Reproduction sociale

La reproduction sociale désigne le phénomène sociologique d'inertie sociale intergénérationnelle. Elle est l'opposée de la mobilité sociale.

Définition

Ce terme décrit une pratique sociale relative à la famille, consistant à maintenir une position sociale d'une génération à l'autre par la transmission d'un patrimoine, qu'il soit matériel ou immatériel.

Ce phénomène connu se traduit statistiquement aujourd'hui par le fait par exemple qu'un fils d'ouvrier a plus de chance de devenir ouvrier que de quitter sa classe sociale et de même qu'un fils de cadre aura plutôt tendance à devenir cadre à son tour que de changer de classe sociale.

Principales études

Karl Marx

La reproduction sociale a en partie été étudiée par Karl Marx, qui s’intéressait principalement à l'accumulation et à la reproduction du capital.

Bourdieu et Passeron

Le phénomène de reproduction sociale est étudié et décrit notamment par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans Les Héritiers, paru en 1964. Ils montrent par l'exemple des étudiants et comment la position sociale des parents constitue un héritage pour les enfants, certains héritant de bonnes positions sociales ; d'où Les Héritiers (tandis que d'autres au contraire sont les déshérités.)

Dans La Reproduction[1], ces mêmes auteurs s'efforcent de montrer que le système d’enseignement exerce un « pouvoir de violence symbolique », qui contribue à donner une légitimité au rapport de force à l’origine des hiérarchies sociales.

Raymond Boudon

Dans L'Inégalité des chances, paru en 1973, Raymond Boudon étudie la mobilité sociale d'étudiants et montre que le facteur le plus important de l'inégalité scolaire est la demande d'éducation, autrement dit l'ambition scolaire des étudiants et de leurs parents, l'origine sociale apparaissant comme un facteur de second rang uniquement[2],[3].

Boudon met en avant le poids du choix individuel dans la mobilité sociale par rapport au déterminisme social.

Il souligne aussi l'importance première de la structure de la société : c'est le nombre de postes de cadres à pouvoir qui détermine la mobilité sociale davantage que le nombre de personnes formées à le devenir. Autrement dit, la baisse des inégalités scolaires n'entraîne pas nécessairement de baisse des inégalités sociales.

Accès à la culture, en France

Selon Monique et Michel Pinçon-Charlot, les enfants des riches ont accès à une grande culture générale et surtout artistique, dans laquelle ont baigné leurs parents. Ces futurs héritiers sont inscrits dans des écoles et universités prestigieuses (6 étudiants sur 10 viennent de classes supérieures et dominantes). Ces écoles privées sont très chères et marquent un avantage par rapport aux écoles publiques. L'argent s'allie par conséquent à la culture. Les enfants bénéficient de nurses ou de jeunes filles au pair pour apprendre des nouvelles langues dès leur plus jeune âge. On apprend aux enfants à se sentir supérieurs, ces derniers ont par conséquent une grande confiance en eux et éprouvent un sentiment de supériorité dans la vie. Les riches font très attention au mariage: se marier avec des familles riches pour garder leur fortune est une nécessité. Les mères de famille organisent donc des soirées mondaines pour deux raisons; montrer leur richesse, leur culture mais également espérer trouver l'âme sœur de leurs enfants. Les mariages servant principalement à préserver la richesse des familles. Ainsi les futurs héritiers apprennent à gérer leur fortune, pour pouvoir la transmettre eux aussi à leurs propres enfants[4].

Selon le sociologue Camille Peugny, la reproduction sociale n’a pas diminué en France entre le début des années 1980 et la fin des années 2000 : 70 % des enfants de cadres exercent un emploi d’encadrement tandis que 70 % des enfants d’ouvriers occupent un emploi d’exécution[5].

Notes et références

  1. Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La Reproduction, Minuit, 1970.
  2. « Raymond Boudon, le théoricien de l'"individualisme méthodologique" », Le Monde, (lire en ligne)
  3. Nonna Mayer, « Boudon (Raymond) - L'inégalité des chances, La mobilité sociale dans les sociétés industrielles. », Revue française de science politique, (lire en ligne)
  4. Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? : mon premier manuel de pensée critique, Paris, La ville brûle, , 64 p. (ISBN 978-2-36012-047-5)
  5. Camille Peugny, Le destin au berceau : inégalités et reproduction sociale, Seuil, , 111 p. (ISBN 978-2-02-109608-8 et 2-02-109608-4)

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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