Procédé Frasch

Le procédé Frasch a longtemps été la seule méthode permettant d'extraire le soufre natif (ou élémentaire) à cadence industrielle de dépôts souterrains[1]. Jusqu'à la fin du XXe siècle, la plus grande partie du soufre consommé ou transformé dans le monde a été obtenue ainsi ; depuis, l'extraction conjuguée du soufre en marge des champs de pétrole et de gaz s'est banalisée (cf. procédé Claus).

Dans le procédé Frasch, de l'eau en état de surébullition est injectée dans les dépôts chargés en soufre ; le soufre, une fois fondu, peut être chassé vers la surface. Le procédé Frasch permet de récolter un soufre de haute pureté[2].

Histoire

Illustration montrant la structure d'un dôme de sel (diapir) contenant du soufre natif et la position d'une pompe Frasch. On injecte de l'eau chaude en état de surébullition dans la roche pour faire fondre le soufre. Le soufre fondu et liquide est alors expulsé en surface sous forme d'émulsion par de l'air comprimé (airlift)[3],[4].

Le procédé Frasch pour le soufre est opérationnel pour l'extraction d'un dôme de sel ou dans des dépôts d'évaporite, car le soufre y est stocké dans des bancs rocheux perméables piégés entre deux couches imperméables. Dans le cycle du soufre, l'altération d'origine bactérienne de l'anhydrite ou gypse, en présence d’hydrocarbures, produit du carbonate de calcium et du sulfure d'hydrogène. Or le sulfure d'hydrogène s'oxyde en soufre élémentaire, par la présence d'eau de percolation, ou sous l’action de bactéries anaérobies[3],[4].

En 1867, en Louisiane, des mineurs découvrirent du soufre natif sous la croûte sommitale d'un dôme de sel de la Paroisse de Calcasieu, mais il était recouvert de sables mouvants, ce qui interdisait une extraction directe. En 1894, un chimiste d'origine allemande, Herman Frasch (1852–1914), imagina une technique permettant de séparer le soufre en utilisant des tuyaux pour traverser les horizons sableux[5]. Elle remédiait à la méthode sicilienne, coûteuse et fort polluante. Le succès fut au rendez-vous : le , le premier baril de soufre liquide était récolté à la surface. Afin de réunir la masse de capitaux nécessaires à l'exploitation du procédé, Union Sulphur Company fut cotée en bourse en 1896 ; toutefois, le coût encore élevé du carburant pour chauffer l'eau handicapait la rentabilité du procédé ; mais la découverte, en 1901, du champ de pétrole de Spindletop au Texas changea la donne et marqua le vrai point de départ de l'industrie chimique régionale[6]. Le procédé Frasch fut mis en œuvre dans les mines de Sulphur[3] en 1903.

Grâce à l'expiration du brevet de Frasch, l'emploi du procédé se généralisa aux dômes de sel des côtes du Texas : un second dôme fut exploité par ce procédé en 1912 dans le Comté de Brazoria. C'est ainsi qu'en peu d'années, la côte du Texas a dominé la production mondiale de soufre, et cela pendant la première moitié du XXe siècle[7] ; mais au début des années 1970, la désulfuration du gaz naturel et du pétrole s'était perfectionnée au point détrôner, par son coût marginal, les dômes Frasch, qui fermèrent les uns après les autres. Le dernier gisement de soufre exploité par le procédé Frasch aux États-Unis a dû être fermé en 2000[3]. Celui d'Irak a cessé ses activités au cours de la guerre d'Irak en 2003.

On continue cependant d'utiliser le procédé Frasch pour exploiter des dépôts de soufre au Mexique et en Pologne.

Description du procédé

Dans le procédé Frasch, après le forage et le premier tubage d'un puits traversant la roche de couverture située au-dessus de celle piégeant le dépôt de soufre, trois cannes concentriques sont mises en place dans le puits. On y injecte de l'eau très chaude en état de surébullition (165 °C sous 2,5 à 3 MPa) par le tube extérieur. De l'air comprimé sec est injecté vers le fond par le tube central[1]. Le soufre fond à 115 °C : une fois liquide, il est chassé vers la surface par l'air comprimé et remonte dans l'annulaire du tube intermédiaire inséré entre le tube central (air comprimé) et le tube extérieur (eau chaude). En effet, injecter uniquement de l'eau chaude pour remonter le soufre liquide exigerait une pression hydraulique supérieure et conduirait également à un surcoût énergétique important. La pression hydraulique du fluide dans la colonne du tube annulaire de remontée chute avec la diminution de la profondeur au fur et à mesure de l'ascension du fluide. L'air comprimé augmente alors de volume en remontant et crée une multitude de petites bulles d'air. Il se forme ainsi une émulsion air/liquide de moindre densité que celle du soufre liquide. Suite au déséquilibre entre la pression hydraulique de la colonne d'injection d'eau chaude descendante et celle de la colonne remontante de l'émulsion de soufre liquide/air/eau, il se crée un effet d'aspiration vers le haut. C'est l'effet de pompage par airlift également utilisé lors de travaux subaquatiques en plongée pour remonter des sédiments et des débris solides vers la surface (fouilles archéologiques, recherche de minerais précieux, ...).

Le soufre ainsi obtenu peut être très pur (99,7 à 99,8%) : il présente alors une teinte jaune clair ; mais s'il est contaminé par des composés organiques, il prend une teinte plus sombre. La purification est coûteuse, et souvent superflue. Par ce procédé[1], les États-Unis ont produit 3,89 millions de tonnes de soufre en 1989, et le Mexique, 1,02 million de tonnes en 1991.

Il est techniquement possible de recourir au procédé Frasch pour des dépôts de soufre élémentaire profonds de 50 à 800 m. Il faut entre 3 et 38 m3 d'eau en surébullition par tonne de soufre extraite, et le coût énergétique est respectable[1]. Lebowitz (1931) décrit la fabrication d'une maquette de ce procédé destinée aux enseignants et étudiants des écoles de chimie et d'ingénieurs[8]. Cependant, depuis l’avènement du procédé Claus indispensable actuellement à la désulfuration du pétrole et du gaz, le recours au procédé Frasch est en net recul au niveau mondial.

Notes

  1. Wolfgang Nehb et Karel Vydra, Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry, Weinheim, Wiley-VCH, (DOI 10.1002/14356007.a25_507.pub2)
  2. « An Introduction to Sulphur. », sur The Sulphur Institute (consulté le ).
  3. Joyce A. Ober, Materials flow of sulfur, US Geological Survey (USGS) Open-File Report 02-298, U.S. Dept. of the Interior, USGS, (lire en ligne), p. 12–13
  4. Williams Haynes, Brimstone, The Stone that Burns, Princeton, D. Van Nostrand Company, Inc., , p. 4–5,54
  5. Paul L. V. Héroult, « Obituaries - Herman Frasch, », Industrial & Engineering Chemistry, vol. 6, no 6, , p. 505–507 (DOI 10.1021/ie50066a024)
  6. D'Arcy Shock, SME Mining Engineering Handbook, Society for Mining Metallurgy and Exploration, , 988 p. (ISBN 978-0-87335-100-3), « Frasch sulfur mining », p. 1512
  7. D’après Diana J. Kleiner, « Sulfur industry », sur Handbook of Texas Online (consulté le ).
  8. Cf. Samuel H. Lebowitz, « A demonstration working model of the Frasch Process for mining sulfur », J. Chem. Educ., vol. 8, no 8, , p. 1630 (DOI 10.1021/ed008p1630, Bibcode 1931JChEd...8.1630L)

Bibliographie

Voir également

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