Grèbe huppé

Podiceps cristatus

Le Grèbe huppé (Podiceps cristatus) est une espèce d'oiseau aquatique de la famille des Podicipédidés. C'est le plus grand des grèbes présents en Europe. Sa parade nuptiale est connue pour sa complexité.

Morphologie

Mensurations

C'est un grèbe de 46 à 56 cm de longueur avec une envergure de 75 à 90 cm, pesant entre 700 et 1 200 g.

Aspect général et plumage internuptial

Il n'y a pas de dimorphisme sexuel chez cette espèce. Cet oiseau présente une calotte noire, courte en saison hivernale. Le dos est sombre et les flancs présentent des reflets roux. La poitrine, la gorge, la face et le ventre sont blancs en toute saison, ce qui le distingue du Grèbe jougris. Le cou majoritairement blanc est long et fin, le bec rosé long et pointu en forme de poignard. Ses pattes sombres ont des orteils lobés, comme chez tous les grèbes.

Plumage nuptial

Au printemps, lors de la saison de nidification, les oiseaux des deux sexes sont ornés de touffes de plumes roux orangé à pointes noires sur le côté de la tête, et la calotte de plumes noires s'est développée en une double huppe. Les plumes des joues et des huppes sont érectiles, caractéristique utilisée lors de la parade nuptiale.

Aspect des juvéniles

Jeune Grèbe huppé.
Grèbe huppé et un juvénile.

Les juvéniles sont reconnaissables grâce à des bandes noires sur la tête, les joues et le cou. Ils ne possèdent pas encore de huppe. Leur corps est grisâtre.

Comportement

Vol

Le grèbe n'est pas à l'aise en vol, il lui faut un long élan pour décoller. Il l'est encore moins à terre. Il passe l'essentiel de son temps sur l'eau, nageant ou plongeant.
Il vole assez bas, avec des battements d'ailes rapides, cou et pattes étendus et légèrement tombants. On peut alors voir une large tache blanche sur la partie supérieure et antérieure de l'aile, ainsi qu'un miroir blanc sur la partie postérieure[1],[2]. Lors du vol, il lui arrive souvent d'utiliser ses pattes comme gouvernail[3].

Alimentation

Grèbe huppé capturant une perche (Catalogne, Espagne)

C'est un excellent plongeur, capable de plonger jusqu'à 3 minutes et 20 mètres de profondeur, mais sa profondeur habituelle de plongée est le plus souvent de 4 à 6 m.
Il se nourrit principalement de petits poissons (de 5 à 20 cm généralement) ; il en consomme de 150 à 200 g en moyenne par jour. Opportuniste, ses principales proies sont les poissons les plus communs qu'il trouve dans son milieu, surtout des cyprinidés (gardons, goujons, ablettes, etc.) et des jeunes perches communes. Il mange également des insectes, larves, des crustacés (dont des crevettes en milieu marin), des mollusques et même des grenouilles. Les petits sont tour à tour nourris avec des poissons et des plumes ; les plumes permettent de créer une boule protectrice au fond de l'estomac où les arêtes des poissons sont stoppées pour permettre une digestion plus lente.

Reproduction

Les couples commencent à se former au cœur de l'hiver. La nidification peut commencer dès le mois de janvier si les conditions météorologiques ne sont pas trop rudes, mais elle a généralement lieu entre avril et juillet. Cette espèce est célèbre pour sa parade nuptiale élaborée.

parade nuptiale
Podiceps cristatus - MHNT

Au cours de cette parade, les partenaires se font face, dressent la tête et la secouent, les plumes de la huppe et des joues érigées. Ils nagent côte à côte en se frottant le cou et en poussant des cris sonores. Ils plongent, réapparaissent, puis s'approchent l'un de l'autre avec des végétaux dans le bec, se dressent poitrine contre poitrine dans l'eau, tournant la tête de droite et de gauche (voir vidéo). Cette parade peut continuer même pendant la construction du nid[3].

Le nid est généralement un radeau fait de plantes aquatiques, algues et roseaux, rasant la surface de l'eau. Ce nid, reposant sur le fond du plan d'eau, ou flottant et amarré à la végétation, est en général assez peu profond. La femelle pond une couvée par an, parfois deux, de 3 à 5 œufs en moyenne (en fait de 1 à 9) vers mai-juin. Les œufs, blancs à la ponte, brunissent au contact des végétaux en décomposition qui constituent le nid[1].

