Rafael Merry del Val

Rafael Merry del Val y Zulueta Wilcox (né le à Londres et mort le à Rome) est un prélat catholique. Élevé au cardinalat à l'âge de 35 ans, il joue un rôle important au début du XXe siècle dans le gouvernement de l'Église catholique, associé au pontificat de Pie X et à l’intransigeance en matière de doctrine et de lutte contre le modernisme.

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Rafael Merry del Val
Biographie
Nom de naissance Rafael Merry del Val y Zulueta
Naissance
Londres (Grande-Bretagne)
Ordination sacerdotale
Décès
Rome
Cardinal de l’Église catholique
Créé
cardinal
par le
pape Pie X
Titre cardinalice Cardinal-prêtre
de S. Prassede
Évêque de l’Église catholique
Consécration épiscopale par le
card. Mariano Rampolla del Tindaro
Fonctions épiscopales Président de l'Académie pontificale ecclésiastique
Secrétaire de la Secrétairerie d'État
Secrétaire de la Congrégation du Saint-Office

.html (en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Biographie

Formation sous Léon XIII

Fils du marquis Rafael Merry del Val, diplomate espagnol, et de Josefina de Zulueta, Rafael Merry del Val est né à Londres le . Il poursuit ses études à Londres et en Belgique et ressent très tôt le désir d’être prêtre. En 1885, sur ordre du pape Léon XIII, il entre à l'Académie des nobles ecclésiastiques, établissement qui forme à Rome les futurs cadres de la diplomatie vaticane, et non au Collège écossais où il était inscrit. Il obtient deux doctorats (philosophie et théologie) à l'Université pontificale grégorienne, ainsi qu'une licence de droit canonique.

Léon XIII, qui l'avait vite distingué, le nomme camérier secret surnuméraire dès l'âge de 22 ans bien qu'il fût encore séminariste et donc pas encore ordonné prêtre, ce qui lui donne droit au titre de Monsignor et d'agrémenter sa soutane de violet. Le pape confie au nouveau Mgr Merry del Val, polyglotte européen accompli, diverses missions de représentation, notamment dans celle de la délégation papale envoyée à Londres à l'occasion du jubilé de la reine Victoria où il accompagne le cardinal Serafino Vannutelli qui ne parle pas anglais.

Le , il est ordonné prêtre par le cardinal Lucido Parocchi, vicaire gérant de Rome et commence une carrière dans la diplomatie pontificale. Il est d'abord secrétaire de nonciature en Allemagne et en Autriche-Hongrie (1888-1889), mais revient à Rome rejoindre l'administration pontificale en 1891 dans l'entourage des plus proches collaborateurs du pape.

Faisant partie, en qualité de secrétaire, de la commission chargée d'étudier la validité des ordinations anglicanes (1896), sa position personnelle est alors, tout comme celle de la hiérarchie catholique anglaise, hostile à leur reconnaissance ; la commission conclut par la négative, à une seule voix de majorité, au motif (encore très discuté) de la rupture de la succession apostolique par modification du rite consécratoire des évêques.

Mgr Merry del Val en 1897.

En raison de ses excellentes connaissances linguistiques, il est nommé visiteur apostolique au Canada (1897-1898) où il rencontre les évêques francophones à Montréal et les évêques anglophones à Toronto. Prélat de Sa Sainteté, il est nommé en 1898 consulteur de la Congrégation de l'Index et dès l'année suivante devient président de l'Académie pontificale ecclésiastique, poste qu'il occupe jusqu'en 1903.

À l'âge de 34 ans, il est nommé archevêque titulaire (in partibus) de Nicée et le sacré par le cardinal Rampolla, secrétaire d'État du pape Léon XIII. Le pape le choisit de nouveau pour le représenter au couronnement du roi Édouard VII en 1901. Il est filmé à ses côtés lors de la première prise d'un pape sur pellicule.

