Paysage d'hiver

Paysage d'hiver ou Scène d'hiver est le titre donné à de nombreux tableaux de peintres flamands et néerlandais des XVIe et XVIIe siècles. L'ensemble de ces œuvres compose un genre particulier de la peinture de paysages.

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Abel Grimmer, Hiver, 1607, 33 x 47 cm, Anvers, musée des Beaux-arts.
En la Seine gèle (tableau Patineurs sur la Seine en 1608, École française, Paris, musée Carnavalet)
Hendrick Avercamp, Paysage d'hiver, c. 1610, 78 × 132 cm, Amsterdam, Rijksmuseum.
Esaias van de Velde, 1618, 29 × 50 cm, Munich, Alte Pinakothek.
Anthonie Verstraelen, Paysage d'hiver, c. 1623, 26,2 x 43 cm, La Haye, Mauritshuis.
Jan van Goyen, Hiver, 1625, diamètre 33,4 cm, Rijksmuseum, Amsterdam.
Esaias van de Velde, Paysage d'hiver, 1629, 11,2 x 14,9 cm, Cologne, Wallraf-Richartz Museum.
Aernout van der Neer, Rivière gelée en hiver, c. 1650, 64 × 79 cm, Rijksmuseum, Amsterdam.

Histoire

Dans l'art occidental, le peintre flamand Pieter Brueghel l'Ancien (1525-1569) peut être considéré comme le créateur de la tradition du paysage hivernal, particulièrement développée en Hollande par Hendrick Avercamp (1585-1634) « le meilleur peintre de scènes d'hiver[1] ».

Une large part de ces peintures figurent de nombreux patineurs et joueurs de golf évoluant sur des rivières ou canaux gelés. C'est que, chez les Hollandais, « le sport hivernal était le patinage », explique Paul Zumthor. « Durant les quelques semaines où lacs et canaux étaient gelés, personne ne quittait plus ses patins. Jeunes et vieux, hommes et femmes, prédicants, magistrats, princes, tout le monde vivait sur la glace. On se passionnait, il y avait des champions célèbres », ajoute-t-il, précisant qu'« à La Haye, les jeunes nobles organisaient des courses de traîneaux sur les canaux proches du palais[1] ».

Il est aussi intéressant de constater que cette « mode » correspond à une oscillation climatique connue sous le nom de Petit âge glaciaire (entre 1350 et 1860, avec un climax entre 1565 et 1665)[2].

Dans son ouvrage Weather (1981), William James Burroughs analyse la représentation picturale de l'hiver et constate que la majeure partie des œuvres abordant ce thème ont été produites entre 1565 et 1665, ce qui correspond à un déclin climatique enregistré dans les glaces à partir de 1550. Très peu de représentations hivernales ayant été dénombrées auparavant, il est probable que l'hiver particulièrement rude de 1565 ait inspiré de nombreux artistes. On peut ainsi noter que toutes les peintures de Bruegel l'Ancien où la neige est souvent un élément central ont été réalisées en 1565. Entre 1627 et 1640, la production des Paysages d'hiver s'amoindrit, ce qui correspond à un réchauffement léger des températures mais peut signifier que le thème ait été considérée comme suffisamment traité. Par contre, le déclin final des peintures traitant de l'hiver ne coïncide pas avec une amélioration franche des conditions climatiques : Burroughs avance donc que l'effet de mode a joué.

Peintres flamands et néerlandais de paysages d'hiver

(Ordre chronologique des dates de naissance)

Interprétations

Selon Bernard Lamblin, « le paysage d'Hiver est au XVIIe siècle le paysage hollandais par excellence. Les peintres hollandais ont rencontré peu de concurrence sur ce terrain ». « Reste qu'il est rare », ajoute-t-il, « qu'ils offrent une image de cette saison dépouillée de son cortège d'incidents pittoresques. C'est que la présence de l'homme et de ses jeux se laisse moins facilement oublier dans les scènes hivernales ; c'est aussi que le joug de la tradition flamande y est plus lourd à secouer. L'ombre des paysages allégoriques des « Saisons » et des « Mois » n'a pas totalement cessé de se projeter sur nombre de paysages hivernaux »[4]. On ne peut cependant conclure de ces « survivances » que les peintres hollandais ne se soient pas intéressés à la Nature elle-même : « si l'homme est toujours présent, il ne joue pas le premier rôle ».

