Ordre national de la Légion d'honneur

L’ordre national de la Légion d'honneur est l'institution qui, sous l'égide du grand chancelier et du grand maître, est chargée de décerner la plus haute décoration honorifique française. Instituée le par Bonaparte, alors Premier consul de la République, elle récompense depuis ses origines les militaires comme les civils ayant rendu des « services éminents » à la Nation.

Pour les articles homonymes, voir Légion.

« Légion d'honneur » redirige ici. Pour les autres significations, voir Légion d'honneur (homonymie).

Ordre national de la Légion d'honneur
Croix de chevalier de la Légion d'honneur.
Conditions
Décerné par France
Type Ordre honorifique civil et militaire
Décerné pour Conduite civile irréprochable et méritante ou faits de guerre exceptionnels après enquête officielle.
À titre militaire :
– officiers : une citation ou blessure de guerre
– sous-officiers : médaille militaire 14-18 ou/et 39-45 et trois citations ou blessures de guerre
Éligibilité Militaires ou civils
Détails
Statut Toujours décerné
Devise « Honneur et patrie »
Grades Du plus bas au plus haut :

Chevalier


Officier


Commandeur


Grand officier


Grand-croix
Grand maître Président de la République française
Statistiques
Création par Napoléon Bonaparte
Première attribution
Membres Au  :
Chevaliers : 74 834
Officiers : 17 032
Commandeurs : 3 009
Grands officiers : 314
Grands-croix : 67
Ordre de préséance

Barrette de chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur.
Décret du 29 floréal an X () portant création de la Légion d'honneur.
Première remise de décorations de la Légion d'honneur par le Premier consul Bonaparte, le , d'après le peintre Jean-Baptiste Debret.
Remise de la décoration de la Légion d'honneur au camp de Boulogne à Charles Étienne Pierre Motte (1785-1836), le , d'après Victor-Jean Adam (1801-1866).

En 2016, il existait 93 000 récipiendaires vivants[1], et environ un million de personnes avaient été décorées de l’ordre depuis sa création[2].

Histoire

Romaine par son nom (inspirée par la Legio honoratorum conscripta de l'Antiquité)[3], par son symbolisme (les aigles) et son organisation (seize cohortes pour la France), la Légion d'honneur infléchit la tradition des ordres d'Ancien Régime en étant ouverte à tous, et non plus seulement aux officiers[alpha 1]. Alors que certains, comme le ministre de la Guerre Berthier[4], y voient une atteinte au principe de l'égalité civique et considèrent les décorations comme des hochets de la monarchie, Bonaparte justifie cette institution en conseil d'État : « Je vous défie de me montrer une république, ancienne ou moderne, qui sût se faire sans distinctions. Vous les appelez les hochets, eh bien c'est avec des hochets que l'on mène les hommes. »[5]

La Révolution française avait en effet aboli toutes les décorations de l'Ancien Régime. L'Assemblée constituante avait créé la décoration militaire, bientôt elle aussi supprimée. Sous la Convention, les généraux avaient pris pour habitude d'attribuer des armes d'honneur (fusil d'honneur, sabre d'honneur ou encore tambour d'honneur) pour récompenser les actes de bravoure.

Le projet de loi[alpha 2] est discuté devant le Conseil d'État à partir du 14 floréal an X () : Bonaparte y intervient personnellement et pèse de tout son poids pour soutenir la nécessité de distinctions, pour repousser la création d'un ordre strictement militaire et pour réfuter les accusations de retour à l'Ancien Régime. Le projet est adopté par 14 voix contre 10. Saisi du projet le , le Tribunat, qui avait nommé Lucien Bonaparte rapporteur, l'approuve par 56 voix contre 38, malgré l'opposition jacobine qui craint la restauration d'une nouvelle aristocratie et une entorse au principe révolutionnaire d'égalité. Lucien Bonaparte, Pierre-Louis Roederer, Auguste-Frédéric-Louis Viesse de Marmont et Mathieu Dumas défendent tant et si bien le texte de loi qu'il est adopté le 29 floréal an X (), par le Corps législatif[alpha 3]. La loi est signée et scellée par le Premier consul le 9 prairial an X ()[6]. Le premier grand chancelier nommé le est un civil (qui restera le seul civil à cette fonction), Bernard-Germain de Lacépède.

Les insignes sont fixés par décret le 22 messidor an XII () : une étoile d'argent pour les légionnaires, une étoile d'or pour les autres grades. Par bien des aspects, ces insignes rappellent visuellement ceux de l'ordre de Saint-Louis, créé par Louis XIV pour honorer les officiers et supprimé en 1792 : le ruban rouge, les branches en croix de Malte pommetées et émaillées de blanc de l'étoile, qui supporte un médaillon central doré à la bordure émaillée de bleu.

Les premières nominations sont publiées en fructidor an XI (). Quatre grades sont créés : « légionnaire », « officier », « commandant » et « grand officier ». Le 26 messidor an XII ()[7] a lieu en la chapelle des Invalides la toute première remise de Légion d'honneur par Napoléon Bonaparte aux officiers méritants au cours d'une fastueuse cérémonie officielle, la première de l'Empire. La remise des insignes se fait selon un appel alphabétique des récipiendaires (tous des civils)[réf. nécessaire], signe de respect par le nouveau régime du principe révolutionnaire d'égalité[8]. Napoléon décore pour la première fois[réf. nécessaire] des militaires lors de la deuxième cérémonie au camp de Boulogne le . La Légion d'honneur s'adresse dès les origines aussi bien aux civils qu'aux militaires, on prête d'ailleurs à Napoléon la célèbre phrase : « Je veux décorer mes soldats et mes savants »[9].

Un décret du 10 pluviôse an XIII () ajoute la Grande Décoration dont les titulaires seront par la suite nommés « grand aigle », puis « grand cordon » (ordonnance du ) et enfin « grand'croix » (ordonnance du ). À cette date, les appellations sont modifiées comme suit : les légionnaires deviennent des « chevaliers », les commandants des « commandeurs »[10].

