Réfutabilité

La réfutabilité (également désignée par le recours à l'anglicisme falsifiabilité) a été introduite par Karl Popper et est considérée comme un concept important de l'épistémologie, permettant d'établir une démarcation entre les théories scientifiques et celles qui ne le sont pas. Une affirmation, une hypothèse, est dite réfutable (falsifiable) si et seulement si elle peut être logiquement contredite par un test empirique. Plus précisément, si et seulement s'il existe des "énoncés d'observation" possibles (vrai ou faux) contredisant logiquement la théorie[1],[2],[n 1]


Histoire

La réfutation

Bien avant que Popper lui ait donné son sens de critère de démarcation, la réfutabilité prise dans le sens usuel de « pouvoir faire l'objet d'une réfutation » a fait partie de l'histoire de la logique indienne et des techniques grecques de réfutation. Par exemple, le principe modus tollens était déjà connu en Grèce et en Inde à une époque très reculée.[6],[n 2] La réfutation logique, en particulier le modus tollens, jouera un rôle fondamental dans le concept technique de réfutabilité qui sera introduit par Popper beaucoup plus tard.

Le problème de l'induction

Le falsificationnisme de Karl Popper serait difficilement possible sans le contexte historique du « problème de l'induction » soulevé par Hume en 1739.[7],[8] En substance, le problème est qu'aucune théorie scientifique à caractère universel ayant un contenu prédictif ne peut être vérifiée par l’observation : de par son caractère universel, c'est-à-dire, non limité à un objet spécifique dans l'espace-temps, elle prédit beaucoup plus que ce que nous pourrons jamais observer.[n 3]

Il est connu depuis au moins Platon que la validation de la connaissance souffre d’un problème de régression infinie, dans la mesure où l’argumentation doit elle-même s’appuyer sur une autre connaissance qu’on doit aussi valider. Hume présenta aussi le problème de l’induction sous l'angle de la régression infinie[9],[10]:

« Dira-t-on que nous avons l’expérience que le même pouvoir demeure uni au même objet et que des objets semblables sont doués de semblables pouvoirs ? Je renouvelle ma question : pourquoi, à partir de cette expérience, formons-nous une conclusion [qui va] au-delà des cas passés dont nous avons eu l’expérience ? Si vous répondez à cette question de la même manière qu’à la précédente, votre réponse occasionne une nouvelle question du même genre, et ainsi in infinitum, ce qui prouve clairement que le raisonnement précédent n’a aucun fondement légitime. »

 David Hume, Traité de la nature humaine, Livre 1, Partie III, Section VI

Le problème de l'induction est aussi appelé communément « problème de Hume »[8], même si Hume lui-même n'utilise pas le terme « induction » pour décrire son sujet.[n 4] Concernant la conclusion de l'argument de Hume, le philosophe Marc Lange écrit : « nous n'avons droit à aucun degré de confiance, aussi léger soit-il, dans toutes les prédictions concernant ce que nous n'avons pas observé[n 5] ». Cet argument est repris par Popper et d'autres[11]. Le principe d'induction a été essentiellement éliminé par l'argument de Hume.[n 6] Plusieurs manières de tenter de résoudre le problème de l'induction ont été envisagées, et certains philosophes en sont venus à considérer que ce problème était insurmontable.[12] La solution radicale de Popper est que la science ne fonctionne pas par induction, mais par réfutation.

Le problème de la démarcation

Tout en maintenant cette approche critique, Hume se définit comme un empiriste.[n 7] Cette dualité est considérée comme le paradoxe de l'empirisme.[n 8] Cet empirisme « écartelé »[n 8] était la manière de l'époque de « dresser une barrière face aux prétentions de la spéculation métaphysique »[n 9]. Cette volonté de démarquer clairement l'approche scientifique, ou empirique, de l'approche non scientifique, se retrouve de manière prononcée dans les années 1920 chez les néopositivistes du Cercle de Vienne, pour qui, sous l'influence du Tractatus de Wittgenstein, « seuls avaient du sens les énoncés analytiques et les énoncés empiriques, c’est-à-dire vérifiables par l'observation (en un nombre fini d’étapes). »[13] Le Cercle interprétait Wittgenstein comme demandant ce que Carnap a plus tard appelé un langage "moléculaire", c'est-à-dire, un langage qui n'accepte que des quantificateurs sur des domaines finis. Cela était problématique car le langage scientifiques n'est pas de ce type. Carnap, déjà en 1926, bien avant la falsifiabilité de Popper, avait admis qu'il fallait abandonner la vérification stricte. Il fallait, selon lui, se contenter de confirmer les théories avec un certain degré de confidence. En 1936, Carnap considère une version affaiblie de cette approche qu'il appellera la confirmation. La confirmation ne cherche pas à établir le degré de vérité des lois scientifiques d'une manière quantitative, mais maintien le principe que notre confiance en une loi augmente avec le nombre d'instances qui la confirment.[14] En cela, Carnap s'est beaucoup rapproché de Popper, mais sans trop se distancer du Cercle.

