Paysage sonore

Un « paysage sonore » est une combinaison de sons qui se forme ou qui apparaît dans un environnement immersif. L’écologie acoustique (en), branche de la sensory history (histoire sensorielle) est l’étude des paysages sonores. La notion de paysage sonore renvoie aussi bien à un environnement sonore naturel, composé de sons tels que des bruits d’animaux ou ceux du vent et de la pluie par exemple, qu’à ceux créés par l’homme à travers la création musicale, la conception sonore et des activités de la vie quotidienne comme une conversation, la réalisation d’un ouvrage ou l’utilisation d’engins mécaniques industriels.

L'expression « paysage sonore » peut également renvoyer à un enregistrement audio ou à une performance sonore destinés à restituer ou donner la sensation de se trouver dans un environnement sonore particulier, par exemple des compositions musicales élaborées à partir de sons extraits d’un environnement réel avec ou sans interprétation musicale[1],[2].

Le paysage sonore est à distinguer de la pollution sonore, qui désigne des perturbations non voulues d'un environnement sonore. Un paysage sonore peut volontairement inclure une telle pollution.

Éléments

Le terme « paysage sonore » (soundscape en anglais) est un néologisme inventé en 1977 par le compositeur et écologiste canadien R. Murray Schafer dans son ouvrage The Tuning of the World (The Soundscape)[3], traduit en français en 1979 sous le titre Le Paysage sonore. Toute l'histoire de notre environnement sonore à travers les âges[4]. Selon cet auteur, un paysage sonore est composé de trois éléments principaux :

  • Les sonorités maîtresses ou toniques
En musique, le terme key désigne la fondamentale, elle n’est pas toujours perceptible par l’auditeur. C’est le son à partir duquel les autres sons seront perçus. Les sonorités toniques ne sont pas toujours conscientisées, mais elles « marquent les tempéraments des personnes qui les vivent » (Schafer). Des exemples de sonorités toniques dans la nature sont le bruit du vent, de l’eau, des forêts, des plaines, des oiseaux, des insectes et, dans les zones urbaines, le bruit de la circulation.
  • Les sons à valeur signalétique ou signaux sonores
Ces sons figurent au premier plan d’un paysage sonore. On les entend consciemment. Ce sont par exemple des signaux d’avertissement tels que le bruit des cloches, des sifflets, des klaxons, des sirènes, etc.
  • Les marqueurs sonores
Le terme désigne un son caractéristique d’un endroit.

Dans son livre Le paysage sonore[5] de 1977, R.M. Schafer écrit :

« Une fois qu’un marqueur sonore a été identifié, il doit être protégé, car les marqueurs sonores forment l’identité acoustique d'une communauté ».

Pauline Oliveros, compositrice de musique électronique d’après guerre, définit le paysage sonore comme étant « toutes les ondes que les mécanismes de l’oreille transmettent à notre cortex auditif »[6].

Les hydrophones contribuent à la surveillance par acoustique passive (PAM en anglais, Passive Acoustic Monitoring). Cette technique hydroacoustique permet l'étude du paysage acoustique sous-marin avec ses trois principales composantes, la géophonie (en) (sons terrestres naturels : vagues, vent, séismes, craquements d'iceberg), la biophonie (en) (sons naturels d'origine biologique : chant des baleines, bruits émis par les poissons, les crustacés) et l'anthropophonie (en) (bruits non naturels émis par l'homme dans le milieu marin : trafic maritime, prospection pétrolière, travaux portuaires)[7].

Les paysages sonores et la musique

Les créations musicales faites à partir de paysages sonores sont souvent classées dans les catégories de musiques électroniques ou de musiques électroacoustiques. Barry Truax (en), pionnier de la synthèse granulaire en temps réel et Luc Ferrari, auteur de « Presque rien, numéro 1 » en 1970, font partie des compositeurs qui manipulent des paysages sonores[8],[2]. Au Japon, les paysages sonores influencent la création de la musique environnementale (kankyō ongaku), développée notamment par Hiroshi Yoshimura.

Certains logiciels de son, comme TAPESTREA, permettent de construire des compositions ou des nouveaux paysages sonores en combinant les éléments de différents enregistrements[9],[10].

Les musiques centrées autour du timbre, comme le chant diphonique des Touvains, sont fréquemment inspirées de paysages sonores. Le timbre d’un paysage sonore s'interprète de la même manière qu'un timbre musical (voir Timbral listening (en)). Ce timbre est imité et représenté avec la voix, ou avec des instruments de musique riches en harmoniques[11].

Les paysages sonores et la santé

Le projet « seeing with sound » a pour ambition de proposer aux non-voyants une vision artificielle grâce à un système d’écholocation fonctionnant au moyen d’un dispositif acoustique relié à une caméra[12].

