboratoire de diffraction des rayons X pour étudier la structure de l'ADN à King's College de Londres. Elle prend ses fonctions en janvier 1951[2]. En contrôlant précisément l'humidité des échantillons, elle parvient à distinguer la forme B de la forme A de l'ADN, plus rare mais souvent présente dans les échantillons déshydratés les plus souvent observés[5]. L'évolution de la structure de l'ADN avec l'humidité lui a permis de réfuter les premiers modèles d'ADN établis par Maurice Wilkins à James Dewey Watson et par Linus Pauling de manière indépendante, qui considéraient que les groupements phosphates devaient se trouver au cœur de la molécule[3],[5],[6].

Les clichés d'ADN obtenus par diffraction des rayons X de Rosalind Franklin et de son élève Raymond Gosling, notamment le cliché 51, ont été déterminants dans la découverte de la structure à double hélice de l'ADN par James Dewey Watson et Francis Crick en 1953, publiée dans Nature[3],[1]. Franklin, en mauvais termes avec Wilkins qui avait cru voir en elle une assistante, refusait depuis longtemps de lui communiquer le résultat de ses travaux. Toutefois, en , ayant décidé de quitter le King's College, elle autorise Gosling à montrer le cliché 51 à Wilkins. D'autre part, son supérieur avait demandé à ce que les résultats de ses travaux restent au King College. Wilkins en donne connaissance à l'insu de Franklin à Watson et Crick, qui ont eu aussi accès à un rapport d'évaluation du département[3],[5]. Lorsqu'elle apprend que Watson et Crick d'un côté, et Wilkins de l'autre, vont publier dans Nature des articles sur la structure de l'ADN , Rosalind Franklin exige que l'un de ses articles[7], faisant état de la structure soit hélicoïdale, soit en forme de tire-bouchon de l'ADN[8], soit publié dans le même numéro[7]. Le , Nature publie donc les trois articles. Celui de Watson et Crick se contente d'indiquer qu'ils ont été « stimulés par une connaissance de la nature générale des résultats expérimentaux et des idées non publiés [de Wilkins et Franklin] »[9], et ils affirment dans le corps de l'article n'avoir pas eu connaissance des résultats présentés dans les deux autres articles de Nature qui confirment la structure hélicoïdale qu'ils proposent. Toutefois, Watson admettra par la suite dans The Double Helix que la connaissance de ces données était indispensable pour trouver la solution[10]et que personne, à King College, n'avait réalisé que ces données étaient en leur possession[11]. Les trois articles parus dans Nature sont complémentaires, mais c'est celui de Watson et Crick qui est le plus mis en avant.

En 1962, Franklin étant morte, Watson, Crick et Wilkins obtiennent le prix Nobel pour cette découverte. Si Wilkins remercie Rosalind Franklin, ni Watson ni Crick ne la citent ou ne reconnaissent son rôle[12],[13].

Birkbeck College

Du fait des mésententes avec ses collègues du King's College, elle quitte cette institution en , pour rejoindre le Birkbeck College dans le département de John Desmond Bernal. Elle y utilise la technique de la cristallographie sur les virus[3], et permet la découverte de la structure du virus de la mosaïque du tabac avec Aaron Klug. Elle entame de nombreuses collaborations avec des laboratoires aux États-Unis qui permettront d'entreprendre des travaux sur le virus de la poliomyélite[5].

Fin de vie

Elle meurt prématurément en 1958 d'un cancer de l'ovaire, probablement lié à l’exposition aux radiations lors de ses recherches[1],[4].

Dix ans après la mort de Rosalind Franklin, James Dewey Watson, dans son livre La Double Hélice (en), minimise le rôle de celle-ci et la décrit comme une personne acariâtre. La famille de Rosalind Franklin, ainsi que Francis Crick, Aaron Klug et Linus Pauling s'élèveront contre la description du travail et de la personnalité décrite dans le livre[5].

Hommages et distinctions

En 2008, elle reçoit le prix Louisa-Gross-Horwitz à titre posthume[14].

Un prix Rosalind-Franklin a été créé en 2003 par la Royal Society.

En 2019, le futur astromobile martien de l'ESA ExoMars est baptisé en hommage au nom de Rosalind Franklin[15].

Son nom est donné à la promotion PACES 2019-2020 de la faculté de sciences médicales et pharmaceutique de Besançon ainsi qu'à la promotion 2020-2021 des étudiants en médecine de la faculté de médecine de Tours.

Une des bibliothèques universitaires (Sciences-STAPS) de l'université de Caen porte son nom.

Son nom est donné à la promotion 2020-2023 de l'INSA Strasbourg.

Une rue porte son nom dans la ZAC du quartier de l'école Polytechnique à Palaiseau, longeant le centre de recherche Danone.

En 2021, son nom est donné au bâtiment dédié aux unités de recherche en génétique et en zootechnie d'Agrocampus Ouest Rennes.

Notes et références

  1. « Rosalind Franklin, génie incompris réhabilitée par Google », sur Le Point.fr, (consulté le ).
  2. Aaron Klug, « Franklin, Rosalind Elsie (1920–1958) », dans Oxford Dictionary of National Biography, (lire en ligne).
  3. Marcelle Rey-Campagnolle, « Rosalind Franklin et la découverte de la structure de l'ADN », notice biographique, 3 p. [PDF], sur sfp.in2p3.fr, Société française de physique (consulté le ).
  4. « Connaissez-vous Rosalind Franklin, héroïne du Doodle du jour ? », sur bfmtv.com, (consulté le )
  5. Maddox 2012.
  6. Émission Rosalind Franklin, à 2 brins du Nobel. La méthode scientifique, France Culture, 05/04/2018.
  7. (en) « Due credit », Nature, vol. 496, no 7445, , éditorial (DOI 10.1038/496270a, lire en ligne)
  8. Victoria Hernandez, « “Molecular Configuration in Sodium Thymonucleate” (1953), by Rosalind Franklin and Raymond Gosling », sur asu.edu,
  9. « We have also been stimulated by a knowledge of the general nature of the unpublished experimental results and ideas of Dr. M. H. F. Wilkins, Dr. R. E. Franklin and their co-workers at King’s College, London. »
  10. (en) James Watson et Francis Crick, « Molecular structure of nucleic acids (version annotée) : a structure for deoxyribose nucleic acid », sur exploratorium.edu, Nature, , p. 737–738
  11. Brenda Maddox, « The double helix and the 'wronged heroine' », Nature, no 421, , p. 407–408 (DOI 10.1038/nature01399, lire en ligne)
  12. « L'effet Matilda ou le fait de zapper les découvertes des femmes scientifiques », L'Obs, (lire en ligne, consulté le )
  13. « Rosalind Franklin, pionnière de l'ADN », France Culture, (lire en ligne, consulté le )
  14. (en) « 2008 Horwitz Prize Awarded To Arthur Horwich and Ulrich Hartl For Cellular Protein Folding », sur Medical News Today, (consulté le ).
  15. (en-GB) esa, « ESA’s Mars rover has a name – Rosalind Franklin », sur European Space Agency (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Anne Sayre, Rosalind Franklin and DNA (en), W. W. Norton & Company, 1968, rééd. 2000, 240 p. (ISBN 0-393-32044-8).
  • Brenda Maddox (trad. Samia Touhami), Rosalind Franklin : la Dark Lady de l'ADN, Paris, Editions des Femmes, , 344 p. (ISBN 2721006185).

Articles connexes

Liens externes

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