Présidence de Richard Nixon

La présidence de Richard Nixon débuta le , date de l'investiture de Richard Nixon en tant que 37e président des États-Unis, et prit fin avec la démission de Nixon le . Membre du Parti républicain, Nixon prit ses fonctions après avoir battu le vice-président Hubert Humphrey à l'élection présidentielle de 1968. Quatre ans plus tard, il fut réélu à une écrasante majorité face au candidat démocrate George McGovern.

Présidence de Richard Nixon

37e président des États-Unis

Portrait officiel de Richard Nixon, par James Anthony Wills.
Type
Type Président des États-Unis
Résidence officielle Maison-Blanche, Washington
Élection
Système électoral Grands-électeurs
Mode de scrutin Suffrage universel indirect
Élection 1968
1972
Début du mandat
Fin du mandat
(démission)
Durée 5 ans 6 mois et 20 jours
Présidence
Nom Richard Nixon
Date de naissance
Date de décès
Appartenance politique Parti républicain

Nixon succéda au président Lyndon B. Johnson, qui avait mis en œuvre le programme Great Society comprenant de nombreuses mesures financées par le gouvernement fédéral. Nixon ne fit pas de grands efforts pour l'abroger mais il lui supplanta un nouveau programme intitulé New Federalism (en) qui accordait plus de pouvoir aux gouvernements étatiques et locaux. Son mandat vit également la création de l'EPA, l'intégration des écoles publiques du Sud et l'alunissage de la mission Apollo 11 sur la Lune. Nixon se concentra plutôt sur la politique étrangère et il mit en place une doctrine Nixon qui visait à réduire l'engagement militaire américain dans le monde ; la période de vietnamisation de la guerre du Viêt Nam en est l'exemple le plus marquant. Nixon poursuivit la détente avec la Chine, notamment en prenant avantage de la rupture sino-soviétique ce qui permit de modifier de manière significative le cours de la guerre froide.

À partir de 1973, Nixon dut néanmoins consacrer de plus en plus d'attention au scandale du Watergate dans lequel son administration était directement impliquée. Devant la quasi-certitude d'une destitution, il démissionna avant la fin de son second mandat, neuf mois après son vice-président Spiro Agnew. Nixon fut remplacé par Gerald Ford qu'il avait choisi pour succéder à Agnew en 1973. Le départ prématuré de Nixon de la Maison-Blanche influença durablement les jugements contemporains de sa présidence, et ses réalisations en matière de politique intérieure et de politique étrangère sont encore aujourd'hui largement éclipsés par les scandales entourant son administration. Cependant, les historiens tendent aujourd'hui à réévaluer l'héritage de Nixon. Le politologue Douglas Schoen considère ainsi Nixon comme la principale figure politique américaine de l'après-guerre. Le professeur de droit constitutionnel Cass Sunstein écrit quant à lui en 2017 : « si vous devez citer les cinq présidents les plus importants de l'histoire américaine, vous pouvez être sûrs que Nixon fait partie de la liste ».

Élection présidentielle de 1968

Richard Nixon en campagne durant l'été 1968.

Vice-président des États-Unis de 1953 à 1961, Richard Nixon s'était présenté à l'élection présidentielle de 1960 face au démocrate John F. Kennedy, qui l'avait emporté. Après une assez longue « traversée du désert », Nixon revint dans le jeu politique et devint rapidement l'une des figures les plus en vue du Parti républicain, où il jouissait d'une popularité importante aussi bien chez les modérés que chez les conservateurs[1]. L'année précédant l'ouverture de la convention nationale républicaine de 1968, le gouverneur du Michigan George W. Romney semblait bien parti dans la course à l'investiture présidentielle, mais ses prises de position sur la guerre du Viêt Nam firent sombrer sa campagne[2]. Au moment de se déclarer candidat à l'élection présidentielle de 1968, Nixon considérait que comme les démocrates étaient divisés sur la question du Viêt Nam, un républicain pouvait remporter l'élection même s'il s'attendait à un score aussi serré qu'en 1960[3]. Très vite, Nixon s'imposa comme le candidat le plus sérieux en remportant plusieurs victoires lors des primaires. Ses principaux rivaux pour la nomination républicaine étaient le gouverneur de Californie Ronald Reagan, très populaire chez les conservateurs, et le gouverneur de l'État de New York Nelson Rockefeller qui disposait de nombreux soutiens au sein de l'aile modérée du parti[4].

