Philosophie postmoderne

La philosophie postmoderne désigne un ensemble de discours et de travaux apparus en majorité dans les années 1960, en particulier en France (notamment ceux que les Américains ont rangés sous le nom de « French Theory »[1]). Cette appellation, héritée surtout de la conception qu'une époque avait de sa condition (postmodernité), et popularisée notamment par le philosophe Jean-François Lyotard[2], regroupe des pensées qui développent une forte critique de la tradition et de la rationalité propres à la modernité occidentale, et qui proposent des manières nouvelles de questionner les textes et l'histoire, influencées notamment par le marxisme, la critique kierkegaardienne et nietzschéenne de la rationalité, la phénoménologie de Husserl, la psychanalyse de Freud et de Lacan, le structuralisme de Lévi-Strauss, mais aussi par la linguistique et la critique littéraire[3].

Voir aussi postmodernisme, Postmodernisme (architecture), Littérature postmoderne et postmodernité.

On inclut souvent derrière cette appellation les philosophies de Foucault, de Deleuze et de Derrida[4], mais aussi de Althusser, Castoriadis, Lyotard, Baudrillard, Guattari, Irigaray, Nancy, Lacoue-Labarthe, Julia Kristeva en France ; Feyerabend, Cavell, Rorty, Jameson, Butler, Ronell aux États-Unis ; Vattimo, Perniola, Agamben en Italie ; Kurt Röttgers (de), Sloterdijk en Allemagne ; Žižek en Slovénie[5], et quelques autres, qui ont en commun une posture de critique et de méfiance, de liberté voire de rupture vis-à-vis des traditions idéologiques de la modernité en Occident (humanisme). L'unité de ces pensées, comme le nom sous lequel on les regroupe, soulève toutefois de nombreux désaccords. Ainsi Foucault refusait pour sa part l'appellation « postmoderne », se réclamant plutôt de la modernité[6].

La philosophie postmoderne est parfois confondue à tort avec le postmodernisme en tant que mouvement artistique, surtout dans l'architecture (voir l'article sur le postmodernisme en architecture)[7], qui est un précurseur de cette philosophie[8].

Caractéristiques communes et différences

Naissance et essor

La philosophie postmoderne désigne un ensemble d'études critiques menées entre les années 1950 et les années 1970 voire 1980, qui rejettent en partie les tendances universalistes et rationalistes de la philosophie des temps modernes, ou cherchent à s'en distancer pour mieux les analyser. Elle s'applique à des travaux et à des mouvements qui héritent des grands penseurs du soupçon[9] de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle (Marx[10], Nietzsche[11], Freud[12], puis Heidegger[13]), comme le post-structuralisme, la déconstruction, le multiculturalisme, et une partie de la théorie de la littérature, qui se montrent spécialement sceptiques face au déploiement traditionnel du discours dans la philosophie, la littérature, la politique, les sciences, etc.

Attitude critique et concepts

Les travaux qualifiés de postmodernes rompent en général avec le règne du sujet et de la raison, et les traditions philosophiques et idéologiques européennes héritées du Siècle des Lumières, comme la quête d'un système rationnel universel qu'on trouve dans le kantisme ou l'hégélianisme. C'est dans ce sens que Jacques Derrida s'est proposé[14] de déconstruire ce qu'il appelle le « logocentrisme », c'est-à-dire le primat de la raison sur tout ce qui est « irrationnel », la raison s'arrogeant d'habitude le droit de définir ce qu'est l'« irrationalité » et de la rejeter[15]. Ce logocentrisme se double, toujours selon Derrida, d'un « ethnocentrisme » (primat non seulement de la raison, mais aussi de la raison « occidentale »). Il devient par la suite « phallogocentrisme »[16] : le primat de la raison, du logos, est aussi le primat du masculin.

Les philosophies postmodernes se méfient aussi des dichotomies (opposition binaires) qui dominent la métaphysique et l’humanisme[17] occidentaux, telles que les oppositions entre vrai et faux, corps et esprit, société et individu, liberté et déterminisme, présence et absence, domination et soumission, masculin et féminin[18]. Ces présupposés de la pensée occidentale sont attaqués pour mettre en place une pensée de la nuance, de la différence ou de la subtilité.

