Perception de l'environnement (intelligence économique)

La perception de l'environnement est, pour une organisation tout comme pour un individu, l'aptitude à bien comprendre son environnement, afin d'y agir en connaissance de cause. Elle comprend la veille, au sens le plus large du terme, mais elle va au-delà, car elle intègre les processus permettant une bonne assimilation des informations obtenues par la veille. Dans une perspective d'intelligence économique, la perception de l'environnement se doit d'être globale et anticipatrice.

La perception de l'environnement est identifiée par l'Association française pour le développement de l'intelligence économique (AFDIE) comme l'un des 11 facteurs d'intelligence économique[1].

Faculté propre aux êtres vivants

Pour un être vivant, la perception de l'environnement est traduite par l'activité réalisée. L'évolution de chaque espèce dispose l'individu à une perception spécifique de l'environnement. Chez les animaux supérieurs, les sens, les habiletés et les enseignements servent à élaborer une perception de l'environnement.

Pour une personne physique, la perception de l'environnement correspond aux dispositions de l'individu principalement. Il est à noter que la culture et les valeurs de l'individu ou de la société correspondante peuvent influencer la perception de l'environnement local et global. Les apprentissages, les connaissances et l'état de conscience sont donc aussi des facteurs qui peuvent altérer, limiter ou orienter la perception de l'environnement.

Pour la personne morale, une entreprise par exemple, la perception de l'environnement est un processus qui permet d'acquérir une compréhension du contexte global et local pour l'entreprise. Pour une entreprise existante, l'audit environnemental est un outil d'intégration, de valorisation, de développement et d'application dans l'emprise physique, sur les milieux et dans son domaine d'activité.

Critères de perception de l'environnement du modèle de l'AFDIE

Le modèle d'intelligence économique de l'Association française pour le développement de l'intelligence économique (AFDIE) distingue, dans les facteurs d'intelligence économique, sept facteurs d'action et quatre facteurs de résultats. La perception de l'environnement est l'un des facteurs d'action.

C'est par ce facteur que les entreprises et les organisations analysent le contexte général, via les attentes des parties prenantes par exemple.

Comme tous les facteurs, la perception de l'environnement est décrite dans le modèle de l'AFDIE selon plusieurs critères. Nous les présentons ici dans l'ordre chronologique de leur apparition dans le cycle de l'intelligence économique.

Élargir l'éventail des veilles spécifiques

L'environnement s'est considérablement complexifié depuis les années 1990. Le modèle de l'Association française pour le développement de l'intelligence économique (AFDIE) recommande de ne pas se limiter à la veille concurrentielle (années 1970), et à la veille technologique (années 1980). En effet, le phénomène de mondialisation et les contraintes de développement durable (risques de tous types, et notamment environnementaux) nécessite d'élargir l'éventail des veilles spécifiques en intégrant les dimensions juridique, environnementale, sociétale, politique, géopolitique[2].

Dans une perspective de développement durable, Élisabeth Laville, souligne que pour prévenir les risques, une seule alternative s'offre aux entreprises : adopter une démarche proactive et développer des outils de veille permettant d'anticiper les contraintes sociales et environnementales nouvelles[3]. L'entreprise doit s'imprégner d'une culture de développement durable structurée, qui doit intégrer les trois piliers que sont l'écologie, le social et l'économique, supports de cette édification. Ceci implique un changement de culture majeur, car dans la mondialisation, il faut savoir dialoguer collectivement avec d'autres parties prenantes que les partenaires habituels. La prise en compte des enjeux écologiques favorise l'orientation de l'entreprise à long terme.

Selon l'Association des professionnels de l'information et de la documentation (ADBS), mettre en place une veille développement durable nécessite de bien connaître le contexte professionnel, de savoir identifier et qualifier les acteurs clés (acteurs institutionnels, associations professionnelles, associations de normalisation). Acquérir une connaissance précoce de l'environnement se fait de différentes manières, de pouvoir mieux interagir avec les fonctions spécialisées, et les experts du domaine[4].

La veille doit être globale : selon la formule de René Dubos, « il faut penser global et agir local ». On emploie parfois le néologisme « glocal » pour désigner ce type d'attitude.

En 2008, le web invisible (non indexable par les moteurs de recherche généralistes) représentait 70 à 75 % de l'ensemble du Web[5]. Même si le web visible (partie accessible en ligne et indexable par les moteurs de recherche) ne représente qu'une petite partie de l'ensemble, il permet néanmoins d'obtenir une bonne vision globale du contexte. L'encyclopédie Wikipédia en est une bonne illustration.

Identifier les opportunités, les risques et les menaces

Ce critère comprend dans le modèle AFDIE plusieurs sous-critères[6] :

Opportunités

C'est tout ce qui permet de dynamiser le portefeuille de savoirs de l'entreprise. Les opportunités comprennent l'acquisition de nouveaux savoirs, la découverte de nouveaux marchés, le rapprochement avec de nouveaux partenaires. Les opportunités relatives à l'enrichissement des savoirs vont renforcer les capacités d'innovation de l'entreprise. Celles relatives à de nouveaux marchés nécessitent une démarche pragmatique fondée sur l'interprétation de l'information, l'évaluation des spécificités culturelles, la détection des futurs partenaires.

Menaces

Les menaces sont externes. Elles peuvent provenir de situations voulues par des concurrents, ou d'évolutions à plus long terme du marché induites par des contraintes de développement durable[7]. Elles sont liées à la maîtrise de l'information ouverte et fermée (menaces sur les produits, sur les sites d'entreprise, sur les personnes).