La convention républicaine se déroula au mois d'août à Miami Beach, en Floride. Reagan et Rockefeller tentèrent de s'unir pour contrer Nixon, mais cette manœuvre n'eut pas de suite et Nixon emporta la nomination dès le premier tour de scrutin[5]. Il désigna le gouverneur du Maryland Spiro Agnew comme colistier. Nixon pensait que ce choix permettrait d'unifier le parti, en ralliant à sa candidature les républicains modérés et les sudistes déçus par les démocrates[6], mais la nomination d'Agnew fut accueillie avec beaucoup de scepticisme ; un éditorial du Washington Post décrivit même Agnew comme « la nomination politique la plus excentrique depuis celle du cheval de l'empereur romain Caligula comme consul »[7]. Dans son discours de remerciement, Nixon voulut transmettre un message d'espoir :

« Nous tendons la main de l'amitié à tout le monde. Au peuple soviétique. Au peuple chinois. À tous les peuples du monde ; et nous travaillons ensemble à construire un monde ouvert, un ciel ouvert, des villes ouvertes, des cœurs ouverts, des esprits ouverts[8]. »

Au début de l'année 1968, la plupart des démocrates s'attendaient à ce que le président Lyndon B. Johnson sollicite un second mandat complet. Toutefois, la candidature du sénateur Eugene McCarthy, opposé à la guerre du Viêt Nam et qui s'était lancé dans la course à l'investiture démocrate à la fin du mois de novembre, bouleversa la situation[9]. Le , McCarthy fut battu de justesse par Johnson lors de la primaire du New Hampshire, remportant 42 % des suffrages contre 49 % pour Johnson. Ce résultat surprit les dirigeants du parti et incita le sénateur Robert F. Kennedy à entrer dans la course. Deux semaines plus tard, Johnson stupéfia la nation tout entière en annonçant qu'il ne serait pas candidat à un nouveau mandat. Dans les semaines suivantes, la dynamique de campagne qui avait jusque là bénéficié à McCarthy bascula en faveur de Kennedy[10]. En avril, ce fut au tour du vice-président Hubert Humphrey d'annoncer sa candidature, laquelle fut immédiatement soutenue par les anciens partisans de Johnson. Kennedy fut assassiné en par Sirhan Sirhan et la primaire se résuma alors à un duel entre Humphrey et McCarthy[11].

À la convention nationale démocrate qui se tint au mois d'août à Chicago, Humphrey remporta finalement la nomination et choisit le sénateur du Maine Edmund Muskie comme candidat à la vice-présidence. À l'extérieur du bâtiment dans lequel se déroulait la convention, des milliers de manifestants qui s'étaient rassemblé pour protester contre la guerre du Viêt Nam furent brutalement dispersés par la police. Les scènes de violence, retransmises dans le monde entier à la télévision, handicapèrent fortement la campagne d'Humphrey. Dans les sondages effectués le lendemain de la convention, Humphrey était distancé d'une vingtaine de points par Nixon[12]. En plus des candidats de chacun des deux grands partis, la campagne fut marquée par l'apparition d'un troisième homme, l'ancien gouverneur de l'Alabama George Wallace, un partisan notoire de la ségrégation, qui se présentait sous la bannière du Parti indépendant américain. Wallace ne se faisait pas d'illusion sur ses chances de remporter l'élection présidentielle, mais il espérait réaliser un score suffisamment important pour empêcher les deux principaux candidats d'emporter la majorité absolue du collège électoral ; une telle situation obligerait en effet la tenue d'un nouveau scrutin à la Chambre des représentants où les partisans de Wallace seraient en mesure d'obtenir des concessions en échange de leur soutien[13].