L'expérience cruciale

Avant que Popper ne formule son critère, déjà en 1910, Pierre Duhem avait envisagé le rôle de la réfutation et avait soulevé une difficulté, le problème dit de l’expérience cruciale : la réfutation ne peut servir à prouver une théorie car les théories ou hypothèses scientifiques ne viennent pas en nombre fini. Il faudrait réfuter toutes les autres théories, ce qui est impossible. Il avait même considéré le fait qu’une théorie (T) ne vient pas d’une manière isolée, mais avec une connaissance d’arrière-plan (CA). La thèse de Duhem (qui a précédé la logique de la découverte scientifique de Popper) dit que dans la mesure où la connaissance d’arrière-plan est possiblement fausse, on ne peut pas conclure que la théorie nouvelle doit être réfutée. On peut uniquement conclure qu’il existe une contradiction, i.e., « CA Λ T => faux », dans le premier système et pas dans l’autre. Cela ne veut pas dire que T est faux, car on ne sait pas si CA est vrai[15]. La logique de la découverte scientifique de Popper ne contredit pas la thèse de Duhem car elle n'est pas à propos de falsifications décisives de théories. Popper a toujours mis l'accent sur la distinction entre l'aspect logique de la falsifiabilité et les aspects méthodologiques de la falsification.[16]

Terminologie moderne

L'école de pensée qui souligne l'importance de la réfutabilité en tant que principe philosophique est connu sous le nom de « réfutationnisme ». Popper a demandé qu'en français on emploie les dérivés de réfuter plutôt que ceux de falsifier, qui signifie « cacher la vraie nature des choses ou la contrefaire », mais n'exprime pas (en français, contrairement à l'anglais) la capacité à juger comme faux.[17]

Réfutabilité poppérienne formelle mise en contexte

Karl Popper invite à distinguer une réfutabilité au sens technique d'une réfutabilité plus commune utilisée dans la vie courante en dehors de tout cadre scientifique. En effet, pour Popper, la réfutabilité ne concerne que la nécessité pour une théorie, si elle veut être empirique, d’être logiquement contredite par des énoncés de base[18],[n 10],[19],[n 11],[20].

Ces derniers doivent respecter une exigence matérielle: les énoncés de base doivent avoir une interprétation en termes d'observations inter-subjectives[21],[22]. L'exigence matérielle ne signifie pas que les énoncés de base doivent être possibles dans les faits. Chalmers mentionne "la brique est tombé en l'air lorsqu'on l'a lâchée" comme exemple d'énoncé de base qui est un falsificateur potentiel de la loi de la gravitation de Newton.[23] C'est un énoncé impossible dans les faits, mais il respecte néanmoins l'exigence matérielle, car ça pourrait être observé avec la technologie actuelle, par exemple, si une autre loi que la gravité entrait en jeu. Formellement, il n'y est question que d'énoncés et de leurs relations logiques, mais les énoncés doivent avoir une interprétation empirique. Alain Boyer explique que le caractère empirique des énoncés de base ne peut être inclus dans la réfutabilité que sous un angle informel[n 12]. Malgré son aspect informel inévitable, Popper est conscient que ce caractère empirique est important et est une condition nécessaire à la démarche scientifique qu'il propose.

De façon similaire, même si la réfutabilité ne sert qu'à démarquer les théories scientifiques et n'est donc pas un critère pour évaluer la méthode servant à choisir parmi les théories scientifiques, les comparer, etc., Popper est conscient des règles ou conventions qui doivent être respectées afin de bien choisir parmi l'ensemble des théories scientifiques possibles. Par exemple, lorsqu'une théorie est réfutée par une expérience, on ne peut pas savoir rigoureusement quelle partie de la théorie est en cause, et on doit choisir suivant certains critères la partie qui doit être remplacée. Dans le même ordre d'idées, Popper reconnaît que des énoncés ou théories non réfutables peuvent jouer un rôle important dans la méthode scientifique en imposant des contraintes sur les théories à considérer. Il propose le nom de « programme métaphysique » pour ces théories non scientifiques.

Popper reconnaît donc que pour bien définir les théories réfutables, il faut premièrement s'entendre par convention sur les énoncés de base et, après avoir rejeté les théories non réfutables, il faut encore s'entendre par convention sur les bonnes méthodes à utiliser pour choisir parmi les théories réfutables. L'épistémologie de Karl Popper propose donc trois conditions à la démarche scientifique, sans pour cela prétendre que cette démarche sera suffisante pour justifier de manière logique les théories.

Les trois conditions de la démarche scientifique poppérienne

La mise à l'épreuve scientifique d'une théorie, ne peut, selon Karl Popper, jamais garantir qu'une corroboration ou une réfutation qui y aboutit puisse être concluante[n 13], c'est-à-dire définitive. Elle ne peut donc jamais être absolue (ou certaine), mais toujours relative à des tests[24], lesquels sont eux-mêmes relatifs (et non absolus), à cause de l'insoluble problème concernant l'accès à une définition parfaitement précise de toute mesure empirique [25], ainsi que de l'inévitable mise en jeu de la subjectivité dans tout travail de recherche, fût-il scientifique. Sur ce dernier point, Karl Popper affirme en effet que : « La science est faillible, parce qu'elle est humaine. »[n 14]

