Quinquina (botanique)

Cinchona officinalis  Quinquina gris

Pour les articles homonymes, voir Quinquina.

Le quinquina (Cinchona officinalis) est un arbuste ou un petit arbre à feuillage persistant de la famille des Rubiacées, originaire de l'Équateur. Il est exploité pour son écorce dont on tire la quinine, fébrifuge et antipaludéen naturel.

Le terme quinquina est polysémique : il peut aussi bien désigner l'arbre de l'espèce Cinchona officinalis que le genre Cinchona et donc servir de terme générique pour n'importe quelle espèce du genre. Par ellipse, il désigne aussi l'écorce de quinquina[1] (une drogue) ou le vin de quinquina (un apéritif).

Pour éviter tout risque de confusions, l'espèce Cinchona officinalis est aussi appelée quinquina gris[2],[3] et son écorce l'écorce brune du Pérou[4].

Histoire de la nomenclature

La dénomination scientifique Cinchona officinalis a été donnée par Linné sur la base de la description donnée par La Condamine dans son mémoire sur « l'Arbre du quinquina » publié par l'Académie royale en 1738[5].

Dans la dernière révision du genre Cinchona par Andersson[6], 23 espèces de quinquina ont été distinguées, regroupées en trois groupes. Maintenant, l'espèce Cinchona officinalis se retrouve donc dans le groupe de C. calisaya avec des caractères distinctifs assez discrets pour ne pas pouvoir être reconnus dans la description de La Condamine. Comme le remarque Andersson, « L'ironie veut que le présent traitement du nom C. officinalis restreigne son usage à une forme sans aucune importance médicinale » (car elle comporte seulement des traces de quinine).

L'emploi par des auteurs anciens du terme Cinchona officinalis ne correspond pas forcément à l'espèce décrite ici suivant la classification d'Andersson.

Nom vernaculaire :

  • en Équateur, C. officinalis est appelé uritusinga.

Synonymes : la circonscription précise de l'espèce Cinchona officinalis a posé beaucoup de problèmes aux botanistes. De nombreux synonymes ont été trouvés.

Étymologie

Au XVIIe siècle, Sebastiano Bado, un médecin génois qui n'avait jamais voyagé en Amérique du Sud, fut le premier à employer le terme quinquina[7] : jusque-là les Jésuites parlaient de l'arbol de las calenturas, « l'arbre des fièvres ». Il justifia l'emploi de ce terme en prétendant que kinakina désignait, en langue quechua, l'arbre donnant l'écorce du Pérou. Cette information était erronée et il est maintenant établi que ce terme désigne un tout autre arbre : le Myroxylon peruiferum[8].

Le témoignage de Castelnau, responsable d'une expédition scientifique[9] en Amérique du Sud au milieu du XIXe siècle, est limpide à cet égard :

[En Bolivie] "Mon guide fut plus heureux lorsqu'il s'agit de me montrer l'arbre dont on retirait l'encens qu'il brûlait sur l'autel de l'église de Guterrez. C'est un des végétaux les plus répandus, et en même temps les plus intéressants des forêts de la Cordillère des Andes, où il est généralement connu sous le nom de quinaquina (Myroxylon peruiferum)." (de Castelnau, 1851)

Description

Cinchona officinalis

Cinchona officinalis est un arbuste pouvant atteindre m de hauteur, aux jeunes branches densément pubescentes à subglabres[6].

Les feuilles décussées sont chartacées (Texture parcheminée)[Quoi ?] à l'état sec, de 6-11 × 3-4,6 cm, elliptiques ou plus ou moins ovales, à base cunée. Elles sont proches de C. calisaya mais on peut les reconnaître par leur domaties en cavité plus développées dans la moitié proximale du limbe.

Les inflorescences sont des cymes, à axe plus ou moins densément pubescent, en position terminale sur les branches latérales. Le calice d'environ mm est glabre à l'intérieur. La corolle rose ou pourpre, comporte un tube de 8-13 mm de long et des lobes de 3-5 mm. Les étamines sont insérées dans le tube ; elles peuvent être longues (mm) pour les fleurs à style court ou courtes (1-3 mm) pour les fleurs à style long.

Les fruits sont des capsules en forme d'ellipsoïde ou subglobuleuses, de 10-20 × 6-10 mm.

Distribution et écologie

La distribution naturelle semble se limiter à une aire restreinte des régions andines du sud de l'Équateur[6] (El Oro, Cañar, Azuay, Loja).

Ce quinquina pousse dans les forêts sèches, entre 1 700 et 3 000 m d'altitude.

Des essais de cultures de C. officinalis furent menés en Inde, à Java et à la Jamaïque, mais uniquement à titre expérimental car cette espèce ne contient pas (ou seulement des traces) de quinine.

Composition

L'écorce de quinquina est riche en composés phénoliques[3]. Elle contient aussi des acides organiques, des saponosides et de l'huile essentielle. C. officinalis est moins riche en alcaloïdes quinoléiques[8] que le C. calisaya ou C. pubescens.

Alcaloïdes d'écorce de C. officinalis du sud de l'Équateur
en % de mat. sèche, d'après Hodge (1948)
Cinchonine Cinchonidine Quinine Quinidine Alcaloïdes totaux
1,161,120,4102,69

Pauvre en quinine, le Cinchona officinalis a surtout été utilisé dans de nombreuses boissons amères, des vins aromatiques.