Les assassinats de Kennedy et de Martin Luther King, le mécontentement lié à la guerre du Viêt Nam, le déroulement houleux de la convention nationale démocrate et les émeutes survenues dans différentes villes firent de l'année 1968 la plus tumultueuse de la décennie[14]. Tout au long de la campagne, Nixon se présenta comme un modèle de stabilité dans une période d'agitation et de contestations à l'échelle du pays[15]. Il fit appel à ce qu'il désigna plus tard comme une « majorité silencieuse » des Américains sociaux-conservateurs qui rejetaient la contre-culture hippie et l'opposition à la guerre du Viêt Nam. Agnew devint un influent détracteur de ces groupes et permit à Nixon de renforcer sa position sur la droite de son parti[16]. Nixon mena une importante campagne de publicité télévisuelle où il rencontrait ses partisans devant les caméras[17]. Il promit une « paix honorable » au Viêt Nam et proclama qu'« une nouvelle direction mettrait fin à la guerre et gagnerait la paix dans le Pacifique ». Il n'expliqua pas précisément comment il espérait terminer la guerre, ce qui poussa les médias à supposer qu'il avait un « plan secret »[18].

Dans les dernières semaines de la campagne, Humphrey prit ses distances avec la politique de Johnson au Viêt Nam, ce qui lui permit de rattraper en partie son retard sur Nixon[12]. De son côté, Johnson espérait obtenir la signature d'une trêve avant l'élection. L'équipe de campagne de Nixon interféra dans les négociations en cours entre l'administration Johnson et les Sud-Vietnamiens par l'intermédiaire d'Anna Chennault, qui conseilla à ces derniers de ne pas se rendre aux discussions organisées à Paris en avançant que Nixon leur offrirait des conditions plus favorables[19],[20]. L'échec des négociations de paix stoppa la remontée de Humphrey dans les sondages[21]. Le jour de l'élection, Nixon arriva en tête avec 511 944 voix d'avance, soit 43,6 % des suffrages contre 42,7 % pour Humphrey. Sa victoire au sein du collège électoral fut plus confortable avec 301 votes de grands électeurs contre 191 pour Humphrey et 46 pour Wallace[12],[22]. La plupart des électeurs blancs et notamment ceux du Sud qui votaient traditionnellement pour le Parti démocrate apportèrent leur suffrage à Nixon, alors que les Afro-Américains avaient voté en majorité pour le candidat démocrate[23]. Dans son discours de victoire, Nixon promit que son administration essaierait de « rassembler la nation divisée »[24]. Malgré la victoire de Nixon, les républicains restèrent minoritaires au Sénat et à la Chambre des représentants[23].

Composition du gouvernement

Nixon prit toutes les décisions importantes de sa présidence en s'appuyant davantage sur le bureau exécutif du président que sur son cabinet. Le chef de cabinet de la Maison-Blanche H. R. Haldeman et le conseiller John Ehrlichman furent les membres les plus influents de l'équipe présidentielle en matière de politique intérieure, et la plupart des interactions de Nixon avec le reste du personnel se faisaient par l'intermédiaire d'Haldeman[25]. Au début du mandat de Nixon, l'économiste conservateur Arthur F. Burns et le progressiste Daniel Patrick Moynihan, un ancien fonctionnaire de l'administration Johnson, jouèrent un rôle important dans l'entourage du président mais tous deux avaient quitté leurs fonctions à la fin de l'année 1970. Un autre conservateur, l'avocat Charles Colson, rejoignit l'administration en et devint à son tour un conseiller influent[26]. Contrairement à la plupart des membres du cabinet, le procureur général John N. Mitchell disposait d'une autorité certaine au sein de la Maison-Blanche et il s'occupa de la sélection des candidats potentiels à la Cour suprême[27].

