Remembrement

Le remembrement ou remembrement rural a pour but la constitution d'exploitations agricoles d’un seul tenant sur de plus grandes parcelles afin de faciliter l'exploitation des terres.

Après la Première Guerre mondiale, le moteur à explosion remplace la machine à vapeur qui elle-même remplaçait la force animale et humaine, imposant une modification du paysage et des pratiques agricoles.

Il vise aussi l'aménagement rural du périmètre où est mis en œuvre le regroupement des terres agricoles appartenant à un ou plusieurs agriculteurs.

En 2014, à la suite des propositions du Grenelle de l'environnement et d'un groupe de réflexion agricole[1], un projet de loi devant être examiné mi-2014 propose la possibilité de procéder à un « remembrement à finalité environnementale ».

Les aménagements fonciers en France

Le bocage traditionnel (ici du Cotentin, en France, vers 1945).
Les remembrements ont favorisé l'apparition de grandes parcelles de vignes ici, sur les coteaux de la Moselle.
Paysage d'agriculture intensive sur des parcelles remembrées dans la Beauce.

Histoire du remembrement

Sous l'occupation romaine, de nombreux remembrements, dont les traces sont encore visibles dans le paysage, furent effectués. Leur objectif était multiple :

  • établir la propriété privée ou communautaire et répartir les terres entre autochtones et vétérans de l'armée[réf. souhaitée] ;
  • produire une base simple et reconnue de cadastre ;
  • maîtriser l'espace pour notamment mieux valoriser conjointement les routes et les cultures ;
  • être une vitrine de Rome[réf. souhaitée], même à la campagne, loin de l'exemple des villes.

Cette solution a également été utilisée au Moyen Âge pour regrouper les biens des abbayes.

En France, le premier remembrement moderne a eu lieu à Rouvres-en-Plaine (Côte-d'Or) en 1707. Un siècle plus tard, le sénateur de Dijon cite en exemple ce remembrement. La pratique du remembrement privé commence à être massivement visible dans le bassin parisien durant le XIXe siècle. Par la suite, il se fait généralement avec le soutien des pouvoirs publics.

La loi du autorise les échanges libres de terrains entre particuliers afin de lutter contre le morcellement des parcelles agricoles et d'améliorer la productivité. Elle est rapidement abrogée du fait des excès qu’elle engendre. Différentes réflexions sont menées dans la seconde moitié du XIXe siècle[2].

L'organisation d'échanges collectifs débute au XXe siècle. À l'issue de la Première Guerre mondiale sont adoptées les lois du dites « Chauveau »[2] sur le remembrement de la propriété rurale ainsi que la loi du sur la délimitation, le lotissement et le remembrement des propriétés foncières dans les régions dévastées par la guerre[3].

Sous le régime de l'autorité de fait de Vichy, la « loi » du veut mettre en place un outil juridique plus rapide et facile à utiliser. Après la Libération, l’ordonnance du reprend l'objectif de simplification de la « loi » de 1941[3].

Au début du XXe siècle, une première loi instaure le remembrement mais elle remporte peu de succès. La seconde, de 1941, n'est elle-même que lentement mise en œuvre. En 1946, il y avait 145 millions de parcelles en France, avec une taille moyenne de 0,33 hectare. La taille de ces exploitations rendait l'utilisation des tracteurs difficile et peu rentable. La somme allouée au remembrement par le ministère de l'agriculture passe de 62,9 millions de nouveaux francs en 1959 à 111,283 en 1960, soit environ le double.[4]. C'est entre les années 1960 et les années 1980 que le remembrement devient réellement intensif.

Environ 15 millions d'hectares ont été remembrés à ce jour ; ces remembrements successifs ont affecté avant tout les paysages d'openfield et, dans un second temps, les paysages de bocages, supprimant près de 750 000 km de haies vives. Les régions sur lesquelles le remembrement s'est exercé à grande échelle étaient les régions les moins accidentées comme dans le nord de la France ou en Bretagne. Sur ces territoires, la suppression des obstacles physiques (haies, fossés, chemins) permettait de tirer le meilleur parti de la mécanisation des exploitations.

Objectifs

En regroupant des parcelles de faibles superficies ou trop dispersées pour être facilement exploitables, le remembrement veut réduire les temps et coûts d'exploitation, faciliter et optimiser le travail de l'agriculteur en limitant ses déplacements et transports et en adaptant le parcellaire et la topographie aux techniques et engins agricoles modernes (mécanisation, engins plus grands et plus lourds tels que grands tracteurs et moissonneuses batteuses).

