Opération Flavius

L' opération Flavius[1] (aussi appelée tueries de Gibraltar) est une opération militaire controversée du Special Air Service (SAS) britannique, lors de laquelle trois membres de l'armée républicaine irlandaise provisoire (IRA) sont tués à Gibraltar le . Les trois personnes en question, Seán Savage, Daniel McCann et Mairéad Farrell, sont soupçonnées de préparer une attaque à la bombe contre des membres des forces armées britanniques à Gibraltar. Les membres du SAS les interceptent devant une station essence, ouvrent le feu et les tuent. Il s'avère que les trois tués ne sont pas armés et on ne trouve pas de bombe dans leur véhicule. De ce fait, le gouvernement britannique est accusé d'assassinats. Toutefois, des clés trouvées sur le corps de Farrell s'avèrent être celles d'une voiture de location par la suite trouvée à Marbella (à 80 kilomètres de là), contenant soixante-quatre kilogrammes de Semtex et des détonateurs. Une enquête à Gibraltar conclut que le SAS a agi légalement, tandis que la cour européenne des droits de l'homme soutient que, bien qu'il n'y ait pas eu de conspiration d'assassinats, la planification et le contrôle de l'opération étaient défaillants et rendaient presque inévitable l'usage de moyens létaux. Ces trois morts sont les premières d'une série d'événements violents durant quatorze jours, dont l'attaque du cimetière de Milltown et des meurtres à Belfast.

À la fin de l'année 1987, les autorités britanniques savent que l'IRA planifie de faire exploser une bombe lors de la cérémonie de la relève de la garde à l'extérieur de la résidence du gouverneur du territoire britannique d'outre-mer de Gibraltar. Quand Savage, McCann et Farrell, qui sont des membres notoires de l'IRA, se rendent en Espagne pour préparer l'attentat, ils sont suivis à la demande du gouvernement britannique. Le jour de l'opération, Savage est vu en train de garer une Renault blanche, dans le parking utilisé pour la parade. McCann et Farrell sont aperçus peu après en train de passer la frontière.

Après qu'un démineur rapporte que la voiture de Savage doit être traitée comme une voiture piégée potentielle, la police transmet la gestion des opérations au SAS. Alors que les soldats se mettent en position pour intercepter les trois hommes, Savage se sépare de McCann et Farrell et se dirige vers le sud. Deux soldats le prennent en chasse tandis que deux autres s'approchent de McCann et Farrell. Ces derniers semblent alors avoir fait des gestes menaçants, provoquant l'ouverture du feu par les soldats. Les trois membres de l'IRA s'avèrent non armés et la voiture de Savage ne contient aucun explosif mais les clefs découvertes sur le corps de Farrell permettent aux enquêteurs de faire le lien avec une deuxième voiture trouvée en Espagne contenant des explosifs. Presque deux mois après l'opération, le documentaire Death on the Rock (« Mort sur le rocher ») est diffusé sur la télévision britannique. Il s'appuie sur des reconstitutions et des témoignages oculaires et estime que les trois membres de l'IRA ont pu être tués illégalement. Toutefois, ce documentaire est très controversé et plusieurs journaux britanniques le décrivent comme « un procès télévisuel ».

L'enquête sur cette opération commence en . Elle apprend des autorités britanniques et de Gibraltar que les hommes de l'IRA ont été suivis jusqu'à l'aéroport de Malaga, après quoi ils ne sont pas surveillés par la police espagnole. Les autorités les perdent de vue jusqu'à ce que Savage soit aperçu garant une voiture à Gibraltar. Tous les soldats témoignent qu'ils ont ouvert le feu car ils ont cru que les suspects étaient sur le point de saisir des armes ou un détonateur. Parmi les civils qui donnent des témoignages oculaires, ceux présents dans le documentaire Death on the Rock affirment que les membres du SAS ont tiré sans sommation sur les hommes de l'IRA qui avaient soit les mains en l'air, soit étaient sur le sol. Kenneth Asquez a affirmé dans le documentaire qu'il a vu un soldat tirer sur Savage à plusieurs reprises alors qu'il est au sol. Toutefois, il se rétracte au cours de l'enquête, indiquant avoir reçu des pressions pour donner la première version. Le , le jury rend son verdict et estime que l'opération est légale. Insatisfaites, les familles portent l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme. Celle-ci rend son jugement en 1995 et juge que l'opération est une violation de l'article 2 sur le droit à la vie de la Convention européenne des droits de l'homme car les autorités ne sont pas parvenues à arrêter les trois suspects à la frontière. En outre, les informations données aux soldats a rendu presque inévitable le recours à des méthodes létales. Cette décision est considérée comme une jurisprudence importante à propos de l'usage de la force par l'État, qui doit être soumis à un principe de nécessité et de proportionnalité très strict. En l'occurrence, la juridiction a estimé qu'il aurait été possible de procéder autrement sans attenter à la vie des individus[2].

Notes et références

  1. Flavius fait référence à Flavius Theodosius Augustus (Théodose Ier), un empereur romain né en Espagne.
  2. « Fiche thématique - Droit à la vie », Cour européenne des droits de l'homme (consulté le )

Bibliographie

  • (en) Nicholas Eckert, Fatal Encounter: The Story of the Gibraltar Killings, Dublin, Poolbeg, (ISBN 9781853718373)
  • (en) Maxine Williams, Murder on the Rock: How the British Government Got Away with Murder, Londres, Larkin Publications, (ISBN 0905400100).

Articles connexes

  • Portail de Gibraltar
  • Portail de l’histoire militaire
  • Portail du Royaume-Uni
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.