Panem et circenses

Panem et circenses, littéralement « Pain et jeux du cirque », souvent traduit par « Du pain et des jeux », est une expression latine utilisée dans la Rome antique.

Origine

L'expression est tirée de la Satire X du poète latin Juvénal, qui lui donne un sens péjoratif[1]. Elle dénonce la distribution de pain et l'organisation de jeux du cirque par les empereurs romains dans le but de s'attirer la bienveillance de l'opinion (politique d'évergétisme)[2].

Aujourd'hui, elle est employée pour signifier la relation qui peut s'établir entre :

  • une population qui se laisse aller, se contente de se nourrir et de se divertir sans se soucier d'enjeux plus exigeants ni du destin collectif ;
  • un pouvoir qui exploite cette tendance par la promotion de programmes court-termistes.

Signification dans une perspective plus large

Dans une perspective plus large, la réflexion de Fiodor Dostoïevski sur le thème de la manipulation des peuples est détaillée dans « la parabole du Grand Inquisiteur ».

Dans ce récit tiré du roman Les Frères Karamazov, le « Grand Inquisiteur » défend la thèse selon laquelle il convient de faire « efficacement » le bonheur du peuple. Pour ces partisans de « l'efficacité » sociale, il convient non pas d'assurer la liberté au peuple en espérant qu'il puisse s'en servir, mais au contraire de faire avancer vers le bonheur un troupeau grégaire et passif, sous la houlette de « pasteurs » seuls capables de jugement et sachant conduire les foules par l'emploi intelligent du « mystère », du « miracle » ou de « l'autorité ».

Cette idée est également exprimée par Renan, mais sous forme de crainte, dans ses Dialogues philosophiques.

Cependant, l'image du sport utilisé comme un puissant moyen de dépolitisation des masses et d'aliénation de la population doit être nuancée car ces jeux du cirque qui attirent beaucoup de monde peuvent être source de trouble public et de manifestation politique envers leur organisateur[3]. Marshall McLuhan fait remarquer dans son essai Message et massage que la télévision ne présente pas cet inconvénient.

Par ailleurs, le démocrate Zbigniew Brzezinski, membre de la commission trilatérale et ex-conseiller du président des États-Unis Jimmy Carter, a proposé le concept voisin de « tittytainment »[4] qui désigne un sous-système soutenu voire mis en œuvre pour inhiber la critique politique chez les laissés-pour-compte du libéralisme et du mondialisme. Il passe notamment par l’omniprésence de divertissements abrutissants et une satisfaction suffisante des besoins primaires humains[5],[6].

Fiction

Dans Astérix gladiateur, l'expression figure au fronton de la tribune réservée à Jules César[7]. L'effet comique réside dans l'utilisation de l'expression  : dans le monde réel, cette expression utilisée par Juvénal critiquait les jeux du cirque. L'usage de citations latines chargées d'un sens historique fort (comme Toi aussi, mon fils !) dans des circonstances anodines est l'un des codes caractéristiques de la série.

L'expression est utilisée dans les livres Hunger Games, de Suzanne Collins. Elle inspire le nom du pays où se déroule l'histoire : Panem, lieu où le Capitole (État le plus riche de Panem), dirige les autres États appelés Districts de la même façon qu'un empire latin (voir premier titre). L'expression « Panem et circenses » est d'ailleurs expliquée dans le troisième livre comme étant le mode de fonctionnement du Capitole, qui regorge de nourriture (produite dans les districts), et qui est euphorique face aux Hunger Games, sorte de Jeux du cirque télévisés.

On retrouve aussi cette phrase dans Quo vadis ?[8], dans le chapitre : Chant de Néron, quand Pétrone dit aux citoyens qu'il y aura des jeux et du pain qui seront donnés à tous les habitants.

Notes et références

  1. Juvénal (Satires, X, 81)
  2. Paul Veyne, « Panem et circenses : l'évergétisme devant les sciences humaines », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 24, no 3, , p. 785-825
  3. Hervé Inglebert, Histoire de la civilisation romaine, Presses Universitaires de France, , p. 65
  4. Jean-Claude Michéa L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, éd. Climats, 1999, p. 41, citant le livre de Hans Peter Martin et Harald Schumann, Le Piège de la mondialisation. L’agression contre la démocratie et la prospérité, Actes Sud, 1998.
  5. Hans-Peter Martin et Harald Schumann, Le piège de la mondialisation, Solin Actes Sud, , 12 p.
  6. Jean-Claude Michéa, L'enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, Climats, , 42 p.
  7. « Accueil », sur Astérix - Le site officiel (consulté le ).
  8. Henryk Sienkiewicz, Quo vadis?, Rome, Livre poche

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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