René Belbenoît

René Belbenoît (né le , à Paris, mort le , à Lucerne Valley), est un prisonnier et bagnard français. Il est connu pour avoir été emprisonné à l'île du Diable en Guyane et s'en être échappé.

Biographie

Jeunesse

René Belbenoît est né le à Paris[1]. Adolescent livré à lui-même, il fait vite connaissance avec la justice pour de petits délits et n'échappe à la maison de correction qu'en devançant l'appel en 1918, à l'âge de 19 ans. C'est à la période 1920-1921 que, tout juste majeur, Belbenoît enchaîne les arnaques, escroqueries et vols à l'étalage[2].

En , âgé de 22 ans, René Belbenoît est arrêté à Nérondes (Cher) pour vol avec effraction et part en prison. Le jeune homme est poursuivi pour les multiples vols, arnaques et escroqueries pour lesquels il était recherché. Bien que les faits commis par Belbenoît soient des délits, le jeune homme est néanmoins renvoyé devant une Cour d'assises, du fait d'être en "état de récidive"[2].

Condamnation au Bagne de Cayenne

En , âgé de 23 ans, René Belbenoît est condamné par la Cour d'assises de Dijon, à 8 ans de travaux forcés[3]. En vertu du « doublage », cette sentence signifie qu'au-delà du temps de travaux forcés, le condamné est astreint à une résidence en Guyane égale à sa condamnation avant de pouvoir rentrer en métropole[2].

Le , René Belbenoît quitte la citadelle de Saint-Martin-de-Ré à bord du cargo Le Martinière et débarque 14 jours plus tard avec le statut de « transporté » au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni. Âgé de seulement 24 ans, Belbenoît propose un premier plan d'évasion avec l'un de ses codétenus, Léonce, qui accepte sa proposition, cherchant également à s'évader. Malgré les mises en garde des détenus plus expérimentés, les deux bagnards préparent alors des provisions et un radeau, afin d'assurer leur évasion[2].

Tentatives d'évasions durant sa captivité

Le , René Belbenoît tente une première évasion en compagnie de Léonce. Ils embarquent à l'aide d'un radeau, mais, le courant de la mer étant relativement fort, les deux bagnards s'échouent quelques kilomètres plus loin sur la rive française. Ils y passent la nuit dans des circonstances traumatisantes, comme il l'expliquera dans son livre. Dès le lendemain matin, René et Léonce reprennent leur radeau et parviennent à arriver jusqu'en Guyane Hollandaise. Ils arrivent sur la rive mais, contraints d'arpenter la jungle, René et Léonce sont encerclés par une troupe d'Indiens, qui les ramènent au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni. Les deux bagnards sont envoyés au mitard du Bagne ; lieu où d'autres détenus, ayant tenté de s'évader, s'entretuent. Belbenoît échappe néanmoins à la mort. Après être sorti du mitard, René Belbenoît, toujours bagnard à Cayenne, devient infirmier et prépare un nouveau plan d'évasion[2].

Le à 21h, René Belbenoît s'évade de nouveau, en compagnie d'une bande de « durs » : « Lulu », « Gispy », « Jojo » (compagnon de Gipsy), « Le Basque », ainsi que trois autres bagnards. Mais, dès le lendemain matin, la pirogue utilisée par les évadés est déviée par le vent vers la côte hollandaise. À la suite de cela, « Le Basque » (l'un des évadés), se disant « connaisseur », convint le groupe en attachant des cordelettes à la pirogue. Mais, n'étant pas qualifié dans le domaine de la marine, la pirogue rompt à la suite de trois coups de vagues, emportant ainsi les provisions. Le reste de la troupe, étant furieuse, « Le Basque » est poignardé en plein cœur sous l'ordre de « Lulu ». Quelques jours plus tard, après un long périple, « Gipsy » tue « Jojo » à coups de sabre afin de le voler. À la suite de la découverte du corps de « Jojo » par les autres évadés, « Lulu » poignarde « Gipsy » et l'éventre, avant que les cinq membres survivants ne le mangent en guise de dîner. Le lendemain, le troupe reprend leur marche vers la Guyane Hollandaise, avant d'être encerclé par des Indiens, ramenant la bande au Bagne de Cayenne. Belbenoît voit sa peine alourdie de six mois, alors que les autres prennent un an supplémentaire. René Belbenoît, participant durant toute l'évasion, avouera dans son livre qu'il "n'était plus lui-même", en raison de plusieurs journées d'escapade, de famine et de périple[2].