L'association des mérites militaires et civils (la répartition actuelle est environ : deux tiers – un tiers), permet à l'ordre de survivre à tous les régimes jusqu'à aujourd'hui, où on dénombre plus de 93 000 légionnaires (en 2017), ce qui correspond actuellement à environ 3 500 citoyens décorés par an (650 militaires d'active, 650 militaires à titre d'anciens combattants, et 2 200 civils)[9].

Le général de corps d'armée Jean Vallette d'Osia (décoré en 1917 à l'âge de 19 ans) est celui qui a appartenu à l'ordre le plus longtemps, 82 ans : il a été décoré du grand cordon en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing.

Le plus jeune décoré à titre militaire de toute l'histoire de la Légion d'honneur a été Sosthène III de La Rochefoucauld (1897-1970), duc de Doudeauville, à 18 ans.

En 1981, le général d'armée Alain de Boissieu, grand chancelier de la Légion d'honneur depuis 1975, démissionne pour ne pas avoir à remettre, comme cela est la tradition pour tout président élu, le collier de grand maître de l'ordre à François Mitterrand, parce que ce dernier avait par le passé traité Charles de Gaulle de « dictateur »[11],[12].

Depuis les années 2010, l'institution incite les décorés à s'investir dans la société en finançant des projets d'entraide. Cette initiative de l'ordre est pilotée par la Société des Membres de la Légion d'honneur, qui compte 52 000 membres, sur les 92 500 décorés vivants[13].

En 1996, la présidence de la République a instauré une politique de rajeunissement des nominations et des promotions dans la Légion d'honneur et dont le but était « d'anticiper la construction d'un parcours de décoration rationnel permettant, pour les plus méritants, l'accès à une dignité ». Ainsi, un quart du contingent pour le grade de chevalier et un cinquième du contingent pour le grade d'officier pouvaient être proposés sans passer par le grade équivalent dans l'ordre national du Mérite.

En novembre 2017, le président de la République Emmanuel Macron se prononce pour la revalorisation de la Légion d'honneur, estimant que « le mérite doit être désormais le seul et unique critère retenu[14] ». Pour cela, il compte limiter le nombre de décorations remises. À cette fin, aucune promotion n'est effectuée à Pâques en 2018. Hors promotion spéciale, ne demeurent que la promotion du et celle du [15]. Ce nouveau calendrier des promotions civiles est entériné par le décret no 2018-1007 du [16].

Organisation

Code de la Légion d'honneur

L'ordre de la Légion d'honneur, institué par la loi du 29 floréal an X () prise en application de l'article 87 de la Constitution du 22 frimaire an VIII ()[alpha 4], est une communauté constituée de tous ses membres, dotée d'un nom, d'un sceau, d'un statut[alpha 5], d'un patrimoine, et d'une personnalité juridique de droit public.

Il est régi par le Code de la Légion d'honneur, de la médaille militaire et de l'ordre national du Mérite, issu de la refonte et des réformes profondes voulues par le général de Gaulle en 1962.

Sa devise est « Honneur et Patrie ».

Grades et dignités

L'ordre comprend trois grades : chevalier, officier et commandeur ainsi que deux dignités : grand officier et grand-croix. On est :

  • « nommé au grade de chevalier » ;
  • puis « promu au grade d'officier » ;
  • puis « promu au grade de commandeur » ;
  • puis « élevé à la dignité de grand officier » ;
  • puis « élevé à la dignité de grand-croix »[17].

La grande chancellerie est située à Paris dans le 7e arrondissement, dans l'hôtel de Salm, appelé aujourd'hui palais de la Légion d'honneur. Ce palais abrite aussi le musée de la Légion d'honneur.

Grand maître

Grand collier de la Légion d'honneur.

Le président de la République (ou jadis, selon les régimes, le premier consul, l'empereur, ou le roi) est le grand maître de l'ordre[18]. La dignité de grand-croix lui est conférée de plein droit[19]. Le président de la République, lors de la cérémonie de son investiture, est reconnu comme grand maître de l'ordre par le grand chancelier qui lui remet le grand collier en prononçant les paroles suivantes : « Monsieur le président de la République, nous vous reconnaissons comme grand maître de l'ordre national de la Légion d'honneur[20] ».

Liste des grands maîtres de la Légion d'honneur
Rang Grand maître[21] Période
1er Napoléon Bonaparte
(puis sous son nom d'empereur)
Napoléon Ier
- et -
2e Louis XVIII [22] -
3e Charles X -
4e Louis-Philippe Ier -
5e Louis-Napoléon Bonaparte
(puis sous son nom d'empereur)
Napoléon III
-
6e Adolphe Thiers [23] -
7e Patrice de Mac Mahon -
8e Jules Grévy -
9e Sadi Carnot -
10e Jean Casimir-Perier -
11e Félix Faure -
12e Émile Loubet -
13e Armand Fallières -
14e Raymond Poincaré -
15e Paul Deschanel -
16e Alexandre Millerand -
17e Gaston Doumergue -
18e Paul Doumer -
19e Albert Lebrun -
20e Philippe Pétain -
21e Charles de Gaulle -
22e Félix Gouin -
23e Georges Bidault -
24e Vincent Auriol -
25e René Coty -
26e Charles de Gaulle -
27e Georges Pompidou -
28e Valéry Giscard d'Estaing -
29e François Mitterrand -
30e Jacques Chirac -
31e Nicolas Sarkozy -
32e François Hollande -
33e Emmanuel Macron -

Grand chancelier

Le général Benoît Puga, grand chancelier de la Légion d’honneur.

Sous l'autorité du grand maître et suivant ses instructions, le grand chancelier dirige les travaux du conseil de l'ordre et ceux des services administratifs. Il relève directement du président de la République, grand maître de l'ordre, qui peut l'appeler pour être entendu par le Conseil des ministres quand les intérêts de l'ordre y sont évoqués[24].

