Peuplement de l'Asie du Sud-Est

Les hypothèses et les découvertes sur le peuplement de l'Asie du Sud-Est concernent les vagues migratoires préhistoriques puis historiques qui aboutissent à la répartition actuelle des populations du Sud-Est asiatique.

Migrations humaines et ADN mitochondrial (datations en milliers d'années avant le présent) :

  • Africain: L, L1, L2, L3, L3
  • Méditerranée: I, N
  • Europe du Sud et Ouest: J, K, X
  • Europe générale: H, V, X
  • Europe du Nord: T, U, X
  • Asie: A, B, C, D, E, F, G
  • Australie : M
  • Amérique: A, B, C, D, et X

Les premiers habitants

Beaucoup de choses restent inconnues concernant l'histoire de la population des premiers humains modernes en Asie du Sud-Est, où les archives archéologiques sont rares et le climat tropical est hostile à la préservation de l'ADN humain ancien[1].

On pense que les premiers habitants de l'Asie du Sud-Est sont les ancêtres de populations qu'on désigne sous le nom général de Négritos et qui regroupent notamment :

Ce nom, qui signifie petit Noir en espagnol, a été donné par les premiers visiteurs espagnols des Philippines, qui pensaient que ces populations venaient d'Afrique en raison de leur apparence physique et de leur petite taille.

Par ailleurs, on a retrouvé, dans la Grande Grotte de Niah au Sarawak un crâne humain qu'on a daté de 40 000 ans. Toutefois, le lien avec les ancêtres des Négritos n'a pas été établi.

On a tenté de reconstituer les grandes migrations humaines de la préhistoire à partir de l'ADN mitochondrial.

Des études génétiques réalisées en 2018 à partir de dents retrouvées dans la grotte de Lida Ajer à l'Ouest de Sumatra ont montré que des hommes anatomiquement modernes étaient présents à Sumatra entre - 73 000 et - 63 000 ans[2].

Les deux génomes humains pré-néolithiques qui ont été séquencés dans cette région (Laos vers 7800 AP et Malaisie vers 4300 AP) montrent la plus grande similitude avec les peuples andamanais modernes[1].

En 2021, l'ADN d'un humain moderne enterré il y a 7 000 ans sur la partie sud de l'île de Sulawesi montre qu'une grande partie de son code génétique correspondait à celui des Papouasie-Nouvelle-Guinée et des Aborigènes d'Australie d'aujourd'hui. Il appartenait à une société de chasseurs-cueilleurs et a été enterré sur le site aujourd'hui appelé Leang Panninge (« la grotte aux chauves-souris »). Cet individu était apparenté aux premiers humains modernes qui se sont propagés en Océanie depuis l'Eurasie il y a environ 50 000 ans. Comme le génome des habitants autochtones de Nouvelle-Guinée et d'Australie, le génome de l'individu Leang Panninge contient des traces d'ADN de Dénisovien, ce qui laisse présumer que les Dénisoviens occupaient une zone géographique beaucoup plus vaste que supposée jusqu'ici. Plus étonnant, l'individu Leang Panninge porte également une grande partie de son génome d'une ancienne population asiatique[3]. Il représente une lignée humaine divergente jusque-là inconnue qui a bifurqué au moment de la scission entre les groupes papous et indigènes australiens il y a environ 37 000 ans[1].

La préhistoire de l'Indonésie (en) connaît des peuplements successifs d'humains archaïques puis d'australoïdes auxquels se superposent, au Néolithique, plusieurs vagues de populations austro-asiatiques et austronésiennes.

Les peuples de langues papoues

Il y a environ 21 000 ans, la Nouvelle-Guinée était reliée à l'Australie, formant la masse continentale appelée "Sahul". L'Australie avait été peuplée il y a au moins 40 000 ans par des migrations depuis l'actuel continent asiatique. Ces migrations ont forcément eu lieu par voie maritime.

Des migrations avaient également pu avoir eu lieu directement de l'Asie vers la Nouvelle-Guinée et les îles Salomon.

Répartition des langues austro-asiatiques.