Le remembrement a comme principal objectif d'améliorer la structure des exploitations agricoles, mais il est souvent l'occasion de moderniser la voirie locale.

L'Aménagement foncier agricole et forestier est précédé d'enquête publique et d'étude d'impact, incluant par exemple la construction de chemins nouveaux, la destruction de tout ou partie de l'ancien maillage des chemins, le déplacement de fossés, l'alignement de parcelles et de chemins, l'aplanissement des talus, l'arrachage et la réimplantation de haies (mesures compensatoires), le drainage des terres et, dans certains cas, le recalibrage des cours d'eau, avec ou sans subventions publiques et participations financières des agriculteurs.

Ces procédures ont souvent été critiquées pour avoir été la cause d'une destruction massive et non compensée du bocage et des réseaux de talus, ainsi que des réseaux de fossés, de mares et de micro-zones humides qui constituaient une trame verte fonctionnelle, écologiquement et agronomiquement utile en abritant de nombreux auxiliaires de l'agriculture. En France le Grenelle de l'environnement a, en 2007, proposé l'idée d'instituer une nouvelle forme de remembrement qui réparerait ces dégâts, dit « remembrement environnemental » ou « remembrement écologique ».

Impacts environnementaux

Le remembrement a largement été pratiqué en France (des années 1960 à 1980, moins fréquemment dans les années 1990). Il a engendré des impacts écopaysagers collatéraux importants, sur l'eau (inondations, drainage, eutrophisation) et les sols.

Dès les années 1960, des agronomes et naturalistes s'inquiètent des conséquences des arasements de talus, comblements de mares et arrachage d'arbres ou de haies pratiqués à l'occasion des remembrements. En 1954, l'émission État d’urgence, présentée par Roger Louis alerte le public quant à la banalisation des paysages et aux impacts environnementaux[5] ; Paul Matagrin, directeur[6] de l'École nationale supérieure d'agronomie de Rennes fondée en 1849 y dénonçait :

« des conséquences climatiques, des problèmes d’eau, d’érosion des sols. Notre équilibre écologique ancestral s’est brisé et nous ne savons pas encore quelle sera la limite de ces destructions irréversibles. »

Le remembrement est une cause de la disparition du bocage.

Aujourd'hui

Monument de Geffosses (Normandie) à la nature et aux hommes victimes du remembrement

En France, le remembrement est maintenant très encadré par la loi, qui prévoit une procédure concertée, mais qui en fin de compte s'impose aux propriétaires et exploitants pour permettre que sa mise en œuvre ne soit pas compromise par le désaccord d'une partie des personnes concernées.

Dans les années 1990, avec la prise en compte croissante des questions sociales, écologiques, sanitaires, des besoins de gestion qualitative et quantitative de l'eau, le regard des élus locaux, des agriculteurs et du public sur le remembrement et sur le paysage a commencé à changer. D'un outil d'industrialisation de l'agriculture, le remembrement est devenue un outil d'aménagement du monde rural.

Le remembrement s'accompagnait autrefois d'un important appauvrissement écologique du milieu ; par intensification de l'agriculture, et surtout à la suite de la destruction du réseau de haies, talus, fossés et points d'eau, ce qui aggravait l'érosion des sols et la pollution de l'eau.

Il fit l'objet de contestations multiples, notamment celle de Georges Lebreuilly, agriculteur de Geffosses (50), entre 1983 et 1989, qui devint maire de sa commune en 1989 et y fit édifier en 1994 un Monument national à la nature et aux hommes victimes des remembrements[7].

Aujourd'hui l'État et les départements, quand ils accompagnent financièrement les remembrements, conditionnent leurs aides au respect de conditions environnementales et de procédures légales. Elles doivent maintenant être accompagnées de mesures compensatoires, visant notamment à reconstituer ou préserver les milieux naturels détruits, et pour ce faire s'accompagner d'études d'impact.

Les grands remembrements sont maintenant le plus souvent induits par la construction d'infrastructures nouvelles telles qu'autoroutes et voies ferrées fragmentant le parcellaire agricole.

Dans les régions viticoles historiquement sujettes à l'érosion, le remembrement est encore présenté comme un moyen utile pour la combattre.

