Pierre Michon Bourdelot

Pierre Michon qui a ajouté Bourdelot à son nom, dit l'abbé Bourdelot (à ne pas confondre avec son neveu Pierre Bonnet dit Pierre Bonnet-Bourdelot, médecin ordinaire de Louis XIV[1]) est un médecin et anatomiste français, né à Sens le et mort à Paris le [2]. Il était abbé de Massay[3],[4]. Libertin et libre-penseur, probablement athée, il est principalement connu comme l'animateur du cercle qui porte son nom.

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Biographie

Bourdelot est « fils de Maximilien Michon, chirurgien du prince de Condé établi à Sens et d'Anne Bourdelot, petite-nièce de Marie Bourdelot, mère du célèbre Théodore de Bèze »[5],[6]. Élevé par ses oncles maternels Edme (médecin de Louis XIII) et Jean (conseiller maître des requêtes de Marie de Médicis), il prend en 1634 le nom de sa mère, qui est aussi le leur. Il étudie à la Sorbonne en 1629 et en 1634 après son diplôme, fait un séjour à Rome, accompagnant l'ambassadeur François de Noailles, élève de Galilée[7].

De retour en 1638, il devient le médecin de la famille de Condé à Paris. La mort de son oncle Jean en 1638 le fait héritier d'une riche bibliothèque de livres et de manuscrits[8]. Par un acte du on apprend que son oncle « luy avoit fait quitter son nom pour prendre et luy donner celuy de Bourdelot[9] ». Dans les années 1640, il organise un cercle (une « académie ») se réunissant deux fois par mois et fréquenté par des scientifiques, mais aussi des philosophes et des écrivains[10].

En 1652, après la Fronde, il est à Stockholm, appelé par Claude Saumaise ; il guérit la reine Christine de maux physiques et d'une dépression : sa cure consiste à la faire rire, y compris aux dépens d'autres savants de passage[11],[12],[13]. C'est à Stockholm que Bourdelot rédige son Catéchisme de l'athée — qu'il envoie au doyen des pasteurs de la ville[14] ; mais Bourdelot écrira aussi un Traité de l'existence de Dieu[15].

Il revient en France en 1654 où il reprend ses activités. Mazarin lui donne l'abbaye de Massay. Pierre Michon-Bourdelot devient l'abbé Bourdelot. Par un acte du , le prince de Condé lui donne les terres et seigneuries de Condé et Saint-Léger (hameau à Meunet-Planches), près d'Issoudin[9]. À la demande du Grand Condé, un échange épistolaire a été initié par Jacques Louchault, orfèvre à Senlis, le chevalier de Lignères et l'abbé Bourdelot qui a été imprimé dans Combats d'esprit, paru en 1701 à l'initiative de Louchault.

Bourdelot passa la plus grande partie de sa vie rue Neuve-Saint-Lambert dans le quartier du Luxembourg[16]. Il avait voulu que ses livres soient légués à la faculté de médecine, mais les circonstances ne le permirent pas[17].

Dangeau, dans son Journal, indique que Bourdelot est mort en ayant « avalé de l'opium pour du sucre ». Voltaire commente « On n'avale point du sucre, on ne peut prendre de l'opium pour du sucre : le fait est qu'il s'empoisonna »[18].

L'académie Bourdelot

La date de création de l'académie Bourdelot a été discutée[19], 1637, après son retour de Rome, ou 1642, après son installation à Paris. François Le Gallois[20] écrit en 1672, dans Conversations de l'Académie de monsieur l'abbé Bourdelot qu'elle a été fondée « il y a plus de 35 ans dans l'hôtel de Condé sous l'autorité de Monsieur le Prince qui était très savant, et qui aimait beaucoup ceux qui étaient en réputation de l'être[21] ». Cette académie aurait donc été créée après son retour de Rome[22]. Cependant, étant attaché au prince de Condé, Bourdelot a dû le suivre dans ses déplacements. Ces réunions n'ont pas pu être très suivies. La date de 1642 retenue par René Taton dans Les origines de l'Académie Royale des Sciences, après l'installation de Pierre Michon-Bourdelot à Paris, semble celle qui lui a permis un fonctionnement stable de cette académie. Le Gallois indique qu'elle a été fondée à l'initiative du prince de Condé, mais René Pintard a écrit qu'elle a été fondée par Bourdelot en « profitant de la renommée de son oncle et de la puissance des Condé ».

