Rassemblement démocratique africain

Le Rassemblement démocratique africain (RDA) est une ancienne fédération de partis politiques africains fondée à l’issue du Congrès de Bamako en 1946. Il fait partie des trois principaux partis fédéraux (avec le Parti du regroupement africain  PRA  et le Parti des fédéralistes africains — PFA) panafricains revendiquant la création d’une fédération des partis politiques d’Afrique au moment des indépendances.

Rassemblement démocratique africain
Présentation
Leader Félix Houphouët-Boigny
Fondation
Disparition
Siège Bamako, France
Abidjan, France
Fondateur Félix Houphouët-Boigny
Alliés PCF (1946-1950)
Positionnement Gauche
Idéologie Nationalisme africain (en)
Panafricanisme
Anti-impérialisme
Indépendantisme
Adhérents 1 000 000 (1948)
Couleurs Noir

Plusieurs partis politiques de l'Afrique, tel que l'UPC du Camerounais Ruben Um Nyobe, s'affilieront puis quitteront le RDA en raison de l’évolution de son l’idéologie.

Le RDA est resté dans les esprits la force politique la plus connue de la période des décolonisations des territoires français, en voulant incarner une nouvelle lutte pour l’indépendance en dehors des partis politiques français traditionnels. 

Histoire du RDA

La naissance du Rassemblement démocratique africain

Le Rassemblement démocratique africain est créé lors du Congrès de Bamako, du 18 au 21 octobre 1946[1].

C'est dans un contexte de volonté de la métropole coloniale française d'assimiler plus fortement encore les élites des territoires d'Outre Mer, que les partis politiques africains se créent. Ils sont d'abord associés aux partis politiques français, comme la SFIO (prolongée au Sénégal par la Fédération du parti socialiste du Sénégal) ou le Parti communiste dont les Groupes d'études communistes devaient créer des partis ou mouvements anticolonialistes[2]. Certains élus africains appellent à un rassemblement à Bamako en octobre 1946. Le ministre socialiste de la France d'Outre-Mer, Marius Moutet, fait pression sur les élus socialistes pour les empêcher de participer au Congrès. Les délégués de l'Afrique-Équatoriale française ne purent pas participer au Congrès. De plus, sur les conseils de leurs parrains français, les socialistes africains, Léopold Sédar Senghor et Lamine Guèye en tête, boycottent le congrès de Bamako, attitude que Senghor reconnaîtra, par la suite, comme « une erreur »[3]. Malgré les difficultés, le congrès peut finalement se tenir à Bamako du 19 au 21 octobre 1946, sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny, qui n'aurait pu s'y rendre sans l'avion affrété par le ministre communiste de l'Air Charles Tillon. Il aboutit à la création du Rassemblement démocratique africain, fédérant des partis politiques locaux sur la base de l'anticolonialisme. Cette fédération des partis politiques africains rassemble à ses débuts l'Union démocratique sénégalaise, l'Union soudanaise, l'Alliance pour la démocratie et la fédération de Haute-Volta.

L’aspiration première du RDA est de rassembler la plus large union de forces politiques africaines, au-delà des clivages politiques, religieux, et culturels. Ainsi, la circulaire du Comité de coordination du RDA, le 26 février 1947 en pose les préceptes : le RDA est « une réalité indépendante des conceptions philosophiques ou religieuses, des affinités ethniques, de la situation sociale »[4].

L'union des partis politiques africains par le RDA s'est ainsi constituée sur un programme minimum, pour la lutte contre la domination coloniale des africains. On retrouve dans la circulaire du comité de coordination du RDA, le discours équivoque de Félix Houphouët-Boigny : « La résolution exprime les idées fondamentales qui seront la base du Rassemblement : élaboration d'une politique qui reconnaisse et favorise le lieu, l'expression de l'originalité africaine en rejetant toutes les entraves d'une fausse assimilation. […] L'objectif essentiel du rassemblement est de réaliser à tous les échelons de l'organisation politique l'union que manifestent les africains. Sa tâche primordiale, dans la période actuelle, est donc l'union de toutes les forces anticolonialistes à l'intérieur de chaque territoire »[4].