Le grand chancelier est nommé par le président de la République, en Conseil des ministres[alpha 6] ; il est choisi parmi les grands-croix[alpha 7] de l'ordre. Il demeure en charge pour une période de six ans, sauf s'il est mis fin plus tôt à ses fonctions. Cette période est renouvelable[25]. Depuis Lacépède, la plupart des chanceliers furent des militaires. Les responsabilités du grand chancelier sont assez étendues : il a la charge de tous les problèmes liés aux décorations en France. C'est notamment le grand chancelier qui accorde les autorisations de port des décorations étrangères. Il est également chancelier de l'ordre national du Mérite et est autorité d'attribution et de sanction de la médaille militaire.

Conseil de l'ordre de la Légion d'honneur

Le conseil de l'ordre, réuni sous la présidence du grand chancelier, délibère sur les questions relatives au statut et au budget de l'ordre, aux nominations ou promotions dans la hiérarchie et à la discipline des membres de l'ordre et des bénéficiaires de distinctions de l'ordre[26]. Le conseil, présidé par le grand chancelier, comprend :

  • quatorze membres choisis parmi les dignitaires et commandeurs de l'ordre ;
  • un membre choisi parmi les officiers ;
  • un membre choisi parmi les chevaliers[27].

Ces membres sont choisis par le grand maître, sur proposition du grand chancelier. Ils sont nommés par décret[28]. Le conseil est renouvelé par moitié tous les deux ans ; les membres sortants peuvent être nommés à nouveau[29].

Nomination et promotion

Arrêté ministériel décernant la croix de chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur à un lieutenant « mort pour la France », en 1915.

L'admission et l'avancement dans l'ordre sont prononcés dans la limite de contingents fixés par décret du président de la République pour une période de trois ans[30].

Conditions

Les conditions générales pour accéder à l'ordre « à titre normal » sont les suivantes :

  1. nul ne peut être reçu dans la Légion d'honneur s'il n'est Français[31] ;
  2. l'accès à la Légion d'honneur se fait par le grade de chevalier[32] ;
  3. pour être admis au grade de chevalier, il faut justifier de services publics ou d'activités professionnelles d'une durée minimum de vingt années, assortis dans l'un et l'autre cas de mérites éminents[33] ;
  4. ne peuvent être promus aux grades d'officier ou de commandeur que les chevaliers et les officiers comptant au minimum respectivement huit et cinq ans dans leur grade et justifiant de titres de la qualité requise acquis postérieurement à l'accession audit grade[34] ;
  5. sous réserve de l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 17, ne peuvent être élevés à la dignité de grand officier ou de grand-croix que les commandeurs et les grands officiers comptant au minimum respectivement trois ans dans leur grade ou dignité et justifiant de titres de la qualité requise acquis postérieurement à l'accession audit grade ou à la première dignité.

À titre exceptionnel, en temps de guerre, les actions d'éclat et les blessures graves peuvent dispenser des deux dernières conditions pour l'admission ou l'avancement dans la Légion d'honneur[35]. Le Premier ministre est autorisé par délégation du grand maître à nommer ou à promouvoir dans l'ordre, dans un délai d'un an, les personnes tuées ou blessées dans l'accomplissement de leur devoir et qui sont reconnues dignes de recevoir cette distinction[36].

Depuis un décret de [37], des nominations, promotions ou élévations directes aux grades d'officier et de commandeur ainsi qu'à la dignité de grand officier peuvent intervenir, afin de récompenser des carrières hors du commun, tant par leur durée que par l'éminence des services rendus. En , Simone Veil[38] a été la première à bénéficier de cette disposition en étant directement élevée à la dignité de grand officier[39]. La nomination directe à un grade supérieur à celui de chevalier est également possible lorsqu'il s'agit d'honorer une personnalité étrangère : c'est alors en fonction du rang protocolaire des récipiendaires (ainsi le prince Albert de Monaco a-t-il été directement élevé à la dignité de grand officier de l'ordre en 1984)[réf. nécessaire].

Depuis ce même décret, « la dignité de grand officier appartient de plein droit aux anciens Premiers ministres qui ont exercé leurs fonctions durant deux années au moins ».

L'attribution est presque automatique pour les anciens ministres, les préfets honoraires, les anciens députés ou sénateurs (les ministres et parlementaires en activité sont exclus du champ sauf pour faits de guerre), les anciens hauts magistrats et ambassadeurs. L'obtention d'une médaille d'or aux Jeux olympiques fait l'objet d'une promotion spéciale. Les forces armées obtiennent environ un tiers des places et les autres professions bien représentées sont les policiers, les pompiers, les élus, les hauts fonctionnaires, les avocats, et les représentants des cultes.

La troisième génération successive de titulaires de la Légion d'honneur pouvait bénéficier de la noblesse héréditaire, comme pour l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. Cette disposition, tombée en désuétude sous la IIIe République et abolie en 1962 lors de la parution du code de la Légion d'honneur, provenait de l'ordonnance royale du [40] qui dispose que : « lorsque l'aïeul, le fils et le petit-fils auront été successivement membres de la Légion d'honneur et auront obtenu des lettres patentes, le petit-fils sera noble de droit et transmettra sa noblesse à toute sa descendance ».

Modalités

Les ministres adressent leurs propositions au grand chancelier en préparation des différentes promotions : les deux promotions civiles du 1er janvier et du 14 juillet à l'occasion de la fête nationale, et les deux promotions à titre militaire du 1er juillet et du 1er novembre. Le Premier ministre, auquel il est rendu compte de ces propositions par chaque ministre, adresse directement au grand chancelier les avis et observations qu'elles appellent éventuellement de sa part[41]. Depuis 2008, une procédure d'« initiative citoyenne » permet à tout citoyen de proposer une personne qu'il estime méritante pour une première nomination dans la Légion d'honneur ou dans l'ordre national du Mérite. Si cette proposition est soutenue par 52 personnes dont l'initiateur dans le même département, elle est examinée par le préfet et, s'il juge la proposition justifiée, la transmet au ministre de tutelle ainsi qu'au grand chancelier[42].

La parité homme-femme est strictement appliquée depuis 2008.

