Panspermie

La panspermie est une hypothèse, apparue au cours de l'Antiquité, selon laquelle l'origine des organismes vivants sur Terre serait une « contamination » extraterrestre.

Illustration de la panspermie.

Il s'agirait de transferts d'organismes vivants microscopiques ou de molécules constituantes de la matière organique (tel le ribose) à travers l'espace, grâce aux comètes par exemple. Les hypothèses sont nombreuses : les transferts peuvent se faire entre planètes voisines ou au contraire sur de grandes distances, ils peuvent être délibérés ou parfaitement naturels.

La panspermie pourrait aussi être utilisée par l'humanité pour coloniser d'autres planètes ou pour aider la vie à s'épanouir, mais des questions éthiques se posent alors.

Cependant, si cette hypothèse est séduisante, elle ne reste qu'une hypothèse spéculative sans preuve tangible pour l'étayer[1], malgré la découverte d'organismes potentiellement capables de survivre au voyage à travers l'espace. L'expérience de Miller-Urey de Stanley Miller (soupe primitive) tend à réfuter cette théorie. Aujourd'hui l'hypothèse principale de l'origine de la vie terrestre est qu'elle serait apparue sur Terre.

Histoire

Le terme « panspermie », de l'ancien grec panspermia (πανσπερμία), pan (πᾶν) tout et sperma (σπέρμα) la graine, apparait pour la première fois au Ve siècle av. J.-C. dans les écrits d'Anaxagore[2], mais est contesté par les hypothèses d'Aristote et tombe dans l'oubli.

Le terme réapparait au XIXe siècle, avec le chimiste suédois Jöns Jacob Berzelius en 1834[3], le botaniste prussien Hermann E. Richter en 1865[4], le physicien britannique Lord Kelvin en 1871[5] et le scientifique prussien Hermann von Helmholtz en 1879[6].

En 1903, le chimiste suédois Svante August Arrhenius formule la première description théorique de la panspermie[7].

Les hypothèses de panspermie ont été reprises par Donald Barber en 1963, puis par Francis Crick et Leslie Orgel dans les années 1970 (panspermie dirigée)[8].

En 1974, l'astronome Fred Hoyle, grand défenseur de la panspermie qu'il relie à sa théorie de l'état stationnaire, et son élève Chandra Wickramasinghe relancent le débat et déclarent que certaines maladies sur Terre seraient d'origine extraterrestre (pathospermie)[9],[10].

En 1996, Brig Klyce a proposé la version Cosmic Ancestry, une combinaison de la panspermie de Hoyle avec l'Hypothèse Gaïa de James Lovelock[11].

En , Stephen Hawking a déclaré[12] :
« Life could spread from planet to planet or from stellar system to stellar system, carried on meteors »
« La vie pourrait se propager d'une planète à une autre ou d'un système stellaire à un autre, portée par des météores »

Entre 2008 et 2015, au cours d'une série d’expériences en astrobiologie (EXPOSE (en)), une large variété de biomolécules et de micro-organismes ont été exposés, pendant un an et demi, au vide de l'espace et aux radiations solaires à l’extérieur de la Station spatiale internationale ; certains organismes ont survécu très longtemps dans ces conditions difficiles[13].

Mécanismes

La panspermie n'est pas une hypothèse unique, plusieurs variantes ont vu le jour au fil du temps :

Lithopanspermie

Il peut être tentant de voir des formes fossiles (corpuscules carbonés de contour sphérique ou de filaments bactériens) dans ces deux grains de la météorite de Murchison mais une telle interprétation est sujette à des risques majeurs d'artéfacts.

La lithopanspermie est le transfert d'organismes vivants, dans des roches, d'une planète à une autre de façon naturelle[14],[15].

Bien qu'il n'y ait aucune preuve de lithopanspermie dans le système solaire, différentes avancées technologiques ont permis de tester les différentes phases d'un tel transfert (l'éjection planétaire, la survie pendant le transfert et l'entrée atmosphérique) et de constater que certains organismes vivants présentent un niveau de résistance hors du commun[16].

L'étude de plusieurs météorites, notamment celle de Murchison, a livré une riche moisson de molécules organiques diverses, notamment des porphyrines, des bases puriques et pyrimidiques qui interviennent dans la composition des acides nucléiques de l'ADN. La météorite de Murchinson contient pas moins de 74 types d'acides aminés dont 8 communs dans les protéines (glycine, alanine, valine, leucine, isoleucine, proline, acides aspartique et glutamique), la plupart étant incontestablement d'origine extraterrestre puisque seuls 20 acides aminés rentrent dans la composition des protéines du vivant. Elle a également révélé la présence de diamino-acides, ce qui suggère la formation prébiotique de structures polypeptidiques, briques des protéines[17].