Par ailleurs, les philosophes postmodernes (notamment Foucault et Agamben) soulignent l'importance des relations de pouvoir dans la formation du discours d'une époque, et la personnalisation du discours dans la construction de la « vérité » et d'opinions universellement admises.

L'idée d'une philosophie postmoderne a essentiellement pris corps grâce aux États-Unis, en particulier par la lecture d'un ensemble d'auteurs français, dont le corpus d'idées reste identifié sous le terme de « French Theory »[19].

Général

Les premiers philosophes ayant influencé la philosophie postmoderne ont été Jean-François Lyotard[20], Michel Foucault, Gilles Deleuze et Jacques Derrida[4]. Car bien que ceux-ci ne s'en réclament pas, voire rejettent ce courant[21], ils auraient, selon Alex Callinicos, « contribué à créer l’atmosphère intellectuelle dans laquelle celle-ci pouvait s’épanouir »[22].

Si l'on constate que ces philosophes se placent dans des optiques bien différentes, ils partagent toutefois un concept fondamental : les différences (Foucault, Deleuze), la différance (Derrida), le différend (Lyotard). Le concept de différence, pensé différemment par ces auteurs et donc ne remettant pas en cause leurs différences spécifiques, a néanmoins pour noyau commun d'échapper à toute objectivation, de se placer dans l'horizon de la vie et du sens eux-mêmes.[réf. nécessaire]

Gilles Deleuze : les différences

La différence deleuzienne provient essentiellement d'une réflexion à partir de l'éternel retour nietzschéen et de la multiplicité bergsonienne[23]. D'après Philippe Sergeant, « Deleuze avait pensé une "différence irréductible à l'opposition dialectique" »[24]. Dans son Nietzsche et la philosophie (1962), Deleuze tente en effet de jouer Nietzsche contre la dialectique hégélienne, c'est-à-dire de penser une différence qui ne se résorbe jamais dans le logos, la rationalité, le concept ; une différence qui échappe au « travail du négatif », qui est pure positivité et pluralité. A partir de la distinction nietzschéenne entre morale aristocratique et morale des esclaves (Cf. Nietzsche, La Généalogie de la morale) Deleuze distingue en effet la force active (à laquelle correspond la volonté de puissance aristocratique), qui interprète et valorise positivement la vie, qui "affirme sa différence et en jouit", et la force réactive (à laquelle correspond la volonté de puissance des esclaves, des faibles), qui est essentiellement adaptative et négatrice, qui a besoin, comme le dit Nietzsche, d'un "dehors", d'un "hors de soi", et dont le "non constitue l'acte créateur" (Nietzsche, Généalogie de la morale, I, 10) . Or, comme le montre Deleuze, la distinction entre les forces actives et réactives n'est pas quantitative, mais qualitative. Ainsi, selon que l'on se place du point de vue de l'un ou l'autre type de forces, le concept de différence ne prendra pas le même sens. Du point de vue réactif, le "différent" se comprend d'abord par négation d'autre chose que lui-même. Toute la dialectique hégélienne marche ainsi, il n'y a d'affirmation que par "négation de la négation", par différenciation de la différence. La différence, au terme du parcours dialectique, est toujours résorbée dans une unité synthétique qui permet de ramener la diversité à une totalité englobante et rassurante. Du point de vue réactif, la différence n'en est jamais vraiment une, elle n'est qu'une étape, un moment dialectique vers une résolution supérieure. A cette conception de la différence, propre à la pensée occidentale, Deleuze, à travers Nietzsche, oppose une conception active. Du point de vue actif, la différence ne procède pas d'une négation d'autre chose, elle n'est pas inscrite dans un développement dialectique, elle ne se résorbe pas dans une unité synthétique des contraires, mais elle est une pure affirmation, une pure différenciation, qui assume et revendique pleinement sa pluralité.[pas clair]

Jacques Derrida : la différance

La différance derridienne s'inspire de deux sources majeures, qui ne sont pas les mêmes que pour Deleuze, et qui sont même celles auxquelles Deleuze s'oppose le plus : le texte Identité et différence de Heidegger (in Questions I et II, Gallimard, 1990), et la dialectique des opposés chez Hegel et Schelling[25]. En effet, la tentative derridienne de penser le processus de la différance, c'est-à-dire à la fois de la différenciation qui engendre les différences, et du différer au sens temporel, s'inscrit dans la lignée des tentatives de Schelling, de Heidegger, puis de Bataille (concept de souveraineté), pour penser cette différence, cette négativité absolue qui dépasserait le système hégélien, non à l'extérieur de ou contre ce système (en dehors), mais à l'intérieur, en son dedans même. Hegel reste néanmoins, selon Derrida, le modèle de cette tentative et tentation de penser la différence au sein-même du logos philosophique :