Les propositions sont communiquées par le grand chancelier au conseil de l'ordre qui vérifie si les nominations ou promotions sont faites en conformité des lois, décrets et règlements en vigueur et se prononce sur la recevabilité des propositions en les appréciant d'après les critères fixés ci-dessus et en conformité des principes fondamentaux de l'ordre[43]. Le conseil rejette environ 15 % des propositions (pour diverses raisons : mérites insuffisants, délais non respectés, intervalles entre deux décorations insuffisants, antécédents judiciaires, problèmes fiscaux)[9].

Les nominations ou promotions sont officialisées par un décret du président de la République, visé pour son exécution par le grand chancelier et contresigné par le Premier ministre et, le cas échéant, par le ministre compétent[44]. Lorsqu'ils concernent les nominations directes, les nominations et promotions à titre exceptionnel, les promotions au grade de commandeur et aux dignités de grand officier et de grand-croix, ces décrets sont pris en conseil des ministres[45].

L'admission et l'avancement dans l'ordre sont prononcés dans la limite de contingents fixés par décret du président de la République pour une période de trois ans. Ces contingents sont répartis entre le président et les différents ministres qui adressent leurs propositions au grand chancelier.

L'admission dans l'ordre (chevalier) comportait, à sa création, une rente annuelle (importante pour l'époque, notamment pour la plupart des soldats décorés d'origine modeste, quand n'existaient pas alors les actuels régimes sociaux de retraite et où les rentes militaires versées aux anciens soldats d'une armée beaucoup plus nombreuse étaient minimes) insaisissable de 250 francs or[alpha 8]. En 2017, cette rente annuelle, réservée aux décorations attribuées à titre militaire[46], est beaucoup plus symbolique et ne s'élève plus qu'à[47] :

  • chevalier : 6,10  ;
  • officier : 9,15  ;
  • commandeur : 12,20  ;
  • grand officier : 24,39  ;
  • grand-croix : 36,59 .

En juillet 2016, un rapport du Sénat[48] propose de supprimer ces rentes symboliques, mettant en avant que les coûts de traitement (entre 650 000 et 800 000 ) sont aussi élevés que les montants effectivement distribués (720 000 ).

Réception dans l'ordre et brevet de nomination

La qualité de membre de l'ordre prend effet après la réception[49], et dure toute la vie[50] ; elle n'est pas transmissible aux descendants.

Les grands-croix et les grands officiers (parfois aussi les commandeurs, des personnalités souvent artistiques et de nationalité étrangère lors de leur séjour en France) reçoivent leurs insignes des mains du président de la République. Toutefois, en cas d'empêchement, le grand chancelier ou un dignitaire ayant au moins le même rang dans l'ordre est délégué pour procéder à ces réceptions[51].

Le grand chancelier désigne, pour procéder à la réception des commandeurs, officiers et chevaliers, un membre de l'ordre d'un grade au moins égal à celui du récipiendaire[52].

Par dérogation, le Premier ministre et les ministres en fonctions, ainsi que dans les six mois après la fin de leurs fonctions peuvent procéder aux réceptions dans tous les grades et dignités de l'ordre par délégation du président de la République. Les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil constitutionnel et du Conseil économique, social et environnemental jouissent des mêmes prérogatives pendant leurs fonctions. Les ambassadeurs en poste dans un pays étranger peuvent également procéder aux réceptions, de même que les préfets et représentants de l'État dans chaque collectivité d'outre-mer[53].

La réception dans l'ordre de la Légion d'honneur est attestée par un brevet (ou diplôme) nominatif, adressé au récipiendaire par la grande chancellerie[54]. L'établissement du brevet est soumis à des droits de chancellerie dépendant du grade ou de la dignité[55]. Depuis septembre 2016, ces droits s'élèvent à 50  pour un chevalier, 75  pour un officier, 100  pour un commandeur, 150  pour un grand officier et 200  pour un grand-croix[56]. Pour procéder à la remise officielle de la décoration, le récipiendaire doit préalablement s'acquitter du paiement de droits de chancellerie dont le montant est fixé par décret au Journal officiel.

Ce n'est qu'après cette formalité administrative que la décoration peut officiellement être remise à l'occasion d'une cérémonie militaire ou civile. À l'issue de la cérémonie de remise d'insigne, le récipiendaire et le délégué remplissent le procès-verbal de la journée, le signent et le datent. Ce n'est qu'à la réception de ce document que l'intéressé est officiellement admis dans l'Ordre et que son brevet lui est expédié. Le fond et la forme de ce brevet a beaucoup évolué au cours des différents régimes qui se sont succédé depuis le Premier Empire, chacun y apposant sa touche personnelle, symbole du pouvoir en place[54].

La prise de rang (nomination ou promotion officielle) dans l'ordre national de la Légion d'honneur, ainsi que dans l'ordre national du Mérite, peut donc être effective plusieurs mois, voire plusieurs années après la publication du décret de nomination ou de promotion au Journal officiel, contrairement à la Médaille militaire et aux quatre ordres ministériels (Palmes académiques, Mérite agricole, Mérite maritime et Arts et Lettres) pour lesquels la nomination ou la promotion sont acquises au jour de la signature du décret ou de l'arrêté par le président ou le ministre concerné.

Attribution aux étrangers

Les étrangers qui se sont signalés par les services qu'ils ont rendus à la France ou aux causes qu'elle soutient peuvent recevoir les insignes correspondant à une distinction de la Légion d'honneur. Ils ne sont pas pour autant reçus membres de l'ordre[57]. Ces attributions, parfois controversées, sont accompagnées d'un certificat d'attribution de décoration, dont le modèle diffère des brevets de nomination. Contrairement à ces derniers, ils ne sont pas signés par le Grand chancelier mais seulement par le Grand Maître (Président de la République) et possèdent une rédaction qui leur est propre[54].