Bernard Lamblin développe ainsi une comparaison entre les natures mortes et les paysages hollandais. Le relatif effacement de l'homme que manifeste cette peinture de paysages signifie-t-il qu'elle « cherche à nous faire sentir le caractère fragile de son existence, l'absurdité de son agitation face au devenir éternel de la Nature ? Certainement pas. »[5] La Nature morte hollandaise est « remplie d'allusions à notre finitude »[5]. « Foncièrement anthropocentrique »[6], elle fourmille, à travers la dimension symbolique des objets qu'elle rassemble, chandelles, montres ou lépidoptères, d'« allusions à notre condition temporelle »[7]. Au contraire, « le paysage présente un monde où nous sommes chez nous, une nature qui ne proclame ni n'insinue que notre existence est précaire. Ce serait plutôt l'expression tacite d'un contentement que nous découvrons dans le paysage des Pays-Bas, le sentiment que ce coin d'univers n'est pas grandiose, mais qu'il est le point d'ancrage de notre pouvoir humain. »[5]

Philosophie

À propos de la peinture hollandaise le philosophe Hegel emploie dans son Esthétique l'expression « le dimanche de la vie », qui conviendrait particulièrement à la peinture de Paysages d'hiver.

Alors même que l'art hollandais, écrit-il, « passe des sujets insignifiants et grossiers aux scènes de la vie paysanne, à la nature grossière et vulgaire, ces scènes sont tellement pénétrées de naïve gaieté et de joie spontanée que ce sont cette gaieté et cette joie qui semblent constituer le vrai contenu, et non la grossièreté et la vulgarité des scènes. (...) Le moment idéal réside justement dans cette licence exempte de soucis : c'est le dimanche de la vie, qui nivelle tout et éloigne tout ce qui est mauvais ; des hommes doués d'une aussi bonne humeur ne peuvent être foncièrement mauvais ou vils »[8].

Postérité de ce thème

Francesco Foschi, Paysage hivernal dans les Apennins avec une grotte, 48 x 62 cm, Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza

Au XVIIIe siècle le peintre italien Francesco Foschi (1710-1780 ou 90) est célèbre pour ses nombreux paysages d'hiver, de même, le dernier représentant de la dynastie des peintres van Loo : Jules-César-Denis van Loo (1743-1821). Charles Beschey (Anvers, 1706-1776) peint un Paysage d'hiver animé de personnages et patineurs, Heinrich Wilhelm Schweickardt (1746-1797) peint un Paysage d'hiver avec patineurs, Andreas Schelfhout (1787-1870) des Patineurs et on attribue à Louis-Claude Malbranche (1790-1838) plusieurs Paysage d'hiver.

Au XIXe siècle Frederik M. Kruseman peint en 1852 un paysage d'hiver.

Hendrick Avercamp, Scène d'hiver avec patineurs près d'un château, vers 1610, 36 c 71 cm, La Haye, Mauritshuis.

Au XXe siècle il serait encore possible de trouver une lointaine postérité du Paysage d'hiver flamand et néerlandais dans plusieurs peintures non figuratives de Manessier. Bernard Ceysson met ainsi en rapport les « paysages hollandais » qu'il réalise en 1955 et 1956, après un voyage en Hollande en , avec l'œuvre d'Avercamp. Fête en Zeeland (1955) lui semble « devoir être mis en parallèle avec L'Hiver d'Hendrick Avercamp ». « On sait », ajoute-t-il, « que Manessier a peint, en hommage à cet artiste, une petite étude », datée 1969, « reprenant dans sa forme en tondo celle de Scène d'hiver avec patineurs près d'un château » (Mauritshuis, La Haye)[9].

