Première Période intermédiaire

La Première Période intermédiaire est une séquence historique de l'Égypte antique, à cheval sur les XXIIe siècle et XXIe siècle avant notre ère, qui s'étend sur environ cent cinquante ans entre la fin de l'Ancien Empire et le début du Moyen Empire. Elle est marquée par de nombreuses difficultés socio-politiques et représente une déliquescence du pouvoir pharaonique. Elle comprend les obscures VIIe et VIIIe dynasties, sans doute des descendants du roi Pépi II, les IXe et Xe dynasties dites dynasties Héracléopolitaines, ainsi qu'une partie de la XIe dynastie originaire de Thèbes. On dispose de très peu de monuments de cette période, surtout du début de cette ère.

Royaume d'Égypte
Première Période intermédiaire

vers -2200  vers -2030

Informations générales
Statut Monarchie
Capitale Memphis
Héracléopolis Magna
Thèbes
Langue(s) Égyptien ancien
Religion Religion de l'Égypte antique
Histoire et événements
vers -2200 VIIe dynastie
vers -2180 VIIIe dynastie
vers -2160 IXe dynastie
vers -2130 Xe dynastie
vers -2120 XIe dynastie
vers -2030 Prise de Héracléopolis et réunification de l'Égypte
roi
(1er) vers -2200 Netjerkarê
(Der) vers -2050 Antef III

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Entités suivantes :

La Première Période intermédiaire est un temps où le territoire égyptien se voit partagé en deux zones d'influences. Le Nord en proie à des infiltrations de bédouins originaires du Proche-Orient est plus ou moins bien contrôlé depuis Héracléopolis, une ville de la Moyenne-Égypte. Au Sud, l'autorité appartient aux nomarques de Thèbes, qui se sont proclamés rois. Ces derniers parviennent à s'imposer militairement aux termes de nombreux combats et échauffourées, entraînant la réunification de l'Égypte sous le pouvoir du thébain Montouhotep II.

Chute de l'Ancien Empire

Les causes qui ont provoqué la chute de l'Ancien Empire sont nombreuses, mais certaines restent encore purement hypothétiques. L'une des raisons souvent évoquée est le très long règne de Pépi II (peut-être 94 années), le dernier grand pharaon de la VIe dynastie. Comme il régna depuis son enfance jusqu'à un âge très avancé, il laissa derrière lui une très nombreuse descendance. Ses héritiers, fils et petits-fils, se disputant entre eux le pouvoir, la succession au trône devint problématique, voire chaotique. Le pouvoir monarchique se serait alors désintégré à cause de la mésentente au sein de la famille royale.

Un autre problème majeur fut la montée en puissance des nomarques provinciaux. À la fin de l'Ancien Empire, la fonction de nomarque devint héréditaire. Le pays se morcela alors en plusieurs zones d'influence de type féodal, chaque dynastie provinciale accroissant localement son pouvoir au détriment du pouvoir pharaonique. Les nomarques se seraient jalousés entre eux, entraînant des conflits entre provinces voisines. La troisième raison de la dissolution de la royauté centralisée tient peut-être aussi à une succession de faibles niveaux d'inondation du Nil, liés à un climat devenu plus sec et plus aride (événement climatique de 4200 BP). La baisse des rendements agricoles aurait abouti à une période de famine endémique, puis à des troubles sociaux.

Une période de développement économique

Bien que marquant une chute nette du pouvoir pharaonique au profit de nombreuses puissances locales dominées par Thèbes et Hérakléopolis, la Première Période Intermédiaire n'est pas une période de régression économique[réf. nécessaire]. On observe en effet à cette époque un accroissement des échanges commerciaux et un partage des richesses effectué entre davantage de personnes que lors de l'Ancien Empire. Ainsi l'archéologie rend compte d'un essor continu des villes durant les cent-cinquante ans de la période : à Éléphantine, près de la première cataracte, on trouve des signes d'une administration importante tandis que les tombes des dignitaires sont toujours richement décorées ; Edfou en Haute-Égypte a doublé de surface ; enfin Kôm-el-Hisn dans le delta occidental est resté une ville marchande active[1]. Par rapport à l'Ancien Empire on observe ainsi un essor des gouverneurs locaux au détriment du pharaon, qui aboutiront lors du Moyen Empire à des rivalités entre pouvoir royal et pouvoirs locaux.