La distinction est aussi attribuée (hors contingent) à des chefs d'État (lors de la visite d'État), Premiers ministres, membres de gouvernement, ambassadeurs, hommes d'affaires ou artistes étrangers lors de leur venue en France, et à quiconque a servi les intérêts de la France[9]. Par exemple, le , le président de la République Jacques Chirac a remis l'insigne à des anciens combattants américains de la Première Guerre mondiale. Ainsi une polémique a éclaté concernant la décoration en 2006 de Vladimir Poutine, président de la Fédération russe (2000-2008), comme grand-croix de la Légion d'honneur. Également, le , François Hollande a remis l'insigne aux trois Américains et au Britannique qui s'étaient saisis du terroriste de l'attentat du train Thalys le 21 août 2015 pour le désarmer.

Le code de la Légion d'honneur précise que pour l'attribution des médailles « aux chefs d'État étrangers, à leurs collaborateurs ainsi qu'aux membres du corps diplomatique », l'avis de la grande chancellerie et du conseil de l'ordre ne sont pas sollicités[58]. Après 2010 et la jurisprudence « Noriega », du nom du président panaméen Manuel Noriega, le code de la Légion d'honneur est modifié par décret et il devient possible de retirer la décoration aux étrangers[59].

Il est difficile de connaître précisément la liste des étrangers décorés, car selon la grande chancellerie et la Commission d'accès aux documents administratifs, « Les décrets d'attribution de la Légion d'honneur aux étrangers ne sont pas communicables et les procédures disciplinaires sont confidentielles »[58].

Contingents

Pour les ressortissants français, les contingents de croix de l'ordre national de la Légion d'honneur pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, sont fixés à 2 365 croix par le décret 2021-240 du 3 mars 2021[60], soit :

À titre civil
  • 1 155 chevaliers
  • 150 officiers
  • 35 commandeurs
  • 7 grands officiers
  • 3 grands-croix

Total 1 350 croix.

À titre militaire
  • 775 chevaliers
  • 196 officiers
  • 36 commandeurs
  • 5 grands officiers
  • 3 grands-croix

Total 1 015 croix.

Pour les ressortissants étrangers, le contingent de croix de l'ordre national de la Légion d'honneur pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, est fixé à 285 croix par le décret 2021-241 du 3 mars 2021[61], soit :

  • 180 chevaliers
  • 75 officiers
  • 25 commandeurs
  • 3 grands officiers
  • 2 grands-croix

Total 285 croix.

Le nombre total de croix pour l'ensemble des ressortissants français et étrangers pour la période 2021-2023 est donc fixé par ces deux décrets à 2 650 croix.

Insigne

Description

Le dernier prince de Condé, par Delaval, portant la grand-croix du modèle de la Monarchie de Juillet. Musée Condé de Chantilly.

L'insigne, dont le dessin s'inspire de la croix de l'ordre du Saint-Esprit, est une étoile à cinq rayons doubles émaillés de blanc, les dix pointes boutonnées. L'étoile et les boutons sont en argent pour les chevaliers, en vermeil pour les officiers. Les rayons sont reliés par une couronne, d'argent ou de vermeil suivant le grade, émaillée de vert et composée de feuilles de chêne (à droite) et de laurier (à gauche) et dont les extrémités inférieures, entrecroisées, sont attachées par un nœud. Le centre de l'étoile présente un médaillon en or avec une tête de Cérès de profil, symbolisant la République (de Napoléon Ier sous les deux empires, d'Henri IV sous la Restauration et la monarchie de Juillet et de Bonaparte, Consul, sous la Deuxième République), entourée d'un cercle bleu, portant les mots : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (sic). L'étoile est suspendue à une couronne de feuilles (couronne impériale sous les deux empires et royale sous la Restauration et la monarchie de Juillet), d'argent ou de vermeil suivant le grade, émaillée de vert et composée de feuilles de chêne (cette fois-ci à gauche) et de laurier (cette fois-ci à droite). Au revers, le médaillon d'or[alpha 9] porte deux drapeaux tricolores avec l'inscription HONNEUR ET PATRIE (devise inchangée depuis la création de l'ordre) en exergue ainsi que la date de création de l'ordre : 29 FLORÉAL AN X (sic).

L'insigne est suspendu à un ruban rouge, hérité de l'ordre militaire de Saint-Louis. Il comporte une rosette pour les officiers. La dimension de l'insigne en vermeil des commandeurs, suspendu à une cravate, est de moitié plus grande que celle des deux premiers grades. La cravate de commandeur se porte toujours seule autour du cou (ce qui n'est pas le cas des autres cravates de commandeurs français : Mérite national, maritime, agricole, etc., qui peuvent être portés ensemble). Les grands officiers portent la croix d'officier accompagnée d'une plaque (vulgairement appelée « crachat ») sur le côté droit de la poitrine. Les grands-croix portent la même plaque, mais en vermeil, sur le côté gauche de la poitrine. Leur croix de vermeil, presque du double de celle des deux premiers grades, se porte en écharpe, suspendue à un large ruban rouge qui passe sur l'épaule droite.

En tenue civile, les chevaliers portent au revers de veste (boutonnière) un ruban rouge (nœud pour la version femme) en fil cousu ou monté sur une agrafe métallique, les officiers une rosette rouge, les commandeurs une rosette rouge sur demi-nœud en argent, les grands officiers une rosette rouge sur demi-nœud moitié argent moitié or, et les grands-croix une rosette rouge sur demi-nœud en or. Le demi-nœud est familièrement appelé « canapé ».

Pendantes

Insigne de chevalier de la Légion d'honneur Insigne d'officier de la Légion d'honneur Insigne de commandeur de la Légion d'honneur Plaque de grand officier de la Légion d'honneur Plaque, écharpe et bijou de grand-croix de la Légion d'honneur dans leur écrin

Barrettes

Barrettes de rappel portées sur les uniformes
Chevalier
Officier
Commandeur
Grand officier
Grand-croix

Récipiendaires de la Légion d'honneur

Nombre de membres de la Légion d'honneur

En 1962, on compte 320 000 décorés vivants[9] : le général de Gaulle réforme la même année le code pour en fixer le nombre maximum à 125 000. Selon le code de la Légion d'honneur actuel, le nombre maximum de « légionnaires » est fixé à :

  • chevaliers : 113 425 ;
  • officiers : 10 000 ;
  • commandeurs : 1 250 ;
  • grands officiers : 250 ;
  • grands-croix : 75.

