Pachalik de Tombouctou

Le pachalik de Tombouctou ou pachalik du Soudan[2] est le territoire situé autour des villes de Tombouctou et de Gao, au Mali, qui devint une province marocaine après son annexion en 1591 et qui demeura gouverné par les Marocains et leurs descendants jusqu'au début du XIXe siècle, avec une interruption de 4 mois lors de l'occupation de Tombouctou par les Touaregs en 1737.

Pachalik de Tombouctou

15911727/1826

Carte montrant les limites de l'Empire songhaï au XVIe siècle (en orange)[1] et la localisation du pachalik de Tombouctou (en jaune).
Informations générales
Statut Pachalik vassal du Maroc de 1591 à 1727 ;
nominalement vassal du Maroc, de facto indépendant à partir de 1727.
Capitale Tombouctou
Histoire et événements
1591 Conquête marocaine
1727 Indépendance de facto
1737 Bataille de Toya – début de la prééminence des Touaregs
1787-1826 Perte progressive du pouvoir par les Arma au profit des Touaregs
1833 Rattachement du pachalik à l'empire du Macina

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Histoire

Campagnes du Maroc contre l'Empire songhaï

À la fin du XVIe siècle, les rois saadiens, forts de la réunification du Maroc et de leur victoire à la bataille des Trois Rois, mais ayant des besoins financiers importants, désirent contrôler les pistes sahariennes et les mines d'or et de sel qui dépendent de l'Empire songhaï. Face à un Askia Ishaq II récalcitrant à céder les mines de Teghazza, les Saadiens décident de diriger leur extension territoriale vers le sud et de les annexer[3]. Ainsi, en 1577, les forces marocaines atteignirent Teghazza et obtiennent des Songhaïs l'exploitation des salines. En 1582, une expédition mal préparée échoue devant Tombouctou.

Le , une force commandée par Yuder Pacha atteint le Niger, entre Bamba et Bourem, et y est battue, perdant la moitié de son effectif. Le reste de l'armée se dirige alors vers Gao, la capitale de l'Empire songhaï.

Les deux armées se confrontent le lors de la bataille de Tondibi, à 50 km au nord de Gao, et les Songhaïs sont mis en déroute par les Marocains[4], équipés d'armes à feu.

L'établissement du pachalik se fait par la destruction complète du pouvoir politique songhaï. Ishak II est alors forcé à quitter le pays pour s'établir en pays Gourmantché, où il trouvera la mort. Dans le Dendi, les dernières poches de la résistance songhaï menée par le successeur d'Ishak II, Muhammad-Gao, sont vaincues entre 1592 à 1594[5]. Une fois l'opposition militaire songhaï éliminée, l'élite lettrée est à son tour éliminée en tant que force politique : des dizaines de oulémas sont massacrés ou exilés comme le célèbre Ahmed Baba[5]. Les pachas échouent toutefois devant Djenné[5], qui n'est conquise qu'en 1599.

Relâchement du contrôle marocain

Dans les faits, le contrôle effectif de l'État chérifien se relâche vite sur le « pachalik » (équivalent à une province) nouvellement conquis. La suzeraineté marocaine ne devient que nominale au début du XVIIe siècle, à la suite de la période d'anarchie qui précède la chute des Saadiens ainsi qu'en raison de son éloignement géographique des centres politiques saadiens[6].

Le pouvoir passe alors aux mains d'un pacha de facto indépendant, lequel fait cependant allégeance au sultan du Maroc[7],[8]. Un dernier contingent de 400 hommes traverse le désert en 1618[9]. Les militaires marocains, installés dans la région, se fondent dans la population songhaï donnant naissance au peuple Arma, nouvelle classe dirigeante locale de langue songhaï[6].

L'allégeance des Armas, bien que purement nominale et symbolique, est renouvelée à la suite de l'avènement de la dynastie alaouite[10],[11]. Le changement de dynastie accentue cependant la tendance au relâchement des liens et la domination marocaine demeure nominale seulement, la politique des Alaouites étant davantage orientée vers la Mauritanie que vers le Soudan nigérien[12]. Les sultans de cette dynastie s’intéressant moins aux territoires subsahariens que les Saadiens, les dignitaires ne sont plus nommés et les renforts militaires ne sont plus envoyés[6].

Bien que le sultan alaouite Moulay Ismail installe une garnison à Taoudeni et reçoit l'allégeance des Armas en 1687, ce dernier est surtout intéressé par le trafic des esclaves noirs destinés à grossir sa garde personnelle [13].