En politique étrangère, Nixon renforça considérablement le rôle du conseil de sécurité nationale dirigé par Henry Kissinger. Le premier secrétaire d'État de Nixon, William P. Rogers, fut largement marginalisé durant toute la durée de sa présence au cabinet ; Kissinger le remplaça en 1973 à la tête du département d'État, tout en gardant ses fonctions de conseiller à la sécurité nationale. Nixon réorganisa le Bureau of Budget qui devint le Bureau de la gestion et du budget, avec des responsabilités accrues, concentrant un peu plus le pouvoir exécutif au sein de la Maison-Blanche[25]. Il créa aussi le Conseil national pour coordonner et élaborer la politique intérieure de l'administration[28]. Nixon tenta également d'exercer un contrôle plus centralisé sur les services de renseignement, mais ses réformes dans ce domaine se soldèrent globalement par un échec, notamment en raison de l'opposition du directeur du FBI J. Edgar Hoover[29]. Malgré cette concentration de plus en plus importante du pouvoir à la Maison-Blanche, Nixon délégua en grande partie la gestion des affaires intérieures à son cabinet, en particulier sur des sujets pour lesquels il ne manifestait que peu d'intérêt comme l'environnement[30]. Dans un mémoire de 1970 adressé à ses principaux assistants, il déclara qu'à l'exception de la criminalité, l'intégration des écoles du Sud et les questions économiques, « je ne suis intéressé que lorsque nous réalisons une avancée majeure ou que nous subissons un échec retentissant. Autrement, ce n'est pas la peine de me déranger »[31].

Nixon voulait qu'un démocrate de premier plan, à l'instar d'Humphrey ou de Sargent Shriver, intègre son gouvernement et il parvint finalement en 1971 à convaincre l'ancien gouverneur du Texas John Connally de devenir son secrétaire du Trésor[32]. Connally devint en peu de temps l'un des membres les plus puissants du cabinet et il supervisa la politique économique de l'administration Nixon[33]. Nixon recruta aussi son ancien rival à la primaire républicaine de 1968, George W. Romney, qui fut nommé secrétaire au Logement et au Développement urbain. Romney et le secrétaire aux Transports John Volpe se querellèrent avec Nixon lorsque ce dernier décida de réduire le budget alloué à leurs départements respectifs[34]. Nixon ne nomma aucune femme ni aucun Afro-Américain dans son cabinet, bien qu'ayant proposé un poste à Whitney Young, l'un des chefs de file du mouvement des droits civiques[32]. Le premier cabinet de Nixon contenait par ailleurs un nombre inhabituellement peu élevé de diplômés de l'Ivy League, les huit plus grandes universités américaines, à l'exception de George P. Shultz, qui occupa successivement trois ministères sous la présidence de Nixon[35]. En 1973, éclaboussé par le scandale du Watergate, Nixon accepta les démissions d'Haldeman, Ehrlichman et de Richard Kleindienst, qui avait succédé à Mitchell au poste de procureur général[36]. Haldeman fut remplacé par Alexander Haig, qui s'imposa comme la principale figure de l'administration à la fin du mandat de Nixon, alors que le président était de plus en plus accaparé par l'affaire du Watergate[37].

Au milieu de l'année 1973, le vice-président Spiro Agnew fut cité dans une affaire de corruption impliquant des fonctionnaires, des architectes, des ingénieurs et des entrepreneurs du bâtiment dans le Maryland. Il fut accusé d'avoir accepté des pots-de-vin en échange de contrats du temps où il était administrateur du comté de Baltimore, puis gouverneur du Maryland et enfin vice-président. Le , il devint le second vice-président de l'histoire américaine à démissionner en cours de mandat, après John C. Calhoun en 1832. Il ne contesta pas l'accusation d'évasion fiscale et fut condamné à payer une amende de 10 000 dollars, ce qui lui permit d'éviter la prison[38]. Conformément au 25e amendement, Nixon nomma Gerald Ford, le très respecté chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants, pour remplacer Agnew au poste de vice-président. Cette nomination fut validée par le Congrès et Ford prit ses fonctions le [39].