À la suite de son retour au Bagne de Cayenne, René Belbenoît signe une pétition, afin de protester contre les conditions de détention. Les révoltes de Belbenoît agaçant l'administration du Bagne, lui valent d'être placé sur la surveillance des policiers du Bagne de Cayenne en 1925 et 1926. Cependant, les plaintes de Belbenoît suscitent un vif débat des journalistes sur le sujet[2].

En juillet et , une journaliste britannique, ayant interviewé René Belbenoît, publie des articles de presse sur la vie quotidienne des bagnards de Cayenne. À la suite de cela, René Belbenoît, âgé de 28 ans, tente deux nouvelles évasions, mais ces dernières ne lui permettront aucunement d'arriver à ses fins et il verra sa peine augmenter d'un an depuis sa condamnation ; 9 ans de travaux forcés au lieu des 8 ans auxquels il avait été condamné[2].

Libération, récidive, ultimes évasions et embarquement pour l'Amérique

Le , après avoir purgé ses 9 ans de détention, René Belbenoît est libéré du Bagne de Cayenne. Bien que libre, Il est contraint de rester à Cayenne, mais bénéficie exceptionnellement d'aller au Panama pour une durée d'un an. Il parvient à retrouver la journaliste qui l'avait interviewé et trouve du travail[2].

En 1931, René Belbenoît, ayant une forte envie de retourner à Paris, décide d'embarquer dans un bateau menant au Havre, mais est arrêté à son arrivée à destination. Âgé de 32 ans, il retourne en prison[2].

Le , René Belbenoît est condamné à 3 ans de travaux forcés supplémentaires pour son retour clandestin en France. Il est renvoyé en Guyane par le même cargo en compagnie d’Henri Charrière, alias « Papillon ». De retour au Bagne de Cayenne, Belbenoît prépare une nouvelle évasion avec cinq autres détenus, surnommés : "Bébère", "Dadar", "Casquette", "Panama" et "Chiflot"[2].

Le , les six bagnards s'évadent ; parvenant ainsi à conquérir « la Belle ». Belbenoît et sa bande atteignent Trinidad où les Anglais leurs confient un chalutier qui fait naufrage. Les cavaleurs s'échouent en Colombie et sont arrêtés par les autorités colombiennes, avant de regagner la prison de Colombie, afin d'être renvoyés au Bagne de Cayenne. Cependant, René Belbenoît élabore son "plan ultime", afin de ne jamais retourner au Bagne de Guyane.

En , profitant d'être placé à l'isolement, René Belbenoît s'évade de prison avec la complicité d'indiens. Âgé de 37 ans, il entame une cavale de 22 mois et gagne clandestinement en cargo Los Angeles en . Ses exploits et sa description de la vie des forçats sont publiés en 1938 sous le titre Dry Guillotine (en) (Guillotine sèche, titre emprunté à Albert Londres) grâce au manuscrit qu'il a emporté avec lui. La diffusion de son récit dépassera le million d'exemplaires et inspirera fortement le récit Papillon d'Henri Charrière. Il vaut au jeune forçat la célébrité et la sympathie de l'opinion américaine tout en exacerbant le ressentiment des autorités françaises[4].

Contraintes de répondre à l'insistance des autorités françaises tout en ménageant l'opinion de leurs propres citoyens, les autorités américaines finissent par expulser Belbenoît[4].

