Raoul Glaber

Raoul Glaber (Rodulfus Glaber, c'est-à-dire le Glabre ou le Chauve), né vers 985 en Bourgogne et mort vers 1047[1], est un moine chroniqueur de son temps (l'époque de l'an mil) et l'une des sources les plus importantes dont disposent les historiens sur la France durant cette période.

Biographie

Son oncle, un moine, le fait entrer à l'âge de douze ans au monastère de Saint-Léger-de-Champeaux. Il en est expulsé à cause de sa conduite (dans un de ses écrits, il raconte que, par fierté, il a résisté et a désobéi à ses supérieurs, et s'est disputé avec ses frères).

Il entre ensuite à l'abbaye Saint-Bénigne de Dijon où il demeure de 1025 à 1030.

En 1010, il rencontre Guillaume de Volpiano à l'abbaye de Moutiers-Saint-Jean. Il est à l'abbaye Saint-Pierre de Bèze en 1025, puis rencontre l'abbé Odilon de Mercœur, à Cluny, en 1031.

Enfin, il devient moine à l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre où il réside à partir de 1039.

Œuvre

On doit à Raoul Glaber une Vie de saint Guillaume abbé de Dijon  ou Guillaume de Volpiano (Vita Sancti Guillelmi Abbatis Divionensis)  et des Histoires (Historiæ).

Ces dernières, intitulées Historiarum libri quinque ab anno incarnationis DCCCC usque ad annum MXLIV (Cinq livres d'histoires depuis l'an 900 après l'Incarnation jusqu'en l'an 1044) ont été commencées entre 1026 et 1040 à l'abbaye de Cluny (livre I et une partie du livre II) et achevées à l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre.

Initialement destinées à constituer une histoire ecclésiastique (universelle), elles couvrent des événements survenus dans le centre de la France, en les mêlant à des anecdotes et à des visions à caractère édifiant. Empreintes de superstition, elles n'en constituent pas moins un document particulièrement éclairant sur la première moitié du XIe siècle, car elles permettent de saisir la mentalité de l'époque et les conceptions de l'auteur.

Ainsi, Raoul Glaber y évoque son temps dans une perspective eschatologique. Selon Pierre Riché, en effet, un livre complet de son œuvre décrivait l'année 1033, qui constituait le millième anniversaire de la mort et de la résurrection du Christ, et pouvait être interprétée symboliquement comme une fin des temps.

Raoul Glaber apporte également de nombreuses informations sur la « Paix de Dieu ».

Une lecture erronée de l'œuvre, qui fait peu de cas du contexte dans lequel elle a été écrite, a ignoré, sous la plume des historiens du XXe siècle, sa valeur pour comprendre le millénarisme autour de l'an mille.

De nombreuses citations sont restées célèbres :

  • À propos du IXe siècle : « On croyait que l’ordre des saisons et les lois des éléments qui jusqu’alors avaient gouverné le monde étaient retombés dans un éternel chaos, et l’on craignait la fin du genre humain. »
  • La plus connue à propos du nouveau millénaire[2] : « Trois années n’étaient pas écoulées dans le millénaire que, à travers le monde entier, et plus particulièrement en Italie et en Gaule, on commença à reconstruire les églises, bien que pour la plus grande part celles qui existaient aient été bien construites et tout à fait convenables. Il semblait que chaque communauté chrétienne cherchait à surpasser les autres par la splendeur de ses constructions. C’était comme si le monde entier se libérait, rejetant le poids du passé et se revêtait d’un blanc manteau d’églises. Presque toutes les églises épiscopales et celles de monastères dédiées aux divers saints, mais aussi les petits oratoires des villages étaient rebâtis mieux qu’avant par les fidèles. »

De larges extraits de ses œuvres sont cités et commentés dans l'ouvrage L'an mil de Georges Duby. Cet historien considère Glaber comme une source fiable, qui permettrait de comprendre le millénarisme autour de l'an mil. À la suite des travaux de Dominique Barthélemy, Sylvain Gouguenheim, réexaminant cette source a toutefois remis en cause cette interprétation. La crédibilité de certains de ses écrits, notamment celui sur la famine  repris au XXe siècle dans des livres d'histoire , où Glaber évoque des scènes d'anthropophagie, est plus que sujette à caution :

« Hélas ! O douleur ! chose rarement entendue au cours des âges, une faim enragée fit que les hommes dévorèrent de la chair humaine. Des voyageurs étaient enlevés par de plus robustes qu’eux, leurs membres découpés, cuits au feu et dévorés… »

Pierre Bonnassie note quant à lui le « non-conformisme » et « l'acuité de la vision du monde » de Raoul Glaber, dont le passage cité confirme bien d'autres mentions de cannibalisme de survie, souvent réticentes, dans les sources du Haut Moyen Âge[3].

Notes et références

  1. Voir sur portal.dnb.de.
  2. Citation figurant au début du 4e chapitre du Livre III et annoncée par la mention en marge : « Reconstruction des églises dans le monde entier ». « L'an mil ou Cluny et le millénarisme », article en deux parties de Claus-Peter Haverkamp paru dans la revue Images de Saône-et-Loire » no 166 de juin 2011 (pages 20 à 23) et no 167 de septembre 2011 (pages 2 à 5).
  3. Pierre Bonnassie, « Consommation d'aliments immondes et cannibalisme de survie dans l'Occident du Haut Moyen Âge », Annales ESC, vol. 44, no 5, , p. 1035–1056 ; p. 1048. (DOI 10.3406/ahess.1989.283641, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • J.-L.-J. Brière, Chronique de Raoul Glaber, Paris,
  • Raoul Glaber (trad. et prés. Mathieu Arnoux), Histoires, Turnhout, Brepols, 1999 (ISBN 2-503-50420-5)
  • Pierre Riché, Les Grandeurs de l'an mil, Bartillat, , 367 p. (ISBN 2-84100-185-7)

Liens externes

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