Proche-Orient ancien

L'expression Proche-Orient ancien désigne un ensemble de cultures et de civilisations qui se sont épanouies du Néolithique jusqu'à la fin de l'Antiquité dans un espace comprenant, dans son acception la plus restreinte, le Levant à l'ouest, la Mésopotamie à l'est, et l'Anatolie au nord. On peut également trouver les termes Orient ancien ou Asie du Sud-Ouest ancienne.

Cet espace, qui est parfois élargi à l'ensemble du Moyen-Orient, incluant ainsi la péninsule Arabique, l'Iran et le Caucase, regroupe des peuples qui, en dépit de leur hétérogénéité, ont partagé un processus historique similaire, avec la « néolithisation », l'émergence des premières cités, des premières écritures, et eu des croyances présentant une certaine proximité. L'intégration ou non de l’Égypte antique à cet ensemble ne fait pas consensus, en fonction des considérations scientifiques ou des habitudes des chercheurs.

Cartes

Terminologie

L'expression « Proche-Orient ancien » s'est imposée depuis le début des années 1990 dans le champ des études des premières civilisations de l'Ancien monde. Mais elle coexiste encore avec d'autres désignant la même réalité (du reste assez floue) ou non. On retrouve également l'expression « Orient ancien », que l'absence de l'adjectif « proche » rend encore plus vague. On remarque cependant que l'acception de l'expression « Proche-Orient » retenue est plus vaste que celle employée pour la période contemporaine, puisque le Proche-Orient moderne n'est qu'une partie du Proche-Orient ancien.

L'emploi du terme « Orient » a été critiqué en raison de son « européocentrisme » et de son origine, puisque ce concept a été forgé par des auteurs européens[1]. De ce fait, certains préfèrent l'expression « Asie du Sud-Ouest », jugée moins connotée idéologiquement, mais le concept de continent asiatique est lui aussi une construction européenne[2].

Pendant longtemps, le champ des études sur le Proche-Orient ancien a été dominé par l'étude de la civilisation qui l'a fait connaître et qui a été la première à être découverte (si l'on met à part le cas des études bibliques), la Mésopotamie, et spécialement Babylone et l'Assyrie (parfois regroupées sous le terme « assyro-babylonien »).

La prégnance de cette région dans les études proche-orientales est encore réelle en dépit de sa relativisation dans les études récentes. Mais pour le grand public, « Mésopotamie » reste bien plus parlant que « Proche-Orient ancien », et de ce fait ce mot reste encore utilisé, notamment dans des livres destinés à un public large, même si l'on va souvent au-delà de cette seule entité géographique et historique[3].

Contours géographiques

La définition du cadre exact recouvert par l'expression « Proche-Orient ancien » reste floue.

Le cadre minimum est celui regroupant les trois régions que sont le Levant, la Mésopotamie et l'Anatolie[4]. On peut également y intégrer d'autres espaces par les études archéologiques : Chypre, Caucase, golfe Persique (et toute la péninsule Arabique), Iran[5]. Cela peut dépendre de la période étudiée : l'Asie centrale méridionale de la fin du IIIe millénaire et le début du IIe millénaire est très liée aux civilisations proche-orientales voisines (Élam, Mésopotamie), alors que les liens se tarissent par la suite, temporairement, avant une reprise sous les Achéménides. Le golfe Persique est quant à lui en contact encore plus poussé avec les mêmes régions durant l'Antiquité, et donc son intégration dans l'ensemble proche-oriental antique se discute moins.

Une grande question est l'intégration ou non de l'Égypte antique au Proche-Orient ancien. De plus en plus d'ouvrages de synthèse tendent à intégrer les deux, surtout aux États-Unis, comme le fait depuis longtemps la revue Journal of Near Eastern Studies[6]. Depuis peu cette extension tend à se retrouver dans des publications européennes[7]. C'est aussi le cas en France depuis peu, dans quelques ouvrages de premier cycle universitaire[8], où on distingue clairement les deux ensembles. Cela pose en effet des problèmes du fait d'une certaine hétérogénéité entre l'Égypte (Basse-Égypte et du delta égyptien) et les civilisations asiatiques voisines, tant du point de vue historique que culturel dans une moindre mesure. Les spécialistes d'égyptologie restent dans un champ bien distinct, même si des contacts existent.