Histoire de l'écorce de quinquina

Écorce de quinquina (Cinchona officinalis)

Les propriétés antipaludiques de l'écorce de quinquina ont commencé à être connues en Europe au XVIIe siècle grâce aux Jésuites du Pérou qui en ramenaient à Rome lorsqu'ils se rendaient dans cette ville très impaludée. Par la suite, l'écorce du Pérou s'imposa peu à peu comme le traitement de choix des fièvres intermittentes sans que les botanistes européens ne disposent de descriptions précises de l'arbre sur lequel elle était prélevée.

En 1649 Louis XIV est guéri d'une fièvre tenace grâce à la poudre des jésuites. Plus tard, lorsque son fils, le Grand Dauphin, sera également guéri grâce à cette poudre, il fait publier un document concernant ce traitement par l'apothicaire de la cour. Cependant, tant les provenances que les teneurs en principes actifs de ce remède, restent encore inconnues à cette époque[10].

Charle Marie de la Condamine (1701-1774)

En 1735, l'Académie royale des Sciences envoie une expédition scientifique au Pérou avec plusieurs mathématiciens, un géographe Charles Marie de La Condamine et un médecin naturaliste Joseph de Jussieu, pour effectuer des mesures d'un arc méridien. Ce fut la description de l'arbre de La Condamine qui arriva la première en Europe et qui fit autorité auprès de Linné.

Ce mémoire de La Condamine, "Sur l'arbre du quinquina"[5], publié par l'Académie royale en 1738 indique :

« Le meilleur quinquina, du moins le plus renommé, se recueille sur la montagne de Cajanuma située à deux lieuës & demie environ au sud de Loxa, c'est de là qu'a été tiré le premier qui fut rapporté en Europe. On distingue communément trois espèces de quinquina quoique quelques-uns en comptent jusqu'à quatre; le blanc, le jaune et le rouge : on m'avait dit à Loxa que ces trois espèces n'étoient différentes que par leur vertu, le blanc n'en ayant presque aucune, et le rouge l'emportant sur le jaune.
On se sert pour cette opération [la collecte de l'écorce] d'un couteau ordinaire dont on tient la lame à deux mains, l'ouvrier entame l'écorce à la plus grande hauteur où il peut atteindre, & pesant dessus, il le conduit le plus bas qu'il peut...l'écorce après avoir été ôtée, doit être exposée au soleil plusieurs jours, et ne doit être emballée pour se bien conserver, que lorsqu'elle a perdu toute son humidité... »

Gustation

L'écorce de quinquina a un goût particulièrement amer.

Articles connexes

D'autres espèces de Cinchona, dont le quinquina rouge et le quinquina jaune, produisent de la quinine.

Liens externes

Bibliographie

  • Manuscrit de la bibliothèque du Muséum national d'histoire naturelle : Ms 1625-1627 Voyage de Joseph de Jussieu au Pérou Ms 1626 Notes sur le quinquina «  On a joint le mémoire manuscrit de La Condamine « sur l'arbre du quinquina, envoyé à l'Académie [des Sciences], le 29 may 1737 (voyage de Quito à Lima par Loxa), » et une lettre de Joseph Lena à Charles de La Condamine, sur les plantes du Pérou, portant l'adresse suivante : « Joseph Lena Lucensis, e Societate Jesu, Quittensis provinciae missionarius, domino Carolo de La Condamine, Divi Lazari equiti clarissimo ac regiae Parisiensis Scientiarum Academiae academico dignissimo, salutem plurimam dicit » Source : Calames .Voir liens externes.
  • Lucien Gérin, « La culture des quinquinas et la production de quinine au Cameroun français », in Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 1, nos 1-4, janvier-février-mars-, p. 21-40, [lire en ligne]
  • Joseph de Jussieu, Description de l'arbre à quinquina, Paris, Société du traitement des quinquinas, , 45 p. (lire en ligne)
  • Paul Bory, Les chercheurs de quinquinas (des vallées de Caravaya à l'Amazone), S.l., , 294 p. (lire en ligne)

Références

  1. dans les expressions : prendre du quinquina, infusion de quinquina
  2. Christian Duraffourd et Jean-Claude Lapraz, Traité de phytothérapie clinique. Endobiogénie et médecine., Masson, , 827 p.
  3. Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes médicinales, 4e éd., revue et augmentée, Paris, Tec & Doc - Éditions médicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
  4. Bernard Boullard, Plantes médicinales du monde : croyances et réalités, Estem, , 636 p.
  5. M. de la Condamine, « Sur l'arbre du quinquina », dans Académie des sciences (France), Histoire de l'Académie royale des sciences ... avec les mémoires de mathématique & de physique... tirez des registres de cette Académie, Paris, J. Boudot, (lire en ligne)
  6. (en) Lennart Andersson, A Revision of the Genus Cinchona (Rubiaceae - Cinchoneae), Memoirs of the New York Botanical Garden, Vol 80,
  7. dans un ouvrage de 1663, écrit en 1639
  8. (en) Merlin Willcox, Gerard Bodeker et Philippe Rasanavo, Traditional medicinal plants and malaria, CRC Press, , 552 p.
  9. Francis de Castelnau, Expédition dans les parties centrales de l'Amérique du Sud, P. Bertrand,
  10. François Tillequin, « Brève histoire des quinquinas », dans (coll.) Arthur Paecht, Florence Cyrulnik, Musée Balaguier, Seyne-sur-Mer, Le voyage des plantes : Le jardin botanique de la marine, Géhess Editions, (lire en ligne)
  • Portail de la botanique
  • Portail des plantes utiles
  • Portail de la pharmacie
  • Portail des épices et aromates
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.