Polygone nucléaire de Semipalatinsk

Le polygone nucléaire de Semipalatinsk (en russe : Семипала́тинский я́дерный полиго́н) est le premier et l'un des principaux sites d'essais nucléaires soviétiques. Il est situé au Kazakhstan, à 130 km à l'ouest de Semeï, anciennement Semipalatinsk, au sud du fleuve Irtych.

Polygone nucléaire de Semipalatinsk

Les diverses installations du Polygone de Semipalatinsk
Description
Superficie 18 000 km2
Période d'activité 1949-1991
Essais
Essais nucléaires 456
Localisation
Pays Kazakhstan
Ville la plus proche Semeï (Kazakhstan Oriental)
Coordonnées 50° 07′ 44″ nord, 78° 43′ 48″ est
Géolocalisation sur la carte : Asie
Géolocalisation sur la carte : Kazakhstan

Sa superficie est de 18 000 km² et abrite la ville militaire de Kourtchatov, situé à l'extrémité nord-est de ce dernier, à une soixantaine de kilomètres du lieu du premier essai nucléaire soviétique.

Réacteurs nucléaires

Sur le polygone de Semipalatinsk se trouvent 3 des 4 réacteurs nucléaires kazakhs. Le complexe IGR héberge un réacteur nucléaire modéré au graphite de 50 mégawatts. Le complexe Baykal-1 héberge deux réacteurs nucléaires : un réacteur modéré à l'eau de 60 mégawatts, et un petit réacteur de recherche hybride uranium-zirconium. Les laboratoires de ces complexes disposent aussi de deux cyclotrons et 2 accélérateurs de particules[1].

Histoire

1949-1963 : essais nucléaires

Le premier essai nucléaire militaire soviétique y fut réalisé le sur instruction de Beria avec la RDS-1, une bombe d'une puissance de 22 kilotonnes, copie conforme de l'américaine Fat Man qui vaporisa Nagasaki quatre ans auparavant. De 1949 à 1989, 456 explosions de bombes atomiques à uranium et à hydrogène ont été effectuées sur le site de Semipalatinsk[2]. La somme totale des charges atomiques testées de 1943 à 1963 sur le polygone dépassent 2500 fois celle de la bombe d'Hiroshima.

Les radiations libérées à Semipalatinsk depuis 1949 seraient plusieurs centaines de fois supérieures à celles de la catastrophe de Tchernobyl. Elles auraient causé des problèmes de santé à plus de 1,5 million d'habitants de la région, soit un Kazakhstanais sur 10[3].

Liste des essais nucléaire à Semipalatinsk

Essais aériens :

  •  : RDS-1 (Joe-1)
  •  : RDS-2 (Joe-2)
  •  : RDS-3 (Joe-3)
  •  : RDS-6s (Joe-4)
  •  : RDS-4 (Joe-5)
  •  : RDS-5 (Joe-6)
  •  : RDS-5 (Joe-7)
  •  : RDS-3I
  •  : RDS-5
  •  : RDS-37

Essais souterrains :

1989 : mouvement antinucléaire

Le groupe antinucléaire Nevada Semipalatinsk est formé en 1989, il s'agit alors de l'un des principaux mouvements antinucléaires de l'union soviétique. Il est dirigé par le poète kazakh Olzhas Suleimenov et il rassemble des milliers de personnes lors de campagnes de protestation visant à fermer le site de Semipalatinsk. Le mouvement est nommé "Nevada Semipalatinsk" afin de montrer la solidarité avec les populations aux USA qui luttent pour fermer le site d'essais du Nevada[4]

Depuis 1991 : démantèlement

Le polygone atomique de Semipalatinsk est fermé depuis 1991 sur décision de Nursultan Nazarbayev, président de la République du Kazakhstan[5]. Dans les zones irradiées de l'ex-site, la radioactivité atteint à ce jour 10 000 à 20 000 microröntgens par heure.

Semipalatinsk est le site choisi par le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan pour la signature de la Zone exempte d'armes nucléaires en Asie centrale le , pour célébrer le quinzième anniversaire de la fermeture du site.

En , les autorités kazakhes affirment dans un article publié par Science que l'ancien site d'essais nucléaires serait devenu un champ de plutonium, où des terroristes pourraient extraire une « bombe sale »[6].

Le , le Centre de Recherche Belfer de Harvard publie le rapport «The Plutonium Report»[7] sur les efforts conjoints des États-Unis et de la Russie pour sécuriser secrètement le site après la chute de l'U.R.S.S.. Dans ce rapport de 44 pages y est décrite la sécurisation nécessaire du site durant les années 90 contre les radiations, le vol du plutonium laissé par les russes, ainsi que contre les pilleurs de métal potentiellement radioactif. Les solutions apportées sont notamment la fermeture sécurisée des différents tunnels d'accès, le coulage de bétons spéciaux afin de rendre inutilisable le plutonium, et tout un panel de caméras, barrières et drones de surveillance.