« [...] il faut peut-être que la philosophie assume cette équivocité, la pense et se pense en elle, qu’elle accueille la duplicité et la différence dans la spéculation, dans la pureté même du sens philosophique. Nul plus profondément que Hegel ne l’a, nous semble-t-il, tenté. »

 Derrida, L'écriture et la différence, « Violence et métaphysique », Seuil, 1967, p.166

Philippe Sergeant affirme que « Derrida soupçonnait "l'opposition dialectique" comme la "différence irréductible de la pensée" »[24], dans une formule qui s'oppose à l'esprit du deleuzisme, mais qui lui fait pendant, qui lui correspond, comme l'autre côté de la différance : les démarches de Deleuze et Derrida se compléteraient aussi bien qu'elles s'opposent, elles auraient un « but » commun, des objectifs similaires, en partant de prémisses différentes. Toute différence véritable, renvoie à la véritable différence : il n'y aurait finalement de contradiction qu'entre des philosophies qui affirment le Même, qui prétendent atteindre au Vrai ; tandis que des philosophies qui affirment différemment (et non pas de manière identique, à la manière de Hegel), la « différence », se rejoindraient.

Derrida est également l'inventeur de la déconstruction : il pratique la philosophie comme une forme de critique textuelle. Il critique le fait que la philosophie occidentale privilégie le concept de présence et le logos, que manifeste la parole, plutôt que l’absence et la trace, que manifestent l'écriture. Ainsi, Derrida affirme déconstruire le logocentrisme en soutenant, par exemple, que l’idéal occidental du logos présent est miné par l’expression de cet idéal sous la forme de marquage par un auteur absent. Ainsi, pour souligner ce paradoxe, Derrida reformalise la culture humaine comme un réseau disjoint de marquages et d’écrits proliférants dont l’auteur est absent (cf. Glas - 1974).

La déconstruction a pour but principal de dévoiler (et donc aussi de voiler, de cacher à la raison objectivante ce qui ne se laisse pas objectiver) la différance qui ouvre l'espace du sens (et du non-sens) dans tout texte qui prétend à la cohérence et à la réduction au Même – réduction dialectique – des différences, des oppositions conceptuelles.[réf. nécessaire]

Jean-François Lyotard : le différend

Les écrits de Lyotard s’intéressent largement au rôle de la narration dans la culture humaine, et particulièrement à la façon dont ce rôle a changé lorsque nous avons quitté la modernité pour entrer dans une condition « postindustrielle » ou postmoderne. Lyotard soutient que les philosophies modernes légitimaient leurs prétentions à la vérité non sur des bases logiques ou empiriques (comme ils le prétendaient eux-mêmes), mais plutôt sur des histoires acceptées (ou « métanarrations ») à propos de la connaissance et du monde - ce que Wittgenstein appelait des « jeux de langage ». Lyotard soutient aussi que, dans notre condition postmoderne, ces métanarrations ne permettent plus de légitimer ces « prétentions à la vérité ». La question qui se pose est comment faire des jugements quand il n'y a pas de règle de jugement à laquelle on peut faire appel. Il s'agit de l’évidente incapacité des victimes de se faire entendre. Il suggère que, à la suite de l’effondrement des métanarrations modernes, les hommes développent un nouveau jeu de langage, un jeu qui ne revendique pas la vérité absolue mais qui glorifie plutôt un monde de relations perpétuellement changeantes (relations entre les personnes, ainsi qu’entre les personnes et le monde)[26].

