Polychromie

La polychromie (du grec πολυχρωμία, πολύ (poly) = plusieurs ; χρώμα (khrôma) = couleurs) est l'état d'un corps dont les parties offrent des couleurs diverses. Elle s'oppose à la monochromie.

Chapiteau polychrome à décors de lions du XIe siècle de l'abbaye de Saint-Sever

L'adjectif polychrome s'emploie pour parler de statue polychrome, de toiture polychrome, de céramique polychrome, de tuyau d'orgue polychrome ou encore de marbre polychrome ; il est rare pour la peinture, qui l'est implicitement. Selon le support, les historiens de l'art parlent de polychromie sur pierre, sur bois, sur cuir, sur verre, sur tissu…

Présentation

Antiquité

Porte d'Ishtar, exemple de polychromie dans l'architecture babylonienne

L'étude des produits de l'art antique permet de constater qu'il était d'usage de peindre tout ou partie, d'une ou plusieurs couleurs, les monuments d'architecture et de sculpture d'exception, car cela nécessitait un très grand investissement. Certaines couleurs étant rares et leur mise en œuvre coûteuse. C'est cette sorte de peinture que l'on désigne sous le nom de polychromie ou de peinture polychrome.

Les architectes égyptiens se servent très tôt de couleurs pour rehausser la beauté de leurs monuments. Leurs motifs d'ornementation consistent tantôt en des dessins géométriques de pure fantaisie (carrés, losanges, billettes, imbrications, zigzags, fleurons), tantôt en des figures d'animaux ou de végétaux. Quelquefois, des teintes plates (rouges, bleues, jaunes, vertes) alternent seules dans les décorations. Les Égyptiens appliquent aussi les couleurs sur les statues et bas-reliefs. On possède également de multiples preuves matérielles de l'usage de la polychromie chez les Perses, les Assyriens et les Babyloniens, qui donnent à leurs édifices les nuances les plus éclatantes et les plus splendides. En ce qui concerne la statuaire, les anciens Éthiopiens peignent leurs divinités, les Assyriens les revêtent d'un vernis coloré, les Phéniciens, Babyloniens et Perses les ornent d'or, d'argent, d'ivoire et de pierres précieuses.

Chez les Grecs, l'application des couleurs sur les monuments se pratique à chaque grande époque. Dès le temps où seul le bois entre dans la construction des palais et des temples, les Grecs emploient la peinture pour assurer la conservation des édifices. Par la suite, ils continuent d'orner de peinture non seulement les plafonds et les charpentes, mais aussi les murailles, colonnes, architraves, métopes, corniches, principalement dans l'architecture dorique. La polychromie est également adoptée pour la sculpture d'ornement et la statuaire.

Les Romains cultivent aussi la polychromie mais d'une manière plus restreinte, en n'appliquant ce système que dans l'intérieur des édifices. Ce n'est que lorsqu'ils commencent à faire usage du stuc qu'ils le revêtissent de peinture, à l'intérieur comme à l'extérieur.

Moyen Âge et Renaissance

Céramique polychrome du XVIe siècle de Santi Buglioni au sanctuaire de la Verna

Les artistes chrétiens du Moyen Âge tirent également quelquefois parti de la polychromie, surtout pendant la période romane et les premiers siècles de la période gothique. La perte de cette polychromie fait oublier qu'elle a joué un grand rôle dans l'esthétique des édifices religieux au Moyen Âge.

Pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne, il est communément admis que les églises doivent être entièrement peintes à l'intérieur, et la peinture architectonique atteint son apogée au XIIe siècle en France. Avant cette époque, la peinture est appliquée soit sur la pierre même, soit à fresque sur un enduit couvrant les murs de maçonnerie. Ce genre de décoration se perfectionne sous l'influence d'artistes byzantins, venus en France au IXe siècle. Les couleurs dominantes sont alors l'ocre jaune, le brun rouge clair, le vert, le rose pourpre, le violet pourpre clair, le bleu clair et l'or pour la brillance. Les vitraux de l'époque médiévale et les statues de bois peintes[1] doivent également être regardés comme une forme particulière de la polychromie. Les motifs de l'ornementation prennent une variété extrême. On renonce à la peinture extérieure de l'architecture à compter du XVIe siècle.