Le RDA et le communisme

Le RDA est en large partie composé de partis politiques et de membres proches du communisme en général, du PCF et de l'Union soviétique en particulier. Pour des raisons d'efficacité et tactiques, la totale indépendance du RDA aux partis politiques français, et son positionnement au-delà des clivages politiques ne peuvent être conservés (Félix-Houphouët Boigny entrera d'ailleurs en 1956 dans le gouvernement français). Le soutien du PCF au Rassemblement donne à la fédération des partis un poids important dans la politique française, et le groupe s'apparente en 1947 au groupe parlementaire du Parti communiste à l'Assemblée nationale.

Le RDA ne constitue pas pour autant un parti politique traditionnel, mais plus un cadre de coopération des élus socialistes et communistes africains, permettant une action unitaire en matière de revendication des droits des africains. Ses membres élus restent principalement représentants de leurs partis locaux, avec leur mode de fonctionnement propre. Ainsi, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) est une des sections du RDA.

L'hétérogénéité des idéologies des partis, dominés par les partis communistes créé toutefois, dès les débuts du RDA un climat favorable à de nombreuses remises en question. Dès le congrès de Bamako, les liens des leaders du Congrès avec les communistes français suscitent une controverse, et Fily Dabo Sissoko s'oppose à de nombreuses orientations du Congrès. L'orientation communiste se matérialise par la création des Indépendants d'Outre Mer, supposés concurrencer le RDA, et plusieurs sections locales du RDA font sécession. Les autorités françaises soutiennent les dissidences et les formations rivales dans chaque colonie. Enfin, Félix Houphouët-Boigny et Gabriel d'Arboussier, cofondateur du RDA entrent en désaccord profond sur la stratégie que doit adopter le RDA[5].

Cependant, les répressions contre le Rassemblement dans les années 1949-1950 entraîne le renouveau de l'intérêt des intellectuels , avocats africains pour le parti fédéraliste. En février 1950, les autorités interdisent toute réunion du RDA. Certains responsables français, comme le Haut Commissaire en AOF Paul Béchard, se prononcent pour une interdiction du parti. La décennie 1950 est le moment d'effervescence du parti, qui est à l'origine d'un grand élargissement de son audience[6]. Dans ce contexte, en 1957 est créée l'Union générale des travailleurs de l'Afrique noire instiguée par le RDA.

Le RDA et les indépendances : l'éclatement 

Dans les années 1960, les territoires d'outre-mer d'Afrique occidentale et équatoriale françaises deviennent des États indépendants. Les différents chefs d'États africains peinent à s'entendre quant à l'application des préceptes de fédéralisme prôné par le RDA. Si des unions de type fédéral se mettent en place, comme la Fédération du Mali - regroupant le Sénégal et le Soudan Français, actuel Mali -, elles ne s'inscrivent pas dans la durée et les divergences politiques des leaders des indépendances se posent en obstacles de taille[7]. D'autre part, Félix Houphouët-Boigny s'emploie à neutraliser politiquement les dirigeants les plus nationalistes du RDA et à les remplacer par d'autres, mieux disposés à l'égard des intérêts du gouvernement français[8].

Autre obstacle à la concrétisation des desseins du Rassemblement, l'inégale présence des sections du RDA en Afrique est majeure. Le mouvement s'est pour l'essentiel focalisé sur les territoires des ex-colonies françaises, rendant difficile une union large des États africains. De plus, le cœur des territoires du RDA est, de fait, l'ancienne AOF, laissant souvent les territoires d'Afrique équatoriale de côté.

Ces difficultés n'ont toutefois pas été considérées comme un échec du RDA. Au contraire, l'absence de mouvement fédéraliste large et de longue durée en Afrique a posé sur le RDA une image mythique d'un parti se voulant incarner un idéal africain d'indépendance, et d'exemplarité politique. Aujourd'hui, le RDA incarne encore l'idéal-type du panafricanisme et de l'anticolonialisme.