Risques

Il existe des risques internes qui consistent en l'obsolescence des connaissances de l'entreprise, et en l'inadaptation au contexte externe.

Acquisition de l'information

Les risques internes se diversifient, avec les problèmes liés à la recherche de l'information.

L'identification des opportunités et des menaces demande de changer certains référents culturels sur l'attitude par rapport aux risques, notamment écologiques et industriels. Certaines mentalités peuvent avoir tendance à entraver la perception des risques : on va alors constater des comportements de type biais cognitif, ou biais culturel. Les aspects culturels sont d'autant plus importants que les risques sociétaux se situent à une échelle internationale (risques géopolitiques, risques d'approvisionnement en matières premières et en énergie, présence de concurrents sur les marchés internationaux, méthodes de lobbying, populations exposées aux risques industriels, risques sanitaires, risques sociaux, risques financiers, risques réglementaires...).

Chaque élément du contexte doit être regardé sous le prisme opportunités / menaces, par rapport à la concurrence mondiale[7].

Intégrer l'analyse de l'environnement dans la formulation de la stratégie

Plusieurs éléments de l'environnement doivent être pris en compte dans la formulation de la stratégie. Ils sont porteurs de risques dans la mesure où ils soumettent l'organisation à des contraintes de plus en plus nombreuses. Parmi ces contraintes, il faut citer le juridique et le social, le respect de l'environnement naturel, des règles particulières d'éthique, la gouvernance d'entreprise et tous les éléments participant du développement durable.

Il existe un risque pour que, faute d'une information suffisante et bien structurée, l'entreprise puisse transgresser des règles qui lui seront opposées au moindre incident[8].

Selon le modèle LCAG, la formulation de la stratégie se fonde les cinq éléments suivants[9] :

  • évaluation externe (identification des opportunités et des menaces, et des facteurs clés de succès) ;
  • évaluation interne (identification des forces et faiblesses de l’entreprise, identification des compétences distinctives par rapport à la concurrence ;
  • création et évaluation de toutes les possibilités d’action (les stratégies) ;
  • éclaircissement des valeurs de l’environnement (responsabilité sociale d’entreprise) et des valeurs managériales (dirigeants) ;
  • choix des manœuvres stratégiques en fonction des ressources et mise en œuvre des stratégies.

Mettre en œuvre le processus du cycle de l'information

Ce critère comporte dans le modèle de l'AFDIE plusieurs sous-critères[8] :

Sous-critère 1

Il s'agit de traduire les besoins de l'entreprise en termes lisibles et adaptés à chaque compétence. Ce sous-critère se décline dans l'ordre scientifique, technique, commercial, ou autre.

Sous-critère 2

La capacité d'inventer des questions nouvelles mesurera l'efficacité du cycle de l'information. Le cycle des questions et des réponses doit concerner le plus grand nombre d'acteurs et traiter de tous les sujets.

Sous-critère 3

Le ratio entre le nombre de questions/réponses et l'effectif de l'entreprise mesurera le degré d'efficacité de l'intelligence collective et son degré de mobilisation.

Enfin, la mise en œuvre du processus du cycle de l'information posera bien évidemment des questions sur la gouvernance des systèmes d'information.

Altération de la perception de l'environnement

Christian Harbulot, directeur de l'École de guerre économique, a mis en évidence dès 2004 que le concept de perception management, mis au point discrètement par le département de la Défense des États-Unis (DoD), constitue pour la France une entrave à une perception efficace de l'environnement, dans la mesure où les stratégies d'influence sur le plan culturel et linguistique, technologique, juridique, réglementaire, fonctionnel (conseil, audit, notation), moral (corruption, droits de l'homme, écologie), ou multimédiatique sont accompagnées de manipulations de l'information[10].

Notes et références

  1. AFDIE 2004, p. 45.
  2. AFDIE 2004, p. 47.
  3. Élisabeth Laville, L'Entreprise verte, Village mondial, page 114.
  4. « Veille sur le développement durable », Association des professionnels de l'information et de la documentation.
  5. Comment le web change le monde : l'alchimie des multitudes, Francis Pisani et Dominique Piotet, éd. Pearson, 2008 (ISBN 978-2-7440-6261-2), p. 188
  6. AFDIE 2004, p. 46.
  7. Les avantages d'une approche marketing consciente des principes de responsabilité sociétale, Revue française du marketing no 200
  8. Les outils classiques de diagnostic stratégique.
  9. Christian Harbulot, « La France sans doctrine de puissance économique », article extrait de l'ouvrage collectif réalisé sous l'égide de l'École de guerre économique, La France a-t-elle une stratégie de puissance économique ?, mars 2004, éditions Lavauzelle, p. 8.

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Besson, Dominique Fonvielle, Michel Fourez, Jean-Pierre Lionnet, Modèle d'intelligence économique, Association française pour le développement de l'intelligence économique, coll. « Économica (collection dirigée par Jean-Louis Levet) », . 
  • Farid Baddache, « Le système nerveux sociétal de l'entreprise », dans Entreprises et ONG face au développement durable : l'innovation par la coopération, L'Harmattan, 2004 (ISBN 2-7475-7547-0), chapitre 1 : « Entreprises : s'appuyer sur les parties prenantes pour détecter des relais de croissance »

Articles connexes

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