À plusieurs reprises, des chercheurs annoncent avoir observé des formes microfossiles indigènes (de type cyanobactérie) dans des météorites (par exemple les fossiles CI1 de la météorite d'Orgueil, d' Alais, d'Ivuna, de Tonk et de Revelstoke), mais leurs interprétations sont infirmées par des études ultérieures qui montrent que ces observations correspondent à des artéfacts instrumentaux, minéralogiques ou organiques[18].

Panspermie dirigée

La panspermie dirigée concerne le transport délibéré de micro-organismes dans l'espace, envoyés sur Terre pour démarrer la vie, ou envoyés depuis la Terre pour coloniser de nouveaux systèmes planétaires[8].

Plusieurs publications depuis 1979 ont émis l'idée que si une signature distinctive était découverte, implantée délibérément, dans le génome ou le code génétique des êtres vivants sur Terre, cela prouverait l'existence de la panspermie dirigée[19]. En 2013, une équipe de physiciens a déclaré avoir découvert des traces d'une telle signature[20], mais leur découverte a rapidement été réfutée[21].

Les agences spatiales ont même intégré des procédures de protection planétaire pour réduire le risque de contamination d'autres planètes au cours de missions spatiales[22],[23].

La panspermie dirigée a déjà été proposée pour étendre et sécuriser la vie dans l'espace[24],[25].

Pseudo-panspermie

La pseudo-panspermie (parfois appelée panspermie douce, panspermie moléculaire ou quasi-panspermie) estime que les molécules naturelles nécessaires pour la vie proviennent de l'espace et ont été incorporées dans la nébuleuse solaire à partir de laquelle s'est formé le système solaire, avant d’être redistribuées plus tard aux planètes (abiogenèse)[26].

Transpermie

La transpermie est le transfert d'organismes vivant uniquement entre planètes voisines, comme entre Mars et la Terre.

Pathospermie

Chandra Wickramasinghe à l'Université de Buckingham en 2012.

Fred Hoyle et Chandra Wickramasinghe ont spéculé que plusieurs épidémies sur Terre sont d'origine extraterrestre, notamment la grippe de 1918, certaines épidémies de polio et de maladies de la vache folle. Pour la pandémie de 1918, ils ont émis l'hypothèse que la poussière des comètes avait apporté le virus sur Terre à plusieurs endroits simultanément, une vue presque universellement rejetée par les experts de cette pandémie. Hoyle a également émis l'hypothèse que le VIH provenait de l'espace[27].

Après la mort de Hoyle, The Lancet publia une tribune libre de Wickramasinghe et de deux de ses collègues[28] dans laquelle ils émettaient l'hypothèse que le virus responsable de l'épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en Chine pourrait être extraterrestre et ne proviendrait pas des poulets. The Lancet a par la suite publié trois réponses à cette lettre, montrant que l'hypothèse n'était pas fondée sur des preuves et jetant le doute sur la qualité des expériences référencées par Wickramasinghe dans sa lettre[29],[30],[31],[27].

Panspermie accidentelle

Thomas Gold a suggéré en 1960 l'hypothèse que l'origine de la vie terrestre serait due à des déchets jetés sur Terre par des extraterrestres il y a très longtemps (Cosmic Garbage)[32].

Radiopanspermie

En 1903, Svante August Arrhenius a émis l'hypothèse que des formes de vie microscopiques peuvent être projetées dans l'espace sous l'effet de la pression de radiation des étoiles[33],[34]. Mais différentes études ont montré que les micro-organismes ne peuvent survivre longtemps dans l'espace sans la protection de roches suffisamment grosses[35],[36].

Organismes extrémophiles

Un organisme est dit extrémophile lorsque ses conditions de vie normales sont mortelles pour la plupart des autres organismes : températures proches ou supérieures à 100 °C (hyperthermophiles) ou inférieures à 0 °C (psychrophiles), pressions exceptionnelles (barophiles des grands fonds marins), milieux très chargés en sel (halophiles), milieux très acides (acidophiles) ou hyper-alcalins (alcalophiles), milieux radioactifs ou anoxiques (sans dioxygène) ou non-éclairés comme les endolithes.

Bien que les simulations suggèrent qu'une météorite pourrait mettre plusieurs dizaines de millions d'années avant d'entrer en collision avec une autre planète[37], il existe des bactéries terrestres viables et documentées, âgées de 40 millions d'années et très résistantes aux radiations[37],[38], d'autres capables de revenir à la vie après avoir dormi 25 millions d'années[39], ce qui suggère que les transferts de vie par lithopanspermie sont possibles avec des météorites de plus de m[37].