Grèbes huppés : soins aux jeunes
Grèbes huppés nourrissant leurs petits, dans l'aire protégée d'Aischgrund, district de Moyenne-Franconie, Allemagne.

L'incubation dure entre 27 et 29 jours, assurée aussi bien par le mâle que par la femelle qui se relaient toutes les une à trois heures[4]; les œufs sont parfois laissés seuls un moment, mais ils sont alors recouverts de végétaux en décomposition pour les tenir au chaud. Après l'éclosion, les poussins nidifuges, au plumage rayé, sont nourris par les deux parents, qui les transportent souvent sur leur dos. Ils deviennent indépendants à 71 ou 79 jours.

Cet oiseau commence à se reproduire vers l'âge de 2 ans[5] et peut vivre de 10 à 15 ans[2]. Mais le record actuel (2008) de longévité, déterminé par marquage, est détenu par un individu bagué en Russie : 19 ans et 3 mois[6].

Vocalisations

Cet oiseau bruyant, surtout lors de la parade nuptiale, émet des coassements nasillards (kekekekek) et des croassements au son de crécelle (eeerrrrr). Pour entendre son cri, voir sur cette page (Lien direct).

Répartition et habitat

Répartition

Grèbe huppé

En Europe, on le trouve partout sauf dans le nord de la Scandinavie. Ceux vivant dans l'est ou au nord de l'Europe migrent vers l'ouest ou le sud. Il vit aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande, et en Afrique équatoriale, de l'est et du sud. Il n'est qu'occasionnel en Afrique de l'Ouest.

Il se reproduit également en Turquie et hiverne sur place, dans l'est de la Méditerranée et en Égypte sur les lacs du delta du Nil et sur le Lac Karoun[7].

Habitat

Le Grèbe huppé fréquente, l'été, les lacs, les étangs, les marais, les réservoirs artificiels, les ports et plus rarement les rivières paisibles. Il préfère les eaux peu profondes entourées d'une frange de végétation palustre.

L'hiver, les migrateurs se trouvent sur les lagunes et les eaux salées calmes, dans les estuaires, les baies et les golfes abrités mais aussi en mer à proximité des côtes. Il y a parfois des rassemblements regroupant des milliers d'oiseaux, par exemple sur l'IJsselmeer (Pays-Bas), sur les lacs suisses (notamment le lac de Neuchâtel) et sur la Mer Noire[8].

Ces oiseaux, aujourd'hui plus fréquents qu'autrefois en Europe, tendent de plus en plus à occuper tous les milieux aquatiques disponibles, pourvu que leur nourriture soit présente en quantité suffisante. Vivant à découvert sur l'eau et étant peu farouches, ils peuvent parfois s'observer facilement en train de pêcher, ou même nicher, dans des sites très fréquentés par l'homme, comme des canaux urbains, des étangs de parcs publics ou encore des ports de plaisance[9].

Migration

Grèbe huppé en plumage hivernal

Les populations du nord ou à l'est de son aire de répartition, où le gel fige les plans d'eau, sont migratrices. Elles vont passer l'hiver plus au sud ou à l'ouest, dans des régions plus proches de l'océan Atlantique ou de la mer Méditerranée. Le vol se fait de nuit. Les départs d'automne se font à date variable, selon le climat de la région et les conditions météorologiques ; les retours de printemps ont lieu vers mars ou avril[1]. Ce sont des migrateurs partiels.

Le Grèbe huppé et l'homme

Statut et préservation

Cet oiseau élégant a longtemps été chassé pour ses plumes, surtout celles de la poitrine et de la tête, qui étaient utilisées entre autres comme ornement de chapeau. Depuis l'arrêt de cette chasse, l'espèce s'est rétablie, et sa population mondiale est estimée de nos jours à entre 530 000 et 1,7 million d'individus[10], et la population européenne à plus de 300 000 couples[11]. Pour cette raison, l'UICN classe cette espèce dans la catégorie « préoccupation mineure ». Si il y a quelques décennies le grèbe huppé était encore un oiseau assez peu commun, absent de nombreuses régions, cantonné à certains étangs sauvages et considéré comme un des symboles des zones humides préservées, à l'instar du héron cendré, il est désormais relativement abondant presque partout en Europe occidentale, et la plupart des plans d'eau pouvant l’accueillir en abritent aujourd'hui un ou plusieurs couples, même dans les zones urbanisées. Il fait partie des oiseaux qui ont réagi avec le plus de succès aux efforts de protection de l'avifaune aquatique des décennies passées.