Au [62], il y a : 74 384 chevaliers, 17 032 officiers, 3 009 commandeurs, 314 grands officiers et 67 grands-croix.

Au , l'ordre comprend 93 000 légionnaires, tous grades confondus.

Féminisation de l'ordre

L'ordre est très majoritairement masculin. Depuis 2008, le conseil de l'ordre veille à la parité en décorant autant de femmes que d'hommes[9].

Plusieurs sources ont affirmé que telle ou telle personne était « la première femme à » recevoir la légion d'honneur. Déjà en 1865, un chroniqueur qui attribuait cette place à Rosa Bonheur se vit répondre par les lecteurs qu'il faisait erreur, plusieurs d'entre eux citant par exemple Jeanne-Marie Rendu alias Sœur Rosalie, décorée en 1848, un autre évoquant « la chevalière Bayard », nommée selon lui dix ans plus tôt à titre civil, pour les soins prodigués à des victimes du choléra[63].

Les récipiendaires souvent nommées comme « premières femmes » dans chacun des grades ou dignités sont :

  • nommée au grade de chevalier à titre militaire : Marie-Angélique Duchemin veuve Brûlon en 1851  ;
  • Française nommée au grade de chevalier, à titre civil dans le monde de la couture et de l'entreprise : Jeanne Paquin en 1913 ;
  • non Française nommée au grade de chevalier : Louise Catherine Breslau en 1901 ;
  • promue au grade d'officier : Rosa Bonheur en 1894[64] ;
  • promue au grade de commandeur : Anna de Noailles en 1931 ;
  • élevée à la dignité de grand officier : Inès de Bourgoing - épouse du maréchal Lyautey - pour son engagement dans le domaine de la santé et social, le 22 janvier 1953[65],[66] ;
  • élevée à la dignité de grand-croix : même si l'attribution de la grand-croix de la Légion d'honneur par Napoléon III à la reine Victoria avant 1870 est probable, la première femme officiellement élevée à la dignité de grand-croix a été la reine Emma des Pays-Bas en 1896 ;
  • Française élevée à la dignité de grand-croix : Geneviève de Gaulle-Anthonioz en 1997[67].

Institutions

La croix a été remise également à des régiments, des établissements d'enseignement du supérieur comme l'École nationale supérieure des mines de Paris[alpha 10], l'École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne[alpha 11], l'École centrale Paris[alpha 12], l'École nationale supérieure des télécommunications[alpha 13] (aujourd'hui « Télécom Paris »), l'École nationale des chartes[alpha 14], les Écoles nationales d'arts et métiers (aujourd'hui « Arts et Métiers ParisTech »), l'École nationale supérieure d'agronomie de Montpellier[69] (aujourd'hui « Montpellier SupAgro »), l'École nationale supérieure des mines de Douai[alpha 15], l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE-SUPAERO) ou encore l'université de Nancy  parfois même privés comme l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC)[alpha 16]. Les établissements de l'enseignement secondaire sont parfois aussi décorés : parmi eux, le lycée Lalande de Bourg-en-Bresse, l'école militaire préparatoire d'Autun, le lycée militaire d'Aix-en-Provence[alpha 17], ou le Prytanée national militaire de La Flèche), des communautés, des entreprises (dont la SNCF) et à une association (la Croix-Rouge française).

L'École coloniale d'agriculture de Tunis[70] est la seule école civile étrangère décorée de l'ordre par décret signé par Vincent Auriol, président de la République, à Paris le (J.O. du ), la Tunisie étant alors un État associé de l'Union française.

La préfecture de police de Paris a été décorée de la Légion d'honneur par le général de Gaulle le , à la suite de l'insurrection d'une petite partie de ses agents, le , dans la caserne de la Cité. C'est la raison pour laquelle ses agents en tenue d'honneur portent la cordelière[71] rouge, à l'épaule gauche, les jours de cérémonie.

Le village d'Ascq a reçu la légion d'honneur en 1952 en mémoire du massacre d'Ascq.

Unités militaires

La hampe du drapeau ou de l'étendard des unités ou formations suivantes, a été décorée de la Croix de la Légion d'honneur[alpha 18] :

La Légion d'honneur sous l'Empire

Charles Lock Eastlake, « Napoleon on the Bellerophon », 1816.
Il s'agit d'une des rares représentations de l'Empereur où celui-ci porte les décorations des trois ordres dont il est le grand-maître : Légion d'honneur, ordre de la Réunion et ordre de la Couronne de fer.

Trois générations

Une ordonnance du de Louis XVIII, reprenant une disposition prise en 1750 pour l'ordre de Saint-Louis et déjà remaniée pour la Légion d'honneur par décrets du et , prévoyait que, « lorsque l’aïeul, le fils et le petit-fils auront été successivement membres de la Légion d’honneur et auront obtenu des lettres patentes de chevalier après avoir prouvé un revenu net de trois mille francs, le petit-fils sera noble de droit et transmettra sa noblesse à toute sa descendance. »[74].

