Pluralisme juridique

Le pluralisme juridique est un courant juridique qui vise à rendre compte de la variété des modes de production des règles de droit et de la complexité du phénomène juridique. Le pluralisme juridique peut désigner ainsi soit l'existence de plusieurs systèmes juridiques pour un même territoire, soit une approche du droit international public qui insiste sur la pluralité des ordres juridiques (nationaux, régionaux et international)[1].

Le pluralisme juridique provient du mot latin pluralis : système reconnaissant l'existence de plusieurs modes de pensée, de comportement, d'opinions politiques et religieuses, de plusieurs partis politiques. le terme juridique est un adjectif provenant du latin juridicus et dérivé de jus et juris, révélant que l'expression qu'elle qualifie est relative au droit dans son sens le plus large. Expliquer ces termes paraît indispensable pour définir la notion de pluralisme juridique.

Approche interniste

Dans le premier sens, le pluralisme juridique est une notion qui désigne l'existence de systèmes mixtes, c'est-à-dire d'une pluralité d'ordres juridiques pour un même territoire.

Il peut viser également un état de la législation, situé entre la pluralité juridique et l'anarchie juridique :

Volonté du législateur Résultat législatif
Unicité juridique Pluralité juridique Pluralisme juridique Anarchie juridique
Liberté individuelle Dirigisme Liberté Liberté Liberté (limitée par l'absence de cohérence)
Hierarchie légale Pas de neutralité Pas de neutralité (préférence) Neutralité Neutralité
Structuration, différenciation / cohérence Volonté de cohérence Volonté de cohérence Volonté de cohérence Pas de volonté de cohérence

Qu'est-ce que donc cette théorie de pluralisme juridique? D'abord, elle n'est pas un dogme. Le pluralisme juridique se conçoit comme un hypothèse pour imaginer et pour aborder la normativité dans les sociétés hétérogènes, de manière à mieux actualiser les idées de liberté, d'égalité et de fraternité. Il est, à la fois, plus démocratique (c'est-à-dire, plus respectueux de l’idée voulant que l'opposition au consensus établi ne fonde la vraie démocratie) et moins dirigiste (c'est-à-dire, qu'elle cherche moins à réglementer les croyances, les pratiques et les modes de définition de soi) que l'idéologie dite républicaine. Cette approche ne permet pas des distinctions nettes entre la normativité. Le pluralisme conçoit toutes ces normativités comme des ordres juridiques. L'idéologie juridique de la modernité c'est-à-dire l'idéologie provenant des trois grandes révolutions politiques des XVII e et XVIII e siècles (celle de l'Angleterre en 1688, celle des États-Unis en 1776; et celle de la France 1789) se construit autour de trois postulats.

Elle veut :

  • que le droit soit uniquement rattaché à l'État politique (c'est le présupposé du centralisme);
  • qu'un seul ordre juridique puisse correspondre à un seul espace géographique (c'est l'hypothèse du monisme);
  • que le droit soit toujours le produit d'une activité explicite des institutions telles que les législatures (c'est le postulat du positivisme).

Le monisme, le centralisme et le positivisme ne sont évidemment que des hypothèses; j'insiste là-dessus. Ni l'une ni l'autre de ces caractéristiques présumées fondamentales n'est un fait social qui se rapporte à une réalité empirique. Toutes sont le fruit d'idéologies, même si les positivistes endurcis affirment décrire la réalité telle qu'elle se donne à voir. Il existe, certes, les phénomènes sociaux mais leur interprétation et leur sens sont construits à travers les lentilles des idéologies et des théories

Cette théorie générale s’oppose au monisme, dont Hans Kelsen a été le plus rigoureux interprète, et qui part de l’idée qu’il n’existe pour tout l’univers qu’un seul ordre juridique, auquel se ramènent par nécessité logique toutes les normes juridiques (sans quoi elles ne seraient pas juridiques). Le pluralisme juridique s’oppose également au dualisme, théorie générale à laquelle Dionisio Anzilotti a associé son nom, et qui découle de la double affirmation qu’il existe plusieurs ordres juridiques irréductibles les uns aux autres, certes, mais que ces ordres juridiques ne sont pas en relations les uns avec les autres. Cette opposition du monisme, du dualisme et du pluralisme en tant que théories générales du droit réclame quelques précision