L'AEWA fait cependant une estimation plus nuancée en distinguant les populations : si les populations du Nord et du Nord-Ouest de l'Europe, de la mer Noire et de la mer Méditerranée ne sont classées qu'en catégorie C (populations comptant plus de 100 000 individus), les populations de la mer Caspienne (25 000 individus) et celle d'Afrique de l'Est et du Sud sont en catégorie A1c (populations très menacées de moins de 10 000 individus)[12].

Bien qu'elle ne figure pas dans la liste des espèces menacées en Europe, cette espèce est classée dans l'annexe III[13] de la Convention de Berne depuis le 01/03/2002.

L'Agence européenne pour l'environnement considère cette espèce comme sécurisée depuis 1994[14].

Le Grèbe huppé bénéficie d'une protection totale sur le territoire français depuis l'arrêté ministériel du relatif aux oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire[15]. Il est donc interdit de le détruire, le mutiler, le capturer ou l'enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire ou enlever les œufs et les nids, et de détruire, altérer ou dégrader son milieu. Qu'il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, colporter, de l'utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l'acheter.

Nom et position systématique

Le terme de grèbe est utilisé depuis au moins le XVIe siècle pour désigner les membres de cette famille d'oiseau[16]. le terme Podiceps est formé de deux mots grecs, podex, le croupion et pes, les pieds, les pattes. Quant à cristatus, c'est un mot latin signifiant crête, aigrette, huppe (ce qui rejoint le nom de grèbe huppé)[17].

Il existe 3 sous-espèces de Grèbe huppé[18] :

Philatélie

De très nombreux pays ont émis des timbres à l'effigie de cet oiseau[19],[20].

Voir aussi

Notes et références

  1. Stastny (1989)
  2. Hume, Lesaffre et Duquet (2004) : Oiseaux de France et d'Europe, Larousse, (ISBN 2-03-560311-0)
  3. oiseau.net 2006
  4. oiseau.net 2006, LPO 2006
  5. Podiceps cristatus sur le site AnAge
  6. Record de longévité de Podiceps cristatus sur le site euring
    • Zayed M.S. (2008) Les oiseaux de l'Egypte et du Moyen-Orient. ADCOM, Dar el Kutub, 144 p.
  7. BirdGuides 2006, GROMS 2006
  8. Protection des oiseaux
  9. Wetlands international 2002
  10. Birdlife international 2006
  11. Podiceps cristatus sur le site de l'AEWA, 2002
  12. L'annexe III de la Convention de Berne regroupe des espèces de la faune protégées
  13. Tucker G.M. and al. (1994) pour l'AEE
  14. Le statut juridique des oiseaux sauvages en France, Ligue pour la protection des oiseaux
  15. Pierre Belon
  16. Cabard et Chauvet (2003)
  17. zoonomen, 2006, GROMS 2006
  18. La liste complète de ces timbres est donnée sur cette page, au paragraphe Podiceps cristatus
  19. Le site bird-stamps.org en donne un aperçu.

Liens externes

Images et vidéos

Bibliographie et textes

  • BirdLife International : population européenne du grèbe huppé [PDF](en)
  • Pierre Belon Portraicts d’oyseaux, animaux, serpens, herbes, arbres, hommes et femmes d’Arabie et d’Égypte observez par P. Belon du Mans, le tout enrichi de quatrains pour la plus facile cognoissance des Oyseaux et autres portraicts, plus y est adjousté la Carte du Mont Attos et du Mont Sinay pour l’intelligence de leur religion. G. Cavellat, Paris, 1557.
  • Roger Reboussin, Notification du grèbe huppé sur l'étang de Boisvinet, Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, n°44, 1905.
  • Cabard P. et Chauvet B. (2003) Étymologie des noms d'oiseaux. Belin. (ISBN 2-70113-783-7)
  • Stastny (1989) Oiseaux aquatiques. Gründ, Paris. (ISBN 2-7000-1816-8)
  • Hume, Lesaffre G. et Duquet M. (2004) Oiseaux de France et d'Europe. Larousse, (ISBN 2-03-560311-0)
  • Karel Šťastný (trad. du tchèque par Dagmar Doppia), La grande encyclopédie des oiseaux, Paris, Gründ, , 494 p. (ISBN 2-7000-2504-0), p. 32
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