Opposé au modernisme

Au début du conclave de 1903, Merry del Val est désigné par le Sacré Collège comme secrétaire du conclave, après la mort inopinée du titulaire contre Gasparri et Della Chiesa, ce qui montre que les conservateurs ont probablement la majorité contre le cardinal Rampolla ; le conclave est marqué par l'exclusive contre Rampolla par l'Autriche que Merry del Val aurait refusée de prendre. C'est lui qui assiste aux hésitations du patriarche de Venise, le cardinal Sarto, avant d'accepter la tiare sous le nom de Pie X. Celui-ci lui demande immédatement de l'assister comme secrétaire d'État. Créé cardinal, il devient alors son principal collaborateur.

Diplomate rigide ayant une conception toute médiévale[réf. nécessaire] de l'autorité pontificale, conservateur anti-moderniste intransigeant (comme les cardinaux Louis Billot et Gaetano De Lai et tout l'entourage du pape Pie X), Mgr Merry del Val s'oppose aux modernistes avec vigueur[1],[2]. Ernesto Buonaiuti (1881-1946), prêtre italien moderniste excommunié, le décrit comme un « cardinal espagnol énigmatique et sinistre, à la suffisance hautaine et vaniteuse »[3]. D'autres lui font une réputation proche de l'ascétisme et soulignent son esprit charitable ; il s’occupe ainsi toute sa vie d’un foyer de jeunes Romains défavorisés qu'il avait fondé dans le quartier populaire du Trastevere, allant les visiter tous les jours, jouant au billard, à la balle avec eux ou les confessant.

Le cardinal Merry del Val se distingue notamment pour ce qui touche, en France, la séparation de l'Église et de l'État (1904-1906). Il récuse tout accommodement ou négociation et refuse aux évêques français le droit de fonder des associations cultuelles à l'instar de ce qui se faisait déjà en Allemagne : l'Église de France y perd l’intégralité de son patrimoine mais y gagne une liberté d’action qu'elle n'avait jamais connue.

La France reste l'objet de ses préoccupation dans les années qui suivent la Séparation. Ainsi, à la suite des projets scolaires de « défense laïque » déposés par Gaston Doumergue en , il s'implique dans la guerre scolaire et parvient à faire accepter par l'épiscopat français la neutralité scolaire comme contraire aux doctrines catholiques. Du fait de son action, l'école libre va occuper à partir de ce moment une place centrale dans les préoccupations de la hiérarchie catholique française[4].

Rapports avec le judaïsme

Il est l'interprète de la doctrine du non possumus avancée par le pape Pie X en réponse à Théodore Herzl, venu chercher au Vatican un appui catholique pour légitimer le sionisme naissant. Selon ce non possumus, l'Église catholique se doit d'être bienveillante à l'égard des Juifs, témoins historiques de la vie de Jésus, mais ne peut en aucun cas légitimer le sionisme en raison de la non-reconnaissance de la divinité du Christ par les juifs[5].

À une époque où l'antisémitisme s'exprime publiquement (affaire Dreyfus en France), ses rapports avec le judaïsme restent néanmoins ambigus : estimant que les Juifs doivent légitimement être exécrés pour avoir « versé le sang du saint des saints » et dénonçant leur projet de « reconstruire le Royaume d'Israël en s'opposant au Christ et à son Église », il refuse catégoriquement la suppression de la mention des « Juifs perfides »  au prétexte de la conservation de la liturgie  et il combat la société des Amis d’Israël jusqu'à sa dissolution, lui reprochant  bien qu'il en ait été membre  d'être « sous la main et l'influence des Juifs »[6].

Prélat intransigeant

Ses positions sans concession et intransigeantes en matière de doctrine[7], oscillant entre catholicisme « intégral »[8] et intégrisme lui valent un jugement parfois sévère, à l'instar de celui de l'historien Henri-Irénée Marrou qui explique que l'éventuelle canonisation de Del Val correspondrait à une apologie de l'intégrisme, « la lutte (…) contre le modernisme [ayant été] le prétexte à des manœuvres de basse-police, conduites dans une atmosphère de mensonge et, avec un manque de charité, déshonorants pour le nom de chrétien »[9].