La découverte d'écosystèmes dans les profondeurs marines, les avancées en astrobiologie, en astronomie et la découverte de grandes variétés d’extrémophiles, ont ouvert une nouvelle voie en astrobiologie, en augmentant massivement le nombre possible d'habitats extraterrestres et la possibilité de transfert de vie microbienne sur de vastes distances[16].

Théorie du complot

Plusieurs théories occultes développent des argumentaires proches de la panspermie se basant, entre autres, sur l'interprétation de passages de la Genèse évoquant les Nephilims, géants issus, selon des évangiles apocryphes, de l'union d'anges descendus sur Terre et de femmes humaines. Pour certains occultistes, ces passages seraient une interprétation erronée du passage sur Terre de formes de vie extraterrestres qui auraient pu transmettre une partie de leur savoir, voire de leur ADN, à l'humanité afin de l'améliorer.

Parmi d'autres défenseurs de cette théorie, Jaz Coleman, compositeur et occultiste, y fait régulièrement référence dans ses textes et en entrevue, ou encore Raël, gourou de la secte raélienne, qui revendique avoir conçu le premier clone humain et prône l'accueil des extraterrestres par l'humanité. Ces idées se retrouvent également dans la théorie des anciens astronautes.

Influences

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Pierre-Yves Bely, Carol Christian, Jean-René Roy, 250 réponses à vos questions sur l'astronomie, Éditions du Gerfaut, , p. 196
  2. (en) Margaret O'Leary, Anaxagoras and the Origin of Panspermia Theory, iUniverse publishing Group, , 72 p. (ISBN 978-0-595-49596-2)
  3. (en) « Analysis of the Alais meteorite and implications about life in other worlds », Liebigs annelen der chemie annelen der Pharmacie,
  4. (en) Lynn J Rothschild et Adrian M Lister, Evolution on Planet Earth : The Impact of the Physical Environment, Amsterdam/Boston, Academic Press, , 438 p. (ISBN 978-0-12-598655-7)
  5. (en) William Thomson (Lord Kelvin), « Inaugural Address to the British Association Edinburgh. "We must regard it as probably to the highest degree that there are countless seed-bearing meteoritic stones moving through space." », Nature, vol. 4, no 92, , p. 261-278 (DOI 10.1038/004261a0, Bibcode 1871Natur...4..261.)
  6. (en) « The word: Panspermia », New Scientist, no 2541, (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Svante Arrhenius, Worlds in the Making : The Evolution of the Universe, New York, Harper & Row, (lire en ligne)
  8. (en) F.H. Crick et L.E. Orgel, « Directed Panspermia », Icarus, vol. 19, no 3, , p. 341-348 (DOI 10.1016/0019-1035(73)90110-3, Bibcode 1973Icar...19..341C)
  9. (en) Fred Hoyle, Chandra Wickramasinghe et John Watkins, Viruses from Space, University College Cardiff Press, , 118 p. (ISBN 978-0-906449-93-6)
  10. Laurent Sacco, « Panspermie : y a-t-il de la vie sur la comète Tchouri », sur Futura sciences, (consulté le )
  11. (en) Brig Klyce, « Introduction: More Than Panspermia »
  12. Rheyanne Weaver, « Ruminations on other worlds » [archive], statepress.com,
  13. (en) Charles S Cockell, « Exposure of phototrophs to 548 days in low Earth orbit: microbial selection pressures in outer space and on early earth », The ISME Journal, vol. 5, no 10, , p. 1671–1682 (PMID 21593797, PMCID 3176519, DOI 10.1038/ismej.2011.46)
  14. « Lithopanspermie : la vie serait-elle apparue sur Terre grâce à la lente arrivée de météoroïdes ? », (consulté le )
  15. (en-US) « Harvard study suggests asteroids might play key role in spreading life », sur Harvard Gazette, (consulté le )
  16. (en) Karen Olsson-Francis et Charles S. Cockell, « Experimental methods for studying microbial survival in extraterrestrial environments », Journal of Microbiological Methods, vol. 80, no 1, , p. 1–13 (PMID 19854226, DOI 10.1016/j.mimet.2009.10.004)
  17. (en) Uwe J. Meierhenrich, Guillermo M. Muñoz Caro, Jan Hendrik Bredehöft, Elmar K. Jessberger & Wolfram H.-P. Thiemann, « Identification of diamino acids in the Murchison meteorite », PNAS, vol. 101, no 25, , p. 9182-9186 (DOI 0.1073/pnas.0403043101).