La situation pour la Haute-Égypte est cependant bien différente et présente plusieurs affinités avec ces voisins du Sud dont la Nubie. Bien que proche géographiquement et en contact depuis les plus anciennes périodes avec les cultures et civilisations d'Asie du Sud-Ouest, la civilisation égyptienne est issue d'un foyer néolithique situé au Soudan actuel, donc proprement africain. Mais comme l'Égypte est progressivement intégrée dans l'ensemble des civilisations proche-orientales voisines, puis celle de l'Est méditerranéen, surtout à partir du milieu du IIe millénaire, la considérer dans l'ensemble proche-oriental antique ne manque pas forcément de pertinence[9]. D'une manière générale, l'égyptologie reste à part, et cela se voit dans les musées qui distinguent l’Égypte antique du Proche-Orient ancien.

Contours chronologiques

Le cadre chronologique est moins fluctuant. En utilisant la documentation archéologique, on remonte couramment jusqu'aux débuts du Néolithique, et même un peu avant, au début du processus de néolithisation durant l'Épipaléolithique, parfois jusqu'à 15 000 av. J.-C., souvent vers 10 000 av. J.-C., parce que cette phase peut être vue comme le point de départ des développements culturels caractéristiques du Proche-Orient ancien[10]. Les régions voisines se « néolithisent » progressivement par la suite. Pour la documentation écrite, les études sont possibles à partir de la fin du IVe millénaire, aussi certains travaux préfèrent se limiter à faire commencer le Proche-Orient ancien à ce moment-là, aussi pour alléger leur propos[11].

La fin du Proche-Orient ancien est couramment marquée par les débuts de la période hellénistique, donc la fin du IVe siècle av. J.-C. Mais cela peut être aussi vu comme une conception helléno-centrée ou européano-centrée, car les continuités culturelles et la présence de documentation cunéiforme jusqu'aux débuts de notre ère en basse Mésopotamie font que l'on peut considérer que cette région sort du contexte du Proche-Orient ancien progressivement durant la seconde moitié du Ier millénaire. De même, l'Empire séleucide et ses successeurs parthes et sassanides sont par bien des aspects héritiers des empires du Proche-Orient ancien. Le département des Antiquités orientales du Musée du Louvre s'arrête d'ailleurs au VIIe siècle, avec l'arrivée de l'islam[12], de même que le Metropolitan Museum of Art de New York[13], tandis que le British Museum a un vaste département sur le « Moyen-Orient » (Middle East), incluant aussi les civilisations islamiques, mais dans une seule salle bien à l'écart du Proche-Orient ancien, ce regroupement semblant plutôt pratique[14].

Notes et références

  1. L'ouvrage fondateur de cette critique est : (en) E. Said, Orientalism, New York, 1978 ; traduction française L'Orientalisme : l'Orient créé par l'Occident, Paris, 1980.
  2. C. Grataloup, L'invention des continents, Paris, 2009.
  3. C'est le cas par exemple de F. Joannès, Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Robert Laffont, 2001.
  4. A. Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Manuels de l'École du Louvre, 2003.
  5. J.-L. Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, 2 t., 2004.
  6. La vaste synthèse (en) J. Sasson (dir.), Civilizations of the Ancient Near East, Scribner, 1995 inclut l’Égypte.
  7. Par exemple (en) A. Kurth, The ancient Near East C. 3000-330 BC, Routledge, 1997.
  8. F. Joannès, Les premières civilisations du Proche-Orient, Belin, 2006 comprend l'Égypte, mais c'est le seul à ce jour ; J.-C. Margueron et L. Pfirsch, Le Proche-Orient et l'Égypte antiques, Hachette, 2005.
  9. Voir à ce sujet (en) M. Liverani, Prestige and Interest, International Relations in the Near East, 1600-1100 B.C., Padoue, 1990 qui établit des contacts dans les conceptions politiques égyptiennes, mésopotamiennes, anatoliennes.
  10. Liverani 2014, p. 34-35.
  11. van de Mieroop 2007, p. 2.
  12. Voir la présentation du département sur le site du musée : .
  13. http://www.metmuseum.org/Works_of_Art/ancient_near_eastern_art.
  14. https://www.britishmuseum.org/the_museum/departments/middle_east.aspx.