Le cabinet Nixon en 1972.
Cabinet Nixon
FonctionNomDates
PrésidentRichard Nixon1969-1974
Vice-présidentSpiro Agnew1969-1973
Gerald Ford1973-1974
Secrétaire d'ÉtatWilliam P. Rogers1969-1973
Henry Kissinger1973-1974
Secrétaire du TrésorDavid Kennedy1969-1971
John Connally1971-1972
George P. Shultz1972-1974
William Simon1974
Secrétaire à la DéfenseMelvin R. Laird1969-1973
Elliot Richardson1973
James Schlesinger1973-1974
Procureur généralJohn N. Mitchell1969-1972
Richard Kleindienst1972-1973
Elliot Richardson1973-1974
William B. Saxbe1974
Postmaster GeneralWinton Blount1969-1971
Secrétaire à l'IntérieurWalter Hickel1969-1971
Rogers Morton1971-1974
Secrétaire à l'AgricultureClifford Hardin1969-1971
Earl Butz1971-1974
Secrétaire du CommerceMaurice Stans1969-1972
Peter G. Peterson1972-1973
Frederick B. Dent1973-1974
Secrétaire au TravailGeorge P. Shultz1969-1970
James Day Hodgson1970-1973
Peter J. Brennan1973-1974
Secrétaire à la Santé, à l'Éducation
et aux services sociaux
Robert Finch1969-1970
Elliot Richardson1970-1973
Caspar Weinberger1973-1974
Secrétaire au Logement
et au Développement urbain
George W. Romney1969-1973
James Thomas Lynn1973-1974
Secrétaire aux TransportsJohn Volpe1969-1973
Claude Brinegar1973-1974
Chef de cabinetH. R. Haldeman1969-1973
Alexander Haig1973-1974
Administrateur de l'Agence de protection
de l'environnement
William Ruckelshaus1970-1973
Russell E. Train1973-1974
Directeur du Bureau de la gestion et du budgetRobert Mayo1969-1970
George P. Shultz1970-1972
Caspar Weinberger1972-1973
Roy Ash1973-1974
Représentant américain au commerceCarl J. Gilbert1969-1971
William Denman Eberle1971-1974

Nominations judiciaires

Le juge en chef Warren Earl Burger, en fonction de 1969 à 1986.

Nixon a nommé quatre membres à la Cour suprême pendant sa présidence, ce qui a eu pour effet d'orienter la Cour dans une direction plus conservatrice par rapport à l'ère plus libérale marquée par le juge en chef Warren[40].

Le Sénat ayant rejeté la candidature du juge associé Abe Fortas, proposée par le président Johnson, pour occuper le poste de juge en chef laissé vacant par le départ à la retraite de Earl Warren, Nixon a nommé le juge d'appel fédéral Warren E. Burger pour succéder à Warren, et le Sénat a rapidement confirmé Burger. Par la suite Fortas fut contraint à la démission de son poste de juge associé en partie à cause des pressions exercées par le procureur général Mitchell et d'autres élus républicains qui lui reprochaient d'avoir accepté une indemnisation de la part du financier Louis Wolfson[41]. Pour remplacer Fortas, Nixon a désigné successivement deux juges d’appel fédéraux du Sud, Clement Haynsworth et G. Harrold Carswell, mais les deux ont été rejetés par le Sénat. Nixon a ensuite nommé le juge d'appel fédéral Harry Blackmun qui a été confirmé par le Sénat en 1970[42].

Les retraites de Hugo Black et de John Marshall Harlan II ont entraîné la vacance de deux nouveaux postes à la Cour suprême fin 1971. L’un des candidats de Nixon, le procureur général Lewis F. Powell Jr., a été facilement confirmé. L'autre candidat, le procureur général adjoint William Rehnquist, se heurta à une forte résistance de la part de sénateurs libéraux, mais il fut finalement confirmé[42].

