Prélude et fugue en majeur (BWV 874)

Le Clavier bien tempéré II

Pour un article plus général, voir Le Clavier bien tempéré.

Prélude et fugue n°5
BWV 874
Le Clavier bien tempéré, livre II (d)

Ré majeur
Prélude
Métrique /
Fugue
Voix 4
Métrique
Liens externes
(en) Partitions et informations sur IMSLP
(en) La fugue jouée et animée (bach.nau.edu)

Le prélude et fugue en majeur, BWV 874 est le cinquième couple de préludes et fugues du second livre du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, compilé de 1739 à 1744.

Le prélude d'une dimension exceptionnelle, évoque le caractère d'une sonate bipartite de Scarlatti. La fugue à quatre voix, en style vocal, se focalise sur le procédé de strette auquel se prête son sujet ; la complexité est comparable à L'Art de la fugue.


Prélude

Le prélude, noté simultanément et
, de 56 mesures, est l'un des diptyques les plus joués[1], l'une des plus magnifiques pièces de clavecin du second livre[2], que Ferruccio Busoni qualifie de douée d'un « sentiment de liberté sans contrainte ».

Bach compose pour cette tonalité une pièce longue, à trois voix, aux allures de gigue, articulée en deux parties d'inégale longueur. Plus que prélude, elle prend la forme d'une véritable sonate mono-thématique régulièrement structurée, avec exposition (mesures 1–16), développement (mesures 17–40) et réexposition (mesures 40–56).

Le thème est une fanfare sur l'accord de majeur suivie d'une réponse très orchestrale semblant convier d'abord les flûtes à la mesure suivante et les cordes à la troisième mesure. L'exposition elle-même annonce les grands classiques avec son thème de quatre mesures, le conséquent de huit et la conclusion de quatre mesures. Pour la seconde section, le thème est renversé[3].

L'inspiration évoque Scarlatti[4],[5] (voir aussi celui en si-bémol majeur) ; et pour la forme — si ce n'est l'absence de second thème — ce prélude-sonate peut soutenir la comparaison avec une œuvre de jeunesse de Haydn ou Mozart[3] et aux œuvres de la décennie 1740 d'Emanuel et Friedemann Bach (sonate en majeur, F. 3, éd. 1745). Dans sa solennité, Keller rapproche ce prélude de la sinfonia d'ouverture de la cantate BWV 29, également en majeur[6].

Impossible de compiler le fichier d’entrée LilyPond :


L'écriture simultanée en binaire () et en ternaire (
) est courante chez Bach, mais d'habitude seul le mètre binaire est écrit ; les triolets sont indiqués au début, puis laissés à la sagacité du lecteur.

Extrait de la Courante de la 4e suite française (BWV 815).

Voir par exemple la Courante de la 4e suite française (BWV 815) qui est notée
plutôt que
.

Autre convention habituelle, l'écriture « croche-pointée double » (en binaire) remplace l'écriture « noire croche » (en ternaire), ce qui permet une ligature facilitant la lecture de l'interprète. D'ailleurs la double-croche est alors alignée verticalement avec la troisième des groupes de trois croches, comme on le voit aux mesures 5 et 6 du prélude[7].

Au contraire, deux croches ou quatre croches à la suite (en binaire) sont jouées régulièrement ; on le voit à la mesure 18, où elles sont alignées avec des séries de trois doubles-croches en ternaire.

Cette pièce pourrait être écrite entièrement en
, avec des quartolets à trois endroits : d'abord aux mesures 2 et 4, puis aux mesures 18 et 20, enfin aux mesures 42 et 44. Bien entendu cela alourdirait la partition avec de nombreuses noires pointées, et surtout de nombreuses paires de soupirs et demi-soupirs car on n'avait pas l'habitude d'écrire des soupirs pointés.

Fugue

Caractéristiques
4 voix — , 50 mes.
⋅ 25 entrées du sujet
réponse tonale et réelle
contre-sujet
⋅ 5 divertissements
Procédés
canon, strette

La fugue à quatre voix, notée , est longue de 50 mesures.