Michel Foucault : la singularité de l'épistémè

Foucault approche la philosophie postmoderne dans une optique historique, en se basant sur le structuralisme, mais en même temps il rejette ce dernier en remodelant l’histoire et en déstabilisant les structures philosophiques de la pensée occidentale. Il examine également les processus par lesquels la connaissance est déterminée et modifiée par l’exercice du pouvoir.[réf. nécessaire]

Bien que Derrida et Foucault soient cités comme philosophes postmodernes, chacun a rejeté plusieurs des opinions de l’autre[27]. Comme Lyotard, les deux sont sceptiques vis-à-vis de la vérité absolue ou des prétentions à des vérités universelles. Contrairement à Lyotard, cependant, ils sont (ou semblent) plutôt pessimistes quant aux prétentions libératrices de n’importe quel nouveau jeu de langage. C’est pourquoi certains[Qui ?] les qualifieraient de post-structuralistes plutôt que de postmodernistes[réf. nécessaire].

Philosophie postmoderne et postanalytique

La philosophie postmoderne a aussi été influencée dans une certaine mesure par les critiques de Ludwig Wittgenstein contre la philosophie analytique[28] postérieures au Tractatus logico-philosophicus, ainsi que par les travaux de Thomas Kuhn en philosophie des sciences dans la Structure des révolutions scientifiques, et s'inscrit plus généralement dans un rejet plus ou moins raisonné de ladite philosophie analytique[29].

Richard Rorty

Aux États-Unis, le plus connu des postmodernistes est Richard Rorty. Philosophe analytique au départ, Rorty estime que la conjonction de la critique de la distinction analytique et synthétique par W.V.O. Quine et de la critique du « Mythe du Donné » par Wilfrid Sellars permet d’abandonner la conception de la pensée ou du langage comme miroir d’une réalité ou d’un monde externe. De plus, commentant la critique du dualisme entre schème conceptuel et contenu empirique faite par Donald Davidson, il nous invite à nous demander si nos concepts particuliers sont liés au monde de manière appropriée, ou bien si nous pouvons justifier nos façons de décrire le monde comparativement à d'autres façons de le faire. Il soutient que la vérité ne se trouve pas dans l'adéquation ou la représentation du réel, mais qu'elle appartient à des pratiques sociales, et que le langage est ce qui sert nos intérêts à une période déterminée. Ainsi les langues anciennes sont parfois intraduisibles dans les langues modernes parce qu'elles comprennent un vocabulaire aujourd'hui inutile.

Cultural studies et French Theory

Selon un document déclassifié en 2011 de la Central Intelligence Agency (CIA) américaine, les philosophes postmodernes et structuralistes français ont été surveillés par des espions. Le titre du rapport est France : Defection of the Leftist Intellectuals[30] et affirme que « Ce mouvement, incarné dans les années 1970 par Michel Foucault, Roland Barthes, Jacques Lacan et Louis Althusser, « a fini par repenser et rejeter la tradition marxiste » », d'après la journaliste Violaine Morin. Les autorités américaines s'inquiètent de l'entrée de la pensée de ces auteurs dans leurs universités : en 1985 « apparaissent des départements de black studies, women’s studies, post-colonial studies ». L'historien de la philosophie François Cusset ajoute que la pensée postmoderne et structuraliste est en perte de vitesse en France dans les années 1980, rejette en définitive le marxisme et assiste à la victoire de l'« humanisme antitotalitaire » de Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann. Il dit que « La CIA ne peut que constater que les intellectuels anticommunistes sont en position dominante, et pour une raison simple : il n’y a plus personne en face »[31].

Postmodernisme et post-structuralisme

La philosophie postmoderne est très semblable au post-structuralisme. Considérer les deux comme identiques ou fondamentalement différents dépend généralement de l’implication personnelle vis-à-vis de ces questions. Les personnes opposées au postmodernisme ou au post-structuralisme rassemblent souvent les deux en un. De l’autre côté, les partisans de ces doctrines font des distinctions plus subtiles.[réf. nécessaire]

Jacques Derrida, dans L'écriture et la différence, (notamment l'article « Force et signification »), 1967, part du structuralisme pour mieux le dépasser dans sa propre théorie de l'écriture et de l'invention littéraire.

Le livre Les Mots et les Choses de Michel Foucault a été associé au structuralisme, mais l'auteur lui-même a nié représenter ce courant intellectuel[32].