  18. (en) W.E. Krumbein, D.M. Paterson, G.A. Zavarzin, Fossil and Recent Biofilms : A Natural History of Life on Earth, Springer Science & Business Media, , p. 431.
  19. Dennis Overbye, « Human DNA, the Ultimate Spot for Secret Messages (Are Some There Now?) »,
  20. Maxim Makukov, « Claim to have identified extraterrestrial signal in the universal genetic code thereby confirming directed panspermia », The New Reddit Journal of Science,
  21. PZ Myers, « The Genetic Code is not a synonym for the Bible Code », sur Freethoughtblogs.com, Pharyngula
  22. « Studies Focus On Spacecraft Sterilization » (version du 2 mai 2006 sur l'Internet Archive)
  23. « Dry heat sterilisation process to high temperatures » (version du 1 février 2012 sur l'Internet Archive)
  24. (en) Michael N. Mautner, « DIRECTED PANSPERMIA. 3. STRATEGIES AND MOTIVATION FOR SEEDING STAR-FORMING CLOUDS », Journal of The British Interplanetary Society, vol. 50, , p. 93-102 (lire en ligne, consulté le )
  25. (en) Claudius Gros, « Developing ecospheres on transiently habitable planets: the genesis project », Astrophysics and Space Science, vol. 361, no 10, (ISSN 0004-640X et 1572-946X, DOI 10.1007/s10509-016-2911-0, lire en ligne, consulté le )
  26. (en) Brig Klyce, The Search for Extraterrestrial Intelligence (SETI) in the Optical Spectrum III, vol. 4273, Ragbir Bhathal, , 11 p. (DOI 10.1117/12.435366, Bibcode 2001SPIE.4273...11K), « Panspermia asks new questions »
  27. (en) Joseph Patrick Byrne, Encyclopedia of Pestilence, Pandemics, and Plagues (entry), ABC-CLIO, , 454–55 p. (ISBN 978-0-313-34102-1, lire en ligne), « Panspermia »
  28. C Wickramasinghe, M Wainwright et J Narlikar, « SARS—a clue to its origins? », The Lancet, vol. 361, no 9371, , p. 1832 (PMID 12781581, DOI 10.1016/S0140-6736(03)13440-X)
  29. E Willerslev, AJ Hansen, Rønn, R et OJ Nielsen, « Panspermia – true or false? », The Lancet, vol. 362, no 9381, , p. 406 (PMID 12907025, DOI 10.1016/S0140-6736(03)14039-1)
  30. PM Bhargava, « Panspermia – true or false? », The Lancet, vol. 362, no 9381, , p. 407 (PMID 12907028, DOI 10.1016/S0140-6736(03)14041-X)
  31. S Ponce de Leon et A Lazcano, « Panspermia – true or false? », The Lancet, vol. 362, no 9381, , p. 406–7 (PMID 12907026, DOI 10.1016/s0140-6736(03)14040-8)
  32. Gold, T. "Cosmic Garbage", Air Force and Space Digest, 65 (May 1960)
  33. (de) « "Die Verbreitung des Lebens im Weltenraum" (the "Distribution of Life in Space") », Die Umschau,
  34. (en) Wayne L Nicholson, « Ancient micronauts: interplanetary transport of microbes by cosmic impacts », Trends in Microbiology, vol. 17, no 6, , p. 243-250 (PMID 19464895, DOI 10.1016/j.tim.2009.03.004)
  35. (en) C Mileikowsky, F. A. Cucinotta, J.W. Wilson, B Gladman, G Horneck, L Lindegren, J Melosh, H Rickman, M Valtonen et J. Q. Zheng, « Natural Transfer of Microbes in space, part I: from Mars to Earth and Earth to Mars », Icarus, vol. 145, no 2, , p. 391-427 (PMID 11543506, DOI 10.1006/icar.1999.6317)
  36. (en) G Horneck, P Rettberg, G Reitz, J Wehner, U Eschweiler, K Strauch, C Panitz, V Starke et C Baumstark-Khan, « Protection of Bacterial Spores in Space, a Contribution to the Discussion on Panspermia », Origins of life and evolution of the biosphere : the journal of the International Society for the Study of the Origin of Life, vol. 31, no 6, , p. 527-47 (PMID 11770260, Bibcode 2002ESASP.518..105R)
  37. (en) Edward Belbruno, Amaya Moro-Martı´n, Renu Malhotra et Dmitry Savransky, « Chaotic Exchange of Solid Material between Planetary », Astrobiology, vol. 12, no 8, , p. 754–74 (PMID 22897115, PMCID 3440031, DOI 10.1089/ast.2012.0825, Bibcode 2012AsBio..12..754B, arXiv 1205.1059)
  38. « Impacts 'more likely' to have spread life from Earth », BBC,
  39. (en) Digital Center for Microbial Ecology, « Bacterium revived from 25 million year sleep »
  • Portail origine et évolution du vivant
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.