Facteurs d'instabilité et de division

Dès le début du XVIIe siècle, le pachalik est en proie aux dissensions des Armas. Les divisions entre les différents groupes d'Arma pour l’attribution des caïdats et du titre de pacha minent le pachalik et les caïds contestent ouvertement l'autorité du pacha et en deviennent progressivement de plus en plus indépendants[14]. Le pachalik se fragmente alors en plusieurs unités autonomes autour des principales villes-garnisons telles que Gao et Djenné, tandis que le pacha ne contrôle, dans les faits, que Tombouctou et ses environs.

L'autorité des Armas dans la vallée du Niger reste forte mais elle apparaît dès lors comme fragmentée en cités-États, tandis que plusieurs groupes touarègues, en provenance de l'Adagh, s'installent dans la vallée du Niger, tels les Kel Tadamakkats dans les environs de Tombouctou et les Iwellemmedans dans les environs de Gao[15]. Les Iwellemmedans occupent même Gao en 1682 avant d'en être chassés par le caïd Mansour ben Mezaoud[16]. Le pacha de Tombouctou arrive dans un premier temps à leur imposer sa suzeraineté, mais cela ne fait que consacrer leur installation sur les rives du fleuve[16].

Période de tutelle touarègue

À la fin du XVIIe siècle, la région connaît un équilibre des forces en présence ; les Iwellemedans imposent leur protection à divers groupes peuls, maures et touaregs, tandis que le pacha et ses caïds  lesquels ont acquis une grande autonomie  contrôlent les villes[17].

Cet équilibre est mis à mal au début du XVIIIe siècle, lorsque les Kel Tadamakkats fédèrent autour d'eux de plus en plus de forces en présence, faisant pencher l'équilibre politique en faveur des Touaregs. Les tensions et les confrontations entre les forces en présence (Touaregs, Armas, Peuls…) mènent à une perte progressive du pouvoir des Armas au profit des Touaregs, toutefois sans le perdre complètement. On constate une imbrication et une superposition de pouvoirs ; les Touaregs imposent leur supériorité sur les autres groupes mais demeurent désunis, tandis que les Armas maintiennent des rapports tributaires en leur faveur avec les Songhaïs[18].

En 1688, le Pacha Mansour Ben Mesa'oud finit par battre les Touaregs à Gao et libère la ville de leur joug[13].

Déclin et disparition du pachalik

Entre la fin du XVIIIe siècle, marquée par des luttes incessantes entre les Touaregs, les Armas et les peuples de la vallée du Niger[19], et dès le début du XIXe siècle, les Armas s'affaiblissent progressivement au profit des Touaregs et l'influence marocaine se relâche totalement[réf. nécessaire]. L'établissement de l'empire du Macina par les Peuls, qui conquiert la boucle du Niger, entre la fin du premier quart et le début du deuxième quart du XIXe siècle, marque la fin définitive du pachalik[7].

Chronologie

Organisation

Annexes

Articles connexes

Articles Wikipédia en anglais

Références

  1. « L'expansion maximale des empires soudanais », carte élaborée par Roberto Gimeno (Sc. Po., 2007), d’après Ki Zerbo, Histoire de l'Afrique noire, Hatier, 1978 – (consultable sur ladocumentationfrancaise.fr).
  2. Bernard Lugan, « Tombouctou, la cité mystérieuse », sur clio.fr.
  3. Davoine 2003, p. 36.
  4. Davoine 2003, p. 37.
  5. L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle, UNESCO, (ISBN 978-92-3-201711-6, lire en ligne), p. 345
  6. Baudais 2016, p. 60.
  7. J. Boulegue, « Chute de l'Empire songhay », Encyclopædia Universalis en ligne.
  8. Levtzion 1975, p. 155.
  9. Henry Marchat, « La frontière saharienne du Maroc », Politique étrangère, vol. 22, no 6, , p. 637–657 (DOI 10.3406/polit.1957.2463, lire en ligne, consulté le )
  10. Levtzion 1975, p. 156.
  11. Abitbol 1992, p. 315.
  12. Tangi 1998, p. 113.
  13. Alpha Oumar Konaré, Adam Konaré Ba, Grandes dates du Mali, Imprimeries du Mali (1983), p. 40
  14. Grémont 2010, p. 85.
  15. Grémont 2010, p. 66.
  16. Larose 1931, p. 23.
  17. Grémont 2010, p. 228.
  18. C. Grémont, « Comment les Touaregs ont perdu le fleuve : éclairage sur les pratiques et les représentations foncières dans le cercle de Gao (Mali), XIXe-XXe siècles », dans Marie-Christine Cormier Salem, D. Juhé-Beaulaton, Jean Boutrais et B. Roussel (éds.), Patrimoines naturels au Sud : territoires, identités et stratégies locales, IRD, MNHN, coll. « Colloques et séminaires », (ISBN 2-7099-1560-X, lire en ligne), p. 243.
  19. Grémont 2010, p. 213-290.
  20. Abitbol 1992, p. 306.
  21. Abitbol 1992, p. 307.
  22. Ogot 1992, p. 315.
  23. Levtzion 1975, p. 168.
  24. Levtzion 1975, p. 169.
  25. Levtzion 1975, p. 170.
  26. Rosenberger 1982, p. 836.