  • La première condition est logique :
Cette condition est première et nécessaire à la réfutabilité scientifique, et sans elle aucune des deux autres, (empirique et méthodologique), ne sont successivement envisageables.
Il faut par conséquent qu'une théorie (formelle) soit réfutable d'abord dans un sens logique, c'est-à-dire qu'elle possède une classe non vide de falsificateurs potentiels parmi les énoncés de base déjà bien définis, laquelle puisse en être inférée par déduction.
Autrement dit, il faut qu'il soit possible de déterminer à partir du langage dans lequel une théorie universelle est formulée un ou plusieurs énoncés de base qui pourraient éventuellement ou potentiellement la réfuter.
Par exemple, de la théorie universelle stricte : "tous les X possèdent les caractéristiques A", il est possible d'inférer par déduction l'énoncé de base suivant : "il existe un X à l'endroit K qui ne possède pas les caractéristiques A". Ainsi, de la théorie : "Tous les cygnes sont blancs", nous pouvons déduire l'énoncé de base : "il existe un cygne non-blanc à l'endroit K". Ou encore, de l'énoncé : "Il n'existe aucune particule capable de dépasser la vitesse de la lumière", l'on peut déduire l'énoncé de base : "il existe des neutrinos supraluminiques, donc capables de dépasser la vitesse de la lumière". Etc. Mais il reste ensuite à savoir si tous ces énoncés de base peuvent vraiment être testés empiriquement...
Contre exemple : de la théorie universelle : "tous les cygnes sont blancs ou non blancs", il n'est possible d'inférer aucun énoncé de base qui ait le statut de "falsificateur potentiel". Cette théorie universelle est irréfutable (donc métaphysique) et ne peut donc faire l'objet d'aucune investigation scientifique. La sous-classe des falsificateurs potentiels étant vide pour cette théorie, il en résulte que l'autre sous-classe des énoncés de base, celle contenant tous les cas particuliers susceptibles de confirmer d'emblée la théorie à la lumière de ce qu'elle énonce, est logiquement infinie. Ce n'est donc pas sur la base des énoncés particuliers susceptibles de confirmer une théorie universelle, (ou que l'on peut "voir" ou "observer" à partir de la théorie), que cette dernière peut accéder à la scientificité.
  • La deuxième condition est empirique :
S'il n'est même pas possible de déduire "logiquement" un falsificateur potentiel, il n'est donc pas davantage possible qu'il fasse l'objet d'un test empirique et que l'énoncé universel à partir duquel il a été déduit puisse être ensuite réfuté "dans les faits" (empiriquement).
Autrement dit, la deuxième condition décrite ici est totalement impossible sans la première décrite plus haut (la condition logique de réfutabilité). Par exemple : pourquoi affirmer que l'on pourrait tester l'énoncé particulier "voici un fait "non-A" observable à l'endroit k" si l'on admettait qu'il est d'abord logiquement impossible de déduire cet énoncé à partir de la théorie universelle stricte affirmant que "tous les X possèdent les caractéristiques "A"" ?
Par conséquent, pour la corroboration (ou la réfutation) des lois scientifiques, (telle que l'envisage Karl Popper), il est nécessaire que les scientifiques puissent s'entendre par convention sur l'ensemble des énoncés de base. Le critère informel qui les guidera est qu'un énoncé de base soit dans les faits (empiriquement) possible ; il s'agit de la condition empirique :
La théorie formelle et l'ensemble des énoncés formels qui en sont déduits, en particulier les énoncés de base, seront constitués à la lumière de cet aspect empirique informel.
En d'autres termes : une fois qu'un énoncé particulier et reconnu comme "falsificateur potentiel" a été admis en tant que tel par la communauté scientifique, l'on étudie la possibilité de le soumettre à des tests empiriques. Donc, de soumettre à une "épreuve de vérité" la théorie universelle dont il est le cas qui puisse la mettre à l'épreuve. Cette mise à l'épreuve suit donc la logique visant à réfuter la théorie universelle bien qu'elle puisse aboutir à une corroboration au lieu d'une réfutation.
  • La troisième condition est méthodologique :
Dès que la condition précédente est remplie, (un falsificateur potentiel peut empiriquement être soumis à des tests), il faut enfin que le test soit reproductible par d'autres chercheurs, afin de démontrer l'aspect non accidentel et aussi détaché que possible de toute subjectivité liée aux expérimentateurs, telle que des erreurs dans la manipulation des conditions initiales, ou même des tricheries[26],[27]. Cette troisième condition est la condition méthodologique :
Karl Popper soutient que sa démarche doit respecter des conventions méthodologiques[28]. Cependant, puisqu'il est rigoureusement impossible de définir a priori ou a posteriori, par rapport à un test, des conditions initiales avec n'importe quel degré de précision souhaité, il reste qu'aucun test scientifique ne peut jamais être suffisant pour décider avec certitude qu'une réfutation (ou une corroboration) soit concluante dans le sens où elle apporterait une vérité absolue et définitive (l'accès à la définition de toute mesure empirique qui serait parfaitement précise étant, à jamais, totalement impossible[29]). Il ne peut donc jamais y avoir de prétendu accès à la certitude dans aucun résultat véritablement scientifique, ni plus généralement dans aucune connaissance relative à la nature, nature humaine comprise.

Les trois conditions de la réfutabilité scientifique sont donc toutes nécessaires (pour l'accès à la scientificité) mais non suffisantes. Elles ne peuvent d'ailleurs jamais être suffisantes..

Imprécision relative aux tests et aux résultats scientifiques consécutifs, et heuristique

L'inévitable imprécision des résultats des tests, donc leur corrélative faillibilité, alliée au fait qu'il est tout aussi impossible d'éviter complètement l'introduction d'éléments de subjectivité, rend le travail scientifique (et les résultats qu'il produit) toujours critiquable, donc toujours potentiellement renouvelable ou heuristique : puisque tout test scientifique est imparfait ou (relativement) imprécis, il est toujours envisageable de supposer l'existence d'erreurs dont la résolution serait source de découverte d'un accroissement des connaissances. En outre, cette imperfection inhérente à tout test scientifique peut constituer cette part de l'inconnu qui soit éventuellement connaissable par la mise à l'essai de nouvelles conditions initiales.