Critiques de la philosophie postmoderne

La méthode d'écriture employée par certains philosophes postmodernes a été critiquée de manière virulente par les physiciens Alan Sokal et Jean Bricmont. Alan Sokal, contestant l'usage  selon lui abusif ou inapproprié  de termes issus des sciences physiques et mathématiques dans un contexte philosophique ou social, produisit un faux article construit à partir de citations tirées d'ouvrages ou d'articles considérés comme « postmodernes ». Il le soumit à la revue Social Text qui l'accepta. Il révéla la supercherie dans un second article. Cette publication déclencha une controverse connue sous le nom d'« affaire Sokal ». Par la suite, Alan Sokal écrivit avec Jean Bricmont Impostures intellectuelles (1997), dans lequel les deux physiciens développent plus en détail leur critique de la philosophie post-moderne. Ils furent soutenus dans leur démarche par d'autres intellectuels et notamment par le linguiste Noam Chomsky et le philosophe Jacques Bouveresse.

Les philosophes mis en cause contestèrent la méthode et soutinrent que la condition de physicien d'Alan Sokal ne lui permettait pas d'appréhender la portée symbolique ou métaphorique de l'usage de termes physiques ou mathématiques. Pourtant, les deux auteurs avaient déjà envisagé cette question dans l'introduction de leur livre, et argumenté que l'emploi métaphorique de notions scientifiques complexes, à destination d'un public non spécialisé, n'apportait rien à un texte ou à sa compréhension. Ils affirmèrent que de telles métaphores ne pouvaient servir qu'à intimider le lecteur et/ou à cacher une affirmation banale ou insensée derrière une impression d'érudition et un vocabulaire savant.

Bruno Latour publie en 1991 Nous n'avons jamais été modernes : Essai d'anthropologie symétrique en s'inscrivant dans une tradition philosophique qu'il qualifie de « non-moderne », par opposition aux modernes et aux postmodernes.

Des physiciens[Lesquels ?] ont également critiqué Sokal et Bricmont en leur rappelant que c'était du champ même de la physique qu'étaient nées certaines des conceptions les plus relativistes ou paradoxales sur le monde, qui ont ensuite été relayées par le postmodernisme. Ainsi, un recueil de citations des fondateurs de la physique moderne, dont Niels Bohr avec son principe de complémentarité et d'autres membres de l'école de Copenhague, a montré que la crise de l'interprétation du monde exprimée dans le postmodernisme n'était pas la création de quelques non-spécialistes mais le reflet d'un véritable désarroi quant à l'interprétation de la réalité.

