Pozzine

Une pozzine est une formation végétale fréquente en Corse de l'étage montagnard à l'étage alpin.

Les pozzines du lac de Nino.

Étymologie

Le nom de pozzine a été forgé par le botaniste John Briquet en 1910 : « Les localités alpines où la tourbière est trouée de mares profondes sont désignées par les habitants sous le nom de pozzi (puits); nous avons tiré de ce dernier terme le mot pozzine par contraction : pozz[i formation alp]ine. Mais il va sans dire que les pozzines se trouvent aussi en l'absence de pozzi. »[1].

Répartition géographique

En Corse, cette formation végétale se rencontre surtout entre 1600 et 2 200 mètres d'altitude[2], rarement plus bas comme au Pianu d'Ovace ou en bordure du lac de Creno. Bien que considérées comme typiques des montagnes corses, les pozzines existent dans d'autres massifs d'Europe (Pyrénées[3], Alpes du Sud[4]), d'Afrique du Nord[5] et d'Asie centrale[6].

Écologie

Pozzine de pente près d'Évisa.

La pozzine est définie comme une tourbière acide très plane, le plus souvent parsemée de trous d'eau (pozzi en langue corse) que relient des chenaux naturels creusés par l'écoulement des neiges fondues. Les vastes pelouses humides des pozzines dites de fond se rencontrent autour d'anciens lacs glaciaires, en voie de comblement par des sédiments tourbeux depuis la fin de la dernière glaciation[7]. L'étude géochimique et palynologique de leurs sédiments a permis de reconstituer l'histoire du climat et de la végétation en Corse au cours de l'Holocène[8]. Plus rarement, des pozzines dites de pente peuvent se développer dans les zones de sources sur des versants rocheux[9].

Flore et faune

La flore des pozzines corses est constituée de végétaux hygrophiles et méso-hygrophiles, principalement des graminées (Nardus stricta) et cypéracées (genre Carex) dont le feuillage enchevêtré forme un tapis dense, de 5 à 10 cm de hauteur[2]. D'autres espèces végétales y sont courantes[10] : joncs, renoncule porte-cœur, potentille anglaise, pâquerette des neiges, grassette corse… Les pozzines en cours d'assèchement se reconnaissent à leur colonisation par des fruticées naines (genévrier nain, épine-vinette du mont Etna) et des forêts d'aulne odorant[2].

Ce milieu fait partie de l'habitat d'animaux endémiques tels que l'euprocte de Corse et la truite macrostigma[10].

Conservation

Outre leur attractivité touristique (paysages verdoyants du lac de Nino par exemple), ces zones humides jouent un rôle dans la régulation du débit des cours d'eau lors de la sécheresse estivale du climat méditerranéen, ainsi que pour l'alimentation du bétail lequel contribue en retour à leur maintien durable[2]. Toutefois, le piétinement répété des pozzines par troupeaux et promeneurs[11], et l'eutrophisation de l'eau par des déjections animales peuvent menacer leur équilibre écologique[2],[12].

Voir aussi

Notes et références

  1. Briquet J. (1910). Prodrome de la flore corse : comprenant les résultats botaniques de six voyages exécutés en Corse sous les auspices de M. Emile Burnat, tome I. Georg, Genève, 656+LVI p.
  2. Habitats déclinés 6170_18 : pelouses méso-hygrophiles et hygrophiles des pozzines de Corse. in : Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C., Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d'habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d'intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris. Volume 1, p. 399-401.
  3. Chouard P. (1936). Les tourbières de pelouses, ou pozzines dans les Pyrénées, formations homologues des pozzines de Corse. Bulletin de la Société Botanique de France 82, 632-642.
  4. M. Guinochet, « Sur la présence dans les Alpes Sud-Occidentales d'ensembles physionomiquement comparables aux « pozzines » corses », Bulletin de la Société Botanique de France, vol. 83, nos 6-7, , p. 437–442 (ISSN 0037-8941, DOI 10.1080/00378941.1936.10837338, lire en ligne, consulté le )
  5. Alaoui Haroni S., Alifriqui M., Simonneaux V. (2009). Recent dynamics of the wet pastures at Oukaimeden plateau (High Atlas mountains, Morocco). Biodiversity and Conservation 18(1), 167-189.
  6. Klein J. C., Lacoste A (1995). Les pozzines à Carex orbicularis Boott subsp. kotschyana de l'Alborz central (Iran). Ecologia mediterranea 21(3-4), 75-86.
  7. Dresch J. (1941). Anciens glaciers corses. Bulletin de l'Association des Géographes Français, 18(140-141), 115-120.
  8. Reille M., Gamisans J., Andrieu-Ponel V., de Beaulieu J.-L. (1999). The Holocene at Lac de Creno, Corsica, France: a key site for the whole island. New Phytologist, 141(2), 291-307.
  9. Peinado J., Bosc V., Destandau R. (2013). Inventaire des zones humides sur le bassin versant du Liamone. Conservatoire des Espaces Naturels de Corse, Borgo, 128p.
  10. Cubells J.-F., Gauthier A. (2011). Circuit pédagogique n°5, les pozzi de Bastelica. in : Découvrir le Patrimoine Naturel : Prunelli-Gravona. C.R.D.P. de Corse, Ajaccio, 43 p.
  11. Caroline Giorgi, « Diagnostic de dégradations des pozzine du Massif du Renoso » [PDF], sur Natura 2000 en Corse, (consulté le )
  12. Les lacs de la montagne corse - Site de l'Office de l'Environnement de Corse
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