Émile Poulat avance, au début du XXIe siècle, que la recherche récente permet de nuancer ce jugement et estime que la tendance dure du Vatican est en définitive plutôt à chercher à cette époque dans le chef du cardinal De Lai voire de Pie X lui-même[7], ainsi que chez le collaborateur immédiat de Merry del Val, Umberto Benigni, créateur de La Sapinière, qui jugeait le prélat, qui modérait son zèle antimoderniste, « pleutre » (vigliacco)  il l'avait surnommé « la Peur »  et fut poussé par lui à la démission[7].

Fin de carrière honorifique

Portrait du cardinal Merry del Val.

En 1914, à la mort de Pie X, il est partisan du clan conservateur ; son candidat est battu par le nouveau pape Benoît XV (on dit qu'il fit vérifier l'ultime tour de scrutin[10]) et il est immédiatement écarté : le cardinal Domenico Ferrata, homme ouvert et habile négociateur, le remplace au secrétariat d'État. Le , Merry del Val est nommé conjointement archiprêtre de la basilique vaticane  succédant à son rival, le cardinal Rampolla mort au même moment , secrétaire de la fabrique de Saint-Pierre et secrétaire de la Congrégation du Saint-Office, dicastère de surveillance doctrinale qu’il dirige jusqu'à sa mort. Le cardinal Merry del Val se voyait ainsi relégué dans des postes honorifiques ou administratifs et doctrinaux, sans possibilité d'influence concrète sur les grandes orientations du Saint-Siège. Il continue d’effectuer des missions de représentation — comme celle de légat pontifical pour le septième centenaire de saint François d'Assise (1920).

À la mort du pape Benoît XV en 1922, il recueillit les voix des conservateurs au conclave qui élut Pie XI, pape qui le confirma dans ses fonctions, mais ne lui en confia pas d’autres. Merry del Val termine ses jours dans une retraite effacée et meurt à Rome, le , des suites d'une opération liée à une crise d'appendicite. Selon ses vœux, il est enterré dans les grottes vaticanes « le plus près possible de saint Pie X ». Son procès de béatification a été ouvert le par le pape Pie XII, à l’instigation du cardinal Nicola Canali, son ancien secrétaire particulier et ami intime. Il a été déclaré « serviteur de Dieu », première des trois étapes menant à la canonisation, mais la procédure est actuellement interrompue.

Bibliographie

Œuvres et travaux

  • The truth of Papal claims. A reply to The validity of papal claims by F. Nutcombe Oxenham, Londres, 1902.
  • Memories of Pope Pius X, Westminster, 1931.
  • Pio X. Impressioni e ricordi, Padoue 1949.
  • Pensieri ascetici, Rome, 1953.

Musique

Musicien et pianiste, élève du compositeur et pianiste Isaac Albéniz lorsque son père était ambassadeur à Bruxelles[11], Raffaele Merry Del Val composa notamment des motets.

  • Raffaele Merry Del Val et Lorenzo Perosi, Inni, mottetti e canzon, éd. Audiovisivi San Paolo S.r.l., 1994.

Encyclopédies et dictionnaires

  • Émile Poulat, « Rafael Merry del Val », Encyclopædia Universalis.
  • (de) Johannes Grohe, « Rafael Merry del Val », Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon, vol. 5, Herzberg, 1993, col. 1331-1333 [lire en ligne].