L'univers de la vraie science ne peut donc être un univers clos, mais est forcément un univers ouvert. Il ne peut reposer sur des bases solides (ou « ultimes » comme le formule Karl Popper), mais « sur des pilotis toujours mieux enfoncés dans la vase »[n 15]. Et une science comprise au sens de Karl Popper ne peut jamais être « vraie » (au sens de la vérité certaine), mais toujours incomplète, imprécise, non suffisante, donc « fausse » par rapport à une hypothétique vérité certaine, laquelle demeure pour Karl Popper une « idée directrice » et métaphysique, mais également nécessaire pour les progrès de la recherche scientifique.

C'est la raison essentielle pour laquelle, le « jeu de la science » est logiquement sans fin[n 15].

Condition méthodologique de la réfutabilité scientifique selon Karl Popper et dimension sociale de la preuve

S'ajoute à la condition méthodologique le fait qu'un test ne peut être reconnu comme scientifique « que s'il est déductible d'une tradition de recherche déjà reconnue comme scientifique par des institutions » (et encadrée par ces dernières), d'une part, et, d'autre part, que si les expérimentateurs ont eux-mêmes des compétences reconnues et contrôlées par de telles institutions.

Il reste enfin que, quelle que soit la valeur d'une réfutation ou d'une corroboration, c'est toujours, in fine, la communauté des chercheurs qui prend la « décision méthodologique »[30] d'accepter ou de rejeter les résultats des tests, après discussion critique sur la validité des méthodes – ainsi que de leur usage – ayant mené aux résultats.

Une bonne démarche scientifique est en somme, selon Karl Popper, toujours le fruit d'un travail collégial et contrôlé, lequel ne devrait, en principe, jamais échapper à ce qu'il nomme, « le rationalisme critique ». Il s'ensuit que la science ne procède jamais d'un travail isolé ou privé, voire d'un groupe d'individus qui ne pourrait justifier que leur démarche soit inscrite dans une tradition qui les précède (y compris depuis les prémisses de leur activité, c'est-à-dire les premières conjectures métaphysiques constitutives des engagements ontologiques ayant permis de fonder leur projet supposément scientifique), et en l'absence d'une divulgation de leurs méthodes.

Réfutationnisme

Imre Lakatos, disciple de Popper, a dans son livre Preuves et Réfutations (en) (1984) proposé un « réfutationnisme sophistiqué » (ou « falsificationnisme sophistiqué »[31]) selon lequel une théorie ne peut être réfutée que par une autre théorie[32].

L'objectif du réfutationnisme est d'arriver à un processus évolutionniste par lequel les théories deviennent moins mauvaises. Le processus de réfutation des propositions dérivées d'une théorie permet de définir pour chaque théorie un contenu de vérité ou vérisimilitude qui permet, à défaut de classer les théories entre fausses (ce qu'elles ne sont jamais que plus ou moins) ou vraies (ce qu'elles ne sont jamais par définition), d'avoir un critère permettant de les ordonner.

On peut alors dire qu'une meilleure théorie est une théorie qui a une meilleure puissance explicative (c'est-à-dire qu'elle est plus compatible avec les faits d'observation que les précédentes), et qui apporte plus de possibilités pour sa propre réfutation.

Le critère de démarcation

En philosophie des sciences, le vérificationnisme affirme qu'un énoncé doit être empiriquement vérifiable pour être à la fois signifiant et scientifique. Popper relève que les penseurs du positivisme logique ont mélangé deux problèmes, celui du sens et celui de la démarcation. Il s'oppose à cette conception en affirmant qu'il y a des théories signifiantes qui ne sont pas scientifiques.

Popper utilise la réfutation comme critère de démarcation entre les théories scientifiques et les théories non scientifiques. Il est utile de savoir si un énoncé ou une théorie est réfutable, ne serait-ce que pour comprendre la manière d'estimer la valeur de la théorie. On peut ainsi s'épargner la peine de tenter de réfuter une théorie non scientifique.

Le critère de Popper exclut du champ de la science non les énoncés mais seulement les théories complètes qui ne contiennent aucun énoncé réfutable. Il n'aborde toutefois pas le problème duhemien du holisme épistémologique, consistant à déterminer ce qui constitue une « théorie complète »[réf. nécessaire].

Popper s’est strictement opposé au point de vue selon lequel les énoncés ou théories non réfutables seraient non signifiants ou même faux, affirmant que le réfutationnisme ne l'implique aucunement[33].

Critiques

Les critiques adressées à Popper portent sur la pertinence historique et/ou prescriptive du réfutationnisme, mais pas sur le concept même[réf. nécessaire].

Notion de réfutabilité naïve

Les problèmes liés à l'application de la réfutabilité ont été exposés par Thomas Samuel Kuhn, et traités par Imre Lakatos. On peut trouver un exposé d'ensemble des éléments montrant l'inconsistance de la notion de réfutabilité par exemple chez Alan Chalmers[34]. Popper a attiré l'attention sur ces limitations dans la Logique de la découverte scientifique en réponse aux critiques de Pierre Duhem. Popper estime qu'il s'agit de ce point de vue de « réfutabilité naïve », mais ses réponses aux problèmes soulevés n'ont pas satisfait ses critiques comme Chalmers, Kuhn et même Lakatos.