Composition du parti

Les partis composant le RDA

Partis politiques constituant le RDA
Pays Parti politique
Côte d'Ivoire Parti démocratique de Côte d'Ivoire
Haute-Volta Parti démocratique voltaïque, puis en 1957 Union démocratique voltaïque, devenu le Rassemblement démocratique africain
Soudan français Union soudanaise
Cameroun Union des populations du Cameroun (jusqu'en 1951)
Sénégal Union démocratique sénégalaise
Guinée Parti démocratique de Guinée, qui fut le parti de Ahmed Sékou Touré (exclu le 9 octobre 1958 après sa décision de rejeter la Communauté française.)
Niger Parti progressiste nigérien
Tchad Parti progressiste tchadien
Moyen-Congo Parti progressiste congolais, remplacé en 1958 par l'Union démocratique de défense des intérêts africains
Gabon Comité mixte gabonais, puis en 1954 Bloc démocratique gabonais

Les personnalités fondatrices du RDA

Notes et références

  1. « Naissance du Rassemblement démocratique africain – Jeune Afrique », Jeune Afrique, (lire en ligne, consulté le ).
  2. J. Suret-Canale, A. A. Boahen (Chap. 7), Histoire générale de l'Afrique. Tome VIII. L'Afrique depuis 1935, Paris, Unesco, (ISBN 92-3-202500-0, lire en ligne), Page 131
  3. « Francophonie - Le mouvement panafricaniste au XXe siècle », sur francophonie.org, (consulté le )
  4. Elikia M'Bokolo, Afrique Noire. Histoire et civilisations. Du XIXe siècle à nos jours, Paris, Hatier, (ISBN 978-2-218-75050-2), page 475
  5. Alors que F. Houphouët-Boigny se rapproche, dans le champ politique français du parti chrétien centriste MRP, G. d'Arboussier reste proche du PCF.
  6. Gabriel Lisette, Le combat du Rassemblement démocratique africain pour la décolonisation pacifique de l'Afrique noire, Paris, Présence Africaine, , 398 p.
  7. Turpin Frédéric, « Le passage à la diplomatie bilatérale franco-africaine après l'échec de la Communauté. », Relations internationales, no 135, , p. 25-35 (www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-3-page-25.htm)
  8. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita,, Kamerun, La Découverte, , p. 416

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Charles-Robert Ageron, La décolonisation française, Paris, Armand Colin, 1991
  • J.-R.de Benoist, La balkanisation de l'Afrique Occidentale française, Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1978
  • J.-R. de Benoist, L'Afrique occidentale française de la Conférence de Brazzaville (1944) à l'Indépendance (1960), Dakar, Les Nouvelles Éditions africaines, 1982
  • Ibrahima Thioub, Le Rassemblement démocratique africain et la lutte anticoloniale de 1946 à 1958, Dakar, Université Cheikh Anta Diop, 1982, 78 p. (Mémoire de maîtrise)
  • Charles-Robert Ageron (Dir.), L'Afrique noire française. L'heure des indépendances, Paris, CNRS Éditions, 2010 (1992)
  • Fall Babacar, « Le mouvement syndical en Afrique occidentale francophone, De la tutelle des centrales métropolitaines à celle des partis nationaux uniques, ou la difficile quête d'une personnalité (1900-1968). », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 4/2006 (No 84) , p. 49-58 
  • Elikia M'Bokolo, Afrique noire. Histoire et civilisations. Du XIXe siècle à nos jours, (Tome 2), Paris, Hatier, 2008 (1992)
  • Charles-Robert Ageron (dir), Histoire générale de l'Afrique. Tome VIII. L'Afrique depuis 1935, Paris, Unesco, 1998
  • Amzat Boukari-Yabara, Africa Unite, une histoire du panafricanisme, La Découverte, 2014
  • Philippe Guillemin, « Les élus d'Afrique noire à l'Assemblée nationale sous la Quatrième République », Revue française de science politique, 1958, 8-4, p. 861-877.
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