Obtention de la nationalité américaine et fin de vie

En , René Belbenoît part en Amérique centrale, d'où il suit les statistiques de vente de son deuxième ouvrage Hell On Trial. Salvador, Costa Rica, Mexique, Belbenoît est traqué de toute part, car la pression française ne se relâche pas. Âgé de 41 ans, il finit par repasser à la nage le Rio Grande pour gagner le Texas où il est immédiatement arrêté, condamné à un an de prison et incarcéré pour immigration clandestine. Sa peine purgée, Belbenoît est sauvé par la guerre de l'extradition vers la France, échappant ainsi, très vraisemblablement, à un nouveau séjour en Guyane.

Autographe édition 1938 "The dry Guillotine"

René Belbenoît s'installe à Los Angeles où il épouse Lee Gumpert, sa troisième femme, en 1945. « Alien permanent », il parviendra à demeurer aux États-Unis, d'autorisation temporaire en autorisation temporaire, jusqu'en 1953 où il quittera les États-Unis une dernière fois pour y revenir et recevoir un tampon officiel sur son permis de résidence définitive. Ne pouvant obtenir une quelconque grâce présidentielle et un droit de retour en France, Belbenoît forme une démarche afin d'obtenir la nationalité américaine[5]. En , soit presque 18 ans après son arrivée en Amérique, René Belbenoît obtient finalement la nationalité américaine, après plus de 34 ans de privation de tous droits civiques. Désormais âgé de 57 ans, Belbenoît avoue avoir retrouvé sa "liberté" en tant que citoyen américain, trouvant ainsi la justice française comme "désolante" et "écœurante"[5].

Le , René Belbenoît meurt à Lucerne Valley, une petite localité du désert de Mojave, en Californie (lieu où il était retiré depuis 1950), à quelques semaines de son 60e anniversaire. Pendant son séjour au Bagne de Guyane, Belbenoit a été le compagnon de forçats célèbres (Dieudonné, Roussenq, Seznec ...) dont il a raconté la vie dans des cahiers manuscrits qu'il vendait aux touristes ou aux gardiens. Son destin croise et recroise curieusement celui d'Henri Charrière, dit Papillon. C'est ainsi qu'après les rues de Paris, ils partageront le même convoi, en 1933, à bord du Martinière, entre Saint-Martin de Ré et Saint-Laurent-du-Maroni. De même, ils seront tous deux consacrés aux États-Unis où, 35 ans après Dry Guillotine, la première de Papillon, adaptation cinématographique du célèbre roman de Charrière, marquera pour ce dernier le début d'une notoriété mondiale. Au-delà de la controverse née dans les années soixante-dix sur la véracité des exploits d'Henri Charrière, il est communément admis que les aventures de Belbenoit firent partie de celles parmi lesquelles Charrière a effectivement puisé pour construire le héros de son roman[4].

En , un documentaire fiction inédit, Cayenne-Hollywood a été diffusé en France par la chaîne "Histoire". Adaptation du livre de Philippe Schmitz Matricule 46635, ce documentaire retrace la vie des deux hommes et les étonnants entrelacs de leurs destins respectifs[6].

Ouvrages

  • Dry Guillotine. Les compagnons de la Belle, Les éditions de France, 1938. Traduction de la version anglaise.
  • Hell On Trial
  • Guillotine sèche, La Manufacture de livres, 2012, (ISBN 9782358870344)

Notes et références

  1. « René Belbenoit (auteur de Guillotine sèche) », sur Babelio (consulté le )
  2. « Hondelatte raconte - René Belbenoît, un modèle pour Papillon - 08/09/17 », sur Europe 1 (consulté le )
  3. Nicolas Trenti, « René Belbenoît (France) - Polars Pourpres », sur polars.pourpres.net (consulté le )
  4. « René Belbenoît, bagnard et écrivain », exposition au Musée des Cultures Guyanaises, 2 mai au 31 août 2004
  5. « René Belbenoit: An Inventory of His Collection at the Harry Ransom Center », sur norman.hrc.utexas.edu (consulté le )
  6. Philippe Schmitz, Matricule 46635: l'extraordinaire aventure du forçat qui inspira Papillon, Maisonneuve & Larose, (ISBN 978-2-7068-1641-3, lire en ligne)

Liens externes

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