Piastre indochinoise

La piastre indochinoise (ou piastre de commerce) est l'unité monétaire et de compte utilisée dans l'Indochine française entre 1885 et 1952. Elle est divisée en 100 centièmes, chaque centième étant à son tour divisé en 5 sapèques.

La Banque de l'Indochine possédait alors le monopole d'émission des billets libellés en piastres.

Historique

Une « piastre de commerce » de 1885 (argent 900 ‰, 24,215 g).
Billet de 20 piastres ou 20 dollars de 1898 (recto).
Billet de 200 piastres, 1954 (recto).

Avant la transformation par la France de ces territoires en possessions coloniales, diverses unités monétaires étaient utilisées dans ce qui allait devenir la Cochinchine française à partir de 1862, puis l'« Union indo-chinoise » (de 1887 à 1946), et enfin la « Fédération indochinoise », de 1946 à 1954. Les pièces de huit réaux de l'Empire espagnol y circulent largement ; appelées couramment piastres espagnoles en français au XVIIIe siècle, elles finissent estampillées d'une contremarque aux armes des commerçants chinois. Dès 1866, le dollar de Hong Kong, suivi du yen d'argent, sont autant de monnaies fabriquées sur le modèle de la pièce de huit. En revanche, au Cambodge et au Laos, on trouvait l'équivalent du tical, monnaie en circulation dans le Royaume de Siam (l'actuelle Thaïlande).

En 1875, l'administration coloniale française met en circulation le franc cambodgien qui, frappé en Belgique pendant les dix années de son existence, garde la date « 1860 » sur son avers. À la fin des années 1870 sont introduits également en Cochinchine des « cents » comme subdivision de la pièce 8 réaux mexicains, nommée parfois « dollar mexicain », émise dès l'indépendance du Mexique avec le même poids que les monnaies espagnoles ayant déjà circulé dans la région. Sont aussi utilisées mais en moindre quantité les monnaies du Pérou, producteur d'argent métal, ainsi que les émissions de divers pays d'Amérique Centrale et du Sud, liés commercialement avec la zone pacifique[1].

En 1885, deux ans après l'incorporation de l'Annam et du Tonkin dans l'Empire colonial français, la « piastre de commerce » est fabriquée par la Monnaie de Paris, avec un avers conçu par Jean-Auguste Barre, puis mise en circulation. Son titrage en argent est de 900 millièmes, le même que les autres modules d'argent circulant par ailleurs. Son poids est de 27,215 g. Poids et titrage sont indiqués sur la pièce, comme il est d'usage par exemple sur le peso mexicain. Lancé en 1873, le trade dollar américain, pesant 27,22 g, correspond à 0,5 milligramme près à la piastre indochinoise. En 1895, le poids est abaissé à 27 g d'argent à 900 millièmes. Le cours se rapproche du Straits dollar, la monnaie des Établissements des détroits, pesant 26,95 g.

La piastre indochinoise (pièces divisionnaires et billets de banque) circulait également sur les territoires français situés dans le Pacifique (comme la Nouvelle-Calédonie et Tahiti) à partir des années 1880, circulation rendue légale à partir de 1903.

La piastre est restée calée sur l'étalon-argent jusqu'en 1920, en dépit de la hausse du prix de l'argent même après la Première Guerre mondiale, puis a été rattachée au franc français à un taux variable afin de permettre à la piastre de s'aligner sur l'étalon-or. La norme d'argent a été cependant restaurée en 1921 et maintenue jusqu'en 1930 — la piastre de commerce est frappée régulièrement jusqu'en 1928, la dernière année voit 8,570 millions de pièces sortir des ateliers —, puis, en 1931, la piastre est arrimée sur le franc français à un format équivalant à la pièce de 20 francs Turin mais pas en termes de change (10 francs) ni de valeur métal : la pièce passe en effet de 24,30 à 18 g d'argent pur[2]. Or, entre 1931 et 1938, le franc français est fortement attaqué sur le marché des changes, créant un déséquilibre entre Paris et les colonies de cette partie du monde : de fait, la piastre d'argent n'est plus fabriquée, pour éviter la thésaurisation. L'Indochine française est aussi l'une des dernières régions au monde à abandonner l'étalon-argent, à partir de 1934, à la suite de la crise économique et à la réforme monétaire américaine. La piastre de commerce enregistrait depuis la fin du XIXe siècle une prime par rapport à la pièce française de 5 francs en argent (équivalant à 22,50 g d'argent pur) : à Paris, cet écart de 1,8 g permettait déjà de s'adonner à une sorte de trafic, soi-disant justifié par les distances et le coût de l'opération de change, mais dont la presse judiciaire se fit l'écho[3].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Indochine est occupée par les forces de l'Empire japonais. Le taux de change fixé est fixé à 0,976 piastres pour 1 yen d'argent, permettant à l'occupant d'enregistrer une prime.

Après 1945, le franc Pacifique est instauré mais ne concerne que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Toutefois, pour les autres territoires, en , afin d'éviter de subir les fortes dévaluations du franc français, le taux de change fut bloqué à une piastre pour 17 francs, alors que sa valeur sur les marchés asiatiques était de 10 francs, voire moins. La pièce de 1 piastre devient une simple rondelle de cupro-nickel sans réelle valeur qui ne sera plus frappée après 1947. La différence de change, payée par le Trésor public français, s’élevait à environ 8,50 francs. Pour bénéficier de ce taux avantageux et subventionné, il fallait justifier le transfert et obtenir l’aval de l’Office indochinois des changes (OIC). La situation troublée de l’époque en raison de la guerre d'Indochine ne facilitant pas les contrôles de l’OIC et encore moins les inculpations, un trafic florissant par le biais de fausses exportations, fausses factures ou surfacturations, impliquant Français et Vietnamiens, se mit en place à partir de 1948. Ce trafic que l'on connait aujourd'hui sous le nom de l'affaire des piastres éclate en 1950, éclaboussant un certain nombre de personnalités politiques françaises et indochinoises de haut rang. Des soldats français (y compris des tirailleurs sénégalais et des marocains), ainsi que des combattants du Viet Minh en bénéficièrent également.

En 1953, le président du Conseil René Mayer fixe finalement le taux de la piastre à 10 francs (devenus 10 centimes de nouveau franc en 1958).

En 1954, l'indépendance des États associés formant alors la Fédération indochinoise sonna le glas de l'existence de la piastre. Chacun de ces États mit en circulation sa propre monnaie nationale :

Notes

  1. (en) Chester L. Krause (dir.), World Coins, Iola, Keuse Publications, 1988, page 287.
  2. (en) « French Indo-China » in Chester L. Krause (dir.), World Coins, Iola, Keuse Publications, 1988, page 570.
  3. « Cour de cassation — Monnaies indo-chinoises fabriquées à Paris » in Journal des parquets, Tome 11, Paris, Rousseau, 1896, p. 1-12sur Gallica.

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