Dans la réalité, on ne considère pas une proposition isolée mais un ensemble de prémisses et de propositions dérivées qui constituent une théorie. Certaines de ces propositions peuvent être réfutables et d'autres non. Une théorie est scientifique si elle comporte au moins une proposition réfutable. L'idée selon laquelle la réfutation d'une proposition d'une théorie réfute cette théorie est dite naïve parce que :

  • Il est toujours possible d'ajouter à la théorie une hypothèse ad hoc pour prendre en compte l'observation[35].
  • L'observateur peut avoir fait une erreur (ex. : le corbeau blanc était en fait noir), ou l'imprécision des mesures suffit à rendre compte du résultat[35].
  • Les prémisses de l'expérience peuvent être fausses (ex. : le corbeau blanc n'était pas un corbeau).
  • Toute observation doit s'appuyer sur une ou des théories scientifiques, par exemple pour le fonctionnement des instruments de mesure. En tant que telles elles sont donc réfutables. L'observation peut donc être due à la fausseté d'une autre théorie que celle testée.
  • Il peut ne pas exister de théorie alternative.

Il résulte de ces considérations qu'une vision naïve de la réfutabilité (aussi appelée « falsificationnisme naïf ») est un critère inopérant qui ne permet pas de rendre compte du processus réel de la recherche et de la validation scientifique de théories[35].

Chalmers

La notion de réfutabilité suppose ce que Popper note une « base empirique », autrement dit des énoncés d'observation susceptibles de démontrer la fausseté d'une thèse. Or, comme le remarque Popper lui-même, il n'existe pas d'observation pure de toute théorie, ce qui revient à dire qu'une observation censée réfuter une théorie peut être fausse ou inappropriée (par exemple, l'observation à l'œil nu que Vénus a toujours la même taille était censée réfuter la théorie de Copernic). Selon le philosophe des sciences Alan Chalmers, cela conduit à la conclusion qu'il n'y a pas de réfutation concluante et que la notion de réfutabilité ne nous apprend rien sur l'histoire réelle des découvertes scientifiques.

Kuhn et Lakatos

Dans La structure des révolutions scientifiques, Thomas Kuhn a examiné en détail l'histoire des sciences. Kuhn affirme que les scientifiques travaillent à l'intérieur d'un paradigme conceptuel qui influence fortement la façon dont ils voient les faits. Les scientifiques sont prêts à se battre pour défendre leur paradigme contre la réfutation, en ajoutant autant d'hypothèses ad hoc que nécessaire aux théories existantes[n 16]. Changer de paradigme est difficile parce que cela nécessite qu'un individu rompe avec ses pairs et défende une théorie hétérodoxe.

Certains réfutationnistes virent le travail de Kuhn comme une attaque, car il apportait une preuve historique que la science progresse en rejetant les théories inadéquates, et que c'est la décision des scientifiques d'accepter ou de refuser une théorie qui est l'élément crucial.

Toutefois, le reproche essentiel fait par Kuhn à Popper est que les théories scientifiques ne peuvent être réfutées selon la méthode du rationalisme critique défendue par Popper, étant donné qu'elles seraient « incommensurables ». Karl Popper a répondu à cette critique, notamment dans un article intitulé Le mythe du cadre de référence[36]. Il argumente sur le fait qu'il est toujours possible de comparer au moins logiquement deux systèmes théoriques par rapport à leurs conséquences logiques, d'une part, et, d'autre part, par rapport à leurs conséquences empiriques, et qu'ensuite la question est de savoir s'il est possible d'envisager des tests permettant de départager deux systèmes théoriques concurrents à l'aune de leurs conséquences testables, sachant que c'est le système qui comporterait le moins de conséquences inacceptables qui, par « décision méthodologique », serait préférable ou accepté, après discussion, par une communauté de chercheurs.

Imre Lakatos tenta d'expliquer le travail de Popper en affirmant que la science progresse par des réfutations au sein de programmes de recherche plutôt que par de grandes « expériences cruciales de falsification » entre deux programmes de recherche[31]. Suivant l'approche de Lakatos, un scientifique travaille dans le contexte d'un programme de recherche qui correspond grossièrement à ce que Kuhn appelle un paradigme. Alors que Popper considère les hypothèses ad hoc comme non scientifiques, Lakatos les accepte dans le développement de nouvelles théories.

Par ailleurs, dans son livre Histoire et méthodologie des sciences[37], Imre Lakatos prend la défense du programme de recherche de Karl Popper contre celui de Kuhn, en affirmant que ce dernier n'est pas recevable pour comprendre l'évolution du savoir scientifique dans la mesure où Kuhn défend l'idée d'un changement irrationnel des paradigmes scientifiques, du fait de leur incommensurabilité. En outre, l'une des principales critiques formulées par Lakatos à l'encontre de Popper est qu'il n'y aurait pas de « grandes expériences cruciales » de falsification (de réfutation) entre deux programmes de recherche concurrents, contrairement à ce qu'affirme Karl Popper, mais qu'un programme de recherche en supplanterait un autre par le fait que son heuristique positive supporterait mieux que l'autre le modus tollens (la confrontation à des mises à l'épreuve expérimentales), par le biais de ses hypothèses auxiliaires. Ou, selon les termes de Lakatos, un programme de recherche scientifique finirait par être « réfuté » parce que son heuristique positive entrerait en « dégénérescence » : elle deviendrait progressivement incapable de produire des hypothèses inédites, riches en contenu, et qui soient susceptibles d'être testées et corroborées[38],[n 17].