Siegfried S. Hecker (en), le directeur du laboratoire de Los Alamos de l'époque, explique dans une interview donnée dans le bulletin des scientifiques nucléaires[8] sa visite sur le site en 1998 et la prise de conscience par les États-Unis et la Russie du risque nucléaire du site qui a amené à sa sécurisation secrète. Cette opération a été financée par les États-Unis, alors que la Russie a fourni des informations et du personnel scientifique, et que le Kazakhstan a fourni la main-d'œuvre pour faire le travail sur le terrain[9].

Santé des populations

L'impact des radiations a été caché par les autorités soviétiques pendant de nombreuses années. Pourtant, les essais nucléaires à Semipaltinsk ont des retombées désastreuses sur le patrimoine génétique de la population du Kazakhstan[10].

Dans les alentours du site, la plupart des habitants souffrent de maladies diverses, en majorité de cancers. Puisqu'il est coûteux d'apporter la preuve exigée des services publics que les essais atomiques se trouvent être à l'origine des maladies, la plupart des victimes ne sont pas reconnues et vivent dans des conditions difficiles[11].

Les études sanitaires conduites sur le site depuis sa fermeture s'accordent sur le fait que les retombées des essais nucléaires ont actuellement un impact sur la santé d'environ 3 ou 400 000 habitants aux alentours[12]. Des scientifiques ont établi un lien entre un taux anormalement élevé de différents types de cancers et les effets des radiations. En particulier, de nombreuses études ont analysé la corrélation entre l'exposition à la radioactivité et les cancers de la thyroïde[13]. Dans cette région, de nombreuses personnes seraient atteintes de problèmes de santé et des enfants naissent malformés[3].

Avant chaque test, on recommandait aux gens d'ouvrir les fenêtres et les portes de leur maison, et d'attendre à l'extérieur de leur maison[14],[15] afin de mieux étudier les effets de la radioactivité sur le corps humain[16].

Les spermatozoïdes et les ovules des hommes et femmes ayant reçu des radiations, avaient le double de changements génétiques par rapport à une personne n'ayant pas reçu de radiations[17]. Ces changements pouvant être héréditaires. Un passeport génétique a été proposé pour empêcher les personnes avec un patrimoine génétique endommagé d'avoir des enfants[18].

Notes et références

  1. http://www.nti.org/learn/facilities/453/
  2. (en) The Semipalatinsk Test Site, Kazakhstan - sur le site de l'AIEA
  3. Nucléaire soviétique: les victimes oubliées, publié le 18/10/08 sur Cyberpresse
  4. (en) King, Hannah. Kazakhs Stop Nuclear Testing (Nevada-Semipalatinsk Antinuclear Campaign), 1989-1991. Global Nonviolent Action Database, Swarthmore College, 29 Nov. 2010. Accessed 14 July 2013.
  5. Le Kazakhstan face à l'héritage du nucléaire soviétique - vidéo créée le 19 avril l2010 par Euronews
  6. Alexandra Schwartzbrod, « Le plutonium kazakh peut polluer, pas exploser », Libération, (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) The Plutonium Report, publié le 15/08/13 par le centre Belfer de Harvard
  8. (en) Interview de Siegfried S. Hecker, publiée le 20/08/13 par le Bulletin of the Atomic Scientists
  9. « KAZAKHSTAN. Une montagne de plutonium éliminée en secret », Courrier international, (lire en ligne, consulté le ).
  10. Le mouvement antinucléaire international Nevada-Semipalatinsk sur le site de l'UNESCO
  11. Extra, magazine allemand sur RTL Television le 26 octobre 2009
  12. Les secrets des essais nucléaires, Kazakhstan, URSS - émission produite en 2004 par Arte
  13. (en) Togzhan Kassenova, « The lasting toll of Semipalatinsk's nuclear testing », Bulletin of the Atomic Scientists,
  14. (en-US) Al Eisele, « Why Kazakhstan Is Front and Center at the Global Nuclear Security Summit », sur Huffington Post, (consulté le )
  15. (en) Republic of Kazakhstan Ministry of Foreign Affairs Committee for International Information, Building a Nuclear Safe World: the Kazakhstan Way, Ministry of Foreign Affairs, Committee for International Information, (lire en ligne), p. 32
  16. « 14 photos de jeunes oubliés qui ont subi des malformations physiques suite à la catastrophe de Tchernobyl ! », sur www.thevibes.fr (consulté le )
  17. (en) « Sperm and eggs fall foul of fallout », Nature News, (DOI 10.1038/news020204-10, lire en ligne, consulté le )
  18. « Slow Death In Kazakhstan's Land Of Nuclear Tests », sur RadioFreeEurope/RadioLiberty (consulté le )

Liens externes

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