Un nouveau risque de confusion affecte l’emploi des termes « monisme » et « dualisme ». Ceux-ci désignent soit deux théories générales du droit, soit deux types d’États, selon le procédé constitutionnel qu’ils utilisent pour rendre étatiquement obligatoires les normes du droit international dotées d’effet direct (self executing) 6. Dans ce second sens, qui n’est mentionné ici que pour pouvoir être écarté, un État est qualifié de moniste si et dans la mesure où 7 il rend obligatoires pour ses justiciables les normes du droit international dotées d’effet direct (self executing), sans que ce caractère étatiquement obligatoire dépende d’un recopiage de la norme internationale sous la forme d’une norme étatique. Par opposition, un État est qualifié de dualiste si et dans la mesure où le caractère étatiquement obligatoire dont il vient d’être question dépend du recopiage de la norme internationale sous la forme d’une norme étatique. Cette acception ne sera plus employée dans la suite de la présente contribution. 8.- en tant que théories générales du droit, c’est-à-dire en tant que représentations générales permettant notamment de décrire le droit, de l’appliquer, ou de prôner son changement ou son maintien en l’état, le monisme et le dualisme pourraient sembler très.

Approche internationale

Le droit international évolue et se traduit par une augmentation des normes, des organisations et des juridictions internationales, faisant craindre une fragmentation du droit international au sein de l’ordre juridique international. L’ordre juridique international s’entend, au sens large, comme le droit international régissant la société internationale. Celui-ci englobe les ordres juridiques internationaux spécialisés, composés des organisations internationales. Chacune d’entre elles comprend une juridiction ou un tribunal arbitral. Le pluralisme juridique international semble désordonné, induisant un risque de fragmentation du droit international, en raison, d’une part, de la multiplication des ordres juridiques internationaux et, d’autre part, de leur carence institutionnelle. le pluralisme juridique international s’ordonne grâce à la mise en cohérence du droit international par les juges internationaux. Ceux-ci coordonnent la jurisprudence internationale grâce à leur jurisdictio (dire le droit) et érigent un véritable pouvoir juridictionnel international à travers leur imperium (rendre une décision obligatoire).

La notion de pluralisme juridique peut désigner une approche du droit international public qui insiste sur la pluralité des ordres juridiques (nationaux, régionaux et international). Elle est alors en contraste avec une approche dite constitutionnaliste, qui insiste sur la mondialisation du droit et l'universalité de certains principes, les droits de l'homme par exemple.

Par ailleurs, si le débat sur le dualisme et le monisme en droit international tend à se focaliser sur les rapports entre droit interne et droit international, le pluralisme considère l'ensemble des systèmes juridiques, y compris régionaux (droit communautaire et autres systèmes similaires).

le pluralisme juridique peut être perçu comme une internationalisation du droit

Le pluralisme juridique a fourni un cadre alternatif utile, car le pluralisme avait toujours cherché à identifier des espaces juridiques hybrides, dans lesquels des systèmes normatifs multiples occupaient le même champ social. Et bien que les pluralistes se soient souvent concentrés sur les conflits existant au sein d’une zone géographique unique – dans laquelle les bureaucraties formelles se heurtaient aux normes indigènes ethniques, tribales, institutionnelles ou religieuses – le cadre pluraliste a montré qu’il était tout à fait capable de s’adapter à l’analyse d’espaces juridiques hybrides, créés par différents ensembles de revendications d’autorité qui se chevauchent (État contre État, État contre organe international, État contre entité non étatique) dans l’arène mondiale 

nouvelle catégorie de chercheurs que cet exposé se tourne à présent.

