Post-keynésianisme

Le post-keynésianisme est un courant de pensée économique développé à partir des années 1930 en Angleterre et aux États-Unis. Il est actuellement surtout présent aux États-Unis. Il se présente comme le courant le plus proche des idées de Keynes.

Ne doit pas être confondu avec Nouvelle économie keynésienne ou Néokeynésianisme.

Un courant assez hétéroclite

Les post-keynésiens reprennent ce qu'il y a de plus radical chez Keynes (ce dernier s'est de plus en plus éloigné des néoclassiques au fur et à mesure de sa vie), à savoir l'incertitude radicale, l'analyse circuitiste, l'endogénéité de la monnaie... Il ne faut donc pas les confondre avec les néo-keynésiens, qui effectuent une synthèse entre les approches keynésienne et néo-classique.

Il existe plusieurs écoles dites post-keynésiennes (la classification est plus ou moins changeante[1]).

Différences des néoclassiques

Les post-keynésiens sont une école d'économie hétérodoxe, qui prend une position radicalement opposée à celle de l'économie néoclassique.

En tant qu'école hétérodoxe, l'école post-keynésienne se différencie en mettant en avant les points suivants[2]:

  • Une épistémologie réaliste et non instrumentaliste. Les hypothèses posées par les post-keynésiens doivent correspondre au réel; elles n'ont pas une simple fonction prédictive.
  • Une approche holiste et non individualiste. Frédéric Poulon réclame par exemple la possibilité d'une macro-économie autonome par rapport à la micro-économie, et revendique un domaine d'analyse et de réflexion propre à la macro-économie, qui ne se résume pas toutefois à une simple « comptabilité nationale[3] ».
  • L'abandon des hypothèses de rationalité absolue, ou même limitée.
  • La mise au second plan du problème de la rareté en économie, et au contraire la mise au centre de l'analyse, des problèmes de production, de reproduction, de croissance et de circulation.
  • L'interventionnisme étatique est favorisé par rapport au marché libre.
  • L'inflation est analysée d'un point de vue de la poussée des coûts. La monnaie est endogène, les salaires en valeur monétaire sont déterminés par les oligopoles et les syndicats, et le stock de capital est homogène[4].

La micro-économie post-keynésienne

Le courant post-keynésien rejette de manière assez radicale les raisonnements marginalistes en économie. Les post-keynésiens tentent de rompre avec l'approche néo-classique traditionnelle, qui s'appuie généralement sur les fonctions d'utilité, avec toutes les hypothèses que la construction de ces courbes impliquent.

Croissance et investissement chez les post-keynésiens

Problématique

La théorie des post-keynésiens s’étend à de nombreux domaines et notamment aux conditions d’une croissance équilibrée à long terme. Problématique : si on connaît le plein-emploi aujourd’hui, quelles conditions doivent être réunies pour que cette situation se perpétue à long terme ? Quelles sont les conditions d’une croissance équilibrée à long terme ? Les deux principaux théoriciens post-keynésiens qui tentent de trouver une réponse à cette question sont Harrod et Domar. Ils présentent un modèle keynésien dynamique et, dans les années 50, ils initient un programme de recherche économique toujours d’actualité.

Le double caractère de l’investissement

Pour Domar, l’investissement à long terme a une double dimension : il intervient à la fois sur les conditions de l’épargne et sur les conditions de la demande dans la mesure où il est une des deux composantes de la demande effective. Mais à cette première base du raisonnement initié par Keynes, Domar ajoute que l’investissement modifie simultanément les conditions de l’offre, c’est-à-dire les conditions de la production, et les conditions de la demande. En effet, l’investissement en biens de production permet d’augmenter les capacités de production des entreprises. Le modèle repose sur cette idée simple que l’investissement se traduit à la fois par une augmentation des capacités de production et une augmentation de la demande effective. À cela s’ajoute l’effet multiplicateur de l’investissement : un flux d’investissement se traduit finalement par un flux de demande (et donc de revenu) d’un montant supérieur. La question de la croissance équilibrée peut alors être reformulée ainsi : quelles conditions doivent être réunies pour que les capacités de production additionnelles générées par l’investissement trouvent en face d’elles une demande de biens de consommation d’un montant équivalent ?