Notes et références

  1. Voir François Cusset, French theory. Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis, La Découverte, Paris, 2003. Voir aussi l'article La French theory, métisse transatlantique, Sciences Humaines, N° Spécial N° 3 - Mai -Juin 2005, Foucault, Derrida, Deleuze : Pensées.
  2. La réception du mot doit beaucoup, en France, au livre de Jean-François Lyotard : La condition postmoderne (1979).
  3. Les théoriciens structuralistes de la littérature et du langage Roland Barthes, Gérard Genette et Roman Jakobson ont influencé les philosophes postmodernes. Mais aussi les dissidents du surréalisme Georges Bataille (cf. par exemple Jacques Derrida, L'écriture et la différence, « De l'économie restreinte à l'économie générale », 1967 ; Mario Perniola, L'Instant éternel. Bataille et la pensée de la marginalité, Méridiens, 1982) ; et Antonin Artaud (cf. Jacques Derrida, Artaud le Moma, Galilée, 2002 ; Jean-Philippe Cazier, « Antonin Artaud », in Aux sources de la pensée de Gilles Deleuze, Sils Maria/Vrin, 2005), ainsi que les théoriciens de la littérature Walter Benjamin et Maurice Blanchot.
  4. Cf. Gilbert Hottois, De la Renaissance à la Postmodernité : Une histoire de la philosophie moderne et contemporaine, ch. 20 : « Trois philosophes français de la différence », éd. De Boeck Université, 2001, p. 422. « Foucault, Deleuze et Derrida ont explicitement pris leurs distances par rapport au structuralisme. L'évolution de Deleuze et de Derrida a progressivement accentué les caractères post-modernes de leur œuvre. »
  5. Avec un bémol cependant : Žižek critique les cultural studies et se réclame plutôt du modernisme. Voir le chapitre cinq de Vous avez dit totalitarisme ?.
  6. Voir dans l'article Michel Foucault, section « Philosophie », la sous-section « Affiliation philosophique ».
  7. Charles Jencks, Le langage de l'architecture postmoderne, 1977, Academie editions, London. Voir Post-modernisme (homonymie) .[réf. incomplète]
  8. « Comme on le sait, c’est l’architecture qui a offert à la philosophie le concept de postmodernité. Sa vocation au sein du champ architectural était, au départ du moins, tout à fait claire. Il avait l’ambition de sonner le glas de la modernité architecturale, et, en particulier, de ses dérives fonctionnalistes. Ce diagnostic a, je crois, été dramatisé avec le plus de force au début de l’ouvrage de Ch. Jencks Le langage de l’architecture post-moderne (paru en 1979) […] Toutefois, très rapidement, cette profession de foi a excédé le champ de l’analyse architecturale de sorte que la revendication postmoderniste s’est très vite présentée comme une critique radicale de la modernité, de ses soubassements et de ses présupposés, répondant d’ailleurs ainsi à l’ambition englobante assumée par le modernisme architectural dans ses diverses formes (Le Corbusier, Bauhaus,...). » Jean-Louis GENARD, « Modernité et post-modernité en architecture », Réseaux, revue interdisciplinaire de philosophie morale et politique, n° 88-89-90, 2000, " Modernité et postmodernité ", p. 95-110;
  9. L'expression « maîtres du soupçon » est appliquée aux trois penseurs : Karl Marx, Friedrich Nietzsche, Sigmund Freud, par Paul Ricœur, dans De l'interprétation. Essai sur Sigmund Freud, Seuil, 1965. En outre, dans La métaphore vive (1975 : p.363), Ricœur rattache Martin Heidegger et Jacques Derrida à l'herméneutique du soupçon.
  10. Les principaux héritiers postmodernes de Karl Marx, en marge du marxisme traditionnel, sont Louis Althusser (Pour Marx, 1965), Jacques Derrida (Spectres de Marx, 1993), Gilles Deleuze et Félix Guattari (Capitalisme et schizophrénie, tome 1 1972, tome 2 1980), Slavoj Žižek (Le spectre rôde toujours, 2002).
  11. Notamment La généalogie de la morale (1887), analysée par exemple par Michel Foucault dans Nietzsche, la généalogie, l'histoire (1971), et le faux La Volonté de puissance, qui était alors considéré comme authentique : cf. par exemple Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie (1962).
  12. Le psychanalyste Jacques Lacan, influencé par Freud, est lui-même inclus la plupart du temps dans ce que les Américains appellent « French Theory ». Son influence sur Jacques Derrida, Félix Guattari notamment, est manifeste. Cf. René Major, Lacan avec Derrida, éd. Champs-Flammarion, 2001, et, du même auteur, l'article « Derrida, lecteur de Freud et de Lacan », Études françaises, vol. 38, n° 1-2, 2002, p. 165-178.
  13. Heidegger inspira notamment la critique de l'hégémonie technologique, point commun aux différents philosophes postmodernes. Cf. Martin Heidegger, La question de la technique, 1954, dans Essais et conférences, Paris, 1958 : l'ensemble du monde est devenu l'objet d'une rationalisation technologique, appelée « arraisonnement » (das Gestell, traduit à présent par « dispositif » : cf. aussi Giorgio Agamben, Qu'est-ce qu'un dispositif ?, Rivages poche, 2007).