Ces dispositions ont été appliquées en dernier lieu par décret du 25 septembre 1874[75], avant que ne soit adopté l'amendement Wallon et que le président de la République ne décide par conséquent en conseil des ministres du 10 mai 1875 « qu'il y a lieu, en l'état de nos lois constitutionnelles, de laisser de côté les demandes ayant pour objet le relèvement ou la collation de titres français[76] ». Plus récemment, la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur a déclaré que « ne pourrait être qu'incompatible avec la Constitution [de 1958] toute interprétation autre, étant en particulier observé que le préambule et l'article 2 de l'actuelle loi suprême de la République font obstacle à ce que, même dans certains cas et sous certaines conditions, la seule naissance puisse conférer titres ou privilèges honorifiques particuliers en France[77]. »

Il n'existe qu'un cas connu de chevalier héréditaire en application à la fois des décrets impériaux de 1808 et 1810 et de l'ordonnance de 1814 (Flüry, décret du 25 septembre 1874), mais plusieurs cas de chevaliers héréditaires en application de l'une ou l'autre seulement de ces dispositions (Asselin de Williencourt, décret du 11 mars 1863 ; Jacquot, décret du 13 février 1864 ; Vésin, décret du 25 septembre 1874…)

Cas particuliers notables

Refus de la décoration

Refuser la Légion d'honneur implique d'avoir auparavant été nommé dans cet ordre (voir la rubrique « Nomination et promotion » ci-dessus). Chaque nomination fait l'objet d'une validation par le conseil de l'ordre de la Légion d'honneur, présidé par le grand chancelier (environ 15 % des dossiers, proposés par les ministres, y sont écartés), et d'un accord du président de la République, grand maître, avant d'être publiée sous forme de décret au Journal officiel de la République.

À la publication du Journal officiel, certaines personnes s'opposent à leur nomination dans la Légion d'honneur. Elles choisissent dans ce cas de ne pas s'en faire remettre les insignes (voir partie « Réception dans l'ordre ») et ne deviennent donc pas membre de la Légion d'honneur.

Retrait de la décoration

Les procédures disciplinaires concernant des légionnaires qui ont commis des actes contraires à l'honneur peuvent aboutir à trois peines : le blâme (appelé censure), la suspension (de durée variable 1 à 10 ans) et l'exclusion définitive de l'ordre[9]. L'exclusion de l'ordre peut intervenir comme sanction ultime en cas d'atteinte à l'honneur ou à la dignité, à la suite d'une procédure disciplinaire au cours de laquelle l'intéressé est appelé à faire valoir sa défense[78]. Cette exclusion, qui vaut retrait de la décoration, est en théorie automatique en cas de condamnation pour crime, ou à une peine d'emprisonnement ferme supérieure ou égale à un an[79],[80]. Ce fut le cas de Maurice Papon qui, bien que s'étant vu retirer cette décoration, a néanmoins tenu à être enterré avec elle[81]. Le policier Jean-Claude Labourdette a été également exclu de la Légion d'honneur après sa condamnation en 1994 pour un trafic d'armes au Liban[82]. Un arrêté du 17 mai 2019 exclut Claude Guéant de l'ordre de la Légion d'honneur à compter du 16 janvier 2019, date de sa condamnation définitive à un an de prison ferme[83]. Un arrêté du 26 juin 2021 exclut quant à lui Isabelle Balkany de l'ordre, à compter du 4 mars 2020, date de sa condamnation définitive à trois ans de prison ferme et dix ans d’inéligibilité pour fraude fiscale, prononcée par la cour d’appel de Paris[84].

Pour les récipiendaires étrangers, qui sont seulement décorés et ne sont pas membres de l'ordre, la seule sanction possible est le retrait de la décoration. Ce retrait fut prononcé en 2010 à l'encontre de l’ex-dictateur panaméen Manuel Noriega, condamné pour blanchiment d'argent, du styliste John Galliano en 2012, à la suite de sa condamnation en 2011 pour injures racistes et antisémites[85] ou encore du cycliste Lance Armstrong en 2014, qui avait reconnu s'être dopé, un « comportement contraire à l'honneur »[86]. En octobre 2017, la procédure de retrait de la décoration du producteur Harvey Weinstein pour « manquement à l'honneur » est engagée[87],[78]. En avril 2018, le gouvernement français engage la procédure de retrait de la Grand-Croix attribué à Bachar el-Assad[88] à la suite des attaques chimiques dans la zone rebelle de Ghouta[89]. Bachar el-Assad anticipe cette décision en rendant sa décoration via l'ambassade roumaine de Damas.

Nominations vivement critiquées

L'élévation du prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Nayef Al Saoud au grade de grand officier, par François Hollande a suscité de nombreuses réactions médiatiques[90] au 1er trimestre 2016, le prince étant accusé d'être à la tête d'un pays où la décapitation au sabre reste une pratique courante et dont la bonne foi concernant la lutte contre le terrorisme est fortement remise en cause[91]. Ces réactions médiatiques ont été plus vives encore à la suite du meurtre de Jamal Khashoggi.

Lundi , le président Macron élève le dictateur Abdel Fattah al-Sissi à la dignité de "grand-croix de la Légion d'honneur" en présence des médias égyptiens sans qu'aucun média français soit présent[92]. Dans les jours qui suivent, l'écrivain et journaliste italien Corrado Augias rend sa Légion d'honneur pour protester contre l'attribution de la décoration à un chef d'État complice de crimes atroces, tels l'enlèvement, la torture et l'assassinat par ses services de renseignement de l'étudiant italien Giulio Regeni. D'autres Italiens, Sergio Cofferati, ancien maire de Bologne, l'économiste Giovanna Melandri et la journaliste et écrivaine Luciana Castellina annoncent qu'ils rendent également leur Légion d'honneur.[93]

Trafics de décorations

En 1887, un scandale politico-financier célèbre en tant qu'affaire des décorations et impliquant le commerce frauduleux de la Légion d'honneur a ébranlé la Troisième République en contraignant le président Jules Grévy (républicain modéré) à démissionner de sa charge du fait de l'implication de son gendre, Daniel Wilson, dans ce trafic.

Un second trafic de décorations a été mis au jour, en 1926, cette fois mettant en cause Marcel Ruotte, sous-chef de bureau au ministère du Commerce[94],[95].