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) E. N. Saad, Social History of Timbuktu : The Role of Muslim Scholars and Notables 1400-1900, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-13630-3 et 0-521-13630-X, présentation en ligne).
  • (en) J. D. Fage et R. A. Oliver, The Cambridge history of Africa, vol. 4 : c.1600-c.1790, Cambridge/London/New York etc, Cambridge University Press, , 738 p. (ISBN 0-521-20413-5 et 9780521204132, présentation en ligne).
  • (en) N. Levtzion, « Chap. III - North-West Africa: from the Maghrib to the fringes of the forest », dans The Cambridge history of Africa. Volume 4 c.1600-c.1790, , p. 142-222. 
    • The pashalik of Timbuktu, pp. 152-158,
    • Timbuktu, Jenne and Massina under the Arma, pp. 158-164,
    • The Arma, Songhay and Tuareg, pp. 165-171,
    • The Bambara states, pp. 171-182.
  • C. Grémont, Les Touaregs Iwellemmedan, 1647-1896 : un ensemble politique de la boucle du Niger, Paris, Karthala, , 551 p. (ISBN 978-2-8111-0397-2 et 2-8111-0397-X, présentation en ligne). 
    • Chap. III - Karidenna, ancêtre historique et figure emblématique (1647-1713), pp. 149-212,
    • Chap. IV - Les Iwellemmedan au XVIIIe siècle : émergence d'une entité politique, pp. 213-290.
  • M. Abitbol, Tombouctou et les Arma : de la conquête marocaine du Soudan nigérien en 1591 à l'hégémonie de l'Empire peul du Macina en 1833, Paris, Maisonneuve et Larose, , 295 p. (ISBN 2-7068-0770-9).
  • B. Rosenberger, « Michel Abitbol, Tombouctou et les Arma. De la conquête marocaine du Soudan nigérien en 1591 à l'hégémonie de l'Empire Peulh du Macina en 1833 » (compte rendu), Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 37, no 4, , p. 833-836 (lire en ligne). 
  • (en) B. A. Ogot (dir.), General history of Africa, vol. V : Africa from the sixteenth to the eighteenth century, UNESCO, (ISBN 92-3-101711-X et 9789231017117, présentation en ligne). 
    • (en) M. Abitbol, « Chap. XI - The end of the Songhay empire », dans General history of Africa. Volume V, Africa from the sixteenth to the eighteenth century, UNESCO, , p. 300-326. 
  • R. Davoine, Tombouctou : fascination et malédiction d'une ville mythique, Paris, L'Harmattan, (ISBN 978-2-7475-3939-5, présentation en ligne). 
  • Virginie Baudais, Les trajectoires de l'Etat au Mali, L'Harmattan, , 576 p. (ISBN 978-2-343-08020-8, présentation en ligne). 
  • E. Larose, Bulletin du Comité de'études historiques et scientifiques de l'Afrique occidentale française, French West Africa. Comité d'études historiques et scientifiques, (lire en ligne).
  • Majda Tangi, Contribution à l'étude de l'histoire des « Sudan » au Maroc du début de l'islamisation jusqu'au début du XVIIIe siècle, Presses universitaires du Septentrion, , 479 p. (ISBN 978-2-284-00349-6, lire en ligne).
  • L'Afrique du XVIe au XVIIIe siècle, UNESCO, (ISBN 978-92-3-201711-6, lire en ligne)
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