Au sujet des « expériences cruciales de falsification », dont l'existence est contestée par Imre Lakatos mais affirmée et exemplifiée (étayée) par Karl Popper, notamment dans son ouvrage Le réalisme et la science[39], l'un de ses disciples, Carl Hempel, soutient, en argumentant à partir d'exemples – tels que ceux de Foucault, Fresnel et Young (sur la nature de la lumière) ; Einstein, Lenard, Maxwell et Hertz (sur la théorie des quantas), ou encore Galilée – que : « [...] deux hypothèses étant données, les tester de la façon la plus minutieuse et la plus étendue ne peut permettre de rejeter l'une et de prouver l'autre ; ainsi, une expérience cruciale, stricto sensu, est impossible en science. Mais, en un sens large et pour la commodité, une expérience comme celle de Foucault ou celle de Lenard peut être dite cruciale : elle peut révéler que, de deux théories opposées, l'une est sérieusement inadéquate. »[40] Cependant, Karl Popper a toujours défendu la thèse selon laquelle aucune réfutation ni même aucune corroboration ne pouvait être parfaitement précise donc définitive ou absolue en science, ce qui revient à dire « cruciale », stricto sensu. Il écrit, par exemple, dans Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance : « La série des tentatives de falsification d'une théorie est par principe illimitée. (Il n'y a pas de tentative de falsification qui se distinguerait en ceci qu'elle serait la dernière.) »[41]

Popper soutient l'existence d'expériences cruciales dans l'histoire des sciences, parce que les scientifiques doivent prendre des « décisions méthodologiques »[42] pour décider du caractère concluant (mais relatif) d'une réfutation ou d'une corroboration (et ainsi faire progresser le savoir scientifique), mais toujours en acceptant l'inévitable faillibilité de tout type de test scientifique : une théorie n'est « rejetée » (réfutée) ou « prouvée » (corroborée) que sur la seule base toujours potentiellement discutable et relativement imprécise de tests dont les résultats sont finalement acceptés par une communauté de scientifiques. Il est impossible de définir aussi loin que l'on souhaite la minutie ou l'étendue d'un test, ou d'une série de tests, pour des raisons logiques démontrées par Popper[29]. Pour Karl Popper cela signifie que jamais une théorie scientifique n'est réfutée ou corroborée stricto sensu ou de manière absolue, bien qu'il soit possible d'affirmer qu'une théorie en réfute une précédente grâce à des tests démontrant que ses pouvoirs de description et d'explication sont plus riches en contenu (comme ce fut le cas, par exemple, pour la théorie d'Albert Einstein par rapport à celle d'Isaac Newton). Enfin, et en réponse à une autre critique formulée par Thomas Kuhn, Karl Popper écrit que : « [...] En ce qui concerne aussi bien la falsifiabilité que l'impossibilité d'une preuve concluante de la falsification d'une hypothèse, ainsi que le rôle qu'ont joué les réfutations dans l'histoire des sciences et singulièrement celle des révolutions scientifiques, il ne m'apparaît pas qu'il existe, entre Kuhn et moi, la moindre différence significative. »[43]

Feyerabend

Paul Feyerabend considère que le travail de Kuhn montre que ce sont des facteurs sociaux, plutôt que l'adhésion à une méthode rationnelle, qui décident quelles théories sont généralement acceptées. Kuhn conteste ce point de vue.

Feyerabend a choisi[n 18] d'exposer un point de vue radical, souvent qualifié de point de vue extrémiste, consistant à rejeter toute méthodologie prescriptive. Selon lui, la science a historiquement progressé en faisant usage de toutes les méthodes disponibles pour imposer une théorie ou une autre et si on tient à établir une règle méthodologique universellement valide, la seule qui est susceptible de convenir est l'anarchisme épistémologique ou dadaïsme désigné encore par la formule « tout est bon ».

Sokal et Bricmont

Dans Impostures intellectuelles, les physiciens Alan Sokal et Jean Bricmont critiquent le réfutationnisme parce qu'il ne décrit pas la façon dont fonctionne la science. Ils affirment que les théories sont utilisées à cause de leurs succès, pas à cause des échecs de leurs concurrentes. Selon eux, les scientifiques considèrent qu'une théorie qui résiste à la réfutation est confirmée, alors que Popper a toujours été opposé à la notion de confirmation ou même de probabilité d'une théorie[réf. nécessaire] des positivistes logiques comme Carnap.

Passeron

Jean-Claude Passeron soutient, dans son ouvrage Le raisonnement sociologique, que « la mise à l'épreuve empirique d'une proposition théorique ne peut jamais revêtir en sociologie la forme logique de la réfutation (« falsification ») au sens poppérien »[44]. Il n'attaque donc pas le critère de réfutabilité en tant que tel, mais son applicabilité aux sciences sociales. Passeron estime que « l'universalité des propositions les plus générales de la sociologie est au mieux une “universalité numérique”, jamais une “universalité logique au sens strict”, selon la distinction poppérienne des deux sens logiques du “tous” employé dans les propositions universelles. »[45]

Passeron refuse de considérer la réfutabilité comme la seule forme possible d'épreuve empirique, qui mettrait la sociologie devant le dilemme poppérien, mortel pour sa scientificité, entre réfutabilité et exemplification. Il appelle à une revalorisation de l'exemplification empirique telle qu'elle est produite dans le cadre des méthodologies des sciences sociales[n 19].

Évolution

Karl Popper considérait initialement que la sélection naturelle n’était pas testable[46],[47], mais s'est plus tard rétracté : « J'ai changé de point de vue sur la testabilité et le statut logique de la théorie de la sélection naturelle, et je suis heureux d'avoir l'opportunité de présenter une rétractation[48]. » Dès lors, des moyens potentiels (indirects) de réfuter une ascendance commune ont été proposées par ses partisans. J. B. S. Haldane, lorsqu'on lui a demandé quelle preuve hypothétique pourrait réfuter l'évolution, a répondu : « des lapins fossiles à l'ère précambrienne »[49],[n 20].