Les peuples de langues austronésiennes

Dès 1706, le philologue hollandais Hadrian Reland avait souligné les ressemblances entre le malais, le malgache et la langue parlée à Futuna dans le Pacifique (à partir du glossaire recueilli en 1616 par le navigateur Jacob Le Maire à Futuna). L'existence d'une famille linguistique qui s'étend de Madagascar à l'ouest aux îles du Pacifique à l'est est définitivement établie par Lorenzo Hervás y Panduro en 1784 (Catalogo delle Lingue). En 1834, cette famille, étendue à l'île de Pâques, est baptisée "malayo-polynésienne" par le linguiste Wilhelm von Humboldt (frère du navigateur Alexander von Humboldt). On appelle désormais cette famille, langues austronésiennes.

Ces langues sont parlées à Taïwan, en Asie du Sud-Est, dans l'océan Pacifique et à Madagascar. Leur foyer d'origine semble être Taïwan. Les raisons qui ont poussé les ancêtres des Austronésiens à quitter le continent pour Taïwan et plus tard, partir de cette dernière pour les Philippines et au-delà, les îles du Pacifique d'une part et l'archipel indonésien d'autre part, sont encore objet de spéculation. L'archéologie est insuffisante pour reconstituer ces migrations préhistoriques vers les Philippines. Il faut alors faire appel à la linguistique. À partir de la répartition actuelle des langues austronésiennes et en étudiant ce qu'on appelle leur genèse phylétique, on est prévenu à reconstituer un itinéraire des migrations de ces groupes.

Il y a 8 000 ans ont lieu des "révolutions néolithiques" dans le centre et le sud de la Chine actuelle, dans les bassins des fleuves Yang-tsé et fleuve Jaune. Les hommes commencent à cultiver le millet et le riz. Les ancêtres des Austronésiens habitaient vraisemblablement les plaines du littoral de la Chine du Sud. Les ancêtres des Tai-kadai, des Austroasiatiques et des Sino-tibétains habitaient plutôt les collines et piémonts. Des linguistes essaient de reconstituer une proto-langue commune austronésienne-tai kadai sur la base d'un vocabulaire commun entre les deux familles, notamment dans les domaines de l'agriculture et de l'élevage. On a en particulier identifié des mots communs pour le champ inondé, le riz, le taro, la canne à sucre, le bétail, le buffle, la hache, la pirogue[4].

Il y a 5 000 ans, des habitants du littoral commencent à traverser le détroit pour s'installer à Taïwan. Il y a environ 4 000 ans, des migrations ont lieu de Taïwan vers les Philippines. Les priorités économiques des Austronésiens semblent avoir été l'occupation de zones côtières. Après avoir migré vers les Philippines il y a 4 000 ans, une séparation s'opère. Des groupes commencent à migrer vers Sulawesi et Timor. Puis, ils se dispersent dans l'archipel indonésien. Il y a 3 500 ans, un autre mouvement mène des Philippines vers la Nouvelle-Guinée et au-delà, vers les îles du Pacifique. Les Austronésiens sont sans doute les premiers grands navigateurs de l'histoire de l'humanité.

Un trait marquant des populations austronésiennes est leur capacité à s'adapter à des contextes écologiques contrastés. H. Forestier et D. Guillaud émettent un postulat, à savoir que « la différenciation est une caractéristique intrinsèque du groupe des Austronésiens »[5].

Les conditions locales semblent plus favorable à la culture du millet. Les Austronésiens "oublient" donc la culture du riz qu'ils pratiquaient sur le littoral chinois. Au début de l'ère chrétienne, on connaît en Inde l'île de Java sous le nom de Yavadvipa en raison de son millet (yava). Un "retour" au riz sera possible à travers une redomestication de cette plante.

Répartition actuelle des langues austronésiennes.

L'étude de l'organisation socio-politique de différentes populations austronésiennes actuelles révèle une structuration autour de lignages descendant d'un personnage fondateur qui forment des clans liés à un territoire et produisent une superstructure héréditaire à partir d'un chef, le datu(k). On constate un lien étroit entre organisation sociale et expression spatiale.