Burger, Powell et Rehnquist ont tous trois orientés les arrêts de la Cour dans des choix conservateurs à la Cour, alors que Blackmun est devenu plus progressiste pendant son mandat. Rehnquist succédera plus tard à Burger en tant que juge en chef en 1986[40]. Outre ses quatre nominations à la Cour suprême, Nixon a nommé 46 juges aux cours d'appel des États-Unis et 181 juges aux tribunaux de district des États-Unis.

Politique étrangère

Doctrine Nixon

Lors de son entrée en fonction, le président fit une déclaration de politique étrangère, connue sous le nom de « doctrine Nixon », selon laquelle les États-Unis « ne prendraient pas en charge la défense de toutes les nations du monde libre ». En conséquence, si les engagements en cours seraient poursuivis, une potentielle intervention supplémentaire du pays à l'étranger ferait dorénavant l'objet d'une évaluation scrupuleuse. Plutôt que de prendre part directement aux conflits, Nixon déclara que les États-Unis fourniraient un appui militaire et économique aux pays menacés par des insurrections ou des invasions en règle ou encore situés dans régions vitales aux intérêts américains[43]. En vertu de cette doctrine, les États-Unis augmentèrent fortement leurs ventes d'armes au Moyen-Orient, notamment à Israël, l'Iran et l'Arabie saoudite[44]. Un autre grand bénéficiaire de cette aide fut le Pakistan qui obtint le soutien des États-Unis lors de la guerre indo-pakistanaise de 1971[45].

Guerre du Viêt Nam

Au moment où Nixon arriva à la Maison-Blanche, près de 500 000 soldats américains étaient déployés en Asie du Sud-Est. Depuis 1961, quelque 30 000 militaires avaient perdu la vie au cours de la guerre du Viêt Nam, dont la moitié environ pendant la seule année 1968[46]. La guerre était très impopulaire aux États-Unis et des manifestations, parfois violentes, étaient régulièrement organisées pour protester contre l'engagement américain au Viêt Nam. L'administration Johnson avait accepté de suspendre les bombardements en échange de la tenue de négociations sans conditions préalables, mais cette proposition se solda globalement par un échec. Selon Walter Isaacson, Nixon était rapidement parvenu à la conclusion que la guerre du Viêt Nam ne pouvait être gagnée et qu'il fallait y mettre fin le plus rapidement possible[47]. À l'inverse, Conrad Black affirme que Nixon croyait sincèrement qu'il pouvait impressionner les dirigeants du Nord-Viêt Nam via la théorie du fou, qui visait à faire croire que le président des États-Unis était imprévisible et impulsif[48]. Indépendamment de son opinion sur la guerre, Nixon était pressé de mettre un terme à l'engagement américain dans le conflit, mais sans que ce retrait soit associé à une défaite, car il pensait que cela fragiliserait dangereusement sa présidence et favoriserait un retour à l'isolationnisme[49]. Il se mit donc à la recherche d'une solution qui permettrait aux forces américaines de quitter le pays tout en mettant le Sud-Viêt Nam à l'abri des attaques[50].

Au milieu de l'année 1969, Nixon tenta de négocier la paix avec les Nord-Vietnamiens mais les tractations se soldèrent par un échec[51]. Le président américain mit alors en place sa stratégie de « vietnamisation » de la guerre, qui devait prendre la forme d'une augmentation de l'aide militaire américaine et d'une participation accrue des troupes vietnamiennes aux opérations sur le terrain. Soutenu par une grande partie de l'opinion publique, il organisa le rapatriement progressif des GI dès la fin de l'année, affaiblissant de fait le mouvement d'opposition au conflit[52]. Même si le premier déploiement d'envergure de l'armée sud-vietnamienne depuis l'entrée en vigueur du processus de vietnamisation avorta lors de l'opération Lam Son 719, le retrait des contingents américains du Viêt Nam se poursuivit tout au long de la présidence de Nixon[53].