Notes et références

Notes

  1. Alan Chalmers explique que selon Popper « une hypothèse est falsifiable si la logique autorise l'existence d'un énoncé ou d’une série d’énoncés de base qui lui sont contradictoires, c’est-à-dire, qui la falsifieraient s’ils se révélaient vrais »[3]. Alain Boyer explique que, selon Conjectures et Réfutations[4], les énoncés de base sont choisis car ils sont « les plus facilement comparables (avec les faits) » et donc « les plus facilement testables inter-subjectivement »[5].
  2. Boyer 2006, p. 958 : "Les Grecs inventèrent plusieurs techniques de réfutation : modus tollens, preuve par l'absurde, régression à l’infini. Ces techniques étaient avant tout dialogiques : dialoguer, c'est discuter une thèse, l'un cherchant a la défendre, l'autre a la réfuter. L’idée de réfutation par des contre-exemples est familière a tout lecteur des dialogues socratiques."
  3. Soler 2001, paragraphes 10 et 11 : « Dans les années [1930], le problème de l’induction est en fait déjà connu, et depuis longtemps – le philosophe empiriste David Hume y ayant consacré au XVIIIe siècle des réflexions aussi approfondies que célèbres. Le projet des positivistes logiques réactive seulement le problème, qui est en substance le suivant.
    Beaucoup d’énoncés théoriques constitutifs de la science sont des lois, c’est à dire des énoncés de la forme « tous les A sont B » (par exemple : tous les métaux se dilatent sous l’effet de la chaleur). Supposons que l’on veuille appliquer les critères de scientificité stipulés par les empiristes logiques à un tel énoncé. Il faudrait s’assurer que tous les énoncés d’observation déductibles de la loi sont vrais, c’est-à-dire correspondent bien à ce qui est observé. Seulement, une infinité d’énoncés d’observation sont déductibles d’une loi universelle. Pour vérifier la loi « tous les métaux se dilatent sous l’effet de la chaleur », il faudrait en toute rigueur avoir examiné la réaction au chauffage de tous les échantillons métalliques qui ont existé, existent et existeront. »
  4. Lange 2011, p. 45 : Bien que Hume n’utilise jamais le terme « induction » pour caractériser son sujet, aujourd’hui, l’argument de Hume est généralement présenté comme visant un raisonnement inductif : le type de raisonnement que nous prenons habituellement pour justifier nos opinions en ce qui concerne ce que nous n’avons pas observé.
  5. Lange 2011, p. 43 : L'argument de Hume n’est pas la conclusion relativement modérée selon laquelle nous ne sommes pas garantis d'en faire des prédictions avec une certitude totale. La conclusion de Hume est plus radicale : que nous n'avons droit à aucun degré de confiance, aussi léger soit-il, dans toutes les prédictions concernant ce que nous n'avons pas observé.
  6. Chalmers 1987, p. 47 : « Confrontés aux problèmes de l'induction et à ceux qui lui sont liés, les inductivistes ont rencontré d'innombrables difficultés dans leur projet de construire la science comme une série d'énoncés établis comme vrais ou probablement vrais à la lumière de données. [...] Leur programme technique a conduit à des avancées intéressantes à l'intérieur de la théorie des probabilités, mais n'a pas produit de nouvelles approches de la nature de la science. Leur programme a dégénéré. »
  7. Malherbe 2001, p. 9 : « David Hume se présente, muni du titre doublement incertain d’empiriste et de sceptique [...]. Considérez son projet : instaurer sceptiquement une science nouvelle et première. Considérez sa méthode : s’en rapporter a l’expérience [...]. »
  8. Deleule 2006, p. 400: « L’empirisme, en effet, met en lumière un paradoxe qu'on peut repérer dans ce qu’on appelle traditionnellement « le problème de Hume » – conjonction constante [de deux phénomènes] n’implique pas connexion nécessaire [entre ces phénomènes]. [...] L’empirisme – et pas seulement dans sa version humienne – se trouve ainsi écartelé entre la confiance spontanée dans la reproduction future du phénomène passé et coutumier, et l’impossibilité de justifier rationnellement le processus empiriquement constaté. »
  9. Deleule 1999, p. 400 : "Désigné comme tel (Empirismus) par Kant pour définir, sur le plan pratique, une attitude qui, en substituant au devoir un intérêt « empirique », se révèle susceptible de mettre en péril l’idée même de moralité, empirisme, sur le plan théorique, doit en revanche être accueilli comme une maxime féconde capable de dresser une barrière face aux prétentions de la spéculation métaphysique."
  10. Bouveresse 2000, p. 28: « Un énoncé de base est pour Popper un énoncé empirique capable de servir de prémisse à une réfutation. Il peut contredire une loi, mais il ne peut être déduit d'une loi sans conditions initiales. »
  11. Popper 1973, Sec. 22, Falsifiabilité et falsification, page 85 : « La nécessité d'une hypothèse d'être empirique et par là falsifiable signifie seulement qu'elle doit être dans un certain rapport logique avec les énoncés de base possibles. Cette condition concerne donc la seule forme logique de l'hypothèse. Nous disons qu'une théorie est falsifiée dans le seul cas où nous avons accepté des énoncés de base qui sont en contradiction avec elle. Cette condition est nécessaire mais non suffisante. [...] Nous ne la considérons falsifiée que si nous découvrons un effet reproductible qui la réfute. La condition annexe qui requiert la corroboration de l'hypothèse fait référence à des tests qu'elle devrait avoir passés, tests qui la confrontent à des énoncés de base acceptés. »
  12. Boyer 2006, p. 960: La relation de réfutabilité est une relation logique entre des énoncés, mais elle comprend une référence anthropologique à la notion d'observation, qui ne saurait être défini formellement.
  13. Popper 1990, p. 3-4 : « J'ai toujours soutenu, et ce dès la première édition de Logik der Forschung (1934) [...] qu'il est absolument impossible de prouver de manière décisive qu'une théorie scientifique empirique est fausse. [...] Il est toujours possible de trouver certains moyens d'échapper à la falsification, par exemple en introduisant une hypothèse auxiliaire ad hoc (...) ; On ne peut jamais réfuter une théorie de manière concluante. »
  14. Popper 1979, p. 190 : "C'est une illusion de croire à la certitude scientifique et à l'autorité absolue de la science ; la science est faillible parce qu'elle est humaine. Mais cela ne donne pas raison au scepticisme ni au relativisme. Nous pouvons nous tromper, certes ; il n'en résulte pas que le choix que nous faisons entre plusieurs théories est arbitraire, que nous ne pouvons apprendre, et nous rapprocher de la vérité".
  15. Popper 1973, Chapitre 2, section 11, pages : 51 : « Le jeu de la science est en principe sans fin. Celui-là se retire du jeu qui décide un jour que les énoncés scientifiques ne requièrent pas de test ultérieur et peuvent être considérés comme définitivement vérifiés. »
  16. On peut citer l'exemple de la constante cosmologique d'Albert Einstein, ajoutée à sa théorie de la relativité car il ne croyait pas au modèle d'un univers en expansion – et ce alors même qu'il s'était montré capable de s'affranchir des conceptions communément admises sur l'espace et le temps lors de la première élaboration de ladite théorie.
  17. Zahar 1989, page : 173. « A l'opposé de Popper qui veut que les théories soient falsifiables, Lakatos maintient qu'aucune hypothèse scientifique digne de ce nom n'a pu être infirmée par l'expérience ; que ce sont au contraire les confirmations dramatiques qui ont décidé du sort des programmes de recherche. Un programme qui reste à la remorque des faits dégénère par rapport à un autre qui les anticipe. »
  18. Contre la méthode devait initialement être un dialogue entre Feyerabend et Lakatos, qui aurait présenté l'éventail complet des points de vue possibles. Avec la mort de Lakatos, Feyerabend décida de continuer la rédaction du seul point de vue anti-réfutationniste qui lui était initialement échu.
  19. Passeron 2006, p. 594, proposition 3.3. : « L'exemplification ne se réduit pas à l'univers amorphe des constats empiriques de valeur probatoire nulle, dont le modèle poppérien ne peut donner qu'une description négative, puisqu'il la constitue seulement comme classe complémentaire de la classe des opérations “falsificatrices” qui sont possibles et nécessaires dans les sciences expérimentales. »
  20. Citation originale : « Fossil rabbits in the Precambrian era. ». Voir l'article détaillé (en anglais) concernant cette citation : Precambrian rabbit (en).