  14. Dans De la grammatologie, 1967.
  15. Par exemple dans l'écriture (cf. L'écriture et la différence, 1967).
  16. Voir La carte postale, 1980 : le primat du logos devient primat du phallos (le masculin), et c'est le sexisme et le patriarcat qui s'instaurent alors sous toutes leurs formes (sociale, littéraire, psychanalytique).
  17. Pour une critique radicale et postmoderne de l'humanisme, cf. Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain, 1999. Sloterdijk s'inspire notamment de Nietzsche, Bachelard, Heidegger, Foucault et Derrida.
  18. Cf. par exemple Jacques Derrida, De la grammatologie, 1967.
  19. Voir l'article La French theory, métisse transatlantique, Sciences Humaines, N° Spécial N° 3 - Mai -Juin 2005, Foucault, Derrida, Deleuze : Pensées.
  20. D'après Christian Delacampagne (Le Monde, 24 février 1984) : « [Lyotard] propose de dépasser le platonisme – considéré comme l’essence de toute métaphysique – en direction d’une pensée résolument plurielle, fragmentée, capable de se remettre perpétuellement en cause. Une pensée post-moderne ? Sans doute, si l’on entend par « post-moderne » l’attitude difficile qui consiste à la fois à refuser le confort des systèmes ronronnants (marxisme etc.) et à ne pas désespérer de l’avenir. »
  21. Ainsi, bien que son œuvre soit parfois qualifiée de postmoderniste, Michel Foucault n'acceptait pas pour sa part cette appellation, se réclamant plutôt de la modernité (cf. Philosophie de Foucault).
  22. Alex Callinicos dans « Postmodernisme : un diagnostic critique ».
  23. Le manifeste deleuzien de la différence est l'ouvrage Différence et répétition, PUF, 1968. Cf. aussi Nietzsche et la philosophie, PUF, 1962, et Le bergsonisme, PUF, 1966.
  24. Deleuze, Derrida : Du danger de penser, éd. La différence, 2009.
  25. Le manifeste derridien de la différence est L'écriture et la différence, Seuil, 1967. C'est dans ce livre (à la fin de « Cogito et histoire de la folie ») que le mot différance apparaît pour la première fois. Derrida reviendra précisément sur ce concept dans la conférence introductive à Marges – de la philosophie (Minuit, 1972), intitulée simplement La différance. Le concept de trace, quant à lui, sera longuement développé dans De la grammatologie (Minuit, 1967).
  26. Cf. Le différend, Minuit, 1984.
  27. Sur le débat entre Michel Foucault et Jacques Derrida, à propos du cartésianisme principalement, cf. les conférences de Pierre Macherey : Querelles cartésiennes II et Querelles cartésiennes III.
  28. Des Cahier bleu et Cahier brun aux Investigations philosophiques. Ce « wittgensteinisme » entraîna la formation de la philosophie « postanalytique », dont les principaux représentants sont Paul Feyerabend, Stanley Cavell, Richard Rorty. La philosophie postanalytique s'inspire également de James, Nietzsche, Heidegger, Austin et Derrida.
  29. Cf. par exemple Deleuze à propos de Wittgenstein dans L'Abécédaire, 1988, ou Derrida à propos de Searle dans Limited Inc., 1989, ou Castoriadis à propos de Popper dans Ce qui fait la Grèce 1. D'Homère à Héraclite, ou encore Slavoj Žižek à propos de Popper et de la philosophie analytique en général dans l'Essai sur Schelling, 1996.
  30. (en) « France : Defection of the Leftist Intellectuals », sur www.cia.gov.fr, (consulté le ).
  31. Violaine Morin, « Quand la CIA s’intéressait de près à Foucault, Derrida et Althusser », sur Le Monde - Big Browser, (consulté le ).
  32. Cf. l'article de Thomas Ferenczi, « Rétrolecture 1966 : Les Mots et les Choses », paru le 30 juillet 2008 dans Le Monde. « En pleine vogue du structuralisme, l'ouvrage de Foucault, publié en 1966, la même année que les Écrits de Lacan ou Critique et vérité de Barthes, est perçu par nombre de lecteurs comme un des principaux manifestes du mouvement, même si l'auteur se défend d'y appartenir. »

Bibliographie

Auteurs et œuvres

  • Philosophie « continentale » postmoderne :
  • Philosophie analytique postmoderne ou philosophie « postanalytique » :
    • Paul Feyerabend (1924-1994), Contre la méthode (1975) et Adieu la raison (1987)
    • Richard Rorty (1931-2007), Philosophy and the Mirror of Nature (1979) et Contingency, Irony, and Solidarity (1989)
    • Donald Davidson, 1986, "A Coherence Theory of Truth and Knowledge", Truth And Interpretation, Perspectives on the Philosophy of Donald Davidson, éd. Ernest Lepore, Basil Blackwell, Oxford, afterwords. [à vérifier]
    • Mario Kopić, Sekstant, Belgrade, 2010.
    • Gilbert Hottois (éd.), Richard Rorty. Ambiguïtés et limites du postmodernisme, Vrin, 1994.

Critiques

Voir aussi

Articles connexes

Œuvres marquantes

Notions générales

Influences :

Autres

Liens externes

  • Portail de la philosophie
  • Portail de la philosophie analytique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.