L'académie Bourdelot reprend le souhait de vulgariser la science des Conférences du Bureau d'Adresse de Théophraste Renaudot[23], entre 1632 et 1642, et d'échanger entre savants sur les avancées de la recherche scientifique comme le faisait l'académie du Père Marin Mersenne, entre 1635 et 1648. Cette académie était ouverte au public, et se consacrait aux échanges sur le savoir scientifique en discutant sur des expériences, entre autres sur le problème du vide[24].

C'est probablement de son voyage dans la péninsule italienne et de sa connaissance des académies qui y existaient que Bourdelot a adopté les règles de fonctionnement une structure stable de sociabilité savante. Le Gallois ne précise pas l'organisation de l'académie mais décrit le protocole interne de fonctionnement : l'abbé Bourdelot ouvre chaque conférence en donnant son avis sur le problème faisant l'objet de la conférence. Les intervenants pouvant avoir des avis divergents, Bourdelot jouait le rôle de modérateur et qui devait aussi faire que la question poser reste au centre du débat. L'académie avait un modérateur, Bourdelot, et un secrétaire, François Le Gallois.

La Fronde, entre 1648 et 1652, a dû arrêter le fonctionnement normal de ces assemblées savantes.

En , Bourdelot quitte Paris pour Stockholm pour aller servir la reine de Suède, Christine de Suède. Il revient en France en 1654. Son cercle reprend ses activités en 1654 et les poursuit de façon irrégulière jusqu’en 1684. Parmi les membres éminents de l'académie : Joseph Guichard Duverney, Nicolas Sténon, Ole Borch, Reinier de Graaf, Jan Swammerdam. Le Gallois dit qu'il a conservé quarante conférences mais n'en a publié qu'une partie dans les Conversations de l'Académie Bourdelot publiées en deux tomes, 6 conversations publiées en 1672[25] et 3 conversations en 1674[26].

L'académie Bourdelot avait été précédée par le Cercle du Cabinet des frères Pierre (†1651) et Jacques Dupuy qui accueillait chaque jour, entre 1617 et 1656 (mort de Jacques Dupuy), Parisiens, provinciaux ou étrangers de passage à Paris, qui s'intéressaient à la vie intellectuelle, qu'ils soient hommes de lettres, philologues, théologiens, philosophes, historiens, mathématiciens, astronomes, physiciens, etc. S'y rencontraient Balzac, Ménage, Claude Saumaise, le père Jacques Sirmond, Ismaël Boulliaud, le père Mersenne, La Mothe Le Vayer, Eudes de Mézeray, Pierre Gassendi, Peiresc, Grotius, Nicolas Heinsius, Thomas Hobbes, Campanella. L'académie du Père Mersenne est la seule qui semble être désignée dans les lettres sous l'expression d' Academia Parisiensis. L'académie Le Pailleur lui a succédé, jusqu'à la mort de Jacques Le Pailleur en 1654 (et non en 1651 comme on l'a longtemps cru), à laquelle participait Blaise Pascal qui lui a dédié une adresse aux « Celeberrimae Matheseos Academiae Parisiensi » et où la « règle des partis » de Pierre Fermat y avait été présentée en [27],[28], puis celle du maître des requêtes Henri Louis Habert de Montmor, à partir de 1653 (arrivée de Pierre Gassendi chez Montmor) jusqu'en 1664 d'après une lettre de Huyghens, et qui passe pour être l'ancêtre direct de l'Académie royale des sciences[29].

