Phrase complexe

En grammaire, le terme phrase complexe dénomme une entité syntaxique qui réunit au moins deux phrases simples, établissant entre elles un rapport de coordination ou de subordination. Dans le deuxième cas, l’une devient ce qu’on appelle une « proposition subordonnée »[1],[2].

Dans une hiérarchie des entités syntaxiques (syntagme, phrase simple, phrase complexe), la phrase complexe est la plus étendue. Elle se caractérise par une autonomie syntaxique et d’énonciation, à la différence du syntagme et de la proposition subordonnée[3].

Espèces de phrases complexes

Selon les types de rapports syntaxiques qui s’établissent entre leurs phrases composantes, il y a trois espèces de phrases complexes : celles formées par coordination, celles formées par subordination et mixtes, ces dernières comportant des rapports des deux types[3].

Phrases complexes formées par coordination

Dans ce type de phrase complexe il y a au moins deux phrases simples en rapport syntaxique, sans que l’une dépende de l’autre, appelées dans ce cas « propositions » par certains grammairiens[4] et « sous-phrases » par Grevisse et Goosse 2007. Ce sont deux phrases simples réunies, mais entre lesquelles la fusion n’est pas complète. Par exemple, les phrases simples Pierre se plaint et Jeanne est absente peuvent constituer la phrase complexe par coordination Jeanne est absente et Pierre se plaint[2].

Les rapports de coordination sont de plusieurs sortes, en nombres différents selon les grammairiens. Pour Grevisse et Goosse 2007, par exemples, il y en a sept : copulative (ou cumulative), disjonctive, adversative (ou oppositive), causale, conclusive (ou consécutive), transitive et copulative[5]. Les phrases simples coordonnées par n’importe lequel de ces rapports sont reliées entre elles le plus souvent par une conjonction, ex. Je pense, donc je suis[5]. Plus rarement, surtout les phrases à coordination copulative, sont juxtaposées : Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu[2].

Phrases complexes formées par subordination

Une proposition subordonnée est une proposition enchâssée dans une structure plus large appelée phrase matrice ou proposition principale. En d'autres termes, il existe un lien de dépendance entre subordonnée et principale, la première étant incluse dans la seconde. La subordonnée occupe la place d'un constituant dans la phrase matrice. Ainsi, dans la phrase complexe J'attends que tu viennes, la proposition subordonnée que tu viennes occupe la même place qu'un syntagme nominal complément d'objet direct du verbe attends (on pourrait la remplacer par un syntagme nominal, un nom propre ou un pronom : J'attends ta venue / Pierre).[6]

Un classement possible des subordonnées peut se faire en fonction de leur distribution dans la phrase. On en distingue en général plusieurs types[7] :

Une subordonnée a par ailleurs une fonction syntaxique dans la phrase (sujet, complément d'objet, complément du nom, complément circonstanciel, etc.). Par exemple, dans la phrase Je veux qu'il vienne, la proposition subordonnée a ici la fonction syntaxique de complément d'objet du verbe[8].

Une proposition subordonnée peut contenir un verbe à mode fini (indicatif, subjonctif, conditionnel) mais également un verbe non fini comme un participe (on parlera alors de proposition participiale) ou un infinitif (on parle alors de proposition infinitive)[9] :

La proposition subordonnée peut même être averbale[2] :

L’ennemi dehors, nous respirâmes (proposition appelée « absolue ») ;
Quoique malade, Lucie a voulu nous accompagner.

La subordonnée a parfois un élément corrélatif dans la principale. En français, un tel élément est obligatoire par exemple dans la phrase avec une subordonnée consécutive introduite par que ou par pour que : Il pleut bien trop pour que nous puissions partir faire un pique-nique[11]. Dans une langue comme le hongrois, les corrélatifs sont plus fréquents qu’en français et souvent obligatoires, y compris dans des cas où dans les phrases françaises équivalentes ils ne sont pas possibles, ex. Azt mesélik, hogy Kovács Jenő egyiptomi nagykövet lesz « On raconte que Jenő Kovács sera ambassadeur en Égypte » (littéralement « Cela on raconte, que… »)[12].