Les VIIe et VIIIe dynasties memphites

Les VIIe et VIIIe dynasties sont très souvent négligées car les souverains de cette période sont très peu connus. Manéthon, un prêtre et un historien de l'époque ptolémaïque, décrit la VIIe dynastie comme une succession de soixante-dix rois en soixante-dix jours. Il s'agit bien sûr d'une exagération pour décrire la désorganisation de la royauté et la gravité de la situation de ce temps. L'existence de la VIIIe dynastie est plus certaine et compte entre dix-sept et vingt-cinq rois très peu documentés. Il s'agit, peut-être, de descendants de la VIe dynastie. Ils ont la prétention de gouverner tout le pays depuis Memphis mais, dans les faits, leur influence ne doit certainement pas dépasser les murs de leur ville. Peu de choses sont connues sur ces deux dynasties car les preuves textuelles ou architecturales manquent pour décrire cette période. Cependant, quelques objets ont été trouvés, comme des scarabées qui ont été attribués au roi Néferkarê II de la VIIe dynastie. Le roi Ouadjkarê a laissé un décret d'exemption fiscale et le roi Qakarê Ibi de la VIIIe dynastie s'est fait inhumer dans une petite pyramide à Saqqarah. Cette construction, aujourd'hui ravagée, devait à peine dépasser les vingt mètres de haut. La chambre funéraire est aussi la dernière à bénéficier de la magie des Textes des pyramides.

Les rois héracléopolitains

Carte des nomes de l'Égypte ancienne.

Après les règnes obscurs des rois des VIIe et VIIIe dynasties, un groupe de dirigeants, issu d'Héracléopolis en Moyenne-Égypte, parvient à s'imposer dans le nord du pays durant quelque cent-vingt années. Les IXe et Xe dynasties sont regroupées sous l'appellation de « dynasties héracléopolitaines » car il est souvent difficile d'attribuer avec certitude les rois à une dynastie ou à l'autre. Ces rois sont supposés être les descendants d'envahisseurs libyens venus en Égypte à partir de l'ouest, à travers la région du Fayoum. Ils avaient comme capitale la ville d'Héracléopolis, située au sud du Fayoum et métropole du 20e nome de Haute-Égypte. La première lignée a sans doute été fondée par le roi Khéty Ier Méribrê. Manéthon l'appelle Achtoes et en fait un tyran dévoré par un crocodile. Il est possible que cette lignée ait réussi à contrôler tout le pays durant un court laps de temps. Les deux autres rois que l'on peut rattacher à cette dynastie sont Mérikarê Ier et Khéty II. Tous tentent de regrouper sous leur sceptre l'ensemble des provinces du pays. Dans cette tâche difficile, ils sont soutenus par les princes d'Assiout (13e nome de Haute-Égypte) et d'Hermopolis (15e nome de Haute-Égypte). Ils tentent aussi de chasser les nomades venu du Proche-Orient hors du delta du Nil. La Xe dynastie, toujours située à Héracléopolis, n'est que le prolongement de la précédente. Elle aurait eu comme premier roi Khéty V. Les autres souverains clairement identifiés sont Khéty VI, Khéty VII et Mérikarê II. La réalité du pouvoir de cette ville est cependant difficile à établir, particulièrement avant le règne de Mérikarê : on ne trouve que peu de vestiges archéologiques à Héracléopolis elle-même attestant d'un pouvoir fort, en même temps que l'on trouve peu de références aux rois héracléopolitains dans les autres villes de Moyenne et Basse-Égypte[1].

Les rois thébains

Au moment où est fondée dans le Nord la IXe dynastie, une autre lignée, la XIe dynastie, émerge dans le Sud autour de Thèbes en Haute-Égypte, avec Montouhotep l'Ancien comme ancêtre fondateur. Pendant plus de cent ans, les dynasties héracléopolitaines s'opposent à celles du Sud, chacune progressant ou régressant selon le jeu des alliances avec les nomarques de Moyenne-Égypte.