Jugements

« Cependant ces petits maîtres amenuisèrent leurs images à l'anecdote amusante de promeneurs, de patineurs, d'un repas de paysans. Conteurs et indifférents à l'unité d'impression, ils ne résistèrent pas à la joie d'une tache vive, un vermillon qui étonne parmi les gris et les blancs. Ils n'ont surtout jamais fait qu'un paysage indéfiniment répété, Arentsz des pêcheurs dans les polders, Avercamp le patinage. »

 Robert Genaille, La peinture hollandaise, Éditions Pierre Tisné, Paris, 1956, p. 26

Notes et références

  1. La vie en Hollande au XVIIe siècle, introductions de Paul Zumthor, Musée des arts décoratifs, Paris, 1967, np., notice no 84
  2. (en) Painting in The Little Ice Age, p. 139 de A cultural history of climate de Wolfgang Behringer, édition illustrée, Éditeur Polity, 2009, (ISBN 0745645291 et 9780745645292)
  3. Patineurs sur une église gelée près d'une église, reproduit dans La Gazette Drouot, 21 octobre 2011, p. 137
  4. Bernard Lamblin, Peinture et temps, Librairie Méridiens-Klincksieck, 1983, p. 372
  5. op. cit. p. 372
  6. op. cit. p. 602
  7. op. cit. p. 610
  8. Hegel, Esthétique, traduction S. Jankélévitch, troisième volume, collection Champs, Flammarion, Paris, 1979, p. 314. Raymond Queneau reprend l'expression pour titre de l'un de ses romans publiée en 1952
  9. Manessier, textes de Bernard Ceysson, Jean-Marie Lhôte et Christine Manessier, La Renaissance du Livre, Tournai, 2000, p. 22 (ISBN 2804604217)

Annexes

Bibliographie

 : source utilisée pour la rédaction de cet article

  • Robert Genaille, La peinture hollandaise, Éditions Pierre Tisné, Paris, 1956.
  • La vie en Hollande au XVIIe siècle, Exposition organisée par l'Institut néerlandais, introductions de Paul Zumthor, Musée des arts décoratifs, Paris, 1967, np
  • Bernard Lamblin, Peinture et temps, Librairie Méridiens-Klincksieck, Paris, 1983 (ISBN 2-8594-4072-0 et 2-8656-3053-6); (2e édition, 1987) (ISBN 2-8656-3132-X)).
  • en Peter C. Sutton, Masters of 17th-Century Dutch Landscape Painting, textes de Peter C. Sutton, Simon Schama et Alain Chong, Rijsksmuseum, Amsterdam - Museum of Fine Arts, Boston - Philadelphia Museum of Art, 1987, 564 p (ISBN 0-87846-282-1).
  • en Ariane van Suchtelen, (avec les contributions de Frederik Duparc, Peter van der Ploeg et Epco Runia), The Holland Frozen in Time, The Dutch Winter Landscape in the Golden Age, catalogue de l'exposition Holland Frozen in Time, Snow and Ice in the Maurithuis, -, Maurithuis, La Haye.

Articles connexes

Liens externes

  • Jean Van Goyen, Patineurs devant un château médiéval, 1637, 42 × 57 cm, Musée du Louvre
  • Jean van Goyen, Hiver, 1625, 44 × 44,5 cm, Rijksmuseum, Amsterdam
  • Essias van de Velde, Paysage d'hiver, 1623, 25,9 × 30, 4 cm, National Gallery, Londres
  • Jan van de Capelle, Scène d'hiver, 1652/3, 51,5 × 67,4 cm, Rijksmuseum, Amsterdam
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