Ceux qui étudient le droit international public et le droit international privé n’ont historiquement pas prêté beaucoup d’attention au pluralisme juridique – bien qu’il y ait certainement eu des exceptions (par exemple, Kingsbury, 1998) –et ce, parce que l’accent a été traditionnellement mis sur les relations interétatiques. En effet, le droit international a généralement insisté sur les traités bilatéraux et multilatéraux entre et au sein des États, les activités des Nations unies, les décisions des tribunaux internationaux et (de façon quelque peu plus controversée) les normes auxquelles les États ont obéi pendant assez longtemps pour qu’elles puissent être qualifiées de coutumières. Il s’agissait d’un univers juridique gouverné par deux principes directeurs. Selon le premier, le droit était considéré comme résidant uniquement dans les actes d’entités officielles, sanctionnées par l’État. En vertu du second, le droit était vu comme une fonction exclusive de la souveraineté de l’État [7][7]Bien sûr, il s’agit d’une vision trop simpliste du droit….

Les deux principes se sont cependant affaiblis avec le temps. Le développement d’une conception des droits de l’homme internationaux après la Seconde Guerre mondiale a transformé les individus en acteurs du droit international possédant leurs propres droits à l’encontre de l’État. Ces habilitations individuelles mises à part, les chercheurs en sont venus plus récemment à reconnaître la myriade de façons dont les prérogatives des États-nations se trouvent limitées par les acteurs transnationaux et internationaux. Alors que F.-A. Mann (1984, p. 20) pouvait affirmer avec assurance, en 1984, que « les lois vont aussi loin, mais pas plus que la souveraineté de l’État qui les fait entrer en vigueur », beaucoup des internationalists ont soutenu, au moins depuis la fin de la guerre froide, qu’une vue aussi étroite relative à la manière dont le droit opère sur le plan transnational est inexacte. Ainsi, les vingt dernières années ont vu une attention accrue se porter sur les importants – bien que parfois incomplets – processus de développement de la norme internationale (Berman, 2005, p. 488-89). De tels processus poussent inévitablement la doctrine à prendre en compte les revendications de compétence transnationales qui se chevauchent et qui sont émises par les États-nations, ainsi que les normes formulées par les organes internationaux, les organisations non gouvernementales (ONG), les sociétés multinationales et les groupes industriels, les communautés indigènes, les terroristes transnationaux, les réseaux d’activistes, etc.

Dans ce contexte, les chercheurs américains du pluralisme juridique mondial en sont revenus aux idées de Robert Cover. Comme d’autres pluralistes, Cover refusait de privilégier la légitimité ou l’autorité de la production du droit étatique par rapport à d’autres communautés normatives. Ainsi, il affirmait que « tout comportement collectif entraînant des compréhensions systématiques de nos engagements envers des mondes futurs [peuvent présenter] des revendications égales à la qualification de “droit” » (Cover, 1992, p. 176). Cette formulation refuse délibérément de donner un statut spécial de législateur à l’État-nation.

Bibliographie

  • Voir en général The Journal of Legal Pluralism.
  • Merry, Sally Engle. 1988. “Legal Pluralism.” Law & Society Review 22: 869-896[2],[3],[4]

Références

  1. Sierra Cadena, Grenfieth de Jesus, (1977- ...). et Barbou Des Places, Ségolène., L'internationalisation pluraliste du droit public de l'intégration régionale : une comparaison d'après la jurisprudence de la CJUE et du TJCA, Institut universitaire Varenne, impr. 2015, dl 2015, 528 p. (ISBN 978-2-37032-061-2 et 2370320613, OCLC 934708315, lire en ligne)
  2. Castaldo, André,, Introduction historique au droit, Paris, Dalloz, impr. 2013, cop. 2013, 785 p. (ISBN 978-2-247-10107-8 et 2247101070, OCLC 862756019, lire en ligne)
  3. Barraud, Boris., Théories du droit et pluralisme juridique. Tome I, Les théories dogmatiques du droit et la fragilité du pluralisme juridique, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2016, cop. 2016, 691 p. (ISBN 978-2-7314-1029-7 et 2731410299, OCLC 970344878, lire en ligne)
  4. Ben Dahmen, Khédija,, Interactions du droit international et du droit de l'Union européenne un pluralisme juridique rénové en matière de propriété industrielle, Paris, L'Harmattan, dl 2013, cop. 2013, 663 p. (ISBN 978-2-296-99771-4 et 2296997716, OCLC 863130506, lire en ligne)
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