En France, le remembrement - en tant que tel - n'existe plus aujourd'hui, puisque la « loi relative au développement des territoires ruraux » (LDTR du ) l'a remplacée par la procédure d'« aménagement foncier agricole et forestier ».

On parle parfois aussi de « remembrement urbain » à propos d'opération d'aménagement foncier ayant pour but une redistribution des propriétés urbaines.

Échange parcellaire

Transcription d'un acte d'échange de terres en France en 1819 dans les registres de l'Enregistrement.

L'échange parcellaire est l'initiative de deux exploitants visant à améliorer la disposition de leurs terres en échangeant une part de celles-ci, donc sans investissement financier conséquent. Il s'est donc pratiqué de tout temps et en tout lieu, c'est-à-dire avant comme après un éventuel remembrement.

Les objectifs et les principes de l'échange sont assimilables à ceux du remembrement, mais sont beaucoup plus faciles à respecter, deux personnes et deux terrains étant en cause. Il s'agit aussi davantage de redessiner les terres et de les rapprocher du cœur de l'exploitation que d'agrandir la surface moyenne des parcelles. L'échange une fois convenu est officialisé selon les usages et règlements locaux.

Après un remembrement, l'échange vient en complément de celui-ci dans les années qui suivent, puis plus tard, est utilisé pour une adaptation à une possible évolution des pratiques agricoles (agriculture plus - ou moins - intensive ; répartition entre culture et élevage), l'intérêt d'une parcelle dépendant de son mode d'exploitation. Une variante de l'échange parcellaire se pratique, non entre propriétaires, mais entre locataires par un simple arrangement.

L'échange de terres est une pratique freinée par des obstacles psychologiques : attachement à la terre ; routine ; mauvaises relations entre exploitants ; peur de perte dans l'échange, etc. En France, à l'occasion du Space de 2010, ont été présentées ces difficultés ainsi que les expériences positives en Bretagne, positives c'est-à-dire quand la démarche gagnant-gagnant a abouti[8].

En France, l'échange, lorsqu'il est pratiqué dans un but de remembrement, n'est pas soumis aux droits de mutation ; seul le salaire du conservateur des hypothèques est demandé (soit 0,10 % du prix ou de la valeur exprimés dans l’acte). Il est aussi exigé que les immeubles échangés soient dans la même commune ou dans des communes limitrophes. Si une terre échangée fait l'objet d'un bail rural, le locataire suit toujours le propriétaire ou le bail est résilié en partie ou en totalité.

Notes et références

  1. « Les agriculteurs, producteurs d'eau potable », coll. Les notes de la SAF : Échanges et réflexions ; note rédigée par Carole HERNANDEZ ZAKINE, docteur en droit de l’environnement appliqué à l’agriculture ; responsable du pôle Réflexion de la SAF, société créée en 1867, et se présentant en 2014 comme « think tank agricole indépendant à vocation nationale et européenne », édité en février 2013, PDF, 32 pages, voire le § Remembrement à finalité environnementale en particulier hydrologique, page 29-30 sur 32.
  2. Virginie Chabrol, « Le remembrement comme vecteur d’une idée urbaine. Reconstruire une ville après la Seconde Guerre mondiale », Histoire & Mesure, vol. 25, no 1, , p. 165-196 (lire en ligne, consulté le )
  3. Jean-Pierre Le Crom, « L’avenir des lois de Vichy », dans Le droit sous Vichy, Klostermann, , 453-478 p. (lire en ligne)
  4. (Rieucau 1962)
  5. « Remembrement Chatel sur Chézy : morcellement et propriété » (consulté le ).
  6. Source : H.M.R. Keyes, International Handbook Of Universities And Other Institutions Of Higher Education 1962 ; The international association of universities.
  7. « Le remembrement à Geffosses (50) » (consulté le ).
  8. Article de Ouest-France du mercredi 15 septembre 2010 : « Échanger ses terres pour faire des économies ».

Bibliographie

  • Louis Rieucau, « Où en est le remembrement rural en France? », L'information géographique, vol. 26, no 4, , p. 161-165 (DOI 10.3406/ingeo.1962.2169, lire en ligne)
  • Eric Marochini, « Les remembrements en Moselle entre économie, environnement et société : essai de géographie rurale et appliquée », Thèse de doctorat de géographie et d'aménagement, , p. 600 p (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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