Le roi héracléopolitain Néferkarê VII, pour détruire ses rivaux thébains, tente de les prendre en tenaille. Pour ce faire, il s'allie avec l'un des personnages les plus importants de ce temps, le nomarque Ânkhtyfy de Hiéraconpolis (3e nome de Haute-Égypte). Ânkhtyfy ne s'attaque pas directement à Thèbes mais choisit de porter ses coups contre un de ses alliés, le nomarque Khoui d'Edfou (2e nome de Haute-Égypte). Les opérations ayant réussi, Ânkhtyfy s'attribue le territoire du vaincu. Après cela, Ânkhtyfy s'allie avec le nomarque d'Éléphantine (1er nome de Haute-Égypte) pour attaquer directement les Thébains et leurs alliés de Coptos (5e nome de Haute-Égypte). Ânkhtyfy connait quelques succès, mais son offensive est finalement suspendue, le pays étant paralysé par la famine. Les historiens remettent cependant en question la loyauté d'Ânkhtyfy, et tendent à le considérer comme un chef de guerre local indépendant[1].

La rivalité entre les deux pouvoirs se manifeste lors de nombreuses échauffourées, surtout au nord de la ville d'Abydos. Trois nomarques thébains autoproclamés rois, tous appelés Antef, entrent en lutte avec les souverains d'Héracléopolis. Antef Ier Sehertaouy, « le Pacificateur des deux terres », a des prétentions sur tout le pays mais son influence se limite à Thèbes. Son frère, Antef II Ouahânkh, « Fort dans la vie », règne près de cinquante ans. Le nordiste Khéty III lutte contre lui pour s'emparer d'Abydos, la prestigieuse cité du dieu Osiris. Mais après avoir à nouveau perdu cette ville, Khéty III conclut une trêve avec Antef II pour se consacrer à la mise en valeur de ses terres et pour réguler les afflux de nomades dans le delta.

Après la mort du nomarque Ânkhtyfy, Antef II réussit à prendre le contrôle des territoires situés autour de la première cataracte. Il parvient aussi à repousser sa frontière du nord jusqu'à Antaeopolis après s'être emparé de la ville d'Abydos. Son fils Antef III Nakhtnebtepnéfer, « Champion parfait et fort », ne règne que neuf années mais réussit à repousser sa frontière jusqu'à Assiout. Ces trois Antef se font tous enterrer à Dra Abou el-Naga, sur la rive gauche de Thèbes.

Le règne de Montouhotep II, « Montou est satisfait », est marqué par la guerre, surtout dans sa première partie. On peut se faire une idée de l'armée égyptienne de ce temps grâce au matériel funéraire du général Mésehti. Il se fait enterrer à Assiout avec deux ensembles de soldats de bois en modèle réduit. L'un des groupes représente des lanciers égyptiens, l'autre des archers nubiens. En l'an 14 de son règne, Montouhotep II doit mater une révolte à Abydos. Débute alors une série de combats qui aboutissent en l'an 39 au contrôle de l'Égypte tout entière. Le pays unifié, Montouhotep II change son Nom d'Horus et se proclame « l'Unificateur des deux terres » (vers -2030). Cette date marque les débuts du Moyen Empire. La pertinence d'une séparation entre une Période Intermédiaire chaotique et un Moyen Empire stable est cependant aujourd'hui considéré comme une opération de propagande de Montouhotep II afin de légitimer sa prise de pouvoir sur l'ensemble de l'Égypte[1].

Notes et références

  1. Damien Agut et Juan Carlos Moreno-Garcia, L'Égypte des pharaons : De Narmer à Dioclétien, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 847 p. (ISBN 978-2-7011-6491-5), chap. 5 (« Le royaume sans maître : Héracléopolis, Thèbes et les autres (2181-2004) »)

Bibliographie

  • Nicolas Grimal, Histoire de l'Égypte ancienne, Fayard [détail des éditions]
  • Damien Agut et Juan Carlos Morena-Garcia, L'Égypte des pharaons : De Narmer à Dioclétien, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 847 p. (ISBN 978-2-7011-6491-5 et 2-7011-6491-5)
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