Les paysages sonores et la pollution sonore

Les débats autour du thème de la pollution sonore s’inspirent de plus en plus de l’approche holistique de l’écologie acoustique pour élaborer des stratégies de gestion du bruit. À la différence de l’acoustique, qui se base sur des analyses en laboratoire et sur les caractéristiques acoustiques propres à chaque véhicule et autres éléments susceptibles d’être à l’origine de pollution sonore, l’étude en termes de paysage sonore permet de partir des grandes lignes pour ensuite s’intéresser aux détails. Dans la lignée de John Cage qui concevait le monde comme une vaste composition, les chercheurs en environnement sonore s’intéressent plus aux interactions entre les individus et les paysages sonores dans leur ensemble qu’à des cas isolés ; ils réfléchissent à comment faire évoluer un environnement de façon globale pour qu’il soit agréable à écouter.

Aménager les espaces verts avec pour objectif de favoriser l’accès à des lieux tranquilles et naturels dans les zones urbaines pourrait par exemple améliorer le bien-être psychologique des personnes qui y vivent[13].

Notes et références

  1. (en) Brandon LaBelle, Background Noise : Perspectives on Sound Art, New York, Continuum International Publishing Group, , 316 p., poche (ISBN 978-0-8264-1845-6, LCCN 2005036728), p. 198, 214
  2. (en) John Paynter, Companion to Contemporary Musical Thought, Londres, Routledge, , 1re éd., 1208 p. (ISBN 978-0-415-07225-0, lire en ligne), p. 374
    « Electroacoustic Music and the Soundscape: The inner and the Outer World, by Barry Traux »
  3. (en) R. Murray Schafer, The Tuning of the World (The Soundscape), Knopf, , 304 p.
  4. Sylvette Gleize, Le Paysage sonore. Toute l'histoire de notre environnement sonore à travers les âges, éditions lean-Claude Lattes, , 304 p.
  5. (en) R.Murray Schafer (trad. de l'anglais), Le paysage sonore : le monde comme musique, Paris, WildProject, , 420 p. (ISBN 978-2-918490-05-0)
  6. (en) Pauline Oliveros, Deep Listening : A Composer's Sound Practice, New York, iUniverse, , 101 p. (ISBN 978-0-595-34365-2, lire en ligne), p. 18
  7. Jean-Claude Ameisen, Sur les épaules de Darwin, Les liens qui libèrent, , p. 121.
  8. (en) Roads, Curtis (2001). p.312, Microsound. Cambridge: MIT Press. (ISBN 0-262-18215-7)
  9. Boodler ambient soundscape generator written in Python
  10. fLOW ambient soundscape generator (Apple Macintosh)
  11. (en) Levin, T., Where Rivers and Mountains Sing, Sound, Music and Nomadism in Tuva and Beyond (Bloomington: Indiana University press, 2006)
  12. Seeing with Sound
  13. Irvine et al (2009), Green space, soundscape and urban sustainability: an interdisciplinary, empirical study. Local Environment, Volume 14, Number 2, February 2009, pp. Indiana University press, 155)

Bibliographie

Ces deux ouvrages ont été intégrés dans celui de 1993, The Soundscape - R. Murray Schafer ; traduction française en 2010 : Le Paysage sonore : La musique du monde, (ISBN 978-2-918490-05-0)
  • (en) 1977 Five village soundscapes (Music of the environment series) - A.R.C. Publications (ISBN 0-88985-005-4)
  • (en) 1978 Handbook for Acoustic Ecology - Barry Truax (en) (ISBN 0-88985-011-9)
  • (en) 1985 Acoustic Communication : Second Edition - Barry Truax & World Soundscape Project ( (ISBN 1-56750-537-6)
  • (en) 1994 Acoustic Communication : Essays on Vroom and Moo, Eds: Jarviluoma, Helmi - Department of Folk Tradition
  • (en) 2002 Acoustic Communication : Discovering the Voice of the Natural World - Bernard L. Krause (ISBN 0-89997-296-9) - book & CD
  • (en) 2003 Acoustic Communication : Landscape architecture in the light of sound - Sonotope Design Strategies, Per Hedfors (Diss.: ISSN 1401-6249 (ISBN 91-576-6425-0) « http://diss-epsilon.slu.se:8080/archive/00000325 »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?) (consulté le ) Swedish University of Agricultural Sciences. Diss. summary: (ISBN 978-3-639-09413-8)
  • (en) 2004 The Auditory Culture Reader (Sensory Formations) - Michael Bull (ISBN 1-85973-618-1)
  • (en) 2006 Acoustic Communication : Questionning Questionnaires and Semantic Scales - Raimbault, Manon, Acta Acustica united with Acustica 92(6), 929–937
  • (en) « Soundscapes / Paesaggi sonori », lo Squaderno, no 10, (ISSN 1973-9141, lire en ligne, consulté le )
  • (de) 2006, « Gebiete, Schichten und Klanglandschaften in den Alpen. Zum Gebrauch einiger historischer Begriffe aus der Musikethnologie », Marcello Sorce Keller, in T. Nussbaumer (ed.), Volksmusik in den Alpen: Interkulturelle Horizonte und Crossovers, Salsbourg, Verlag Mueller-Speiser, 2006, pp. 9-18.
  • (fr) Laurent Hablot et Laurent Vissière, Les paysages sonores du Moyen Âge à la Renaissance, Rennes, PUR, 2015 (http://pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4048).
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