Cette dispersion dans l'espace forme un singulier contraste avec ce qu'on sait des anciennes sociétés sédentaires paysannes de la Chine méridionale, avec leurs systèmes sociaux complexes. Il semble qu'une constante qui régule le fonctionnement des sociétés austronésiennes soit l'opposition entre l'aîné du clan, qui détient la légitimité du pouvoir et garantit la perpétuation de l'ordre social, et le cadet, qui se retrouve dans une position de contestataire de l'autorité. Les mythes de fondation font souvent référence à un conflit aîné-cadet. Les noms des héros fondateurs comportent souvent le mot bungsu ou mweawu, qui signifie cadet. Une explication de cette propension des Austronésiens à migrer toujours plus loin pourrait donc s'expliquer par la décision d'un groupe de suivre un cadet entré en conflit avec son aîné chef de clan.

Toutefois, la biologie ne semble pas indiquer que des migrations humaines aient systématiquement accompagné ces diffusions culturelles. Une étude[6] sur la variation du chromosome Y menée par un groupe de biologistes des États-Unis, d'Italie, du Royaume-Uni et de Taïwan conclut à un héritage paternel dans la majorité des habitants d'Indonésie et d'Océanie provenant de populations établies dans la région depuis le Pléistocène (c'est-à-dire il y a plus de 10 000 ans avant le présent, donc antérieurement aux migrations austronésiennes). Cette étude montre par ailleurs un apport génétique chez les Indonésiens en provenance du nord (Philippines et Taïwan) associé à des populations d'agriculteurs, donc datant du Néolithique. Selon cette étude, tout se passe comme si les habitants de l'Océanie avaient adopté au Néolithique la langue et les techniques de populations originaires des Philippines sans que cela se traduise par l'établissement de celles-ci dans la région. En revanche, des populations venues du nord se seraient établies en Indonésie, sans doute moins densément peuplée au Néolithique.

Répartition des langues sino-tibétaines.
Répartition des langues taï-kadaï

Les peuples de langues taï-kadaï

Ces peuples, vivant principalement en Thaïlande et dans les hautes terres de Chine du Sud, de Birmanie, du Laos et du Vietnam, semblent une fusion d'éléments austronésiens et sino-tibétains.

Les peuples de langues sino-tibétaines

Ces peuples vivent principalement en Chine et en Birmanie. La préhistoire de la Birmanie (en) remonte au Paléolithique supérieur. Les migrations anciennes en Birmanie (en) amènent les Môns, de langue austro-asiatique, probablement venus de l'Inde, et les Birmans et Yi, venus de Chine et appartenant au groupe sino-tibétain.

La diaspora chinoise d'Asie du Sud-Est est d'implantation plus récente et ne prend de l'ampleur qu'au XIXe siècle.

Références

  1. (en) Selina Carlhoff, Akin Duli, Kathrin Nägele et al., Genome of a middle Holocene hunter-gatherer from Wallacea, Nature volume 596, pages 543–547, 2021, doi.org/10.1038/s41586-021-03823-6
  2. (en) K. E. Westaway, J. Louys, R. Due Awe, M. J. Morwood, G. J. Price, J.-x. Zhao, M. Aubert, R. Joannes-Boyau, T. M. Smith, M. M. Skinner, T. Compton, R. M. Bailey, G. D. van den Bergh, J. de Vos, A. W. G. Pike, C. Stringer, E. W. Saptomo, Y. Rizal, J. Zaim, W. D. Santoso, A. Trihascaryo, L. Kinsley & B. Sulistyanto, An early modern human presence in Sumatra 73,000–63,000 years ago, nature.com, 548, pages 322–325, 17 août 2017
  3. (en) Oldest Genome from Wallacea Shows Previously Unknown Ancient Human Relations, shh.mpg.de, 25 août 2021
  4. Laurent Sagart, The Peopling of East Asia : Putting Together Archaeology, Linguistics and Genetics, 2005
  5. Hubert Forestier et Dominique Guillaud, "Des Austronésiens en Asie-Pacifique : continuité et rupture sur le chemin des migrations anciennes", Aséame, 16, décembre 2005, p. 11-40
  6. Cristian Capelli et autres, « A predominantly indigenous paternal heritage for the Austronesian-speaking peoples of insular Southeast Asia and Oceania » [PDF], American Journal of Human Genetics, 68, 2001

Complément bibliographique

Voir aussi

Articles connexes

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