Dans les premières semaines de l'année 1970, Nixon dépêcha des unités américaines et sud-vietnamiennes au Cambodge afin d'y attaquer des bases du Nord-Viêt Nam. Cet élargissement du théâtre opérationnel dans un pays autre que le Viêt Nam était une première depuis le début du conflit[52]. Nixon avait précédemment donné son accord à une campagne de bombardement secrète de B-52 sur des positions nord-vietnamiennes au Cambodge en — baptisée « opération Menu » —, sans même le consentement du dirigeant cambodgien Norodom Sihanouk[54],[55]. De nombreuses voix s'élevèrent contre ces violations de la souveraineté du Cambodge, y compris au sein de l'administration, et les manifestants anti-guerre étaient fous de rage[56]. Le bombardement du Cambodge se poursuivit néanmoins jusque dans les années 1970 en appui du gouvernement cambodgien de Lon Nol, qui affrontait alors les Khmers rouges dans le cadre d'une guerre civile[57].

En 1971, Nixon ordonna également des frappes contre des positions nord-vietnamiennes au Laos, ce qui entraîna un regain des tensions aux États-Unis[58]. La même année, plusieurs extraits des Pentagon Papers, contenant des informations confidentielles sur le déroulement du conflit au Viêt Nam, furent publiés par le New York Times et le Washington Post. Mis au courant de la fuite, Nixon choisit dans un premier temps de ne rien faire pour empêcher leur publication, avant de se raviser sur le conseil de Kissinger. La Cour suprême trancha cependant en faveur de la presse dans l'arrêt New York Times Co. v. United States de 1971, qui autorisa la publication des extraits en question[59]. Au cours de l'été, l'impopularité de la guerre atteignit un nouveau pic, 71 % des Américains considérant que l'intervention militaire au Viêt Nam avait été une erreur[60]. Au total, 156 000 soldats américains étaient encore déployés au Viêt Nam dans les derniers jours de 1971 tandis que les pertes se chiffraient à 276 GI tués pour les six derniers mois de l'année[61].

L'offensive de Pâques, déclenchée par le Nord-Viêt Nam en , déborda rapidement l'armée sud-vietnamienne[62]. En réaction, Nixon ordonna une campagne de bombardement massive (« opération Linebacker ») sur le Nord-Viêt Nam[63]. D'un autre côté, le retrait militaire américain entraîna une diminution de la conscription, qui prit fin en 1973, les forces armées devenant entièrement composées de volontaires[64]. À la suite de l'offensive nord-vietnamienne, les pourparlers de paix entre les États-Unis et le Nord-Viêt Nam furent relancés et un projet d'accord esquissé en  ; les objections du président sud-vietnamien Nguyễn Văn Thiệu empêchèrent cependant son adoption et les négociations de paix furent suspendues une fois de plus. En décembre, le président américain lança une énième campagne de bombardement intensive, l'opération Linebacker II, mais les nombreuses critiques suscitées par cette décision à l'intérieur du pays convainquirent Nixon de la nécessité de conclure rapidement la paix avec le Nord-Viêt Nam[65].

Les accords de paix de Paris furent signés en , avec pour principales conséquences la proclamation d'un cessez-le-feu et le retrait des dernières troupes américaines ; les 160 000 soldats réguliers de l'armée nord-vietnamienne déployés dans le sud du pays purent en revanche conserver leurs positions[66]. Le retrait américain fut total à partir de [67]. La fin de la présence militaire des États-Unis dans la région entraîna l'instauration d'une trêve qui fut toutefois rapidement violée aussi bien par les Nord-Vietnamiens que par leurs adversaires du Sud[68],[69]. Dans le même temps, le Congrès enterra l'éventualité d'une nouvelle intervention militaire en adoptant la loi sur les pouvoirs de guerre, à laquelle Nixon avait mis son veto[70].

Bibliographie

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Notes et références

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