Le sujet est en style de choral, calme et noble, dont les premières notes répétées évoquent la canzone des maîtres du XVIIe siècle. Bien que ce sujet soit composé de deux motifs, l'interprète doit bien se garder de le couper en deux. Le motif b revient près de cent fois[6].



D'allure plus modeste que son prélude, la fugue en strettes[4] est divisée en deux sections : mesures 1–27 et 27–50. L'exposition enchaîne les entrées dans l'ordre : ténor, alto, soprano, basse (mesures 1–10), suivie d'une double redite mais en canon, alto-soprano (mesures 10–12 et 14–16). Après l'exploitation du motif b du premier divertissement, nouvelle présentation en canon à trois voix, ténor, soprano, alto conduisant vers un passage en fa mineur, avec un nouveau canon à l'octave, basse, soprano, alto (mesures 27–28). Suit un canon à la sixte, ténor, alto, soprano (mesure 33). Après une descente de deux octaves de la basse, suit une entrée spectaculaire et isolée du ténor (mesure 40). Bach termine la fugue par un canon très serré (à deux croches de distance), à la tierce inférieure, conviant les quatre voix de haut en bas (mesures 44–46), et très difficile voire impossible à réaliser parfaitement au clavier[6] et « non sans une certaine raideur »[4].


Manuscrits

Les deux principales sources[8], en l'absence de ce couple dans le manuscrit de la British Library Londres (Add. MS. 35 021), sont :

Postérité

Mozart a donné une transcription de cette fugue à quatre voix, K.405/5 (1782) avec quatre autres, pour quatuor à cordes.

Théodore Dubois en a réalisé une version pour piano à quatre mains[10], publiée en 1914.

Bibliographie

  • (en) Hugo Riemann (trad. de l'allemand), Analysis of J.S. Bach's Wohltemperirtes clavier [« Katechismus der fugen-komposition »], vol. 2, Londres, Augener & Co., (1re éd. 1891 (de)), 234 p. (lire en ligne)
  • (en) Cecil Gray, Forty-Eight Preludes and Fugues of J.S .Bach, Oxford University Press, , 148 p. (OCLC 603425933, lire en ligne [PDF]), p. 104–106.
  • Hermann Keller, Le clavier bien tempéré de Johann Sebastian Bach : l'œuvre, l'interprétation, Paris, Bordas, coll. « Études », (1re éd. 1965(de)), 233 p. (OCLC 373521522, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]), p. 157–160
  • Roland de Candé, Jean-Sébastien Bach, Paris, Seuil, , 493 p. (ISBN 2-02-008505-4, OCLC 319750728, notice BnF no FRBNF34763585).
  • (en) Yo Tomita, J. S. Bach’s ‘Das Wohltemperierte Clavier II’ : A Study of its Aim, Historical Significance and Compiling Process, Leeds, University of Leeds, (lire en ligne [PDF])
  • (en) Yo Tomita, J. S. Bach’s ‘Das Wohltemperierte Clavier II’ : A Critical Commentary, vol. 2 : All the extant manuscripts, Leeds, Household World Publisher, , 1033 p. (lire en ligne [PDF]), p. 15–25 ; 26–29
  • François-René Tranchefort (dir.), Guide de la musique de piano et de clavecin, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 867 p. (ISBN 978-2-213-01639-9, OCLC 17967083, lire en ligne), p. 35.
  • Guy Sacre, La musique pour piano : dictionnaire des compositeurs et des œuvres, vol. I (A-I), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 2998 p. (ISBN 2-221-05017-7), p. 212.
  •  Robert Levin (clavecin, clavicorde, orgue et piano-forte) (trad. Anne Paris-Glaser), « Bach, Clavier bien tempéré, livre II : BWV 870-893 », p. 644, Hänssler Edition Bachakademie, vol. (102 à) 117, 2000 (OCLC 705291496).
  • (en) David Schulenberg, The keyboard music of J.S. Bach, New York, Routledge, , viii–535 p. (ISBN 0-415-97399-6, OCLC 63472907, lire en ligne), p. 250–252.
  • Yo Tomita, « préface », dans J.-S. Bach, Clavier bien tempéré, Livre II, Henle, , xvii-163 p. (ISMN 979-0-2018-0017-2, lire en ligne), p. IX–XIII

Notes et références

Article connexe

Liens externes

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