Liste partielle des publications

Lettre a Monsieur L'abbe Bourdelot, 1674

Famille

  • Pierre Bourdelot (né entre 1550 et 1560), chirurgien du prince de Condé, marié à Paule Bordier :
    • Jean Bourdelot (†1638)[32], natif de Sens, avocat au parlement de Paris, maître des requêtes de la reine Marie de Médicis, mort à Paris ;
    • Edme Bourdelot, frère puiné du précédent, médecin du roi Louis XIII, mort en 1620[33],
    • Anne Bourdelot, sœur du précédent, mariée à Maximilien Michon, chirurgien ordinaire du prince de Condé :
      • Pierre Michon-Bourdelot (1610-1685), il vient à Paris en 1634 à la demande de ses oncles qui lui ont fait ajouter leur nom et dont il a hérité[34]. Il devient l'abbé Bourdelot après avoir reçu l'abbaye de Massay en 1654[35].
      • X Michon mariée avec Jacques Bonnet (†1694) :
        • Pierre Bonnet-Bourdelot (1638-1708), médecin ordinaire du roi Louis XIV. Il a ajouté Bourdelot à son nom à la demande de son oncle Pierre Michon-Bourdelot, l'abbé Bourdelot, qui lui a légué sa fortune[36], marié à Élisabeth Françoise Hélyot ;
        • Jacques Bonnet (1644-1724)[37],[38], frère du précédent, trésorier au parlement de Paris. Il a publié L'Histoire de la musique et de ses effets, en 1715, à partir des documents regroupés par l'abbé Bourdelot et Pierre Bonnet-Bourdelot.