Phrases complexes mixtes

Dans de telles phrases il y a des rapports aussi bien de coordination que de subordination. Exemple en roumain : (ro) Știe1| că s-a greșit2| și că nu se poate corecta3| « Il/Elle sait1| qu’une erreur a été faite2| et qu’elle ne peut pas être corrigée3| » (la principale, 1, subordonne les propositions 2 et 3, qui sont coordonnées entre elles). L’organisation d’une telle phrase peut être plus ou moins complexe, la coordination ou la subordination peuvent y avoir des poids égaux ou différents, elle peut avoir plus ou moins de niveaux de subordination, ainsi qu’un ordre des propositions normale ou, au contraire, avec des inversions et des intercalations, en fonction de l’aspect oral ou écrit de la langue, du registre de langue et de la situation de communication[3].

L’ordre des propositions dépend de plusieurs facteurs, y compris de la langue en question. En français, la subordonnée se place le plus souvent après la principale, presque toujours dans le cas de certains types de subordonnées, comme la proposition de conséquence, ex. Il a mangé goulûment, de sorte qu’il a été malade[13]. Dans le cas d’autres types de subordonnées, l’ordre peut être inverse, surtout pour les mettre en relief, ex. Aussi longtemps qu’ils ont eu besoin de nous, ils ont été très serviables[14]. La proposition relative est souvent intercalée dans la principale, étant directement subordonnée à un mot de nature nominale, appelé « antécédent », et placée tout de suite après celui-ci, ex. Les gens qui fument s’exposent à de graves maladies[15].

Incidentes et incises

Dans une phrase il peut y avoir une proposition[16] ou une sous-phrase[17] qui n’a pas de relation syntaxique avec le reste de la phrase. Selon Grevisse et Goosse 2007, cela peut être une sous-phrase incidente (ex. Il est on ne peut plus aimable[18]) ou une sous-phrase incise, qui indique qu’on rapporte les paroles ou les pensées de quelqu’un : – Qu’allons-nous faire, demanda-t-il ? – Rien ! Répondirent-ils[19].

Notes et références

  1. Dubois 2002, p. 102.
  2. Grevisse et Goosse 2007, p. 224.
  3. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 209.
  4. Par exemple Dubois 2002, p. 102).
  5. Grevisse et Goosse 2007, p. 314.
  6. Martin Riegel et. al., Grammaire méthodique du français, Paris, PUF, , p. 472
  7. Martin Riegel et al., Grammaire méthodique du français, Paris, PUF, , chapitres XIII, XIV et XV
  8. Grevisse et Goosse 2007, p. 223.
  9. Olivier Soutet, La syntaxe du français, Paris, PUF (collection "Que sais-je?"), , p. 93
  10. Gérard Moignet, « Existe-t-il en français une proposition infinitive ? », Grammaire générative transformationnelle et psychomécanique du langage, Presses Universitaires de Lille,
  11. Kalmbach 2013, (p. 432).
  12. Szende et Kassai 2007, p. 419.
  13. Grevisse et Goosse 2007, p. 1497.
  14. Kalmbach 2013, p. 747.
  15. Kalmbach 2013, p. 608.
  16. Terme traditionnel, employé par Kalmbach 2013, par exemple (p. 510).
  17. Terme utilisé par Grevisse et Goosse 2007, p. 224).
  18. Grevisse et Goosse 2007, p. 472.
  19. Kalmbach 2013, p. 510.

Bibliographie

  • (ro) Bidu-Vrănceanu, Angela et al., Dicționar general de științe. Științe ale limbii [« Dictionnaire général des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, (ISBN 973-44-0229-3, lire en ligne)
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, (ISBN 0-203-98005-0, lire en ligne [PDF])
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, (lire en ligne)
  • Grevisse, Maurice et Goosse, André, Le bon usage : grammaire française, Bruxelles, De Boeck Université, , 14e éd., 1600 p. (ISBN 978-2-8011-1404-9)
  • Kalmbach, Jean-Michel, La grammaire du français langue étrangère pour étudiants finnophones (version 1.1.4.), Jyväskylä (Finlande), Université de Jyväskylä, (ISBN 978-951-39-4260-1, lire en ligne)
  • Szende, Thomas et Kassai, Georges, Grammaire fondamentale du hongrois, Paris, Langues et mondes – l’Asiathèque, , 573 p. (ISBN 978-2-915255-55-3, lire en ligne [PDF])

Articles connexes

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