Voir aussi

Bibliographie

  • Michael Roaf (trad. de l'anglais par Philippe Tallon), Atlas de la Mésopotamie et du Proche-Orient ancien, Turnhout, Brepols, , 237 p. (ISBN 2-503-50046-3).
  • (en) Jack M. Sasson (dir.), Civilizations of the Ancient Near East, New York, Scribner, .
  • (en) Eric M. Meyers (dir.), Oxford Encyclopaedia of Archaeology in the Near East, 5 vol., Oxford et New York, Oxford University Press, (ISBN 0-19-506512-3).
  • Paul Garelli, Jean-Marie Durand, Hatice Gonnet et Catherine Breniquet, Le Proche-Orient asiatique, tome 1 : Des origines aux invasions des peuples de la mer, Paris, Presses universitaires de France, coll. « La Nouvelle Clio », .
  • Paul Garelli et André Lemaire, Le Proche-Orient Asiatique, tome 2 : Les empires mésopotamiens, Israël, Paris, Presses universitaires de France, coll. « La Nouvelle Clio », .
  • Francis Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », .
  • (en) Trevor Bryce et al., The Routledge Handbook of the Peoples and Places of Ancient Western Asia, Oxon et New York, Routledge, .
  • Agnès Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, RMN, coll. « Manuels de l'école du Louvre », .
  • Jean-Louis Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient : t.I, Des peuples villageois aux cités-États (Xe-IIIe millénaire av. J.-C.), Paris, Errances, .
  • Jean-Louis Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, tome II, Des hommes des Palais aux sujets des premiers empires (IIe-Ier millénaire av. J.-C.), Paris, Errances, .
  • Pierre Bordreuil, Françoise Briquel-Chatonnet et Cécile Michel (dir.), Les débuts de l'histoire : Le Proche-Orient, de l’invention de l’écriture à la naissance du monothéisme, Paris, Éditions de la Martinière, .
  • (en) Daniel T. Potts (dir.), A Companion to the Archaeology of the Ancient Near East, Malden et Oxford, Blackwell Publishers, coll. « Blackwell companions to the ancient world »,
  • (en) Mario Liverani, The Ancient Near East : History, society and economy, Londres et New York, Routledge,
  • Bertrand Lafont, Aline Tenu, Philippe Clancier et Francis Joannès, Mésopotamie : De Gilgamesh à Artaban (3300-120 av. J.-C.), Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 1040 p. (ISBN 978-2-7011-6490-8)
  • (en) D. Snell (dir.), A Companion to The Ancient Near East, Routledge, 2004.
  • (en) Marc van de Mieroop, A history of the ancient Near East, ca. 3000-323 BC, Malden et Oxford, Blackwell Publishers,
  • J.-C. Margueron et L. Pfirsch, Le Proche-Orient et l'Égypte antiques, Hachette, 2005.
  • Pierre Amiet, L'Antiquité orientale, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1971 ; éd. mise à jour 2003.
  • Pierre Amiet, Introduction à l'histoire de l'art de l'Antiquité orientale, Desclée de Brouwer, 1989.
  • Catherine Saliou, Le Proche-Orient : De Pompée à Muhammad, Ier s. av. J.-C. - VIIe s. apr. J.-C., Belin, coll. « Mondes anciens », , 608 p. (ISBN 978-2-7011-9286-4, présentation en ligne).
  • Martin Sauvage (dir.), Atlas historique du Proche-Orient ancien, Paris, Les Belles Lettres, , 207 p. (ISBN 978-2-251-45113-8)

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