À la Renaissance, la polychromie est encore pratiquée et s'exprime par la céramique des terres cuites émaillées (terracotta invetriata) de plusieurs artistes toscans de renommée comme Luca della Robbia, Andrea della Robbia puis tous les membres de l'atelier des Della Robbia, Santi Buglioni. L'apogée du baroque et du rococo continuera à consacrer la polychromie en sculpture.

Époque moderne et contemporaine

Statue peinte de Niki de Saint Phalle à Hanovre

Les peintures extérieures cèdent le pas aux matériaux émaillés (Château de Madrid au Bois de Boulogne, ancienne Grotte des Tuileries à Paris). Encore au XVIIe siècle cherche-t-on des effets colorés à l'aide d'un mélange de briques et de pierres, parfois de faïences appliquées.

Cet art ne tombera jamais en désuétude, comme en témoignent les études de la réalisation de l'Opéra Garnier au XIXe siècle et les nombreuses œuvres conservées au Musée d'Orsay, puis les statues polychromes de Niki de Saint Phalle pour la dernière moitié du XXe siècle.

Le musée d'Orsay a exploré depuis plusieurs années le sujet de la sculpture polychrome au travers de différentes expositions : Charles Cordier (1827-1905), l’autre et l’ailleurs en 2004, Daumier les « célébrités du juste milieu (1832-1835) » en 2005, Jean-Léon Gérôme (1824-1904)l’histoire en spectacle en 2010. En 2020, le musée d'Orsay a mis en ligne un répertoire de la Sculpture polychrome (1848-1916) conservée dans les collections publiques françaises : https://sculptures-polychromes.musee-orsay.fr/

Étude de la polychromie

L'étude de la polychromie sur une œuvre, appelée aussi étude stratigraphique, permet de révéler les principaux aspects de la couche originale dissimulée sous des repeints successifs[2], ainsi que des vernis[3], des décapages. Dans un premier temps, un examen avec des lunettes loupes (grossissement x3) puis sous loupe binoculaire (grossissement x4 à x40) permet de repérer les bords de lacunes montrant la superposition des diverses couches. L’étude est complétée par des prélèvements réalisé à l'aide d'un scalpel sous loupe binoculaire, avec dégagement d'échelles stratigraphiques puis des fenêtres d'observation. Ces prélèvements sont préparés sous forme de coupes stratigraphiques observées au microscope[4].

Altération chromatique ou perte totale de la polychromie

La polychromie sur les édifices anciens est souvent altérée ou perdue en grande partie à cause de processus naturels (altération des surfaces due à la nature du support pierreux et à l'exposition en plein air) et anthropiques (traitements du XIXe siècle  application de caséine, de gomme laque, de silicates  cherchant à protéger les matériaux pierreux déjà dégradés[5]. Elle est fréquemment remise à jour lors d'opérations de restauration. La perspective du retour à la polychromie d'origine est parfois envisageable[6].

Notes et références

  1. Statues peintes au naturel ou recouverts d'un blanc poli, parfois rehaussé d'or et d'argent.
  2. Un nombre significatif de repeints témoigne de l'intérêt qui a pu être porté à cette œuvre.
  3. Les repeints peuvent être posés directement sur la couche ou le vernis précédents, sans préparation.
  4. Hélène Palouzié-Gouedar, Icônes et idoles. Regards sur l'objet monument historique, Acte sud, , p. 106
  5. Denis Verret et Delphine Steyaert (dir.), La couleur et la pierre. Polychromie des portails gothiques, Picard, , p. 63
  6. (it) Francesca Tolaini (Aut, Il colore delle facciate: Siena e l'Europa nel Medioevo, Pacini Editore, , 288 p.

Voir aussi

Bibliographie

  • Encyclopédie Larousse du XXe siècle, Paris, 1932
  • Gilles Perrault, Dorure et polychromie sur bois- Techniques traditionnelles et modernes, Éditions Faton, 1992
  • Vinzenz Brinkmann, Die Polychromie der archaischen und frühklassischen Skulptur, 2003
  • Anne Vuillemard-Jenn, « La polychromie de l’architecture est-elle une œuvre d’art ? De sa redécouverte à sa restauration : l’importance de la couleur dans l’étude des édifices médiévaux », in C. Gomez Urdanez (Dir.), Sobre el color en el acabado de la arquitectura historica, Prensas de la Universidad de Zaragoza, 2013, p. 13-46
  • Anne Vuillemard-Jenn, « La polychromie de la façade gothique et sa place au sein d’un dispositif visuel », Histoire de l’art, 72, 2013, p. 43-55

Articles connexes

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