Réunification de Chypre

La réunification de l'île de Chypre correspond au projet lancé conjointement depuis 2008 par les Nations unies et les deux communautés chypriotes : les chypriotes grecs de la République de Chypre et les chypriotes turcs de la République turque de Chypre du Nord.

Localisation de l'île de Chypre

Historique

À une longue période de tensions post-indépendance entre les deux principaux groupes ethniques de l'île, succède une tentative de coup d'État de la Garde nationale, sous commandement grec et contre le président chypriote, l'archevêque Makarios. En vertu du traité de garantie, une opération militaire turque est déclenchée en 1974 engendrant une division géographique et politique de l'île.

Depuis 1964, la Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre, agissant sous mandat de l'ONU, ont mis en place une « ligne verte », constituant une zone démilitarisée et une barrière physique entre les deux États de l'île[1].

Évolution

Plan Annan

Drapeau proposé pour la République chypriote unie.
Une des nombreuses variantes de structures bi-zonales proposées pour la République chypriote unie ; dans celle-ci, l'une des 8 provinces, Famagouste, serait gérée paritairement, la gestion paritaire pouvant être étendue à d'autres provinces en cas de succès[2].

L'ONU a proposé en 2004 le plan Annan, du nom de Kofi Annan, alors secrétaire des Nations unies. Ce plan proposait de réunifier les deux États chypriotes au sein d'une même République chypriote unie fonctionnant sur la base d'un système fédéral où les deux communautés seraient représentées[3]. Le plan Annan, intervenant après trente ans de négociations infructueuses, propose d’instaurer un État confédéral, chaque État confédéré devant permettre l’installation (ou le retour) de 33 % au plus de résidents de l’autre communauté sur son sol. Il fut soumis à référendum. Bien que le nombre de Turcs soit insuffisant pour atteindre ce taux au Sud, alors que le nombre de Grecs est largement suffisant pour l’atteindre au Nord, ce plan fut accepté à plus de 65 % par les habitants du Nord de l’île, mais rejeté à 70 % par ceux du Sud : en effet, pour les Grecs ayant été chassés du Nord, la limitation à 33 % était inacceptable, étant donné qu’ils étaient environ 79 % des habitants du nord avant 1974 ; pour les Turcs en revanche, cela revenait à sauvegarder l’essentiel de leurs acquis tout en revenant dans la légalité internationale et en échappant à l’embargo et à la dépendance vis-à-vis d'Ankara. Au cours de ce référendum, pour la première fois, des manifestations massives, rassemblant jusqu'à 50 000 personnes, ont eu lieu dans la partie occupée de Chypre, au cours desquelles la communauté chypriote turque a contesté ouvertement la politique sous tutelle d’Ankara du « président » Rauf Denktash, exigé sa démission, et exprimé son souhait de rattachement à la partie sud[4].

À la suite d'une série de négociations entre mai et septembre 2008, les dirigeants chypriotes grecs et turcs se sont engagés sous l'égide des Nations unies à résoudre point par point les problèmes liés à la spécificité chypriote. S'engageant à suivre les paramètres établis par les Nations unies[5], Dimitris Christofias et Mehmet Ali Talat ont mis conjointement en place six groupes de travail et sept comités techniques portant sur des questions spécifiques[Note 1].

Les dirigeants chypriotes grecs et turcs rencontrèrent le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le à New York, afin d'étudier divers point dans une réunion tripartite ; notamment sur la question des propriétés foncières et l’ouverture de nouveaux points de passages dans la ligne verte[6]. Ces négociations visaient à terme à la réunification de Chypre, au sein d'un système fédéral bicommunautaire où Chypriotes grecs et turcs seraient égaux en droit et en pouvoir[Note 2], ; comme envisagée dans le plan Annan, la résolution des différends aboutirait à une théorique République chypriote unie ou entité supra communautaire, basée sur le modèle de la Suisse ; où les deux parties auraient une réelle autonomie et une représentation politique paritaire[7],[8].

Officiellement, la situation évolue rapidement[Note 3],[9], mais, comme on dit à Chypre, σάν τό χελώνη όταν είναι πολύ κουραζμένη - « à la vitesse d'une tortue fatiguée », car une adoption définitive achoppe toujours sur le double écueil du retrait de l'armée turque (Ankara s'y refuse) et du libre retour des Chypriotes déplacés en 1974 dans leurs communes d'origine, sans limitation de nombre (revendiqué par la communauté chypriote grecque).

Depuis l'élection nord-chypriote de 2015

L'élection présidentielle nord-chypriote de 2015 donne le candidat de centre-gauche Mustafa Akıncı vainqueur. Celui-ci définit comme sa priorité de relancer les pourparlers de paix avec la partie grecque de l'île[10]. Les négociations s'intensifient en 2016, notamment à travers une rencontre entre les deux parties sous l'égide du secrétaire d'État américain John Kerry au Mont-Pèlerin, en Suisse. Des avancées politiques ont lieu malgré la persistance des contentieux traditionnels dans le règlement de la question chypriote[11],[12].

De nouvelles négociations sous l'égide de l'ONU (et de son représentant spécial, Espen Barth Eide) et des trois nations parties au traité de garantie ont lieu à l'office des Nations unies à Genève au début du mois de . Les deux présidents discutent directement dans un contexte « constructif »[13] mais, s'il apparait une volonté de leur part de poursuivre les efforts de rapprochement, la question du maintien des troupes turques sur l'île a été le principal élément de rupture[14].

Notes et références

Notes

  1. Les groupes de travail porteront sur les questions de gouvernance, de partage du pouvoir, des propriétés, de l’économie, des affaires liées à l’Union européenne ainsi que la sécurité du territoire.
    Les comités techniques travailleront sur l’environnement, la santé, les questions humanitaires, la gestion de la crise, l’héritage culturel, les questions économiques et commerciales ainsi que les questions relatives à la criminalité.
  2. « Une fédération bi-communale et bizonale basée sur l'égalité politique, comme défini dans les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. »
    ─ Citation de M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, .
  3. « Je m'attends à ce que d’ici le mois d’octobre les deux dirigeants soient en mesure de faire savoir qu’ils sont parvenus à résoudre leurs divergences sur toutes les questions fondamentales. »
    ─ Citation de M.Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, .

Références

Bibliographie

  • Pierre Blanc, La déchirure chypriote : géopolitique d'une île divisée, L'Harmattan, coll. « Histoire et Perspectives Méditerranéennes », , 287 p. (ISBN 978-2-7384-9354-5)
  • (en) Collectif, « Reunifying Cyprus : the best chance yet », Crisis Group Europe Report,
  • Jean-François Drevet, « Chypre et l’Union européenne (UE) », EchoGéo, Pôle de recherche pour l'organisation et la diffusion de l'information géographique (CNRS UMR 8586), (ISSN 1963-1197, lire en ligne).
  • Fabrizio Frigerio, « Quelle fédération pour Chypre? », Cahiers de Recherches du G.R.E.M.M.O. (Groupe de recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen - Orient), vol. 9, , p. 9-19 (lire en ligne)
  • (en) Claire Palley, An International Relations Debacle, The UN Secretary-General's Mission of Good Offices in Cyprus 1999-2004, Hart Publishing, , 395 p. (ISBN 978-1-84113-578-6)
  • André-Louis Sanguin, « Nettoyage ethnique, partition et réunification à Chypre », Revue Géographique de l'Est, vol. 45, (lire en ligne)
  • « Diplomatie. Réunification de Chypre : les réserves de la Turquie », Courrier international, (lire en ligne).

Articles connexes

Liens externes

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