La condition d’équilibre

Les termes du modèle de Domar. On note :

I
l’investissement net après amortissements, c’est-à-dire le flux d’investissement supplémentaire d’une année sur l’autre.
σ.I
l’expression de l’efficacité de l’investissement en termes d’augmentation des capacités de production sur le long terme. Il s'agit du fameux ICOR (Incremental capital-output ratio). C’est l’augmentation des capacités de production sur le long terme induite par la variation annuelle des capacités de production (I), en supposant que toute variation de I ne conduit pas nécessairement à une augmentation des capacités de production. En effet, seule une part des investissements nets conduit à une augmentation des capacités de production. Ainsi, on peut dire que σ.I désigne également l’offre de long terme. Ex-post, on constate toutefois, que même à long terme, l'ICOR n'est pas constant, et varie en sens inverse avec le taux de croissance de l'économie.
  • La demande de long terme est désigne par ΔI / α avec α = 1 – c, la propension marginale à épargner. C’est le produit de la variation annuelle de l’investissement net par le multiplicateur keynésien simple (k = 1 / 1 – c).

Or, l’égalisation de l’offre et de la demande de long terme n’a rien d’automatique. Il s'agit donc seulement d'une condition d'équilibre du modèle, qui n'est pas nécessairement remplie: σ.I = ΔI / α Þ α.σ.I = ΔI Þ α.σ = ΔI / I. Ainsi, à long terme le taux de croissance de l’investissement net est donné par α.σ. Or, rien ne garantit qu’il en sera ainsi, car les variables qui interviennent du côté de l’offre et de la demande ne sont pas les mêmes. Du côté de la demande, ce qui est en jeu, c’est la variation de l’investissement net alors que du côté de l’offre, c’est le volume de l’investissement net qui est déterminant. α.σ est une combinaison de deux variables qui n’ont rien à voir avec l’autre côté de l’égalité ΔI /I. Le modèle de Domar montre qu’il n’est pas suffisant que l’investissement compense simplement l’offre pour soutenir la demande effective. Il faut en effet pour connaître une croissance soutenue et équilibrée de long terme que l’investissement net d’aujourd’hui surpasse l’offre d’hier. L’investissement net doit augmenter sans cesse et donc accroître les capacités de production à l’infini.

Bibliographie

  • Collectif, Théories monétaires post keynésiennes sous la direction de Pierre Piégay et Louis-Philippe Rochon (éditions Economica) (ISBN 2-7178-4614-X)
  • Marc Lavoie, L'économie postkeynésienne, Paris, La Découverte « Repères », 2004. (ISBN 9782707142665)
  • Franck Van de Velde, Monnaie, chômage et capitalisme, Presses Univ. Septentrion, 2005. (ISBN 2859398686)
  • Willy van Rijckeghem, The Stability of the Domar Model, Econometrica, Vol. 34, 1966; The Secret of the variable ICOR, The Economic Journal, Vol. 78, 1968.
  • Sébastien Charles, Macroéconomie hétérodoxe: de Kaldor à Minsky, Éditions L'Harmattan, 2006. (ISBN 2296006469)
  • Eric Berr, Virginie Monvoisin, Jean-François Ponsot (dir.), L'économie post-keynésienne. Histoire, théories et politiques, Paris, Seuil, 2018.

Notes

  1. On distingue parfois les fondamentalistes, les sraffiens et les kaleckiens
  2. Voir Marc Lavoie, L'économie Postkeynésienne, Paris, La Découverte, 2004
  3. Voir Macroéconomie approfondie - Équilibre, déséquilibre, circuit., Paris, Cujas, 1982.
  4. S. Rousseas, 1985, A markup theory of bank loan rates, Journal of Post Keynesian Economics, 8: 135-144; J. Goldstein, 1985, Pricing, accumulation and crisis in Post-Keynesian theory. Journal of Post Keynesian Economics, 8: 121-134
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