Biographies

Les biographies consacrées au cardinal Merry del Val sont, selon l'historien Jan de Volder, essentiellement d'ordre hagiographiques, à l'instar de celles consacrées à Pie XI ; les plus acceptables sont celles de P. Censi et de J. M. Javierre.[12]

  • (it) Pio Censi, Il Cardinale Raffaele Merry del Val, éd. Roberto Berrutti, 1933 (900 pages, nombreuses photos).
  • (it) Vigilio Dalpiaz, Attraverso una porpora. Il cardinale Merry del Val, éd. R. Berruti, 1935.
  • (it) Girolamo Dal Gal, Il cardinale Merry del Val, segretario di Stato del Beato Pio X, éd. Paoline, 1953.
  • Hary Mitchel, Le Cardinal Merry del Val, éd. Paris-Livres, 1956.
  • (en) Marie-Cecilia Buehrle, Rafael Cardinal Merry del Val, éd. Sands and Co., 1957.
  • (en) Sr. Mary Bernetta Quinn, Give me souls; a life of Raphael Cardinal Merry del Val, éd. Newman Press, 1958.
  • (es) José M. Javierre, M. Merry del Val, éd. Juan Flors, 1963.

Ouvrages historiques

  • Jean Sévillia, Quand les catholiques étaient hors-la-loi, Paris, Perrin, 2012.
  • Émile Poulat, Intégrisme et catholicisme intégral. Un réseau secret international antimoderniste : « La Sapinière » (1909-1921), Paris, Casterman, 1969.

Articles

  • (en) Gary Lease, « Merry del Val and Tyrrell: a Modernist struggle », Downside Review, no 102, 1984, p. 133-156.
  • (en) J. A. Dick, « Cardinal Merry del Val and the Malines Conversations », Ephemerides theologicae Lovanienses 62:44, Louvain, Peeters, 1986, p. 333-355.

Textes

  • Jean de Bonnefon, Paroles françaises et romaines, revue publiée entre 1904 et 1907.

Fiction

cette « fiction » est basée sur des faits concrets et connus à Rome comme l'indique Jules Romains dans une lettre écrite à un correspondant non identifié (voir Cahiers de Jules Romains, Flammarion, 1985, page 345).
  • Gérard Bavoux, Le porteur de lumière : les arcanes noirs du Vatican, Paris, Pygmalion, 1996.

Notes et références

  1. Cf. Les Fiches pontificales de Mgr Montagnini publiées après leur saisie dans la nonciature de Paris par la Librairie Émile Nourry, Paris, 1909, 236 pages.
  2. Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon, Verlag Traugott Bautz, 2002.
  3. (it) Ernesto Buonaiuti, Pellegrino di Roma : a generazione dell'esodo, A. Gaffi, , p. 55.
  4. André Lanfrey, « L'épiscopat français et l'école de 1902 à 1914 », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 77, no 199, , p. 371–384 (DOI 10.3406/rhef.1991.3536, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Catholicism, France and Zionism: 1895-1904.
  6. Peter Godman, Hitler et le Vatican, Perrin, , p. 41-42.
  7. Émile Poulat, « MERRY DEL VAL Rafael (1865-1930) », dans Dictionnaire de l'Histoire du christianisme, Encyclopaedia Universalis, , p. 1012.
  8. Jean-Pierre Chantin, Le régime concordataire français : La collaboration des Églises et de l’État, 1802-1905, Beauchesne, , p. 197.
  9. Article d'Henri-Irénée Marrou dans Esprit en 1951, cité par Pierre Riché, Henri-Irénée Marrou : Historien engagé, Cerf, , p. 271.
  10. (en) Article du Madison Catholic Herald.
  11. (en) Walter Aaron Clark, Isaac Albeniz: Portrait of a Romantic, éd. oxford University Press, 2002, p. 37 [lire en ligne].
  12. Jan de Volder, « Secrétairerie d'État et secrétaires d'État (1814-1978). Acquis historiographiques sur l'institution et les hommes », Mélanges de l'École française de Rome. Italie et Méditerranée, 1998, vol. 110, no 2, p. 454-455 [lire en ligne].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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