Fabricants historiques

Notes et références

Notes

  1. Dans l'Ancien Régime il y avait deux décorations importantes :
    1 : L'ordre militaire de Saint-Louis, créé par Louis XIV en
    2 : L'institution du Mérite militaire, créée par Louis XV en .
  2. La commission chargée de préparer le projet de loi fut présidée par Cambacérès.
  3. Par 166 voix contre 110.
  4. « Article 87 – Il sera décerné des récompenses nationales aux guerriers qui auront rendu des services éclatants en combattant pour la République. »
  5. Les 80 décrets, arrêtés pris depuis 1802 ont été fondus dans le décret no 62-1472 du pour former le « Code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire ».
  6. Article 13 de la Constitution.
  7. « Grand-croix » se met au pluriel  des grands-croix  lorsqu'il désigne les personnes ayant reçu la grand-croix ; celle-ci (la décoration) reste en revanche invariable (Le Petit Larousse, 2007). Le Petit Robert, éd. 1986 et le Wiktionnaire indiquent par contre que « grand-croix » reste invariable.
  8. Le franc-or ou franc germinal, disparaît avec l'entrée en guerre de la France en 1914 : l'inflation divise par cinq en termes de pouvoir d'achat cette rente dès 1925. À titre d'exemple comparatif, un ouvrier gagnait en 1913, la somme de 5 francs par jour en moyenne.
  9. Pour les étoiles datant de 1870, seule la face du médaillon est en or 18k ; le revers est en vermeil. Le poids total en or de ce médaillon est inférieur à un gramme.
  10. L'École nationale supérieure des mines de Paris a été décorée par le président de la République Albert Lebrun le .
  11. L'École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne a été décorée par le président de la République Albert Lebrun le .
  12. L'École centrale Paris a été décorée par le président de la République Gaston Doumergue le à l'occasion du centenaire de l'École.
  13. L'École nationale supérieure des télécommunications a été décorée par le président de la République Albert Lebrun le , pour les services essentiels rendus à la Nation[68].
  14. Décret du . Remise le par le président de la République Albert Lebrun.
  15. L'École nationale supérieure des mines de Douai a été décorée par Paul Ramadier le .
  16. Décoration remise par le président de la République Albert Lebrun le .
  17. Bulletin d'information sociale de la Défense, janvier 2008, p. 21, voir ce site, consulté le 28 février 2009.
  18. Ne pas confondre les unités militaires ayant reçu la fourragère à la couleur du ruban de la croix de la Légion d'honneur (unités citées à six, sept ou huit occasions à l'ordre de l'armée], avec les unités militaires ayant reçu la croix de la Légion d'honneur.
  19. La décoration a été remise le à la fois à l'École polytechnique (au centre du hall de laquelle est reproduite une croix de l'ordre de trois mètres de hauteur) et à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr par le président de la République, Raymond Poincaré, en présence du roi d'Angleterre George V et de la reine Mary, du ministre des Affaires étrangères britannique et de l'ambassadeur de Russie[72].

Références

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  2. Anne de Chefdebien et Bertrand Galimard Flavigny, La Légion d'honneur : un ordre au service de la Nation, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard - Culture et société », 2002 (ISBN 9782070765256), 4e de couverture.
  3. (en) Steven Englund, Napoleon: A Political Life, Scribner, 2004, p. 190.
  4. Historia, spécial no 9, Les citations célèbres, janvier 2013.
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  18. Code, art. R3.
  19. Code, art. R8.
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  22. Par ordonnance du 19 juillet 1814, le roi s'est déclaré, pour lui et ses successeurs, chef souverain et grand maître de cette institution.
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  28. Code, art. R12.
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  31. Code, art. R16.
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  35. Code, art. R25.
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  37. Décret no 2008-1202 du modifiant le code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, paru au Journal officiel du (texte 1).
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  39. « Simone Veil devient grand officier », France-Soir, (consulté le ).
  40. Site de l'association Les Honneurs Héréditaires.
  41. Code, art. R28.
  42. Lettre du président de la République au Premier ministre en date du relative aux ordres nationaux.
  43. Code, art. R31.
  44. Code, art. R33.
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  48. « Un sénateur veut en finir avec les traitements liés à la légion d'honneur et à la médaille militaire », sur lessor.org, L'Essor de la Gendarmerie nationale (consulté le ).
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  96. [PDF] « Les colliers de la Légion d'honneur », sur legiondhonneur.fr, musée de la Légion d'honneur, (consulté le ).

Voir aussi

Ouvrages

  • Léon Aucoc, La discipline de la Légion d'honneur et le contrôle des nominations, Paris, éditions Picard, , 49 p., in-8° (lire en ligne) — extrait du Compte rendu de l'Académie des sciences morales et politiques.
  • Léon Aucoc, La discipline de la Légion d'honneur, Paris, bureaux de la Revue politique et parlementaire, , 24 p., in-8° (lire en ligne) — extrait de la Revue politique et parlementaire, août 1895.
  • Frédéric de Berthier de Grandry, Des Premières écoles militaires aux lycées de la Défense, L'Éducation des enfants au sein de l'armée, préface de M. Gérard Larcher, président du Sénat, FBG, diffusion de l'association des AET, 2010.
  • Anne de Chefdebien, Laurence Wodey et Bertrand Galimard Flavigny, Ordres et décorations en France, Paris, musée national de la Légion d'honneur, , 168 p. (ISBN 978-2-901644-15-6 et 2-901644-15-5).
  • Olivier Ihl, Le Mérite et la République – Essai sur la société des émules, Gallimard, 2007.
  • [Code] République française, Code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire : décret initial no 62-1472 et suivants, Paris, JORF, (réimpr. ), 49 p. (ASIN B0014WGYQC, lire en ligne). 
  • Françoise Serodes, Expliquez-moi la Légion d'honneur, Paris, Nane, 2013.
  • Michel et Béatrice Wattel, Les Grand'Croix de la Légion d'honneur, Paris, Archives & Culture, 2009, 700 p.

Articles de presse

  • « Napoléon et la Légion d'honneur », La Phalère (revue européenne d'histoire des ordres et décorations), no 1, 2000, 341 p.
  • Laurent Jullien, « Les brevets de la Légion d'honneur, 200 ans d'histoire de France », Acomarin, no 233, .

Émission à la télévision

Émission à la radio

Jean Lebrun invitant Olivier Ihl, « La légion d'honneur », sur franceinter.fr, (consulté le ).

Articles connexes

Liens externes

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  • Armée et histoire militaire françaises
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