Notes

  1. Philippe Vendrix, Aux origines d'une discipline historique. La musique et son histoire en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Librairie Droz, Genève, 1993, p. 53 (ISBN 978-2-2606-6260-0) ('voir)
  2. On trouve aussi 1684, par exemple data.bnf.fr.
  3. François Bayle, Discours sur l'expérience et la raison.
  4. (la) Nicolai Stenonis epistolae et epistolae ad eum datae quas cum prooemio ac notis germanice scriptis edidit Gustav Scherz, Copenhague et Freiburg, Nordisk Forlag et Herder, t. 1, 1952, p. 11.
  5. Hazon et Bertrand, p. 124.
  6. data.bnf.fr.
  7. (en) http://brunelleschi.imss.fi.it/itineraries/biography/FrancoisDeNoailles.html.
  8. Voir le récit fait par Pintard, p. 351.
  9. Frédéric Lachèvre, Mélanges, Librairie ancienne Honoré Champion, Paris, 1920, p. 223-224 (lire en ligne)
  10. Conversations.
  11. Garstein.
  12. Une de ses victimes a été Marcus Meibom, théoricien de la musique, mais très piètre musicien lui-même ; c'est ce que rapporte Charles Hutton, « Meibomius (Marcus) », dans Mathematical and philosophical dictionary, 1795, p. 787.
  13. La cure dure quatre semaines, après lesquelles Marie-Éléonore de Brandebourg, mère de la reine, et Magnus Gabriel De la Gardie lui montrent le chemin du retour. Christine écrira toutefois à la Faculté pour le louer et demandera pour lui un bénéfice à la reine de France : Hazon et Bertrand, p. 125.
  14. Jean-Pierre Bilski, Repères sur les constructions culturelles des sociétés et civilisations, Publibook, 2011, p. 392.
  15. Martine Groult, Systématique et iconographie du temps, 2004, p. 185 (ISBN 2862723126 et 9782862723129).
  16. Registres des insinuations du Châtelet de Paris (1671-1673) Y//224 folio 410, Notice n° 3484; date de l'acte : 16 juillet 1672.
  17. Hazon et Bertrand, p. 127.
  18. Voltaire, Extrait d'un journal de la cour de Louis XIV (lire en ligne)
  19. Cf. Simone Mazauric, Savoirs et philosophie à Paris dans la première moitié du XVIIe siècle. Les conférences du Bureau d'adresse de Théophraste Renaudot (1633-1642), Paris, Publ. de la Sorbonne, coll. « Publications de la Sorbonne », , 393 p. (ISBN 2-85944-322-3, lire en ligne), p. 39-54 (aperçu)
  20. François Le Gallois (père de Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest, data Bnf : François Le Gallois (1633-1693))), à ne pas confondre avec l'abbé Jean Gallois (1632-1707) membre de l'Académie française et de l'Académie royale des sciences.
  21. Le Gallois, Conversations de l'Académie de monsieur l'abbé Bourdelot contenant diverses recherches , observations, expériences, & raisonnemens de physique, médecine, Chymie, & mathématique. Le tout recueilly par le Sr Le Gallois ; et le parallèle de la physique d'Aristote et de celle de Mons. Descartes, leu dans ladite Académie , dans Entretien servant de préface où il est traité de l'origine des Académies, de leurs fonctions, & de leur utilité ; avec un Discours particulier des Académies de Paris, p. 55-56, chez Thomas Moette, Paris, 1672 (lire en ligne)
  22. Pour Charles-Henri Boudhors, cette date correspondrait à la reprise de l'Académie fondée par son oncle Jean Bourdelot (voir Pascal : L'« Académie parisienne » et la crise de 1654, p. 233).
  23. data BnF : Théophraste Renaudot, Centuries des questions traitées ès conférences du Bureau d'adresse
  24. René Pintard, Autour de Pascal, L'académie Bourdelot et le problème du vide, dans Mélanges offerts à Daniel Mornet, Paris, 1951
  25. Le Gallois, Conversations de l'Académie Bourdelot, 1672 (lire en ligne)
  26. Le Gallois, Conversations académiques, tirées de l'Académie de M. l'abbé Bourdelot, 1674 (lire en ligne)
  27. Charles-Henri Boudhors, Pascal : L'« Académie parisienne » et la crise de 1654, dans Revue d'histoire littéraire de la France, 1929, p. 231-241 (lire en ligne)
  28. Jean Mesnard, Pascal à l'Académie Le Pailleur, dans Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, 1963, tome 16, no 1, p. 1-10 (lire en ligne)
  29. Simone Mazauric, Le mouvement académique parisien du premier dix-septième siècle et la constitution de la science moderne, dans Association des Historiens Modernistes des Universités, La science à l'époque moderne. Actes du colloque de 1996, Bulletin no 21, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, Paris, 1998 p. 71 (ISBN 2-84050-094-9))
  30. Lettre de Francesco Redi : Sopra alcune opposizioni fatte alle sue osservazioni intorno alle vipere, 1670 Wikisource.
  31. (en) « Bourdelot, Pierre Michon », dans Complete dictionary of scientific biography, 2008
  32. Louis Moreri, Le Grand Dictionnaire historique ou le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane, tome 2, p. 410 (lire en ligne)
  33. Dictionnaire des sciences médicales. Biographie médicale, Volume 2, Charles Louis Fleury Panckoucke éditeur, Paris, 1820, p. 468 (lire en ligne)
  34. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle. Français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, Paris, 1867, tome 11, p. 226 (lire en ligne)
  35. Hugues Du Tems, Le clergé de France, ou tableau historique et chronologique des archevêques, évêques, abbés, abbesses & chefs de chapitres principaux du Royaume, depuis la fa fondation des Églises jusqu'à nos jours, chez Brunet, Paris, 1775, tome 3, p. 64 (lire en ligne)
  36. L'abbé Nicaise et sa correspondance, dans Mémoires de l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon. Section des lettres et arts, 1885, p. 114 (lire en ligne)
  37. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle. Français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, Paris, 1867, tome 2, p. 979 (lire en ligne)
  38. data BnF : Jacques Bonnet (1644-1724)

Annexes

Bibliographie

Liens externes

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