Références abrégées

  1. Thornton 2007, p. 4.
  2. Nickles 2006, p. 191.
  3. Chalmers 1987, p. 76
  4. Popper 1985, Réfutations, Chap . 11, Sec. 4: Carnap et le langage de la science.
  5. Boyer 1994, Partie I, Chap. 2, Sec. L'objectivité de la base empirique.
  6. Brendan 2016, sec. 3.1.
  7. Kasavin et Blinov 2012, p. 2.
  8. Lange 2011, page : 43
  9. Lange 2011, p. 56.
  10. Hume 1739, Partie III, Section VI.
  11. Chalmers 1987, Chap. 2, Sec. 2.
  12. Henderson 2018.
  13. Boyer 2006, p. 959
  14. Leitgeb et Carus 2021, Sec. 8.1.
  15. Boyer 2017, Chapitre 4, Le problème de Duhem, page 188.
  16. Thornton 2016.
  17. Popper 1978, "Notes et remerciements de la traductrice".
  18. Thorton 2016.
  19. Popper 1973, pages : 100 - 103.
  20. Popper 1990, Introduction, sec. I..
  21. Nola et Sankey 2014, p. 256, 268.
  22. Shea 2020, Sec 2.c.
  23. Chalmers 1987, p. 75–76.
  24. Popper 1973, p. 286-287.
  25. Popper 1973. Section 37 : "Domaines logiques. Notes sur la théorie des mesures", pages : 124 - 126.
  26. CHEVASSUS-au-LOUIS 2018.
  27. Malboeuf 2017.
  28. Popper 1999, p. 411
  29. Popper 1973, Section 47 : « Domaines logiques. Notes sur la théorie des mesures », page : 124
  30. Oger 1989, p. 103-107.
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  32. Mouloud et Vienne 1982.
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  43. Popper 1990, p. 14
  44. Passeron 2006, p. 542, proposition 3.
  45. Passeron 2006, p. 576, proposition 3.1.1.
  46. Lannes et Boyer 1982.
  47. Popper 2005.
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Références

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  • Elie Zahar (1989) « La controverse Lakatos-Popper » dans Colloque de Cerisy 1981 Karl Popper et la science d'aujourd'hui, Paris: Flammarion (Coll. Aubier).

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